COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 Mars 2012
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02717.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 30 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01456
APPELANTE :
S. A. R. L. SETTIMIO X... 38 rue de la Meignanne 49100 ANGERS
représentée par Maître Corentin CRIQUET, avocat au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Didier Y...... 49100 ANGERS
présent, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 20 Mars 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Soulard, qui avait une activité de pompes funèbres et de vente de monuments funéraires, a engagé à compter du 3 décembre 2001 M. Didier Y... en contrat à durée déterminée comme employé de bureau et assistant funéraire puis en contrat à durée indéterminée du 1er avril 2004, en qualité d'employé de bureau, assistant funéraire et maître de cérémonie, niveau I, coefficient 160, à temps plein.
Le fonds de commerce a été racheté par la société Settimio X... le 29 décembre 2005, avec transfert du contrat de travail de M. Y... à compter du 1er janvier 2006.
La convention collective applicable est celle de l'union nationale des industries de carrières et matériaux (UNICEM).
L'emploi de M. Y... a évolué en un poste de conseiller funéraire au coefficient 170.
Par lettre recommandée du 11 février 2006, un avertissement a été notifié à M. Y....
Le 22 mars 2006, M. Y... a eu un accident du travail dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers le 8 juin 2006.
Un nouvel avertissement a été notifié à M. Y... le 20 mars 2007.
Le 22 octobre 2007, il a été convoqué à un entretien préalable à sanction, et par lettre recommandée avec avis de réception du 15 novembre 2007, une mise à pied disciplinaire de trois jours lui a été notifiée, avec effet au 20 novembre 2007.
M. Y... a été en arrêt de travail, du 6 novembre 2007 au 6 juin 2008, avec une reprise à mi-temps thérapeutique du 5 mars 2008 au 6 juin 2008.
Le 30 octobre 2008, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 7 novembre 2008 ; il a été licencié pour faute le 14 novembre 2008.
M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, auquel il a demandé de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de prononcer l'annulation de la mise à pied disciplinaire et de constater l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société Settimio X....
Par jugement du 30 septembre 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- dit Ie licenciement prononcé à l'encontre de M. Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Settimio X... à payer à M. Y... la somme de 19 800 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts à compter du prononcé du jugement,
- débouté M. Y... de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 15 novembre 2007 et d'indemnités au titre de cette mise à pied,
- constaté l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société Settimio X... ; en conséquence, l'a condamnée à verser à M. Y... la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts à compter du prononcé du jugement,
- ordonné I'exécution provisoire sur la totalité du jugement et dit que Ie tout sera consigné auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations,
- constaté que la société Settimio X... a satisfait à la demande d'envoi du registre unique du personnel dans Ie cadre des notes en délibéré acceptées lors du bureau de jugement,
- condamné la société Settimio X... à verser à M. Y... la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné, en application des articles L. 1235-4 du Code du Travail, Ie remboursement par la société Settimio X... à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par M. Y... dans la limite de six mois,
- débouté la société Settimio X... de I'ensemble de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée aux dépens qui comprendront les frais éventuels pour l'exécution de la présente décision et qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
La décision a été notifiée le 8 octobre 2011 à M. Y... et à la société Settimio X... qui en a fait appel par lettre recommandée postée le 29 octobre 2011.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La société Settimio X... demande à la cour, par observations orales à l'audience, reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 6 décembre 2011 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 15 novembre 2007, d'ordonner la restitution à la société Settimio X... des sommes consignées à la Caisse des Dépôts et Consignations, et de condamner M. Y... à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société Settimio X... soutient :
- que le licenciement de M. Y... est causé par l'erreur qu'il a commise le 20 octobre 2008 dans l'établissement du devis A..., en vendant un cercueil " tombeau Ligneron " mais en portant sur le devis une référence " cercueil Paris Ligneron ", d'une gamme inférieure, ce qui a eu des conséquences importantes, puisque la famille a refusé la mise en bière le jour de l'enterrement, qui en a été retardé ; que l'employeur a dû pour maintenir son image commerciale offrir à la famille du défunt la pose sans frais d'une pierre tombale de 4780 €.
- que la rédaction de ce devis entrait bien dans les fonctions contractuelles de M. Y..., telles qu'elles résultaient de l'avenant au contrat de travail du 23 juillet 2008, qui faisait suite aux recommandations du médecin du travail ; que M. Y... était bien apte aux fonctions de conseiller funéraire et que tenant compte des réserves émises par le médecin du travail dans son avis d'aptitude la société Settimio X... avait procédé à un aménagement du poste de M. Y..., avec maintien de sa rémunération.
- que M. Y... avait déjà fait l'objet de sanctions pour des erreurs dans des devis ; que les sanctions subies ont été justifiées par son comportement et qu'il n'a pas été comme il le prétend victime de brimades et vexations ; que l'employeur a exécuté le contrat de travail de bonne foi.
- que M. Y... n'a pas été déclassé à sa reprise du travail le 6 juin 2008, mais qu'il a été procédé à l'aménagement de son poste, avec maintien de rémunération.
M. Y... demande à la cour, par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 17 octobre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de :
- confirmer Ie jugement entrepris en ce qu'il a dit Ie licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la société Settimio X... au paiement de la somme de 19 800 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- confirmer Ie jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société Settimio X..., et en ce qu'il a condamné la société Settimio X... à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé.
- infirmer Ie jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'annulation d'une sanction disciplinaire et prononcer l'annulation de la mise a pied disciplinaire du 15 novembre 2007.
- en conséquence, condamner la société Settimio X... à lui payer la somme de 400 € au titre de la mise à pied injustifiée.
- condamner la société Settimio X... aux dépens, et à lui verser la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... soutient :
- que la société Settimio X... ne démontre pas qu'il ait commis une erreur dans la rédaction du devis A..., mais seulement que la famille a contesté le modèle fourni ; que la société Settimio X... produit des attestations de salariés de l'entreprise établies en 2011, et donc trois ans après les faits.
- qu'il n'était plus conseiller funéraire à la date des faits, puisque la société Settimio X..., depuis l'avenant du 23 juillet 2008, l'employait comme employé de pompes funèbres au coefficient 160, et non plus 170, ce que les bulletins de paie établissent.
- qu'il lui reproche une faute relevant de fonctions qu'on lui avait retirées.
- que la société Settimio X... s'est acharnée à multiplier contre lui brimades et vexations, alors qu'il n'avait jamais eu de difficultés dans l'exécution de son travail avant 2006 ; qu'elle a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi, en le faisant travailler comme porteur dès le transfert du contrat de travail, afin qu'il " fasse ses preuves " ; qu'elle a multiplié les avertissements et a rendu difficile la prise en charge de son accident du 22 mars 2006 en accident du travail en attendant plusieurs jours pour le déclarer puis en indiquant qu'il n'y avait pas de témoins ; qu'elle l'a déclassé en juillet 2008, alors qu'après le licenciement elle a à nouveau fait appel à lui en tant que travailleur intérimaire.
- qu'il a subi un préjudice matériel et moral important.
- que la mise à pied disciplinaire lui a été notifiée le 15 novembre 2007, alors qu'il était en arrêt de travail depuis le 6 novembre 2007, et avait tenté de mettre fin à ses jours le 12 novembre 2007, ce qui montre de la part de l'employeur un manque total d'humanité ; que les griefs qui lui sont reprochés pour justifier la mise à pied n'ont pas eu de réalité.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise à pied du 15 novembre 2007
L'article L1331-1 du code du travail stipule que constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
La mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail, dont la durée doit être fixée et notifiée au salarié, et elle fait cesser à la fois l'obligation de fournir le travail pour celui-ci, et l'obligation de payer le salaire, pour l'employeur.
La mise à pied de trois jours, notifiée le 15 novembre 2007 à M. Y..., a donné lieu à convocation par l'employeur du 22 octobre 2007, et entretien du 29 octobre 2007.
Elle est ainsi libellée :
" Monsieur
Nous faisons suite à notre entretien du 29 octobre 2007. Au cours de celui-ci, nous vous avons fait part des griefs suivants que nous avions à votre encontre, à savoir :- établissement d'un devis en date du 27 septembre 2007 rempli d'erreurs (calculs, tarifs...) et incompréhensible. Vous additionnez même des choix au lieu de séparer les propositions.- comportement et attitude avec la clientèle incompatible avec vos fonctions (manque d'assurance, durée de rendez-vous trop longue..)- non participation à l'entretien des magasins, cette attitude crée un mauvais climat avec vos collègues ce qui perturbe la bonne marche de l'entreprise ; Les explications recueillies auprès de vous au cours de votre entretien du 30 octobre 2007 n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Pour ces motifs, nous vous infligeons une sanction de mise à pied de 3 jours avec retenue correspondante de salaire qui prendra effet à compter du 20 novembre 2007 au matin.
Vous reprenez donc le travail le 23 novembre 2007. "
Aux termes des dispositions de l'article L1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
La sanction notifiée à M. Y... est justifiée par trois griefs : des erreurs dans l'établissement d'un devis d'obsèques du 27 septembre 2007, une attitude avec la clientèle incompatible avec les fonctions de conseiller funéraire, le refus de M. Y... de participer à l'entretien des magasins de la société Settimio X....
Si l'employeur ne produit aucune pièce démontrant que M. Y... ait eu avec la clientèle une attitude " incompatible avec ses fonctions ", grief d'ailleurs excessif puisque ce qui est reproché est du " manque d'assurance " et des durées de rendez-vous trop longues, ni ne démontre qu'il ait refusé de participer à l'entretien des magasins, il est en revanche certain que le devis dressé le 27 septembre 2007 par le salarié pour les funérailles de M. Z..., comporte plusieurs erreurs.
Sur ce document, renseigné et signé par M. Y..., apparaissent en effet, outre des erreurs de calcul sur les kilométrages, du fait d'une inhumation au Chaudron en Mauges, l'oubli du coût de l'inhumation au cimetière (115 €), ainsi que l'oubli du coût des fosses, dont le montant tout en étant mis dans la colonne " fournitures et services " n'est pas inclus dans le total figurant en bas de cette colonne ; ainsi le client, s'en tenant au total du devis, aurait en effet, comme le fait observer la société Settimio X..., pu refuser de payer la somme oubliée pour les fosses, soit un montant de 1090 €, ainsi que celle oubliée pour l'inhumation.
M. Y... s'était vu notifier le 20 mars 2007 un avertissement ayant pour motif une erreur dans l'établissement d'un devis du 17 mars 2007 ; le 21 mars 2007, il avait écrit à son employeur en lui disant " suite à votre courrier en date du 20 mars 2007, je ne peux pas contester mon erreur ".
Sa " contestation " du bien fondé de cet avertissement du 20 mars 2007, contrairement à ce qui est aujourd'hui soutenu, n'a donc pas porté sur la réalité des faits reprochés, mais a été faite dans ces termes : " comment peut-on être assidu à effectuer un dossier de P. F. lorsque l'on est constamment dérangé par vous qui n'arrêtez pas de téléphoner pour savoir où en est le dossier, et aussi par les clients qui trépignent des pieds quand on ne les sert pas assez vite ? ".
La mise à pied notifiée le 15 novembre 2007 est, dans ces conditions justifiée, en ce que les faits invoqués par l'employeur sont établis, peu important que ce soit partiellement, et proportionnée, en ce qu'elle a été précédée, pour un fait de nature identique et établi, de la délivrance d'un simple avertissement, et que l'erreur commise porte sur un montant important.
La société Settimio X... avait d'autre part, l'obligation légale résultant des dispositions des articles L1332-2 et R1332-3 du code du travail, de notifier la sanction choisie par elle avant le 30 novembre 2007, à défaut de quoi, elle aurait été irrégulière ; cette sanction devait aussi, en termes d'exécution, intervenir dans un délai raisonnable après la notification, sauf à être considérée comme caduque ;
Il est établi que M. Y... a déposé le 6 novembre 2007 un avis d'arrêt de travail initial qui allait jusqu'au 12 novembre 2007, puis un avis de prolongation, allant du 12 novembre au 26 novembre 2007, précisant pour motif : " syndrome dépressif ", et autorisant les sorties libres.
L'avis de prolongation, daté du 12 novembre 2007, émane du médecin généraliste de M. Y..., et celui-ci ne démontre pas qu'au moment de l'envoi de la mise à pied, le 15 novembre 2007, date qui aurait dû être celle de la reprise du travail par le salarié, la société Settimio X... ait eu connaissance d'ores et déjà de cette prolongation.
Le fait en outre, que l'employeur ait connu au moment de l'envoi de la mise à pied la survenance de sa tentative de suicide, reste une simple affirmation de M. Y..., alors que la date même de ce geste n'apparaît sur aucune pièce médicale.
Le reproche de manque d'humanité qui est fait à l'employeur n'apparaît pas justifié, et la sanction que notifie la société Settimio X... au salarié le 15 novembre 2007 reste proportionnée à la fois à la gravité des faits reprochés, et à la connaissance qu'elle a de la situation de santé de M. Y....
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur le licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L1232-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé, et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Les faits invoqués par l'employeur doivent être exacts, précis, objectifs et revêtir une certaine gravité.
La lettre de licenciement, visée à l'article L1232-6 du code du travail, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, et ses termes fixent le litige.
Il appartient au juge de rechercher la cause du licenciement, et d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, au vu des éléments fournis par les parties.
La lettre de licenciement notifiée le15 novembre 2008 à M. Y... est ainsi libellée :
" Monsieur,
A la suite de notre entretien en date du 7 novembre 2008, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour Ie motif suivant :
Erreur dans I'établissement du descriptif du dossier funéraire de M. Georges A.... Vous avez en effet vendu un cercueil référence " Tombeau ligneron " et porté sur Ie descriptif la mention " Cercueil Paris Ligneron ".
Le descriptif ne correspondant pas à la vente, la famille du défunt a, Ie jour de I'enterrement, Ie 24/ 10/ 2008, refusé la mise en bière et nous avons dû équiper d'urgence Ie cercueil vendu.
Votre erreur a eu des conséquences considérables décalant la mise en bière, la cérémonie d'environ 1 h 30, et I'inhumation à la nuit tombée d'environ 2 h 45 contraignant les agents municipaux à attendre Ie convoi après la fermeture normaIe du cimetière.
Cette situation a entraîné I'insatisfaction de la famille du défunt, un préjudice financier important suite au dédommagement de la famille et a nui considérablement à I'image de notre société.
Nous vous rappelons par ailleurs qu'une mise à pied disciplinaire vous a été notifiée courant novembre 2007 et que vous avez été destinataire de deux avertissements précédemment.
Vos explications recueillies lors de notre entretien ne sont pas de nature à modifier notre décision. Votre pravis, que vous exécuterez, débutera Ie jour de la première présentation de la présente lettre et se terminera deux mois plus tard, date à laquelle vous cesserez de faire partie des effectifs de I'entreprise, étant précisé que toute prise de congés payés ne s'imputera pas sur la durée du dit préavis.
Nous vous indiquons également que vous avez acquis 80 heures au titre du droit individuel à la formation. "
Il est donc exclusivement reproché à M. Y... d'avoir mal renseigné, le 20 octobre 2008, le devis établi pour les obsèques de M. A... et d'avoir, par cette erreur, causé à son employeur à la fois un préjudice financier important, et un préjudice commercial ; M. Y... conteste avoir commis une erreur et soutient que l'insatisfaction de la famille de M. A..., qui aurait au moment de la mise en bière du défunt, le 24 octobre à son domicile, refusé le modèle de cercueil apporté par l'entreprise de pompes funèbres, n'est pas prouvée par l'employeur, qui produit à l'appui de son affirmation des attestations de salariés de l'entreprise établies en août et septembre 2011 seulement.
Il est cependant acquis que le devis signé par Madame A... le 20 octobre 2008 pour l'inhumation de son mari a bien été renseigné par M. Y..., et signé par lui.
Il apparaît aussi sur ce document, que le cercueil choisi par le client est vendu au prix de 1041 €, ce qui correspond, au regard des extraits de catalogues commerciaux apportés aux débats par la société Settimio X..., à un modèle " tombeau LIGNERON ", tandis que M. Y... a écrit sur la deuxième feuille du devis, à la rubrique " cercueil, modèle " du devis, les mots : " Paris LIGNERON ".
Il n'est pas contestable que ces deux modèles diffèrent sensiblement d'aspect, puisque le couvercle du modèle " tombeau LIGNERON " est surélevé en dôme, plus travaillé, tandis que celui du modèle " Paris LIGNERON ", est plat.
La famille n'a donc pas pu manquer de s'apercevoir, à l'issue de la mise en bière, que son choix n'était pas traduit dans la prestation effectuée.
L'insatisfaction de celle-ci est démontrée par la société Settimio X... lorsqu'elle produit l'écrit signé par Mme veuve A..., le 29 octobre 2008, quatre jours après l'inhumation, et dans laquelle celle-ci atteste " avoir accepté un monument en granit poli d'une valeur de 4780 €, que Monsieur Mario X..., gérant des pompes funèbres Settimio X... dont le siège social se situe au 38 rue de la Meignanne à Angers m'a proposé de poser gratuitement sur la tombe de mon mari, en dédommagement d'un incident intervenu le jour de la sépulture ; en foi de quoi, je m'engage à n'entamer aucune poursuite ou
réclamation envers les Pompes Funèbres Settimio X... sur le déroulement et l'organisation des obsèques de mon époux M. Georges A.... "
Les attestations établies les 23 août, 27 août et 3 septembre 2011 par Messieurs C..., D... et E..., qui ont participé à la mise en bière de M. A..., témoignent aussi de façon précise, et personnelle à chacun d'eux, de l'ampleur de la difficulté créée, susceptible dès lors de leur en avoir laissé un souvenir persistant, puisqu'il a fallu faire venir du dépôt, situé à Avrillé, un autre cercueil, ce qui a retardé la cérémonie religieuse de près de deux heures, provoquant l'attente sur place des parents et proches, du curé, et des employés municipaux, et obligeant à une inhumation alors que la nuit était tombée, vers 19heures 30 ; ce contexte a amené les trois employés de la société Settimio X... à devoir supporter de la part de la famille mécontente des commentaires qu'ils ont qualifiés de " menaces verbales " et " quolibets ", subis à leur arrivée comme à leur départ, ainsi que les reproches des employés municipaux qui ont dû quant à eux retarder l'heure de fermeture habituelle du cimetière.
La réalité de l'erreur commise, son imputabilité à M. Y..., et l'importance des conséquences financières et commerciales qui en sont résultées pour la société Settimio X..., qui se sont traduites, d'une part, par le montant de dédommagement que l'employeur a dû consentir pour éviter un litige, et d'autre part, par la dégradation de son image professionnelle, sont donc établies.
M. Y... soutient, tout en contestant la réalité même d'une erreur de sa part, que la faute qui lui est imputée serait en tout état de cause intervenue dans l'exécution d'une tâche qui ne relève pas de celles auxquelles il était affecté depuis l'avenant contractuel du 23 juillet 2008.
M. Y... a en effet été en arrêt maladie pour syndrome dépressif du 6 novembre 2007 au 5 mars 2008, date à laquelle il a repris le travail sous la forme d'un mi-temps thérapeutique, jusqu'au 6 juin 2008, date de sa reprise à temps plein.
Le 5 mars 2008, le service de la médecine au travail a renseigné une " fiche médicale d'aptitude " dans ces termes : reprise du travail à mi-temps thérapeutique du matin. A revoir à l'issue de celui-ci (début avril) ; le poste de travail indiqué sur la fiche d'aptitude est : " assistant funéraire ".
L'employeur a, pour sa part, adressé le 5 mars 2008 au médecin du travail, le docteur F..., un courrier ainsi rédigé : " je vous prie de trouver ci-dessous les nouvelles tâches de travail qui pourraient être confiées à M. Y... afin qu'il puisse quitter son poste de conseiller funéraire qui lui semble inadapté. Bien entendu ce changement de poste a pour seul but de faciliter son intégration et de lui permettre de s'épanouir professionnellement, ce qui n'est absolument pas le cas actuellement ; "
Ce document énonce ainsi les missions à confier désormais au salarié, en demandant au médecin du travail son avis :
- gérer le stock matériel (cercueils, accessoires),- assurer l'entretien des véhicules (lavage, aspirateur, faire le plein d'essence)- montage des cercueils,- transport des corps avant la mise en bière, à l'aide d'une civière étudiée afin de limiter l'effort fourni par le personnel,- effectuer des démarches administratives en mairie, livraisons de fleurs, etc..- il pourra également être amené à se charger de la réception des colis, de l'étiquetage et de la mise en rayon des produits " légers " dans les magasins de la société,
Le 7 mars 2008, le docteur F... a répondu, par mention manuscrite sur une fiche médicale d'aptitude, dans les termes suivants : " médicalement apte à l'affectation au poste tel que décrit dans le courrier du 5 mars 2008 en limitant au minimum possible le port de charges " ;
Là encore, comme sur la fiche d'aptitude du 5 mars 2008, le libellé manuscrit porté par le médecin du travail à côté de la mention imprimée " poste de travail " est " assistant funéraire ".
Il n'apparaît par conséquent aucunement dans les deux écrits du médecin du travail que celui-ci ait, comme le soutient M. Y..., déclaré le salarié inapte aux fonctions de conseiller funéraire en ce qu'elles comportaient l'établissement de devis d'inhumation.
La réserve d'aptitude émise par le médecin du travail concerne le port de charges lourdes, M. Y... ayant le 22 mars 2006 subi, en portant un cercueil dans une maison de retraite, une lombalgie dont le caractère professionnel a été reconnu le 8 juin 2006 par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers qui a notifié à cette date à M. Y... une prise en charge accident du travail.
Le 5 mars 2008, avant d'être consulté par l'employeur, puis le 7 mars, après avoir reçu son écrit, le médecin a constamment déclaré M. Y... apte au poste d'" assistant funéraire ".
Or, il ressort des affirmations même de M. Y... qu'il exerçait déjà, au sein de l'entreprise Soulard des fonctions d'accueil de la clientèle et de rédaction des devis, et que l'accomplissement de ces tâches ne lui avait jamais attiré de critiques de son employeur, à l'inverse de ce qui devait se passer ensuite avec la société Settimio X....
Le contrat à durée indéterminée signé le 1er novembre 2004 avec l'entreprise Soulard dit que M. Y... est employé comme " employé de bureau, assistant funéraire et maître de cérémonie " et ajoute : M. Y... effectuera l'ensemble des tâches de l'entreprise, à savoir, travaux de secrétariat, bureautique, accueil clientèle, assistant pompes funèbres et maître de cérémonie ".
Lorsque les parties exposent, dans l'avenant contractuel du 23 juillet 2008, que " suite aux difficultés rencontrées par M. Y... dans l'exercice de ses fonctions de conseiller funéraire, le docteur F..., médecin du travail, s'est prononcé par lettre du 5 mars 2008, pour un changement de fonctions, qui a également été sollicité par M. Y... " elles ajoutent par conséquent à la décision du médecin du travail, et la déforment, alors qu'il s'agit entre elles uniquement, dans un contexte médical d'aptitude aux tâches d'" assistant funéraire ", et donc à l'accueil des clients et à l'établissement de devis, mais en considération des difficultés rencontrées depuis 2006 par M. Y... sur ces deux points, d'aménager le poste de travail du salarié en le limitant à titre principal à des tâches de manutention mais en prévoyant, à titre occasionnel l'exercice des " missions de conseiller funéraire " et donc l'accueil de la clientèle et l'établissement des devis d'inhumation.
Quoiqu'ayant de moindres responsabilités, M. Y... conserve expressément, dans l'avenant du 23 juillet 2008, la même rémunération, et le coefficient 160 qui était celui de ses bulletins de paie au sein de la société Soulard.
Il ne peut ni arguer d'une volonté de " déclassement " de l'employeur, alors que celui-ci n'agit pas unilatéralement mais procède par avenant contractuel signé du salarié, ni même d'une " brimade " alors qu'avec la même rémunération les tâches sont plus simples sans que soit exclue la possibilité de confier, ponctuellement, au salarié, la responsabilité de l'établissement d'un devis funéraire.
M. Y... n'établit pas, ni même n'allègue, que la société Settimio X... lui ait, après le 23 juillet 2008, fait accueillir la clientèle et dresser des devis de manière répétée, le mettant ainsi en difficulté.
Lorsqu'il établit, le 20 octobre 2008, le devis demandé par Mme A..., M. Y... est par conséquent bien dans l'accomplissement d'une tâche prévue contractuellement et à laquelle il n'a pas été déclaré inapte par la médecine du travail.
L'erreur qu'il commet dans la rédaction de ce devis, constitue, pour les raisons déjà évoquées, une cause réelle et sérieuse de licenciement et le jugement est par conséquent infirmé sur ce point.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur
M. Y... soutient avoir été victime " d'agissements malveillants " de la société Settimio X... et en voit la preuve dans les faits ainsi énumérés : plusieurs avertissements lui ont été notifiés alors que son employeur précédent ne lui avait jamais signifié de sanction ; la reconnaissance de son accident du travail a été ralentie par la mauvaise volonté de la société Settimio X..., qui a tardé à le déclarer, et indiqué qu'il n'y avait pas de témoins ; il a été " déclassé " à partir de juillet 2008 par son employeur.
M. Y... ajoute que l'entreprise X... voulait en réalité se débarrasser de ceux qu'elle appelait " les Soulards ", que six des huit salariés repris sont partis ; que la société Settimio X... a souvent recours au contrat à durée déterminée ; que d'ailleurs elle l'a repris, comme intérimaire, de janvier à juin 2009.
M. Y... affirme que de tels agissements lui ont causé un grave préjudice moral, et que les certificats médicaux qu'il produit attestent de l'origine professionnelle de la souffrance ressentie.
M. Y... n'apporte cependant aux débats aucune attestation témoignant de la réalité de propos ou d'actes vexatoires de son employeur à son égard ; les avertissements notifiés, comme la mise à pied et le licenciement même, apparaissent à la cour comme fondés ; le départ, au fil du temps, des anciens salariés de l'entreprise Soulard, a pu être expliqué par l'employeur, tandis que l'instruction du dossier d'accident du travail de M. Y... s'est déroulée conformément aux formes et délais prévus par le code de sécurité sociale et a abouti à une prise en charge, deux mois après la survenance des faits.
Les arrêts de travail subis par M. Y... pour dépression, de novembre 2007 à mars 2008, prévoient des sorties libres ainsi justifiées : " lutte contre l'isolement et la solitude ", tandis que les écrits même de M. Y... permettent de savoir qu'il vivait depuis 1994 une situation personnelle difficile, son épouse étant affligée d'une maladie chronique et invalidante.
Sur l'ensemble des avis d'arrêt de travail versés aux débats, un seul, celui du 17 janvier 2008, fait allusion au travail de M. Y..., dans ces termes : " amélioration de l'humeur encore insuffisante dans un contexte de conflit avec l'employeur " et le certificat établi le 7 juillet 2008 par le médecin du centre Cesame ayant suivi en consultations M. Y... ne fait aucune allusion à la cause de la pathologie traitée.
L'exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail alléguée par M. Y... n'est dans ces conditions pas établie et le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la société Settimio X... à verser à M. Y... la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur la consignation de la somme de 30 800 € à la caisse des dépôts et consignations
Le présent arrêt infirmant le jugement en ce qu'il a condamné la société Settimio X... à verser la somme de 30 800 € à M. Y..., la consignation prononcée par les premiers juges est sans objet et les sommes déposées seront restituées à la société Settimio X....
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est infirmé en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.
Il ne paraît pas inéquitable, compte tenu des situations économiques respectives des parties, de laisser à chacune d'entre elles la charge de ses frais non compris dans les dépens.
M. Y..., qui succombe à l'instance, est condamné à en payer les dépens, de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande en annulation de la mise à pied disciplinaire du 15 novembre 2007, le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 30 septembre 2010 ;
Statuant à nouveau sur le surplus,
DEBOUTE M. Y... de sa demande en paiement de la somme de 19 800 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE M. Y... de sa demande en paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
ORDONNE la restitution à la société Settimio X... de la somme de 30 800 € déposée à la Caisse des dépôts et consignations ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
CONDAMNE M. Y... aux dépens de première instance et d'appel.