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03/04/2012 | FRANCE | N°10/01380

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 03 avril 2012, 10/01380


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01380.
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, du 28 Avril 2010, enregistrée sous le no 19 621

ARRÊT DU 03 Avril 2012

APPELANTE :
SOCIETE RENAULT SAS 15 avenue Pierre Piffault 72000 LE MANS
représentée par Maître Philippe DUPUY substituant Maître Alain PIGEAU (SCP), avocat au barreau du MANS

INTIMES :
Madame Irma X... veuve Y... prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de sa

fille Mary née le 1 er mars 1995... 27018 TORREON COHUILA (MEXIQUE)
Monsieur Jérôme Y...... 72700 S...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01380.
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, du 28 Avril 2010, enregistrée sous le no 19 621

ARRÊT DU 03 Avril 2012

APPELANTE :
SOCIETE RENAULT SAS 15 avenue Pierre Piffault 72000 LE MANS
représentée par Maître Philippe DUPUY substituant Maître Alain PIGEAU (SCP), avocat au barreau du MANS

INTIMES :
Madame Irma X... veuve Y... prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de sa fille Mary née le 1 er mars 1995... 27018 TORREON COHUILA (MEXIQUE)
Monsieur Jérôme Y...... 72700 SPAY
représentés par Maître David SIMON, avocat au barreau du MANS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE (C. P. A. M.) 178 avenue Bollée 72033 LE MANS CEDEX 9
représentée par Monsieur Laurent Z..., muni d'un pouvoir

A LA CAUSE :
MISSION NATIONALE DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE Antenne de Rennes 4 av. du Bois Labbé-CS 94323 35043 RENNES CEDEX
avisée, absente, sans observations écrites

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 03 Avril 2012 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
FAITS ET PROCÉDURE :
Né le 3 février 1953, M. Christian Y... a effectué son apprentissage au sein de l'école Renault du 12 septembre 1968 au 2 juillet 1972. Par lettre d'embauche du 28 juin 1972 à effet au 3 juillet suivant, il a été engagé à durée illimitée en qualité d'électricien et affecté au département maintenance de l'usine du Mans. A compter du 1er février 1978, il est devenu électromécanicien. Le 1er juin 1983, il a exercé cette activité en qualité d'expatrié au Mexique jusqu'au 31 décembre 1985. Du 1er janvier 1986 au 6 mars 1988, il a été affecté au département maintenance de l'usine du Mans en qualité d'électromécanicien. A compter du 7 mars 1988, il a exercé cette activité au sein de l'atelier fonderie de l'usine du Mans.
Un scanner pulmonaire, réalisé le 19 novembre 2003 dans le cadre d'une " surveillance amiante ", a révélé trois petits nodules aux poumons droit et un au poumon gauche. Le 8 décembre 2003, l'un des médecins du travail a prescrit une surveillance médicale.
Un scanner réalisé le 23 mars 2006 a conduit à conclure à un examen thoracique " sub-normal, les micro-nodulations décrites n'ayant pas de spécificité ". Concomitamment à cet examen, M. Y... a été hospitalisé pour une hémoptysie au service pneumologique du centre hospitalier du Mans. Il a subi une intervention chirurgicale consistant en une exérèse d'une masse sous-cutanée de la fosse iliaque gauche palpable et devenue douloureuse. Un examen cytologique du 18 avril 2006 a mis en évidence que cette masse correspondait à " un adénocarcinome peu différencié dont le profil immunohistochimique est en faveur n'est pas spécifique d'une origine précise. La positivité de quelques cellules pour le TTF1 doit faire néanmoins évoquer un primitif broncho-pulmonaire. "
De retour à son domicile le 15 avril 2006, M. Christian Y... est brutalement décédé le 20 avril suivant des suites d'une hémoptysie massive.
Le 23 juin 2006, Mme Irma X... veuve Y... a souscrit, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de La Sarthe, une déclaration de maladie professionnelle concernant son époux, au titre d'un cancer broncho-pulmonaire généralisé.
Après instruction du dossier, le 2 novembre 2006, la caisse a rendu une décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle (tableau 30 bis des maladies professionnelles), du cancer broncho-pulmonaire dont était affecté M. Y... et a reconnu que son décès était imputable à cette maladie.
Le 24 avril 2007, Mme Irma X... veuve Y..., prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille Mary, et M. Jérôme Y..., fils majeur du défunt, ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de voir consacrer la faute inexcusable de la société Renault SAS et d'obtenir, outre la majoration de la rente, diverses sommes à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 28 avril 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :- dit que la maladie dont M. Christian Y... est décédé le 20 avril 2006 est due à la faute inexcusable de la société Renault SAS ;- dit que cette dernière est tenue à l'égard des ayants droit de M. Y... de toutes les conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable ;- fixé au maximum la majoration de la rente et dit qu'elle serait versée par la CPAM de La Sarthe à la veuve de la victime ;- fixé comme suit les préjudices complémentaires au titre de l'action successorale et des préjudices moraux des ayants droit : ¤ au titre de l'action successorale :. 40 000 € pour les souffrances endurées,. 1 500 € au titre préjudice esthétique,
¤ au titre du préjudice moral :. 30 000 € en faveur de Mme Irma Y... en nom propre,. 25 000 € en faveur de Mary Y... représentée par sa mère,. 13 000 € en faveur de Jérôme Y... ;- dit que ces sommes seraient versées par la CPAM de La Sarthe et récupérées auprès de l'employeur ;- condamné la société Renault SAS à payer aux consorts Y... une indemnité de procédure de 2000 € ;- donné acte à la CPAM de La Sarthe de ce qu'elle entendait récupérer le montant des indemnités et majorations allouées aux ayants droit de la victime, tant auprès de l'employeur que de son représentant, personne physique, conformément aux dispositions de l'article L 452-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, ou auprès de l'assureur du risque ;- constaté l'absence de dépens.
Ce jugement a été notifié le 3 mai 2010 à Mme Irma Y..., à M. Jérôme Y..., à la société Renault SAS, et le 30 avril 2010 à la CPAM de La Sarthe.
La société Renault SAS en a relevé appel par lettre recommandée postée le 26 mai 2010.
Les parties ont été convoquées par le greffe pour l'audience du 31 mai 2011. A leur demande, l'affaire a alors été renvoyée au 3 janvier 2012.
Par lettre du 30 décembre 2010, le FIVA a fait connaître qu'il n'entendait pas intervenir dans le cadre de la présente instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 31 mai 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la SAS Renault demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;- de débouter les consorts Y... de leur demande en reconnaissance de la faute inexcusable et de l'intégralité de leurs prétentions y afférentes ;- à titre subsidiaire, de réduire dans de très larges proportions les indemnités qui pourraient être allouées ;- de condamner les consorts Y... aux entiers dépens.
Pour conclure au rejet de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable, l'employeur oppose tout d'abord qu'il n'est démontré ni que le cancer broncho-pulmonaire dont était atteint M. Christian Y... trouve son origine dans une exposition à l'amiante, ni que les quatre nodules constatés lors du scanner du 19 novembre 2003 soient la cause directe de l'hémoptysie ayant provoqué son décès. Il argue de ce que les cancers primitifs broncho-pulmonaire ont pour principale origine la consommation de tabac et relève que M. Y... était un tabagique chronique.
En second lieu, il conteste que ce dernier ait jamais été exposé à l'amiante en son sein et que la preuve en soit rapportée. Il fait valoir que M. Y... estimait avoir été exposé à l'amiante au cours de son activité au sein de la fonderie ; que les témoignages dont s'emparent les consorts Y... ne sont pas pertinents en ce qu'ils sont afférents à des conditions d'exploitation de l'atelier fonderie qui remontent à la période 1950/ 1970 et qui n'ont donc pas pu concerner la victime, laquelle y est arrivée en 1988.
Elle ajoute qu'elle démontre avoir cessé toute utilisation du mélange sable-amiante en 1968, lorsque les pièces en acier ont été remplacées par des pièces en fonte, et elle ajoute qu'à partir de 1980, les matériaux isolants, les tapis, bavettes, gants et autres protections ne contenaient plus d'amiante.
La société Renault conclut qu'" en arrivant en 1988 à la fonderie, M. Christian Y... n'a nullement été exposé, d'une manière massive, à la présence de l'amiante, soit en tant que matière première, soit en tant que composant d'un matériau travaillé " ; qu'elle n'a jamais utilisé l'amiante comme matière première, que M. Y... n'a jamais participé à des travaux comportant l'usage direct de l'amiante ; que, tout au long de sa collaboration au sein de la fonderie, il n'a jamais porté d'éléments de protection comportant de l'amiante.
Aux termes de leurs dernières écritures déposées au greffe le 22 décembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, formant appel incident, Mme Irma X... veuve Y..., prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille Mary Y..., et M. Jérôme Y..., demandent à la cour de :- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et à la majoration de la rente ;- de l'infirmer s'agissant des montants allouées et de porter les indemnités aux sommes suivantes : ¤ au titre de l'action successorale :. Souffrances endurées et préjudice moral : 150 000 €. Préjudice esthétique : 5000 €. Préjudice d'agrément : 15 000 €
¤ au titre des préjudices moraux des ayants droit :. 100 000 € en faveur de Mme Y.... 50 000 € en faveur de chacun des enfants.
- de déclarer l'arrêt commun et opposable à la CPAM de La Sarthe ;- de condamner la SAS Renault à leur payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Les consorts Y... soutiennent que l'exposition de M. Christian Y... à l'amiante au sein de la SAS Renault est justifiée tant par son parcours professionnel que par les nombreux témoignages recueillis. Ils font valoir qu'affecté au bâtiment S " service entretien " de 1969 à 1984, il était appelé à procéder, dans toute l'usine, aux réparations relevant de sa spécialité ; qu'il intervenait donc dans des secteurs gros utilisateurs d'amiante et qu'à l'atelier de maintenance, il réparait des pièces, notamment les énormes bobines extractibles des fours dont il fallait retirer les bandelettes en amiante au moyen de couteaux qui arrachaient les fibres d'amiante, activité qui a duré jusqu'en 1988 ; qu'il a également été exposé à l'amiante dans le bâtiment de montage des trains avant et des trains arrières pour procéder au montage et à l'ébavurage des plaquettes de freins en amiante ; qu'à partir de 1988, il a encore été exposé de façon systématique à l'inhalation de poussières d'amiante, au sein du bâtiment fonderie où il travaillait de nuit et où, d'une part, étaient réalisés des moules au moyen d'un mélange contenant de la poudre d'amiante versée en vrac dans les malaxeurs, d'autre part, les fours, fréquemment ouverts pour procéder à des ajouts de métal, étaient isolés tant intérieurement qu'extérieurement par des plaques d'amiante. Ils indiquent que l'exposition à l'amiante de M. Y... ressort du dossier tenu par le médecin du travail.
Les intimés soutiennent qu'eu égard à son secteur d'activité, à son importance, aux nombreuses et anciennes études réalisées, aux réglementations qui ont été édictées de façon régulière à compter du 17 août 1977, date du décret relatif aux mesures d'hygiène applicables dans les établissements industriels ou commerciaux où le personnel était exposé à l'action de la poussière d'amiante, la SAS Renault ne pouvait pas ignorer les dangers liés à l'inhalation de poussières d'amiante et ne peut pas sérieusement soutenir qu'ils lui auraient été révélés par le décret du 22 mai 1996 relatif au secteur particulier de l'automobile.
Enfin, ils opposent qu'il est établi que la SAS Renault n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger son salarié de ce danger qu'elle connaissait en ce qu'il résulte des nombreux témoignages des collègues de travail de leur mari et père qu'elle n'a fourni à ses salariés ni protections collectives, ni protections individuelles.
Par la voix de son représentant, la caisse primaire d'assurance maladie de La Sarthe a indiqué oralement à l'audience s'en rapporter à justice sur les demandes formées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
I) Sur la faute inexcusable de la SAS Renault :
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu qu'il appartient au salarié ou à ses ayants droit, qui invoquent la faute inexcusable de l'employeur, de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié-victime était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
1) sur l'exposition au risque
Attendu qu'invoquant le tabagisme de M. Christian Y..., la SAS Renault conteste tout d'abord qu'il soit établi, d'une part que le cancer broncho-pulmonaire dont était atteint son salarié ait trouvé son origine dans une exposition de ce dernier aux poussières d'amiante, d'autre part, que son décès soit en lien avec cette affection ;
Mais attendu que le cancer broncho-pulmonaire primitif provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante est répertorié comme maladie professionnelle au tableau 30 bis, lequel prévoit un délai de prise en charge de 40 ans sous réserve d'une durée d'exposition au risque de dix ans, et fournit la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie à raison de l'inhalation de poussières d'amiante ;
Attendu que le 2 novembre 2006, la CPAM de La Sarthe a notifié à Mme Irma Y... sa décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, du cancer broncho-pulmonaire primitif dont était affecté son époux et que, sur avis de son médecin conseil du 16 octobre 2006, elle a également reconnu que le décès de M. Christian Y... était imputable à cette maladie ;
Attendu, eu égard aux éléments ci-dessus rappelés du tableau 30 bis, que cette décision de prise en charge induit nécessairement que le cancer broncho-pulmonaire dont était atteint M. Y... est réputé, non seulement, trouver sa cause, au moins pour partie, dans l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre du travail accompli au sein de la SAS Renault, mais en outre, être à l'origine du décès du salarié ;
Attendu que la SAS Renault rappelle expressément dans le cadre de la présente instance que, " pour des motifs essentiellement humains ", elle n'a pas entendu contester cette décision de prise en charge ; et attendu que, reprenant strictement en cause d'appel sa position de première instance, elle conclut seulement au débouté de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable et des demandes indemnitaires y afférentes dirigées contre elle par les consorts Y..., mais ne demande pas que la décision de prise en charge de la maladie de M. Y... au titre des risques professionnels lui soit déclarée inopposable, que ce soit pour des raisons de forme ou de fond tenant aux conditions posées par le tableau 30 bis ; que la position de l'employeur qui consiste à discuter la réalité de l'exposition au risque, le lien de causalité entre la maladie et l'exposition aux poussières d'amiante, et le lien de causalité entre le décès et le cancer broncho-pulmonaire sans pour autant remettre en cause la décision de prise en charge et en poursuivre l'inopposabilité apparaît aussi inopérante qu'ambiguë ;
Qu'il convient néanmoins, comme l'a fait le tribunal, de répondre à ses moyens en reprenant tout d'abord les éléments constitutifs de la maladie professionnelle en cause ;
Attendu qu'il résulte des éléments médicaux versés aux débats, notamment du compte-rendu opératoire du 10 avril 2006, et du certificat médical du Dr A... du 21 juin 2006, que M. Christian Y... était porteur de plaques pleurales et atteint d'un cancer broncho-pulmonaire primitif généralisé dont il est décédé ; que cette maladie a donc bien été mise en évidence chez ce dernier ;
Attendu que M. Christian Y... a travaillé du 3 juillet 1972 au 31 mai 1983 comme électricien puis électromécanicien au département de la maintenance, administrativement rattaché au bâtiment " S " de la SAS Renault au Mans ; que du 1er juin 1983 au 31 décembre 1985, il a travaillé en qualité d'expatrié au Mexique ; que, de retour au Mans, du 1er janvier 1986 au 6 mars 1988, il a été à nouveau affecté au service de la maintenance, puis, à compter du 7 mars 1988, à un poste d'entretien de nuit au département de la fonderie ;
Attendu qu'aux termes du rapport qu'il a établi le 21 novembre 2003 au sujet des risques liés à l'amiante au sein de la SAS Renault au Mans, le directeur départemental du travail a indiqué qu'il n'était pas douteux que des salariés affectés sur un certain nombre de postes de travail ont été au contact de l'amiante ; qu'il a mis en évidence que l'amiante était présente sur le site au sein de l'atelier fonderie, ainsi que dans les secteurs du traitement thermique, du montage des plaquettes de freins, de la peinture et dans le secteur " Renault agriculture ", et il a souligné que les salariés étaient amenés, au fil du temps, à travailler dans les différents secteurs de l'usine et, ainsi, à être en contact avec les produits amiantés et les poussières d'amiante ;
Attendu qu'il a précisé que l'amiante était présente au sein de la fonderie sous les formes suivantes :- utilisation de l'amiante en mélange avec le sable,- postes de travail situés au-dessus d'un tapis amianté transporteur de pièces duquel s'échappaient des fibres d'amiante véhiculées par le système de ventilation directement situé sous le tapis afin de refroidir ces pièces de fonderie,- port de vêtements et gants de protection amiantés libérant des fibres lors de leur usure ;
et qu'elle l'était dans le secteur du traitement thermique à raison de l'utilisation de joints amiantés et des travaux de maintenance des embrayages de presse et des palans ; Attendu qu'il a relevé que le personnel de la maintenance était exposé à ces poussières lors des travaux de réfection des fours, des changements d'embrayage de presse, et des travaux de réfection de calorifugeage ; Que le directeur départemental du travail a conclu que des produits amiantés avaient été présents au sein du secteur fonderie jusqu'en 1992 et dans tous les autres secteurs de l'usine jusqu'en 1996 ;
Attendu, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, que ces conditions d'exposition aux poussières d'amiante et aux produits amiantés au sein de la SAS Renault au Mans sont confirmées par les nombreux témoignages, circonstanciés et concordants, de salariés ayant travaillé au sein de l'usine en même temps que M. Christian Y..., ces témoignages ayant été recueillis tant dans le cadre d'une enquête de gendarmerie réalisée courant 2003, que par le biais d'une enquête réalisée par le CHSCT auprès de salariés ayant travaillé, au moins pour partie au sein de la fonderie, y compris après 1968, ou encore d'attestations destinées à être produites en justice ;
Attendu qu'il résulte de ces témoignages que l'amiante était omniprésente au sein de la fonderie, non seulement sous forme de poudre en vrac à mélanger à d'autres produits pour procéder à des préparations, mais aussi comme composant d'éléments d'isolation contre la chaleur, dans les fours (panneaux de fours), au niveau des palans de coulée, autour de câbles par enrubannage de ces derniers avec de la toile d'amiante, sur les machines de moulage, sur les trottoirs de coulée, les résistances chauffantes dans les sableries, en charpente sur les stations de chargement des fours électriques, ou sur des pièces, tels les freins moteurs, sur lesquels les salariés devaient réaliser des réparations ; Attendu que les équipements, tels les gants, paravents et écrans étaient composés d'amiante ; qu'elle était également présente sous forme de poussière, de cordons, de plaques dans le secteur du traitement thermique, de la peinture et du montage des plaquettes de freins ;
Attendu que M. Gérard B... a exposé aux services de gendarmerie qu'affecté à l'entretien, au bâtiment " S " à partir de 1971, il a été en contact avec de la poudre d'amiante en vrac pour réaliser des préparations sur les machines AEC ; qu'il était également exposé aux poussières d'amiante lors des réglages et réparations des freins, et lors des réparations des SELF des fours électriques de la fonderie pour la réfection desquels étaient utilisées des bandes d'amiante ;
Attendu que M. Alain C... expose avoir été affecté au service entretien, au bâtiment " S ", de 1971 à 1996, en qualité d'électricien, et il précise qu'en dépit de ce rattachement administratif, dans les faits, tous les électriciens ou électromécaniciens travaillaient dans tous les secteurs de l'entreprise, lieux où leurs interventions s'avéraient nécessaires, amplement soumis aux poussières d'amiante du fait des activités qui y étaient développées, et qu'ils étaient également amenés à souder des supports sur les machines et à casser des morceaux de plaques d'amiante afin de protéger les éléments situés dans le voisinage ;
Attendu que ces témoignages de MM. B... et C..., qui avaient la même spécialité que M. Y... et qui ont été présents au sein de l'entreprise en même temps que lui et dans des conditions de travail identiques, sont confirmés par les indications fournies au CHSCT par d'autres électriciens ou électromécaniciens pareillement intervenus au service entretien et à la fonderie à des époques recoupant celle d'intervention de M. Y..., à savoir : M. D... (entré à l'usine en 1968 et qui a travaillé avec M. Y... à la fonderie jusqu'en 1998), M. Pierre E... (entré en 1968 à l'usine et en 1970 à la fonderie), M. Christian F... (entré en 1972 à l'usine et en 1977 à la fonderie), M. Guy G... (entré en 1968 à l'usine et en 1978 à la fonderie), M. J-J H... (entré en 1978 à l'usine et en 1981 à la fonderie), M. Gérard I... (entré à l'usine en 1972 et à la fonderie en 1982), M. Régis J... et M. Philippe K... (entrés à l'usine et à la fonderie en 1982), M. Michel B... (entré à l'usine en 1969 et à la fonderie en 1984), M. Hervé L... (entré à l'usine en 1992 et à la fonderie en 1996) ;
Attendu que messieurs Georges M..., Christian F..., Gérard I..., Joël N..., D... et Philippe O... relatent avoir travaillé plus spécifiquement avec M. Christian Y..., soit au service entretien du bâtiment " S ", soit à la fonderie, et attestent de son exposition aux poussières d'amiante pendant tout ce temps à raison, non seulement des travaux qui lui étaient confiés au sein du bâtiment entretien, notamment, réfection des bobines de fours 25 T isolées avec des rubans contenant de l'amiante (intervention consistant à retirer les bandelettes en amiante, en les arrachant, pour accéder aux fuites sur les tuyaux en cuivre et les réparer), mais aussi de ses interventions de maintenance dans les autres secteurs de l'usine (notamment, fonderie et bâtiment des trains avant et des trains arrière où il était procédé au montage et à l'ébavurage des plaquettes de freins en amiante) où régnaient les poussières d'amiante du fait des travaux qui y étaient réalisés, enfin des travaux de maintenance et de dépannage qu'il a été amené à réaliser dans la fonderie à compter de mars 1988 et qui sont précisément décrits par M. D..., lequel précise avoir oeuvré en binôme avec M. Y... de 1988 à 1998 pour des travaux de maintenance et de dépannage, notamment, sur les cubilots et les fours électriques, et indique que l'amiante était utilisée par enrubannage pour protéger de la chaleur des appareils, des cales, des commandes de pelles à décrasser, des fours à induction, des palans de coulée... ;
Attendu que M. Philippe O... confirme aussi avoir travaillé avec M. Y... à la fonderie au cours des dix dernières années ayant précédé son décès, et il précise qu'ils ne faisaient que des travaux de dépannage ; qu'ainsi, ils étaient amenés à meuler la pâte d'amiante constituant les plans de joints des tuyères des cubilots, ainsi que les garnissages des fours ;
Que ce témoignage concorde avec la lecture des comptes rendu des entretiens individuels de M. Christian Y... avec ses supérieurs desquels il ressort, comme l'a noté le tribunal, qu'il assurait en priorité les dépannages, avait un périmètre d'activités très étendu et une bonne connaissance de l'ensemble des installations de la fonderie ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments, comme l'a relevé le tribunal, que les travaux exécutés par M. Y... au sein de la SAS Renault au Mans correspondent bien à ceux visés au tableau no 30 bis, lequel comporte, notamment, les travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, les travaux de pose et dépose de matériaux isolants à base d'amiante ;
Attendu que pour combattre ces éléments, la SAS Renault verse aux débats une attestation établie par M. Jean-Claude P..., ancien contremaître de 1982 à 1991, selon lequel, dans le cadre de son travail au service maintenance, M. Christian Y... avait essentiellement pour activités des travaux de câblage électrique sur des machines ou des installations électriques, ne faisait partie, ni de l'équipe dédiée à l'entretien des fours, ni de celle dédiée à l'entretien des bobines de four basse fréquence, et n'a pu intervenir sur ces tâches que de manière exceptionnelle ; Que M. Q..., autre chef d'équipe au département d'entretien de 1982 à 1987, atteste également de ce que M. Y... ne faisait pas partie de l'effectif de son équipe " lors d'entretiens programmés ou de dépannage " et que " les éléments constitutifs d'une bobine de four étaient réparés par un soudeur sur cuivre ou 1 ou 2 personnes/ électromécanicien de son équipe " ; que M. Didier R..., chef d'équipe au département maintenance d'avril 1985 à août 1986, atteste de ce que M. Y... se voyait confier des tâches d'électricien et que l'activité " principale " de l'équipe à laquelle il appartenait consistait à réaliser et à rénover " la partie électrique " des moyens de production de l'usine ; Attendu que M. S..., ancien ingénieur, et M. Pierre T..., ancien chef du département " fabrication fonderies " attestent quant à eux de ce que la production d'acier a totalement cessé au Mans au plus tard en 1968 et, avec elle, l'utilisation de poudre d'amiante en vrac ;
Mais attendu, comme l'a exactement relevé le tribunal, que ces quelques éléments ne permettent pas de combattre utilement la réalité de l'exposition de M. Y... à l'inhalation de poussières d'amiante pendant plus de dix ans au sein de la SAS Renault au Mans établie par l'ensemble des documents et témoignages circonstanciés et concordants précédemment examinés ; Qu'en effet, à supposer même que la poudre d'amiante en vrac ait cessé d'être utilisée sur le site du Mans à compter de 1968, il n'en reste pas moins qu'il est amplement démontré, rapport de la direction du travail à l'appui, que jusqu'en 1996 au moins, soit pendant près de trente ans encore, les salariés ont été exposés aux poussières d'amiante provenant des matériaux à base d'amiante très amplement répandus dans les machines utilisées, les pièces usinées et les matériels utilisés, tels que gants, paravents, tapis... ; Et attendu outre que les attestations des trois chefs d'équipe ne suffisent pas à contredire utilement les nombreuses attestations précises des collègues de travail de M. Y... que, s'il est possible que ce dernier n'ait pas fait partie, aux périodes considérées, des équipes de MM. P... et Q..., il est à noter que ces derniers, pas plus que M. R..., n'excluent qu'il ait pu être amené, à tout le moins occasionnellement à réaliser des travaux de maintenance exposant aux poussières d'amiante ; et attendu qu'en tout état de cause, il a été amplement démontré que les travaux d'électricité étaient réalisés dans des locaux soumis aux poussières d'amiante ;
Attendu, enfin, qu'il résulte du dossier de " consultations et visites systématiques " concernant M. Y..., renseigné par le médecin du travail du 1er octobre 1969 au 15 décembre 2003, que, lors de la visite du 25 juin 1998, le médecin a noté : " a enlevé les derniers panneaux d'amiante il y a un an et les années précédentes, ainsi de 88 à 96 ", ce qui caractérise des travaux de retrait d'amiante, également visés au tableau no 30 bis ;
Attendu, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, que l'ensemble des documents et témoignages produits par les consorts Y... démontrent que M. Christian Y... a bien, dans le cadre de l'exercice de son travail au sein de la SAS Renault au Mans du 3 juillet 1972 au 31 mai 1983, puis du 1er janvier 1986 à 1997, que ce soit dans le cadre de son affectation au département de la maintenance ou à la fonderie, été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et ce, pendant une durée bien supérieure à dix années, à raison de l'accomplissement de travaux visés au tableau no 30 bis des maladies professionnelles ; que, comme l'a souligné le tribunal, la condition tenant au délai de prise en charge, au demeurant non discutée, est respectée ;
Attendu, outre la décision, non combattue par l'employeur, de prise en charge de la maladie de M. Y... au titre des risques professionnels, qu'il est ainsi établi que la présomption d'origine professionnelle trouve à s'appliquer puisque toutes les conditions prévues au tableau 30 bis sont remplies ; que le cancer broncho-pulmonaire primitif dont M. Y... a été atteint est donc présumé avoir eu pour cause l'exposition de ce dernier aux poussières d'amiante dans le cadre du travail ; que la SAS Renault, qui procède par voie d'allégations, ne détruit pas cette présomption en démontrant que cette maladie trouverait son origine dans une cause totalement étrangère au travail, notamment dans le tabagisme qu'elle invoque ; Attendu qu'aux termes du certificat médical établi le 21 juin 2006, le Dr A..., suivi en cela par le médecin conseil de la CPAM, a indiqué que le décès de M. Y... par hémoptysie massive était imputable au cancer broncho-pulmonaire dont il était atteint ; qu'il s'ensuit que la présomption d'imputabilité au travail s'attache également au décès de M. Christian Y... ; et attendu que la SAS Renault ne produit aucun élément médical propre à démontrer, comme elle l'allègue, que l'hémoptysie dont est décédé M. Y... serait sans lien avec le cancer broncho-pulmonaire, et de nature à contredire utilement le diagnostic du Dr A... et à renverser la présomption d'imputabilité ;
Attendu que la SAS Renault est donc mal fondée à contester que le décès de M. Y... trouve sa cause dans la maladie professionnelle dont il était atteint ;
2) sur la conscience du danger par l'employeur et les mesures prises
Attendu, s'agissant de la connaissance que la société défenderesse avait, au cours de la période d'emploi de M. Y... en son sein, des risques attachés à l'inhalation des poussières d'amiante, que l'on rappellera :- que le législateur s'est attaché depuis la fin du XIXe siècle à protéger l'hygiène, la santé et la sécurité des salariés : loi du 12 juin 1893 concernant « l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels », décret du 20 novembre 1904 traitant notamment de l'évacuation des poussières, loi du 26 novembre 1912 imposant que les établissements recevant les salariés soient tenus dans un état constant de propreté et présentent des conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à préserver la santé du personnel, décret du 10 juillet 1913 exigeant que les poussières ainsi que les gaz incommodes ou toxiques soient évacués directement en dehors des locaux, décret du 13 décembre 1948 prescrivant à titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de mettre en place des équipements de protection collective, le port de masques et des dispositifs individuels appropriés, décret du 6 mars 1961 exigeant un assainissement de l'atmosphère par une ventilation efficace,- que, plus précisément au sujet de l'amiante, après la publication de divers travaux, à savoir : ¤ la note établie en 1906 par M. U..., inspecteur du travail, qui a décrit de manière circonstanciée les risques liés aux " poussières siliceuses " (étant souligné qu'il rappelait que l'amiante était composé à plus de 60 % de silice de sorte qu'il faisait nécessairement référence aux poussières d'amiante) et les moyens (notamment par voie de captation) qu'il convenait de mettre en oeuvre pour préserver les salariés de ce risque sanitaire, ¤ les travaux de COOK en 1927 en Grande Bretagne, du Dr V... en 1930 (lequel a publié dans la Revue Médicale du Travail une longue étude, nourrie de références à des constatations cliniques antérieures effectuées dans différents pays établissant un lien de causalité entre l'abestose et le travail des ouvriers de l'industrie de l'amiante et a fourni plusieurs pages de recommandations précises en direction des industriels de l'amiante), de W... en 1935, lequel suggérait l'existence d'une relation entre le risque de cancer du poumon et une exposition professionnelle à l'amiante, de XX... dont l'étude publiée en 1950 a confirmé cette relation, le risque sanitaire lié à l'amiante a été officiellement reconnu en France par l'ordonnance du 3 août 1945 qui a créé le tableau no 25 des maladies professionnelles relatif à la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières siliceuses et amiantifères ;- que la reconnaissance de ce risque a été confirmée par le décret du 31 août 1950, puis par celui du 3 octobre 1951créant le tableau no 30 des maladies professionnelles propre à l'asbestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante ;- que par la suite, toutes les études (notamment en 1960) et les travaux du congrès sur l'asbestose tenu à Caen en 1964 ont confirmé les risques d'affections graves, en particulier cancéreuses, pour les salariés exposés à l'amiante, et notamment le rôle de cette substance dans le déclenchement de la maladie ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que dès cette époque et depuis le début du XX ème siècle, des risques graves liés à l'exposition des salariés aux poussières en général et à l'inhalation des poussières d'amiante en particulier étaient clairement identifiés et reconnus ;
Que, comme l'a exactement retenu le tribunal, la SAS Renault qui dépend d'un groupe d'ampleur national, ne pouvait pas, entre 1972 et 1997, période au cours de laquelle M. Y... s'est trouvé en son sein exposé à l'inhalation des poussières d'amiante, ignorer ces travaux multiples et récurrents concluant de façon concordantes aux dangers créés pour la santé des salariés par l'utilisation de l'amiante, pas plus que la réglementation et les reconnaissances de maladies professionnelles à laquelle ils avaient conduit ; Que, connaissant parfaitement la présence généralisée d'amiante et de poussière d'amiante dans ses locaux eu égard aux travaux qui y étaient accomplis, elle aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait ses salariés, notamment, M. Christian Y... ;
Or attendu, comme l'ont relevé les premiers juges, qu'il résulte des nombreux témoignages des salariés que la SAS Renault ne leur a dispensé aucune information au sujet des dangers de l'amiante et n'a pas mis de protection à leur disposition qu'elles soient collectives ou individuelles ; que la société appelante ne justifie d'ailleurs pas de la mise en oeuvre d'une quelconque mesure de protection puisqu'elle se contente de verser aux débats une fiche datant du 28 novembre 1978 portant mention d'un essai, au titre de l'entretien électrique, pour remplacer le ruban d'amiante isolant le bobinage par un ruban bordé en fibres de verre traitées résistant à une température de 650o, et d'un autre essai au titre de l'entretien mécanique, pour remplacer le carton d'amiante par un feutre et du papier ; mais attendu qu'il n'est pas justifié qu'une quelconque suite ait été réservée à ces essais, au demeurant très limités ;
Attendu que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a décidé que le cancer broncho-pulmonaire dont s'est trouvé atteint M. Christian Y..., et dont il est décédé, est dû à la faute inexcusable de l'appelante ;

II) Sur les demandes indemnitaires
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l'employeur ouvre droit pour le salarié victime et ses ayants droit à une indemnisation complémentaire tenant, d'une part, en la majoration du capital ou de la rente versée, d'autre part, dans la réparation des préjudices énumérés à l'article L 452-3 du même code ;
Attendu, comme l'ont rappelé les premiers juges que, né le 3 février 1953, M. Christian Y... est entré en apprentissage au sein de la SAS Renault en 1969 et est décédé à l'âge de 53 ans ;
Attendu que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a fixé a au maximum la majoration de la rente allouée par la CPAM à la veuve de M. Y..., aucune faute inexcusable n'étant même alléguée à l'encontre de ce dernier ;
Attendu, comme l'a rappelé le tribunal, que la maladie dont était affecté ce dernier a été découverte à la faveur d'un scanner pulmonaire réalisé le 19 novembre 2003 dans le cadre d'une " surveillance amiante " mise en oeuvre par la médecine du travail, cet examen ayant révélé la présence de trois nodules au niveau du poumon droit et celle d'un nodule au niveau du poumon gauche ; Attendu qu'aux termes d'un certificat médical du 23 février 2004, le médecin traitant notait un amaigrissement, des vomissements et des brûlures rétro-sternales ; que M. Y... a été hospitalisé début mars 2006 pour des crachats hémoptoïques après un effort de toux ; qu'il a subi, le 10 avril 2006, une intervention chirurgicale pour ablation d'une masse sous-cutanée en fosse iliaque gauche, devenue douloureuse depuis peu ; Que M. Y... a ensuite souffert de lombalgies s'accompagnant d'irradiations au niveau des membres inférieurs, ces douleurs s'étant rapidement intensifiées au point de nécessiter un traitement morphinique ; qu'une saccoradiculographie réalisée le 19 avril 2006 laissait évoquer une lésion secondaire pour laquelle, soulignant un contexte d'abestose, le médecin sollicitait une IRM en urgence ;
Attendu que M. Christian Y... est décédé à son domicile le 20 avril 2006, en présence de son épouse et de sa fille Mary, alors âgée de 11 ans, d'une hémoptisie bronchique, brutale et qualifiée de " cataclysmique " qui a entraîné son décès ;
Attendu que, si ces éléments permettent de caractériser des souffrances importantes, tant morales que physiques, éprouvées par M. Y... en raison, notamment, de la gravité de la maladie dont il se savait atteint, de son origine, des douleurs physiques qu'elle a engendrées et des circonstances du décès, il apparaît toutefois que ce poste de préjudice sera, par voie d'infirmation du jugement entrepris, justement réparé par l'allocation d'une somme de 30 000 € ; Attendu que le jugement déféré mérite d'être confirmé s'agissant de la somme allouée au titre du préjudice esthétique ;
Attendu que le tribunal a rejeté la demande formée au titre du préjudice d'agrément au motif qu'il n'était pas justifié de la pratique par la victime d'un sport ou d'une activité de loisir bien défini ; Attendu qu'aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, le préjudice d'agrément s'entend de l'ensemble des troubles ressentis dans les conditions de l'existence sans qu'il y ait lieu à distinguer entre la période antérieure à la consolidation et celle postérieure à cet événement ; attendu, toutefois, que les éléments, notamment médicaux, versés aux débats ne font pas ressortir l'existence de tels troubles en ce qui concerne M. Y... ; que la décision entreprise sera également confirmée sur ce point ;
Attendu enfin, qu'au regard des éléments ci-dessus rappelés, le tribunal a également fait une exacte appréciation des indemnités propres à réparer le préjudice moral subi par la veuve de M. Y... et par chacun de ses enfants en raison de son décès ; qu'il y a encore lieu à confirmation de ces chefs ;
Attendu que le jugement entrepris doit également être confirmé en ses dispositions relatives à l'avance par la CPAM de La Sarthe des indemnités ainsi allouées et à la récupération des ces sommes auprès de l'employeur, en application des dispositions des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale ;

III) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu qu'il paraîtrait inéquitable de laisser aux consorts Y... la charge des frais irrépétibles d'appel ; que la SAS Renault sera condamnée à leur payer de ce chef la somme globale de 3 000 €, le jugement déféré étant confirmée en ses dispositions relatives aux frais non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement entrepris seulement s'agissant du montant de l'indemnité allouée au titre des souffrances physiques et morales endurées par M. Christian Y... ;
Statuant à nouveau, fixe le montant de l'indemnité allouée de ce chef au titre de l'action successorale à la somme de 30 000 € (trente mille euros) ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS Renault à payer aux consorts Y... la somme globale de 3 000 € (trois mille euros) au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Déclare le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de La Sarthe ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne la SAS Renault au paiement de ce droit, ainsi fixé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01380
Date de la décision : 03/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-03;10.01380 ?
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