La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2012 | FRANCE | N°10/02774

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 27 mars 2012, 10/02774


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT DU 27 Mars 2012

ARRÊT N CLM/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02774.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 15 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/00683

APPELANTE :
Société CSFZI Route de Paris14120 MONDEVILLE
représentée par Maître Thierry PAVET, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
Madame Sylvie X......72000 LE MANS(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (70 %) numéro 2011/007456 du 13/10

/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d' ANGERS)
représentée par Maître Yves PETIT, avocat ...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT DU 27 Mars 2012

ARRÊT N CLM/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02774.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 15 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/00683

APPELANTE :
Société CSFZI Route de Paris14120 MONDEVILLE
représentée par Maître Thierry PAVET, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
Madame Sylvie X......72000 LE MANS(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (70 %) numéro 2011/007456 du 13/10/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d' ANGERS)
représentée par Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL , présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :prononcé le 27 Mars 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
La société CSF France, dont le siège social est situé à Mondeville (Calvados), exploite un certain nombre de magasins aux enseignes "Carrefour Market" et "Champion" dans le secteur de la grande distribution.
Entre le 15 octobre 2007 et le 16 octobre 2009, elle a, aux termes de 36 contrats de travail à durée déterminée, embauché Mme Sylvie X... en qualité d'hôtesse de caisse, soit dans le cadre du remplacement de salariés absents, soit au titre d'un accroissement temporaire d'activité.
Sur la demande formée par Mme X..., le 2 octobre 2009, de pouvoir bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée, par courrier recommandé du 14 octobre suivant, la société CSF France lui a fait connaître qu'elle ne disposait d'aucun poste en contrat de travail à durée indéterminée à lui proposer.
C'est dans ces circonstances que, le 20 novembre 2009, Mme Sylvie X... a saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que le paiement de diverses indemnités de requalification et de rupture.
Par jugement du 15 octobre 2010, rendu en formation de départage, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue par l'article 515 du code de procédure civile :- prononcé la requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée ;- condamné la société CSF France à payer à Mme Sylvie X... les sommes suivantes :¤ 1 200 € d'indemnité de requalification,¤ 2400 € d'indemnité compensatrice de préavis, ¤ 450 € d'indemnité de licenciement,¤ 7 200 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,¤ 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- débouté la société CSF France de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.
Mme Sylvie X... et la société CSF France ont reçu notification de ce jugement respectivement les 16 et 20 octobre 2010. La société CSF France en a relevé appel par lettre recommandée postée le 5 novembre suivant.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 23 décembre 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société CSF France demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mme Sylvie X... de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
A l'appui de son recours, l'appelante soutient qu'il résulte de l'esprit et de la lettre de l'article L 1242-8 du code du travail, que la prohibition de la succession de contrats de travail à durée déterminée au-delà d'une durée totale de 18 mois ne trouve à s'appliquer que s'agissant d'un même employeur et d'un même établissement. Elle estime que, les contrats litigieux ayant été conclus entre elle et Mme X... afin de pourvoir à des remplacements dans des magasins différents, tous constitutifs d'établissements distincts, la salariée ne peut pas prospérer en sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée successifs en un contrat de travail à durée indéterminée.
Elle conteste le raisonnement retenu par les premiers juges selon lequel le recours à des embauches via des contrats de travail à durée déterminée successifs pour pallier des absences ou faire front à un surcroît d'activité dans des établissements différents correspondrait à la nécessité de pourvoir un emploi durable au sein de l'établissement, et elle argue de ce que, sauf finalement à interdire le recours au CDD aux entreprises d'une certaine taille, l'employeur ne peut pas se voir interdire, quelle que soit la taille de l'entreprise, d'avoir recours à des CDD dans ces hypothèses ; qu'un tel raisonnement est contreproductif en termes de politique de l'emploi car il conduirait les employeurs, une fois atteinte la limite de 18 mois, à ne plus s'adresser à une personne dont ils ont pu apprécier les compétences.

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 2 janvier 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme Sylvie X... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la société CSF France à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle oppose qu'en application des dispositions des articles L 1242-1 et L 1242-8 du code du travail, la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée s'impose dès lors que ces CDD, qui se sont succédé pendant plus de dix-huit mois, ont bien eu pour effet de pourvoir un emploi durable, peu important qu'elle ait pu être appelée à intervenir dans des établissements différents, lesquels constituent seulement des lieux de travail différents.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'aux termes de l'article L 1242-1 du code du travail, "Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise." ;
Attendu qu'il résulte des contrats de travail versés aux débats qu'entre le 15 octobre 2007 et le 16 octobre 2009, la société CSF France a, dans le cadre de 36 contrats de travail à durée déterminée embauché Mme Sylvie X..., toujours en qualité d'hôtesse de caisse, le plus souvent pour remplacer un salarié absent pour maladie ou congés payés, les salariés concernés ayant été des personnes différentes et, à quelques reprises, pour faire face à un accroissement temporaire d'activité ;
Attendu que la société CSF France ne conteste ni que Mme X... a toujours occupé le même emploi d'hôtesse de caisse, ce qui résulte d'ailleurs expressément des contrats de travail litigieux, ni le caractère successif de ces 36 CDD, ni qu'ils se sont déroulés du 15 octobre 2007 au 16 octobre 2009, soit pendant deux ans et un jour ;
Attendu, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, que pour tenter d'échapper à la requalification, la société appelante argue seulement du fait que les divers magasins dans lesquels la salariée est intervenue comme hôtesse de caisse constituaient des établissements distincts ;
Mais attendu que tous les contrats de travail à durée déterminée en cause ont bien été conclu par le même employeur, à savoir, la société CSF France ; et attendu que, si tous mentionnent le lieu de situation du magasin où s'exécutera le contrat de travail (toujours dans le secteur du Mans), voire l'enseigne concernée, tous précisent expressément que ce lieu de travail est indiqué à titre seulement informatif ; et attendu que le caractère purement informatif de cette indication ressort encore du fait que la plupart des contrats, y compris ceux dont l'objet est le remplacement d'un salarié, énoncent : "A titre d'information, votre lieu de travail est initialement situé à..." ; qu'il suit de là que la société CSF France se réservait de pouvoir affecter Mme Sylvie X... sur un autre magasin en cours d'exécution du CDD ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que les divers magasins ou établissements mentionnés ne constituaient que des lieux de travail où Mme X... occupait toujours le même emploi ; et attendu que la circonstance qu'elle ait pu être affectée sur des lieux de travail différents ne permettait pas, à elle seule, à la société CSF France de déroger aux règles relatives au recours au CDD ;
Attendu que le fait pour cette dernière d'avoir, pendant deux ans et un jour, dans le cadre de contrats successifs, systématiquement embauché Mme X... pour lui faire occuper un emploi d'hôtesse de caisse, lequel relève de l'activité normale de l'entreprise, pour pallier les absences, le plus souvent pour congés payés, voire pour maladie, de plusieurs hôtesses de caisse sur différents sites, ou, plus rarement, pour faire face à un surcroît d'activité dont l'employeur n'explique pas en quoi il consistait et dont il ne tente pas d'établir la réalité, a bien eu pour objet, en tout cas, pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée conclus entre la société CSF France et Mme Sylvie X... en contrat de travail à durée indéterminée ;
Attendu qu'en application de l'article L 1245-2 du code du travail, cette dernière a droit à une indemnité de requalification dont le montant ne peut pas être inférieur à un mois de salaire et que les premiers juges ont exactement apprécié à la somme de 1200 € au regard des justificatifs produits ;
Attendu, la société CSF France ayant mis fin au contrat de travail sans respecter la procédure de licenciement, laquelle est d'ordre public, que la rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse qui ouvre droit pour Mme X... à l'indemnité compensatrice de préavis, à l'indemnité de licenciement et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, ne peut pas être inférieure à six mois de salaire puisque l'intimée comptait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ; Attendu que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des sommes dues à Mme X... au titre du préavis et de l'indemnité de licenciement, et de l'indemnité propre à réparer son préjudice pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions relatives à la requalification des CDD et aux conséquences de la rupture ;
Attendu que la société CSF France qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme X..., en cause d'appel, une indemnité de procédure de 1000 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société CSF France à payer à Mme Sylvie X... une indemnité de procédure de 1 000 € (mille euros) en cause d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
Condamne la société CSF France aux dépens d'appel, étant rappelé que Mme Sylvie X... bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle à 70 %.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02774
Date de la décision : 27/03/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-03-27;10.02774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award