COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01581.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 21 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00345
ARRÊT DU 03 Avril 2012
APPELANTE :
Madame Chantal X...... 49240 AVRILLE
présente, assistée de Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
Maître Odile Y..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL NATURE ET COULEURS... 49002 ANGERS CEDEX 01
représentée par Maître Gilles PEDRON (SCP), avocat au barreau d'ANGERS
L'A. G. S.- C. G. E. A DE RENNES 4 Cours Raphaël Binet Imm. Le Magister 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Aurélien TOUZET (BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 03 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme Chantal X... a été engagée par la société Nature et couleurs en qualité de secrétaire comptable à compter du 1er décembre 1998.
Cette entreprise a pour activité la composition florale et la commercialisation de fleurs séchées artificielles à destination d'une clientèle composée de jardineries et de grandes surfaces de bricolage. Elle est régie dans ses relations avec ses salariés par la convention collective du commerce de gros des fleurs et plantes.
Le 20 juillet 2007, par lettre remise en main propre, la société Nature et couleurs a infligé un avertissement à Mme X....
Par lettre remise en main propre en date du 4 janvier 2008, Mme X... a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement.
L'entretien préalable s'est tenu le 11 janvier 2008.
Mme X... a été licenciée pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 2008.
Contestant cette mesure et sollicitant le paiement de ses indemnités de rupture, outre une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 19 mars 2008.
La société Nature et couleurs a été placée en liquidation judiciaire le 13 janvier 2010, Mme Y... ayant été désignée comme mandataire liquidateur.
Par jugement rendu sur départage le 21 mai 2010, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes, constatant que les faits qui sont reprochés à Mme X... sont bien constitutifs d'une faute grave, a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes, a débouté par ailleurs la société Nature et couleurs représentée par Mme Y..., ès qualités de mandataire liquidateur, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné Mme X... aux dépens de l'instance.
Cette décision a été notifiée à Mme X..., à Mme Y..., ès qualités, et au CGEA de Rennes le 11 juin 2010.
Mme X... en a formé régulièrement appel, par déclaration au greffe de la cour du 21 juin 2010.
L'audience était fixée au 7 juin 2011. L'appelante ayant déposé tardivement ses conclusions, les intimées ont sollicité un renvoi qui leur a été accordé pour l'audience du 12 janvier 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience, développant également oralement ses conclusions écrites déposées le 7 juin 2011, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, Mme Chantal X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et, étant jugé que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sa créance à la liquidation judiciaire de la société Nature et couleurs soit fixée aux sommes suivantes :-34 315, 02 euros en réparation du préjudice subi,-4 193, 96 euros d'indemnité compensatrice de préavis,-1 747, 53 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement. Par ailleurs, elle forme une demande nouvelle tendant à l'annulation de l'avertissement qui lui a été délivré le 20 juillet 2007. Enfin, elle sollicite que Mme Y..., ès qualités, soit condamnée à lui verser 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, de même qu'elle soit condamnée en tous les dépens.
Elle fait valoir que :- l'avertissement doit être annulé en ce qu'il est illégitime et disproportionné o il est le premier maillon de l'organisation par son employeur de son licenciement à moindre coût, pour faute grave, ainsi que la chronologie en atteste, o le motif invoqué à l'appui n'est en effet qu'un prétexte alors qu'à compter de l'année 2005, la société Nature et couleurs a commencé à connaître une baisse de son chiffre d'affaires, que les relations entre les salariés et la direction se sont tendues, l'ambiance finissant par devenir très difficile à supporter, que la responsable de l'entreprise avait clairement formulé son souhait de ne pas la garder, o alors que son travail n'avait appelé aucune remarque en pratiquement dix ans, il lui a été infligé un avertissement au motif qu'elle avait envoyé un mail trop important qui n'aurait pas été réceptionné, cette tâche ne faisant pas partie de plus de ses fonctions contractuelles,- le licenciement ne peut pas être fondé sur une cause réelle et sérieuse et, encore moins sur une faute grave o dès avant la notification de son licenciement, son employeur cherchait à la remplacer, faisant publier une offre d'emploi à cette fin, cette pratique étant d'ailleurs une manifestation de harcèlement moral, o la gravité de la faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté, o elle n'a fait preuve d'aucune mauvaise volonté délibérée, o elle a commis une erreur certes, qu'elle a tenté le jour même d'annuler, en pure perte malheureusement, o mais, son employeur aurait dû aussi parapher l'opération, ce qui n'a pas été le cas, o cette erreur, rapprochée de son ancienneté, ne peut justifier un licenciement,- elle rapporte la preuve de son préjudice.
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À l'audience, développant également oralement ses conclusions écrites déposées le 11 janvier 2012, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, Mme Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nature et couleurs, sollicite la confirmation du jugement déféré, que Mme Chantal X... soit déboutée de ses demandes, y compris de sa demande nouvelle, qu'elle soit condamnée à lui verser :-1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,-2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
Elle réplique que :- la demande formée par Mme X... d'annulation de l'avertissement du 20 juillet 2007 n'est qu'une demande de circonstance o elle n'avait pas contesté cet avertissement lorsqu'il lui avait été délivré, o elle ne l'avait pas plus contesté lors de la saisine du conseil de prud'hommes, o elle le conteste aujourd'hui du fait qu'elle a été déboutée en première instance, o son travail avait déjà fait l'objet de plusieurs remarques, o alors qu'il lui avait été spécifiquement confié une tâche à accomplir, qui n'était d'aucune complexité particulière, elle y a manqué, avec des conséquences préjudiciables pour la société qui, connaissant depuis 2005 une baisse de son chiffre d'affaires, n'avait pas besoin de cet incident,- le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié o Mme X... ne conteste pas la matérialité de la faute commise, o elle était habilitée et parfaitement rompue à effectuer l'opération qui lui avait été demandée ; en aucun cas, il ne fallait un quelconque paraphe de la direction, o pourtant, contre toute attente, elle a commis une erreur qui aurait pu être évitée si elle avait fait preuve d'une vigilance " normale " et qui a, à nouveau, eu des conséquences financières préjudiciables pour la société qui commençait à retrouver un équilibre, o il n'était plus possible, dans ce contexte d'accumulations d'erreurs fautives, de poursuivre une collaboration, alors également qu'elle avait été prévenue précédemment, aussi bien oralement que par écrit,- les éléments avancés par Mme X..., comme quoi il avait été décidé de la licencier, à moindres frais, qu'elle était face à une ambiance de travail problématique, sont totalement inexacts, et qu'elle bénéficie d'une ancienneté dans l'entreprise ne saurait l'exonérer d'avoir à répondre de ses responsabilités,- subsidiairement, le montant réclamé au titre du préjudice subi n'est pas justifié,- Mme X... n'a pu se méprendre sur le caractère radicalement infondé de son action.
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À l'audience, développant également oralement ses conclusions écrites déposées le 10 janvier 2012, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par le truchement du Centre de gestion et d'études (CGEA) de Rennes, sollicite :- au principal, la confirmation du jugement déféré, que Mme Chantal X... soit déboutée de ses demandes, y compris de sa demande nouvelle, qu'elle soit condamnée à lui verser 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens,- subsidiairement, si une créance était fixée à son profit sur la liquidation judiciaire de la société Nature et couleurs, qu'il soit dit et jugé que l'AGS ne devra garantie que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code.
Elle soutient que :- la réalité des manquements professionnels de Mme X... est précisément établie par la lettre de licenciement et, leur nature justifie le qualificatif de faute grave, d'autant que o elle comptait une certaine ancienneté dans l'entreprise et était censée maîtriser parfaitement les missions, o antérieurement, son employeur l'avait avertie à plusieurs reprises par rapport à ses négligences professionnelles, notamment par courrier du 20 juillet 2007,- la contestation tardive par Mme X... de cet avertissement du 20 juillet 2007, élevée pour la première fois devant la cour, est dépourvue de tout sérieux o les faits ne sont, en réalité, pas déniés, o Mme X... cherche seulement à s'exonérer de sa responsabilité en avançant un certain nombre d'arguments, tous plus inopérants les uns que les autres et, auxquels la société Nature et couleurs a apporté toutes explications.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation de l'avertissement
Le code du travail permet au juge d'exercer un contrôle sur la sanction disciplinaire que prononce l'employeur, via son article L. 1333-1. Les termes en seront repris ci-après : " En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ". L'article L. 1333-2 du code du travail poursuit en indiquant que : " Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ".
Le 20 juillet 2007, Mme Chantal X... a été l'objet de la part de la société Nature et couleurs de l'avertissement suivant : " Le vendredi 15 juin 2007, nous avons eu un entretien et avons fait l'inventaire de toutes les tâches importantes que vous deviez effectuer suite à mon absence pour raisons professionnelles. J'avais attiré particulièrement votre attention sur l'importance du fichier de référencement JARDILAND pour la création des nouveautés. Un support papier avait été établi et je vous avais demandé de le traiter absolument pour le 18 juin 2007. Le 22 juin 2007, lors d'une conversation téléphonique, vous m'annoncez que vous aviez oublié de l'envoyer. Je vous ai alors demandé de le faire immédiatement et de joindre les photos des produits fin que l'acheteuse puisse l'analyser dans les meilleures conditions. Le Mercredi 27 juin 2007, ayant un contact téléphonique avec l'acheteuse, j'ai eu la stupéfaction l'apprendre qu'aucun fichier ne lui était parvenu. La date d'enregistrement dans la base informatique de JARDILAND étant passée, aucun de nos articles ne pouvaient être traités. Après vérification, j'ai appris que le 22 juin 2007, vous aviez bien adressé le flchier et les photos, mais que vous n'aviez pris aucune garantie sur la transmission (photos non réduites donc fichier beaucoup trop important- 20MO- échec obligatoire). Vous n'avez pas demandé d'accusé de réception et de plus vous n'avez pris aucun contact pour vous assurer que le dossier était bien parvenu. Vous aviez conscience de l'extrême importance de ce référencement en matière de réalisation de chiffres d'affaires et malgré cela, vous avez fait preuve d'une grande négligence et irresponsabilité. Ce comportement est inadmissible et je vous demande donc de tenir compte de cette lettre d'avertissement pour modifier votre comportement ultérieur et de faire preuve de beaucoup plus de concentration et d'investissement dans l'exécution de vos fonctions. J'espère vivement que cette sanction vous fera prendre conscience réellement de l'impérieuse nécessité de vous reprendre. Dans le cas contraire, je pourrais être amenée à prendre une sanction beaucoup plus grave ".
Mme X... demande l'annulation de la sanction mais ne conteste pas la matérialité des faits avancés par la société Nature et couleurs.
Elle invoque finalement que sa responsabilité dans le manquement constaté ne pourrait être recherchée au motif que la tâche dont s'agit ne ferait pas partie de ses tâches contractuelles. Elle verse à l'appui un témoignage de Mme Z..., selon lequel : " Je soussignée... confirme que Mme X... Chantal a occupé mon poste d'assistante commerciale et de communication de mars à août 2007 pour mon congé maternité. Ainsi en plus de ses tâches qui incombent à son poste, elle avait comme nouvelles fonctions de faire les prises de vue, travailler les photos et faire les catalogue à partir de photoshop (logiciel qu'elle ne connaissait pas) mais elle à appris à s'en servir sans formation. Elle à également dû gérer entièrement le service commercial (commandes, relances, referencement, livraison). Je vous informe qu'elle à honoré ce poste consciencieusement et efficacement malgré les conditions (délais courts) ".
Outre que la société Nature et couleurs a justifié, sans être contredite par Mme X..., qu'à compter du 19 juin 2006 le cabinet comptable de l'entreprise procédait désormais lui-même à la saisie de la comptabilité, se déplaçant au sein de la société, le problème ne réside pas dans le fait que la tâche dont il est question aurait pu ne pas être au nombre de celles correspondant à son embauche en tant que secrétaire comptable, mais en ce qu'elle avait été chargée, nommément, de cette tâche du fait de l'absence pour raison professionnelle de la dirigeante de l'entreprise. Mme X... n'allègue pas que, lorsque cette tâche lui a été demandée, elle a fait valoir qu'elle ne correspondait pas à ses fonctions, de même qu'elle dépassait ses compétences professionnelles ; elle n'a d'ailleurs pas plus élevé de protestation de ces chefs lorsque, cinq jours après, n'ayant pas exécuté la dite tâche, la responsable de l'entreprise lui a réitéré l'ordre de le faire. Surtout, cette tâche ne comportait pas de difficultés particulières, s'agissant de l'envoi par mail d'un catalogue et de photographies correspondantes à un client, toutes pièces déjà établies par ailleurs. La seule chose qui était donc attendue de Mme X..., c'est qu'elle procède à cet envoi, pour une date précise qui lui avait été indiquée. Or, d'une part elle a laissé passer cette date, d'autre part lorsqu'elle a adressé le mail avec le fichier joint, elle ne s'est pas assurée de ce qu'il avait été bien reçu par son destinataire. Une telle vérification de la réception d'un envoi est pourtant de l'ordre d'une diligence normale qu'un employeur est en droit d'attendre d'un salarié, d'autant plus, qu'en l'espèce, la dirigeante de l'entreprise avait spécialement attiré l'attention de Mme X... sur l'importance de cet envoi.
En raison de ces négligences fautives, la société Nature et couleurs n'a pu compter au nombre des fournisseurs pour le magasin Jardiland, surface de vente importante, ce qui en termes de chiffre d'affaires représente une perte, d'autant plus préjudiciable que l'entreprise connaissait des difficultés (baisse du chiffre d'affaires à compter de 2005) qu'elle tentait d'enrayer.
Dès lors, l'on ne retiendra pas les arguments de Mme X... quant à un avertissement " de circonstance ", en vue de son licenciement à moindre coût, pour faute grave, licenciement d'ores et déjà acquis. Premièrement, les faits reprochés sont établis. Deuxièmement, la société Nature et couleurs a réembauché dès le 11 février 2008 une " employée comptable et administrative " comme le prouve le contrat de travail à durée indéterminée versé aux débats. Troisièmement, sur le fait de savoir si la société Nature et couleurs avait résolu de licencier Mme X..., celle-ci a certes produit à l'appui une attestation de Mme A..., ex-salariée de la société Nature et couleurs, qui déclare, notamment, " avoir entendu Mme B... Lydie, la patronne, dire qu'elle regrettait avoir viré Mme C... Nathalie et qu'elle aurait du viré Chantal X... à la place ". Mme A... a démissionné et Mme C..., citée, a été licenciée pour motif économique le 24 mai 2005 par la société Nature et couleurs. L'on en reste toutefois à une affirmation de Mme A..., qui n'est corroborée par aucun autre élément et alors que la société Nature et couleurs justifie de ce que cette ex-salariée pouvait avoir des sujets de rancoeur à son encontre, la relation contractuelle ayant été marquée par plusieurs rappels à l'ordre et un avertissement.
Mme X..., qui évoque par ailleurs une ambiance difficile au travail, ne démontre aucun lien de causalité entre l'ambiance supposée et les griefs qui lui sont faits.
Au surplus, les propos de Mme X... sur ce point ne sont en rien justifiés, en ce qu'elle se réfère à l'attestation de Mme A... qui ne peut emporter la conviction, ainsi qu'à un courrier qu'aurait envoyé une autre ex-salariée de la société Nature et couleurs, Mme D..., à l'inspection du travail afin de dénoncer cette mauvaise ambiance, courrier qui est informatisé, qui n'est ni daté ni signé et, qui ne s'est traduit par aucune intervention de l'inspection du travail auprès de l'entreprise, ce qui apparaît inconcevable au vu de son contenu. La société Nature et couleurs verse, de son côté, cinq attestations de salariés (Mmes E..., F..., G..., H... et I...) qui démentent une telle ambiance de travail, de même que des attitudes anormales de la dirigeante de l'entreprise.
Au regard des faits commis, l'avertissement n'apparaît pas disproportionné, nonobstant l'ancienneté de près de dix ans de Mme X... au sein de la société Nature et couleurs.
Par voie de conséquence, Mme X... sera déboutée de sa demande tendant à voir annuler l'avertissement prononcé à son encontre le 20 juillet 2007.
Sur le licenciement
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure et qui fixe les limites du litige, mais aussi rechercher au-delà de ces motifs, si le salarié le requiert, la véritable cause du licenciement prononcé.
L'on renverra aux précédents développements pour ce qui est de la cause du licenciement de Mme Chantal X..., dont il n'est pas démontré qu'elle soit liée à un motif économique.
La lettre de licenciement adressée par la société Nature et couleurs à Mme X... est libellée en ces termes : " Vous avez reçu un avertissement daté du 6 juillet 2007 pour négligence et vous avez déjà fait, comme je vous l'ai expliqué au cours de notre entretien du 11 janvier 2008, l'objet de nombreuses remarques verbales sur vos obligations professionnelles au sein de notre établissement et sur votre manque de concentration sur les travaux qui vous sont confiés. Nous avons essayé de vous faire prendre conscience que sans changement de votre part, nous serions obligés de mettre un terme à nos relations contractuelles. Or malgré cela, l'erreur grave que vous avez commise le 27 décembre 2007 n'est pas du tout acceptable, erreur dont je vous rappelle les faits : A ma demande, le 27 décembre 2007 selon une procédure bien établie et comportant de nombreuses sécurités, vous deviez effectuer dans la matinée un virement bancaire à l'international avec pro forma à l'appui, d'un montant de 4257. 60 euros au fournisseur MM COMMERCE domicilié en Pologne. L'ensemble des fournisseurs réglés par virement est enregistré dans un répertoire spécifique. Pour une raison que je n'explique pas, aucune sélection n'a été opérée, le premier fournisseur de la liste s'est mis par défaut et vous avez occulté toutes les vérifications nécessaires au bon déroulement du virement. Le fournisseur sélectionné était un fournisseur turc (ANA TOLlA) en dépôt de bilan pour lequel aucune somme n'était due. Malgré de nombreuses démarches, le retour des fonds s'est avéré impossible.
Le poste que vous occupez et les fonctions qui vous sont confiées ne vous permettent pas de tels manquements et cette grave négligence génère un déséquilibre financier pour la Société et met en péril sa bonne marche et son bon fonctionnement. Nous ne pouvons tolérer de tels faits. Vos explications recueillies au cours de notre entretien du 11 janvier 2008 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; Nous vous informons que nous avons en conséquence, décidé de vous licencier et vous notifie par la présente votre licenciement pour faute. Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Nous vous notifions par la présente, votre licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture... ".
Mme X... ne nie pas la matérialité des faits évoqués dans cette lettre de licenciement, sauf à dire que la responsabilité ne peut lui en incomber, la dirigeante de l'entreprise n'ayant pas apporté son paraphe à l'opération, ainsi que la procédure le requerrait. Mais, la société Nature et couleurs démontre que, s'agissant d'un virement informatique, il n'y avait lieu à aucun paraphe et que, Mme X... disposait de l'habilitation nécessaire, au même titre que la responsable de l'entreprise, afin de procéder à une telle opération sur le compte bancaire de la société.
Mme X... tente, sinon, de relativiser les faits, parlant d'une simple erreur dont elle s'est aperçue et a voulu corriger, en pure perte, rapprochant cette erreur de son ancienneté dans l'entreprise, erreur qui ne justifierait donc pas un tel licenciement.
Mais justement, alors qu'elle disposait de cette ancienneté, toujours au poste de secrétaire comptable, et face à une opération qu'elle maîtrisait,- elle n'a jamais même prétendu le contraire-, l'ensemble des éléments nécessaires lui ayant été fournis par la responsable de l'entreprise, Mme X... a tout de même effectué le virement d'une somme de 4 257, 60 euros au profit d'une société Anatolia sus Bickleri sise en Turquie, alors que ce virement était destiné à une société MM Commerce, sise en Pologne. Ce virement date du 27 décembre 2007 à 9 heures 10, la banque ayant confirmé, avec la mention du client crédité, l'exécution de l'ordre passé. Pourtant, ce n'est que le 27 décembre 2007 à 18 heures 42, demande qu'elle renouvelle le lendemain à 9 heures 10, et la mention du 26 décembre 2007 sur le fax ne ressort visiblement que d'une erreur matérielle et non d'une volonté délibérée, que Mme X... demandera à la banque l'annulation du virement et le retour des fonds. Ce retour, malgré les efforts de la société Nature et couleurs en ce sens, ne pourra jamais être obtenu, ce qui se traduira pour l'entreprise par une perte équivalente, puisqu'elle devra bien évidemment honorer la société MM Commerce des 4 257, 60 euros qui lui étaient dus.
Effectivement, la qualification de la faute du salarié n'est pas fonction du préjudice subi. Cependant, contrairement à ce que Mme X... veut laisser supposer, il n'est pas nécessaire pour retenir la faute grave à l'encontre d'un salarié que le fait fautif ait généré un préjudice pour l'employeur. De même, la faute, éventuellement grave, peut ne pas être intentionnelle. Ce qui est déterminant, pour qu'une faute puisse être qualifiée de grave, c'est qu'elle rende impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
En l'espèce, cette accumulation de négligences, entre les faits de juin 2007 et ceux de décembre 2007, et même si la société Nature et couleurs quant à des erreurs et des rappels à l'ordre précédents de Mme X... ne rapporte de preuve que pour un fait du mois de novembre 2005 (virement à deux reprises d'un salaire), justifie le licenciement de Mme X... pour faute grave. L'employeur ne pouvait pas garder sa confiance à une salariée qui commettait des erreurs dont les conséquences étaient pour lui autant de pertes financières et qui auraient pu être aisément évitées si cette salariée s'était montrée normalement diligente et, alors en outre qu'elle avait déjà été avertie.
Le jugement de première instance qui a débouté Mme X... de ses demandes du chef de licenciement sans cause réelle et sérieuse sera, par voie de conséquence, confirmé en toutes ses dispositions.
Sur l'indemnité pour procédure abusive
Il n'y a pas lieu de faire plus droit en cause d'appel qu'en première instance à la demande du mandataire liquidateur de la société Nature et couleurs d'indemnité pour procédure abusive dirigée contre Mme Chantal X....
C'est le droit de toute partie qui n'a pas obtenu satisfaction devant les premiers juges de relever appel de la décision rendue. Aucune attitude fautive, ni aucun abus dans l'exercice de ce droit d'appel par Mme X... n'est pas démontré par le mandataire liquidateur.
Sur les frais et dépens
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme Chantal X... aux dépens.
Pour ce qui est des frais irrépétibles d'appel, Mme X... qui succombe en toutes ses demandes, sera condamnée à verser à Mme Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nature et couleurs, la somme de 800 euros et à l'AGS celle de 300 euros. Elle-même sera déboutée de sa demande du même chef.
Mme X... sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme Chantal X... de sa demande d'annulation de l'avertissement délivré le 20 juillet 2007,
Déboute Mme Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nature et couleurs, de sa demande d'indemnité pour procédure abusive en cause d'appel,
Condamne Mme Chantal X... à verser à :
- Mme Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nature et couleurs, 800 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
- l'AGS 300 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute Mme Chantal X... de sa demande du même chef,
Condamne Mme Chantal X... aux entiers dépens de l'instance d'appel.