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13/03/2012 | FRANCE | N°10/02645

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 13 mars 2012, 10/02645


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 13 Mars 2012

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02645. Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 06 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00401

APPELANTE :
S. A. S. X... Le Soleil Route du Mans 72220 ECOMMOY
représentée par Maître Anne-Laure GIANNESINI, substituant Maître Pascal LABROUSSE (SCP), avocat au barreau du MANS, en présence de Madame Annick X..., président directeur général

INTIMEE :
Madame Béatrice Y...... 72220 TELOCHE
présente, assisté

e de Monsieur Gérard Z..., délégué syndical

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositio...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 13 Mars 2012

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02645. Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 06 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00401

APPELANTE :
S. A. S. X... Le Soleil Route du Mans 72220 ECOMMOY
représentée par Maître Anne-Laure GIANNESINI, substituant Maître Pascal LABROUSSE (SCP), avocat au barreau du MANS, en présence de Madame Annick X..., président directeur général

INTIMEE :
Madame Béatrice Y...... 72220 TELOCHE
présente, assistée de Monsieur Gérard Z..., délégué syndical

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT : prononcé le 13 Mars 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail verbal à durée indéterminée à effet au 11 mai 1977, M. Bernard X... a embauché Mme Béatrice A..., qui deviendra ensuite épouse Y..., en qualité de vendeuse dans son commerce d'alimentation générale alors exploité à l'enseigne " La Parisienne ".
Par la suite, M. X... a constitué la société X... et son magasin a été exploité à l'enseigne " SUPER U ".
Le 12 mars 1985, les parties ont signé un contrat aux termes duquel Mme Béatrice Y... se voyait attribuer les fonctions de caissière avec la position " employé " au coefficient 130.
Le 9 juillet 2001, Mme Y... s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours pour avoir utilisé personnellement et remis à ses collègues des bons de tirage et de développement gratuit alors qu'elle aurait dû les remettre à la direction, et pour transactions douteuses sur son relevé de carte U.
Par avenant du 1er juillet 2003, Mme Y... a été promue " manager d'accueil et boutique ", catégorie agent de maîtrise, " au niveau 5 B conclu le 01 février 1998 ". Elle se voyait attribuer la responsabilité du rayon " culture-HI-FI, son ". Son salaire mensuel brut de base était fixé à la somme de 1585, 57 € pour un horaire mensuel de 160, 96 heures de travail effectif et elle bénéficiait d'un forfait mensuel de 5 % de pauses conventionnelles payées, portant sur un temps de 8, 04 heures.
En octobre 2007, Mme Y... est devenue responsable de " l'Espace U " comportant l'électro-ménager, la HI-FI et le matériel informatique.
Par lettre recommandée du 9 février 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 13 " janvier " (sic) 2009 et s'est vue notifier sa mise à pied à titre conservatoire. L'indication du mois de janvier procédant manifestement d'une erreur matérielle, cet entretien s'est bien déroulé à la date effectivement prévue du 13 février 2009.
Le jour même, Mme Béatrice Y... s'est vue notifier son licenciement pour faute grave tenant à des " modifications " et à des remises injustifiées et non validées par la direction sur des produits du Bazar au service de l'Espace U.
Le 19 juin 2009, elle a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement et obtenir diverses indemnités ainsi qu'un rappel de salaire pour heures supplémentaires.
Après vaine tentative de conciliation du 2 septembre 2009, par jugement du 6 octobre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue par l'article 515 du code de procédure civile :- requalifié le licenciement pour faute grave de Mme Béatrice Y... en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;- condamné la société X... au paiement des sommes suivantes : ¤ 362, 05 € à titre de rappel de salaire du chef de la mise à pied conservatoire outre 36, 20 € de congés payés afférents ; ¤ 2026, 64 € de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ; ¤ 4053, 28 € d'indemnité compensatrice de préavis et 405, 32 € de congés payés afférents ; ¤ 25006, 90 € d'indemnité de licenciement ; ¤ 1050, 56 € de dommages et intérêts pour perte du DIF ; ¤ 350 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- débouté Mme Béatrice Y... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;- débouté la société X... de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.
Les deux parties ont reçu notification de ce jugement le 8 octobre 2010. La société X... en a relevé appel par lettre postée le 20 octobre 2010.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 30 novembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société X... demande à la cour :- d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives au licenciement ;- de juger que le licenciement de Mme Béatrice Y... repose bien sur une faute grave et, par voie de conséquence, de la débouter de toutes ses demandes ;- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;- de condamner Mme Béatrice Y... à lui rembourser la somme de 32409, 43 € qu'elle lui a payée en exécution du jugement critiqué, à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
L'intimée soutient qu'elle rapporte bien la preuve des manquements invoqués à l'appui du licenciement de Mme Y..., consistant en des modifications de prix et en l'application de remises injustifiées et non validées par la direction, dont certaines à son profit ou au profit de membres de sa famille, et ce, à onze reprises sur des produits du Bazar de l'Espace U. Elle conteste la position de la salariée selon laquelle il entrait dans ses prérogatives de prendre l'initiative de telles modifications de prix et remises, et elle soutient que, s'il relevait bien de ses fonctions de déterminer les prix de vente des produits de son rayon ainsi que les règles à appliquer en matière de remises à la clientèle, il lui incombait de le faire en tenant compte de la politique de l'entreprise et des tarifs déterminés par la Centrale afin d'atteindre les objectifs fixés par la direction, de sorte que ses prérogatives étaient bien encadrées.
Elle ajoute que, si ces principes n'étaient pas écrits, ils étaient inhérents à la fonction de Mme Y... et relevaient du bon sens ; que celle-ci ne pouvait pas les ignorer compte tenu de son expérience et dans la mesure où ils lui avaient été expliqués ; qu'il relève de l'évidence qu'elle n'était pas autorisée à s'accorder à elle-même ou à des membres de sa famille ou à des clients des réductions, dont certaines, très importantes, sans l'accord de la direction, la seule remise autorisée pour l'ensemble du personnel étant une remise de 5 % sur présentation d'une carte au moment du passage en caisse.
Elle soutient que le comportement de la salariée était bien constitutif d'une faute grave, rendant impossible son maintien dans l'entreprise, toute confiance étant rompue.
S'agissant de la demande relative au paiement d'heures supplémentaires, la société appelante rappelle que seules les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur doivent donner lieu à rémunération, oppose qu'elle a réglé à Mme Y... toutes les heures supplémentaires qu'elle a effectuées et indique que cette dernière a récupéré, par le biais de jours de repos, les heures supplémentaires qu'elle a accomplies de sa propre initiative et qu'elle a cumulées dans un compteur d'heures.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 16 novembre 2011, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, formant appel incident, Mme Béatrice Y... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives au rappel de salaire du chef de la mise à pied conservatoire, à l'indemnité compensatrice de préavis, à l'indemnité pour non respect de la procédure, à l'indemnité de licenciement, aux dommages et intérêts pour perte du droit au DIF et aux frais irrépétibles ;
- de l'infirmer en ses autres dispositions ;- de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société X... à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- de la condamner à lui payer la somme de 1085, 16 € de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi qu'une indemnité de procédure de 1000 € en cause d'appel ;- de débouter la société X... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
Lors de l'audience, l'intimée a précisé que le certificat de travail modifié lui avait bien été remis, que c'est par erreur que sa demande de ce chef avait été maintenue dans les écritures qu'elle a déposées devant la cour et qu'elle ne la maintient pas.
Elle conteste avoir commis une quelconque faute en procédant aux remises invoquées à l'appui de son licenciement, soutenant que la société X... lui avait donné " carte blanche " pour gérer les soldes, les invendus et le matériel impropre à être vendu au prix fort et que ces prérogatives résultent expressément de la fiche de définition de ses fonctions.
Elle soutient qu'il résulte de l'analyse des onze factures en cause qu'elle a toujours agi dans le cadre des prérogatives qui lui étaient données et argue de l'absence de préjudice subi par l'employeur. Elle relève que la première facture litigieuse date du 14 décembre 2007 ; que l'absence de réaction de l'employeur démontre qu'il était tout à fait d'accord avec les remises ainsi pratiquées, qu'elles l'étaient en toute transparence et qu'elles étaient conformes aux prérogatives qui lui étaient conférées.
Elle conteste que ces remises puissent même caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.
S'agissant des heures supplémentaires, Mme Y... indique qu'elle sollicite seulement le paiement de celles qui ne lui ont pas été payées et elle soutient les avoir bien accomplies à la demande de l'employeur, pour parvenir à réaliser l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les heures supplémentaires :
Attendu que, s'il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient toutefois au salarié d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Attendu que Mme Béatrice Y... sollicite la somme de 1 085, 16 € à titre de solde dû pour heures supplémentaires effectuées entre le 10 septembre 2007 et le 8 février 2009 ;
Attendu qu'à partir des feuilles de pointage, communiquées par l'employeur à sa demande, et de ses bulletins de salaire, Mme Y... a établi, pour la période litigieuse, un tableau récapitulant semaine par semaine, le nombre d'heures supplémentaires qu'elle a effectuées ; que le nombre total de ces heures supplémentaires ressort à 254, 25 heures, représentant une créance de salaire de 3 841, 04 € ; qu'à partir de ses bulletins de salaire, l'intimée justifie que l'employeur lui a réglé 160, 07 heures supplémentaires à 25 %, soit la somme de 1160, 96 € entre octobre 2007 et janvier 2009 ; qu'elle a bénéficié d'un rappel de salaire de 1594, 92 € pour heures supplémentaires sur le bulletin de salaire de février 2009 ;
Attendu que ces éléments établissent la réalité de l'accomplissement régulier d'heures supplémentaires à la demande de l'employeur, et ils sont suffisamment précis pour permettre à ce dernier de répondre et d'apporter la preuve contraire en justifiant des horaires effectivement réalisés par la salariée ; qu'ils sont donc de nature à étayer la demande de Mme Béatrice Y... ;
Attendu que la société X... rétorque que cette dernière aurait récupéré les autres heures supplémentaires accomplies, non payées, par le biais de jours de repos cumulées sur un compte d'heures ; mais attendu qu'elle ne produit aucun élément à l'appui de cette affirmation ;
Attendu que Mme Y... apparaît donc fondée en sa demande en paiement de la somme de 1 085, 16 € représentant le solde dû au titre des heures supplémentaires qu'elle a accomplies ; que, par voie d'infirmation du jugement déféré, la société X... sera condamnée à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2009, date à laquelle la société appelante a accusé réception de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation ;

Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement, adressée à Mme Béatrice Y... le 13 février 2009, et qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée :
" Nous faisons suite à l'entretien dont vous avez fait l'objet en vue d'un éventuel licenciement du 13 février 2009 à 10 H 00 en présence de M. B... et moi même. Nous vous rappelons, les faits qui vous sont reprochés : Nous avons constatés à multiples reprises des modifications ainsi que des remises sur des produits du Bazar à Services de l'ESPACE U.
Nous énumérons ci-dessous quelques exemples relevés sur les fiches de ventes correspondantes pour vous et votre famille proche :
14/ 12/ 2007- Facture No 653 MME Y... Béatrice 1 appareil photo numérique FUJI FINEPIX A820 métal M + PDV : 169. 00 €- payé : 152. 10 €- remise : 10 %
14/ 12/ 2007- Facture No 652 M. Y... Anthony 1 plasma KTV 49 DENVER 42 PDV : 699. 00 €- payé : 629. 10 €- remise : 10 %
08/ 11/ 2008- Facture No 4326 M. Y... Anthony 1 lave-linge TOPFAURE FWQ5112 MT. PDV : 299. 00 €. Payé : 150. 00 €- remise 49. 83 % (Prix d'achat actuel : 236. 35 € HT ; Prix de vente actuel : 359. 00 €)
21/ 01/ 2009- Facture No 5788 MME Y... Béatrice 1 congélateur armoire CURTISS CV213 M + PDV : 292. 00 €- payé : 100. 00 €- remise : 65. 75 % (prix d'achat HT : 180. 62 € produit retour SAV)
24/ 01/ 2009- Facture No 5833 M. C... Jérôme 1 micro ordinateur SCALEO LA 2630 M + FUJI PDV : 499. 00 €- payé : 299. 00 €- remise 34 % (prix d'achat HT : 390. 63 € soldé à 399. 20 €)
06/ 02/ 2009- Facture No 6052 MME Y... Béatrice 1 Home cinéma YAMAHA AV 3103 produit livré par le fournisseur ETS LEGER LE 27/ 01/ 09 PDV : 399. 00 €- payé : 299. 00 €- remise 25 %
D'autres exemples relevés concernant des clients et certains employés :
11/ 01/ 2008- Facture No 1164 M. A... Eric 1 téléviseur LCD TECHNICAL LCD 3217 HDB M + PDV : 599. 00 €- payé : 349. 00 €- remise : 72 % 1 combiné TV MYSTRAL PDV : 199. 00 €- payé : 139. 30 €- remise : 30 %
30/ 04/ 2008- Facture No 2111 MME D... Karine 1 lave-linge FR BRANDT WFH 1477 FF M + PDV : 605. 00 €- payé : 405. 00 €- remise : 33. 06 %
20/ 12/ 2008- Facture No 5072 MLLE E... Sandrine 1 combiné TV/ DVD TOKAI LTL 1910 N M + PDV : 249. 00 €- payé : 179. 00 €- remise : 26. 11 %
26/ 12/ 2008- Facture No 5458 MLLE E... Sandrine 1 combiné TV/ DVD DENVER KTV Dl3 M + PDV : 299. 00 €- payé : 179. 00 €- remise : 40. 13 %
02/ 01/ 2009- Facture No 5550 M. F... Jonathan (employé) 1 lave-vaisselle COLDIS LV 9043 M. 00 M + PDV : 255. 00 €- payé : 100. 00 €- remise : 60. 78 %.
Compte tenu de tous ces éléments qui constituent une faute grave, car toutes ces remises injustifiées et non validées par votre Direction apportent beaucoup de préjudices financiers à la Société SAS X.... Nous vous avons convoqué par lettre du 09 février 2009 pour un entretien préalable à votre éventuel licenciement. Cet entretien était fixé le vendredi 13 février à 10 heures, en présence de M. B... et moi-même. Vous n'avez donné aucune explication et n'avez pas contesté les faits, par conséquent vos agissements constituent une faute grave et rendent impossible la poursuite de la relation de travail même pendant la durée du préavis. C'est pourquoi nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. La rupture de votre contrat de travail prend effet à la date de votre mise à pied conservatoire soit le 09 février 2009. " ;
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à Mme Béatrice Y... d'avoir, dans le cadre de onze ventes réalisées entre le 14 décembre 2007 et le 2 janvier 2009, dont six à elle-même ou à des membres de sa famille, consenti, sur des produits par principe assez onéreux comme relevant de l'électro-ménager ou de la HI-FI, des remises variant de 10 % à 65, 75 % (la mention d'une remise de 72 % au titre de la facture no 1164 procédant manifestement d'une erreur), la moyenne s'établissant à 38, 48 %, non justifiées et non validées par la direction ;
Attendu que, pour considérer que ces faits constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais écarter la faute grave, les premiers juges ont, d'une part, retenu que le fait de s'octroyer des remises, parfois conséquentes, et d'en octroyer à des membres de sa famille, caractérise " un abus de droit " et " donc une inexécution du contrat de travail de bonne foi, ne permettant plus la poursuite de la relation contractuelle. ", d'autre part, estimé que le descriptif des fonctions de Mme Y... ne lui faisait pas obligation d'informer la direction des remises qu'elle entendait accorder et que, l'employeur ne justifiant pas l'avoir informée des principes édictés au sein de l'entreprise, ceux-ci ne lui étaient pas opposables ;

Attendu que la fiche de fonction relative à l'emploi occupé par Mme Y... énonce :- au paragraphe " Animation commerciale ", qu'ayant la responsabilité de l'animation de son rayon, elle doit : ¤ " proposer régulièrement des animations spécifiques (reprise ancien matériel, produit gratuit,...), ¤ décider des actions à mener en fin de promotion (décalage de dates, prix de vente à pratiquer...) et fournir les informations à l'utilisateur de la gestion commerciale " ;- au paragraphe " Politique tarifaire " : " Vous devez : ¤ déterminer vos prix de vente et les règles à appliquer en matière de remises clientèle en tenant compte de la politique de l'entreprise, des tarifs centrale, de la concurrence et de la législation commerciale en vigueur afin d'atteindre les objectifs fixés avec la direction " ;
Attendu que les principes que la société X... entendait voir appliquer par Mme Béatrice Y... comme relevant du bon sens et des obligations normales d'une professionnelle expérimentée sont les suivants :- ne pas vendre le modèle d'exposition s'il y a encore des produits en stock,- si un client rencontre des problèmes avec un produit : ¤ dans les 8 jours de l'achat : procéder à un échange, ¤ au-delà : prise en charge du produit par le Service Après-Vente,- ne pas faire de remise sur des produits en promotion,- veiller à la marge du magasin et donc ne pas faire de remise conduisant à revendre en-dessous du prix de revient pour la Société,- refuser la livraison si les cartons sont endommagés et les retourner au fournisseur,- solliciter un avoir auprès de la centrale d'achats en cas de produit défectueux ;
Attendu, s'agissant de la facture no 653, que la société appelante justifie de ce que, le 14 décembre 2007, Mme Béatrice Y... s'est vendue à elle-même un appareil photo numérique de marque FUJI A 820 en s'octroyant une remise commerciale de 10 % sur ce produit d'une valeur de 169 € ; Attendu que l'intimée argue, sans apporter le moindre justificatif à l'appui de ses allégations, de ce qu'il s'agissait du modèle d'exposition, qu'il était remplacé par le FUJI A 850 et que la centrale lui avait demandé de destocker rapidement ; Attendu que la société X... démontre que cet appareil avait été livré le 12 octobre 2007, en même temps que cinq autres identiques, lesquels ont été vendus au prix normal, les deux dernières ventes remontant au début du mois de décembre 2007 ; Attendu qu'aucun élément objectif ne permet de retenir que le sixième appareil photo ait été obsolète ; qu'il apparaît qu'il était depuis peu en stock et que les cinq autres modèles identiques s'étaient vendus au prix normal dans des délais raisonnables ; que rien ne justifie qu'il y ait eu urgence, pour Mme Y..., à le vendre, surtout à elle-même, avec 10 % de remise dix jours avant les fêtes de Noël ;
Attendu que, le même 14 décembre 2007, Mme Y... a vendu à son fils Anthony un écran plasma DENVER d'une valeur de 699 €, en période promotionnelle, en lui accordant une remise supplémentaire de 10 % par rapport au prix promotionnel ;
Qu'elle affirme également qu'il s'agissait du modèle d'exposition et fait valoir que cette vente a eu lieu en fin de période de promotion ; Mais attendu que la société X... justifie de ce qu'un autre écran plasma identique a été vendu au cours de la semaine suivante sans qu'aucune remise soit consentie au client ; qu'elle oppose à juste titre, qu'à supposer que le produit vendu au fils de l'intimée ait été le modèle d'exposition, il est anormal qu'en qualité de manager du rayon HI-FI, cette dernière ait pu vendre le modèle d'exposition à un moment où il restait un écran plasma en stock ;
Attendu, s'agissant de la vente objet de la facture no 4326, qu'il résulte des pièces produites que le 8 novembre 2008, Mme Béatrice Y... a vendu à M. Anthony Y..., son fils, un lave linge Faure moyennant le prix de 150 € au lieu de 299 €, soit une remise de 49, 83 % ; Attendu que, pour expliquer cette remise, Mme Y... expose que cet appareil avait été vendu à un client en septembre 2008 puis repris car les ailettes du tambour ne tenaient pas malgré plusieurs tentatives de remise en place ; que ce lave-linge provenait d'un arrivage de janvier 2008 et non d'octobre 2008 ; Mais attendu que la société X... verse aux débats la facture du 1er octobre 2008 attestant de la livraison par la société GP DIS Grand Ouest de dix lave linge Faure dont le code EAN était 3599970019244 au prix unitaire HT de 200 € ; or attendu que c'est bien précisément ce code qui est mentionné sur la facture établie le 8 novembre 2008 au profit de M. Anthony Y... ; Attendu qu'aucun élément ne permet de retenir que cet appareil ait donné lieu à une vente antérieure ; Que la société X... démontre suffisamment que ce produit, acquis par elle 200 € HT début octobre 2008 a été revendu à perte au fils de Mme Y... cinq semaines plus tard sans qu'aucun élément objectif ne vienne expliquer une telle remise et de telles conditions de vente la privant de toute marge, et même légalement prohibées ;
Attendu que le 21 janvier 2009, Mme Béatrice Y... s'est consenti une remise de 65, 75 % sur une armoire congélateur de marque CURTISS d'une valeur de 292 €, le prix acquitté s'établissant à 100 € ; Attendu qu'elle indique que cet appareil avait été vendu à un client en septembre 2008 puis repris au bout de quinze jours car il ne faisait plus de froid dans la partie congélation ; que l'échange du matériel a été réalisé et le produit défectueux adressé au SAV ; qu'à son retour, il portait une grande rayure et que la porte présentait un enfoncement ; qu'il était donc impossible de le remettre en vente comme un produit neuf ; attendu que l'intimée soutient que les procédures mises en place au sein de l'entreprise ne prévoyaient pas de faire une demande d'avoir s'agissant des appareils revenant du SAV ;

Attendu que la société X... établit, par les pièces qu'elle verse aux débats, que ce congélateur avait été vendu à M. Florent G... le 30 décembre 2008 (et non en septembre 2008), lequel a signalé, le 2 janvier 2009, que la température ne descendait pas ; qu'un dépannage a été prévu le 6 janvier suivant ; qu'en effet, à cette date, l'appareil a été enlevé chez le client auquel l'appelante indique en avoir fourni un neuf ; qu'elle précise que, le problème provenant d'un manque de gaz, cet appareil a été réparé puis ramené au magasin ; attendu que la société X... justifie qu'elle avait acquis cet appareil moyennant le prix de 180, 72 € le 23 mai 2008 ;
Attendu que l'allégation de Mme Y... selon laquelle ce produit serait revenu du service après vente endommagé est encore contredite par le fait que celui-ci a indiqué qu'il n'avait pas été saisi d'une demande d'avoir au sujet de cet appareil ;
Attendu que, là encore, la société X... démontre que ce produit a été revendu à perte au profit de Mme Y... sans qu'aucun élément objectif ne vienne expliquer une remise d'une telle importance et de telles conditions de vente, la privant de toute marge et même légalement prohibées ;
Attendu que le 24 janvier 2009, Mme Béatrice Y... a vendu à son gendre, M. Jérôme C..., un micro ordinateur SCALEO de marque FUJITSU moyennant le prix de 299 € ; attendu que la facture ne mentionne aucune remise particulière ; or attendu que la société X... justifie avoir acquis ce matériel au prix de 390, 63 €, le prix de vente conseillé au public étant de 499 € ; Attendu que l'intimée soutient que cet ordinateur avait été vendu en janvier 2009 à un client qui l'avait " planté " lors de sa mise en marche ; que l'une de ses collègues l'avait échangé en remettant au client un ordinateur neuf et que l'appareil défectueux avait été remis en état par un autre collègue ayant des connaissances en informatique ; que, toutefois, ce matériel ne pouvait plus être vendu comme un matériel neuf en ce qu'il manquait la notice, les hauts parleurs, la souris et le CD d'installation ; Mais attendu que ces explications de l'intimée, qui ne sont corroborées par aucun élément, sont contredites par le témoignage de M. Anthony H..., vendeur au sein de la société X..., qui relate que l'ordinateur en cause n'a jamais été vendu à un quelconque client ; mais qu'il a été bloqué en rayon par un client et qu'il l'a réparé ; qu'il ajoute que ce produit était parfaitement complet comme comportant ses accessoires, le DVD de restauration ainsi que sa boîte d'emballage ; Attendu que la société X... démontre que Mme Y... a consenti à son gendre une nouvelle remise sur ce matériel, déjà soldé au prix de 399, 20 €, de sorte qu'il a été vendu à perte au profit de l'un de ses proches qui a gagné 200 € sur le prix normal, sans qu'aucun élément objectif ne vienne justifier une remise d'une telle ampleur, la privant de toute marge et même légalement prohibée ;
Attendu que le 6 février 2009, Mme Béatrice Y... a acquis un home cinéma de marque YAMAHA moyennant le prix de 299 € au lieu de 399 €, soit une remise de 25, 06 % ; Attendu qu'elle affirme que les cartons d'emballage étaient endommagés et que l'un des éléments, le boumeur, était rayé lors de la livraison ; Attendu que la société X... justifie de ce que deux appareils similaires avaient été commandés le 27 janvier 2009 moyennant le prix unitaire de 241 € et lui avaient été livrés le 29 janvier suivant ; Attendu que la règle énoncée par l'employeur selon laquelle tout produit arrivant dans un emballage endommagé doit être refusé par le responsable du rayon apparaît relever du bon sens et des règles de base, surtout s'agissant de matériels HI-FI ; que, compte tenu de son expérience, Mme Y... ne peut pas sérieusement prétendre qu'elle ignorait ce principe de fonctionnement ; qu'elle ne conteste d'ailleurs pas cette règle mais indique que le mauvais état de l'emballage a pu échapper à la personne qui était chargée de réceptionner ce jour là ; mais attendu que, dès lors qu'elle-même reconnaît avoir constaté cette détérioration, il lui incombait de retourner le colis au fournisseur ; Attendu qu'au demeurant, Mme Y... ne justifie en rien de la détérioration qu'elle allègue ; et attendu que cette explication apparaît démentie par le témoignage de Mme Gladys I..., hôtesse d'accueil, laquelle indique qu'à son étonnement manifesté d'une telle remise pratiquée sur un home cinéma, l'intimée a répondu que " l'on pouvait bien lui faire ce geste " ;
Attendu que, par ces éléments, la société X... démontre suffisamment que la salariée s'est octroyé, sans raison objective, une remise très importante et injustifiée sur un matériel qui venait d'entrer en magasin ;
Attendu que le 11 janvier 2008, Mme Béatrice Y... a vendu à M. Eric A... (facture no 1164) un téléviseur LCD Technical au prix de 349 € et un COMBI. TV/ DVD Mistral au prix de 139, 30 € ; attendu que la facture ne mentionne aucune remise particulière ; mais attendu que la société X... justifie que l'intimée avait commandé pour son rayon deux téléviseurs LCD Technical au prix unitaire de 409, 34 €, le prix de vente conseillé étant de 599 €, produits qui ont été livrés au magasin le 14 octobre 2007 ; Que l'appelante justifie ainsi que le téléviseur a été revendu à perte au bout de trois mois moyennant une remise de 42 % ; Attendu que Mme Y... indique, sans étayer son propos d'aucun élément objectif, que ces deux produits, " en fin de vie " avant la mise en place de la TNT, étaient soldés et que c'est sur consigne de la centrale qu'elle les a destockés ;
Attendu que le 30 avril 2008, Mme Béatrice Y... a vendu à Mme Karine D... un lave linge de marque Brandt WFH1477FF M + au prix de 405 € au lieu de 605 €, soit une remise de 33, 06 % ; Qu'elle explique qu'une autre cliente avait acquis un lave linge SAMSUNG pour lequel elle avait sollicité trois interventions liées au fait qu'elle utilisait trop de lessive ; que, néanmoins la société X... aurait accepté de remplacer ce lave linge par le matériel Brandt susvisé, lequel aurait rencontré les mêmes problèmes liés à l'excès de lessive ; que, toutefois, la société X... aurait encore repris ce lave linge et l'aurait remboursé ; que, si ce produit ne présentait aucune défectuosité, il ne pouvait toutefois être vendu qu'avec une remise ; Mais attendu que la version de l'intimée n'est appuyée d'aucun élément objectif et qu'elle est contredite par les indications du service après vente selon lesquelles ce lave linge Brandt n'a donné lieu à aucune demande de reprise ; Attendu que la société X... justifie en conséquence que Mme Y... a consenti, sans aucune raison objective, une remise de 33, 06 %, réduisant ainsi considérablement la propre marge de l'entreprise qui avait acquis ce produit au prix de 360 € ;
Attendu que les 20 et 26 décembre 2008, Mme Béatrice Y... consenti les ventes suivantes à Melle Sandrine E... :- 1ère facture no 5072 : un combiné TV/ DVD Tokaï au prix de 179 € au lieu de 249 €, soit une remise de 28, 11 %, qui a donné lieu à un avoir de 179 € le 26 décembre 2008 ;- 2nde facture no 5458 : un combiné TV/ DVD Denver au prix de 179 € au lieu de 299 €, soit une remise de 40, 13 % ;
Attendu, selon Mme Béatrice Y..., que la cliente aurait fait un " scandale " car le produit Tokaï, objet d'une promotion, n'était plus disponible en magasin ; qu'elle indique en avoir donc commandé un à la centrale d'achat qui ne lui aurait pas livré le bon matériel, ce qui, selon elle, explique l'annulation de la première facture et l'établissement d'un avoir le 26 décembre ; qu'elle ajoute s'être trouvée dans l'obligation de fournir à Mme E... un produit similaire et au même prix que le premier ; que c'est ainsi qu'elle lui a vendu le matériel Denver sur lequel elle a dû lui consentir une remise plus importante pour parvenir au prix initialement consenti de 179 € ;
Mais attendu que la société X... verse aux débats la publicité de laquelle il résulte que le combiné téléviseur DVD Tokaï était offert à la vente, du 25 novembre au 13 décembre moyennant le prix de 249 € ; Attendu que la difficulté relatée par Mme Béatrice Y... n'apparaît donc pas sérieuse puisque l'offre publicitaire était largement expirée à la date du 20 décembre 2008 ; et attendu, en tout état de cause, que ses explications ne permettent pas de justifier qu'elle ait pu consentir à une cliente une remise de 28 % sur le prix de l'offre publicitaire ; attendu la société X... justifie avoir reçu livraison de trois combinés TV/ DVD Tokaï le 19 décembre 2008 et en avoir vendu cinq au cours de la semaine 51 qui correspond à celle du 20 décembre 2008, puis un autre au cours de la semaine 52 ; que le produit existait donc en magasin à la date du 20 décembre ; attendu qu'il ressort des mentions de la facture que, ce jour là, Mme E... a réglé son achat en espèces ; que le 26 décembre 2008, Mme Béatrice Y... lui a consenti un avoir de 179 € et que, le jour même, elle lui a vendu un combiné TV/ DVD Denver au prix de 179 € alors que la société X... l'avait acheté 186, 96 € le 19 décembre 2008, date à laquelle elle s'était vu livrer cinq appareils de ce modèle ; Attendu que Mme Béatrice Y... indique que Mme E... n'a pas " eu le combiné TV/ DVD Tokaï " le 20 décembre ; mais attendu que si elle avait, comme elle l'indique, procédé à cette date à une simple commande en faveur de Mme E..., elle n'aurait établi qu'un bon de commande à l'intention de la cliente et non une facture acquittée ; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme Béatrice Y... a également consenti à Mme E..., sur une vente déjà promotionnelle, une première remise importante de 28 % qu'aucun élément objectif ne vient justifier et qu'elle a fini par lui consentir, en plein coeur des fêtes de fin d'année, une remise de plus de 40 % aboutissant à une vente à perte pour l'entreprise ;
Attendu enfin que, le 2 janvier 2009, Mme Béatrice Y... a vendu à M. Jonathan F... (facture no 5550) un lave vaisselle COLDIS au prix de 100 € au lieu de 255 €, soit une remise de 60, 78 % ; Qu'elle indique que deux lave vaisselle de ce type sont arrivés en mauvais état à la centrale d'achat laquelle aurait établi des avoirs en faveur de la société X... ; qu'un employé du SUPER U a pu néanmoins reconstituer un appareil qui, toutefois, ne pouvait pas être vendu comme neuf ; qu'elle estime que la société X... a, finalement, gagné 100 € ; Attendu que cette dernière verse aux débats une attestation de M. Jonathan F... qui confirme la version de l'intimée en précisant qu'elle lui aurait dit que la centrale d'achat avait établi un avoir, laquelle a précisé qu'aucun avoir n'avait été sollicité du chef de ce produit ;
Attendu qu'exclusion faite de la dernière vente du chef de laquelle une faute n'apparaît pas démontrée, il est établi par l'ensemble de ces éléments qu'entre le 14 décembre 2007 et le 6 février 2009, Mme Béatrice Y... s'est consentie à elle-même, ou a consenti à des membres de sa famille ainsi qu'à trois personnes tierces :- trois ventes (factures 653, 6052 et 2111) portant sur des appareils onéreux (appareil photo numérique, home cinéma et lave linge) assorties de remises injustifiées, non expliquées et importantes comme oscillant entre 10 % et 33 % ;- deux ventes (factures 652 et 5072) assorties de remises, tout aussi injustifiées, ajoutées à des tarifs déjà promotionnels et ce, en plein coeur des fêtes de Noël 2007 et 2008, portant, là encore sur des appareils onéreux, à savoir, un écran plasma et un combiné TV/ DVD ;- cinq ventes (factures 4326, 5788, 5833, 1164 et 5458) assorties de remises injustifiées d'un montant très important aboutissant pour l'employeur à des ventes à perte ;
Attendu que l'ensemble des remises ainsi accordées représente un montant total de 1357, 50 € sur treize mois ; que six de ces ventes se concentrent dans la période comprise entre le 8 novembre 2008 et le 6 février 2009 et représentent à elles seules un montant de remises de 761 € ; que c'est à juste titre que la société X... argue de ce que la plupart des explications fournies par l'intimée relèvent de la pure fantaisie ;
Attendu que si Mme Béatrice Y... avait la responsabilité de la détermination des prix de vente dans son rayon, cette fonction ne lui donnait pas, contrairement à ce qu'elle soutient " carte blanche " pour consentir, selon son bon vouloir de telles remises spécifiques, non justifiées par des éléments objectifs, à elle-même ou manifestement exclusivement en considération de la personne du client concerné, et ce, sur des produits onéreux, plus spécialement aux alentours des fêtes de fin d'année ; que ses fonctions ne l'autorisaient pas plus à consentir des remises supplémentaires sur des prix déjà promotionnels et certainement pas à aboutir à un prix source d'une perte pour l'employeur ;
Attendu que l'intimée est par conséquent mal fondée à soutenir que les remises litigieuses relevaient de l'exercice normal de ses fonctions et de la latitude dont elle disposait ; et attendu que la société X... est quant à elle bien fondée à faire valoir que, compte tenu de son ancienneté en qualité de vendeuse, puis de chef de rayon (près de 32 ans au moment du licenciement) dans l'entreprise, de son expérience dans la profession, Mme Y... ne pouvait pas ignorer les règles de base et de bon sens relevant de l'exercice de son métier et qui commandent de ne pas vendre un modèle d'exposition si des produits sont encore en stock, de ne pas consentir de remise sur des produits déjà en promotion, de veiller à la marge de l'entreprise et donc ne pas consentir de remise conduisant à revendre un produit en-dessous de son prix de revient, de refuser la livraison de produits dont les emballages sont endommagés ;
Attendu que M. Alexandre J... et Mme Joëlle K..., tous deux également managers de rayon au sein de la société X..., témoignent d'ailleurs de l'existence de ces règles d'évidence dans l'entreprise et de n'avoir jamais eu le droit de se consentir à eux-mêmes ou de consentir à des tiers des remises, des soldes, des prix coûtants ou des prix procédant d'une vente à perte sans l'autorisation de la direction ;
Attendu que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que ces règles n'étaient pas opposables à Mme Y... au motif qu'il n'était pas justifié qu'elles aient été portées à sa connaissance par écrit ; qu'en l'occurrence, les remises tout aussi injustifiées qu'excessives consenties par Mme Y..., soit à elle-même, soit à des personnes de son entourage, sans autorisation de l'employeur pour déroger aux règles de base du métier de vendeur procèdent, comme l'ont d'ailleurs relevé les premiers juges, d'un abus de ses fonctions et prérogatives, et d'un manque de loyauté dans l'exécution du contrat de travail ; que même si cet élément est indifférent à la caractérisation de la faute, elles sont en outre à l'origine d'un préjudice non négligeable pour la société X... ; attendu que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les faits ainsi établis à l'encontre de Mme Y... constituent bien une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ;
Attendu que ces abus commis par l'intimée au titre des remises sont d'autant plus fautifs que, comme tous les salariés de l'entreprise justifiant de six mois pleins d'ancienneté, elle bénéficiait d'un avantage consistant en une carte personnelle lui donnant droit, pour elle-même ou tout membre de sa famille résidant son adresse, à une remise immédiate en caisse de 5 % sur le montant de tous ses achats dans la limite d'un montant mensuel maximum variant de 600 € à 1050 € selon que le salarié n'a pas d'enfant à charge ou a quatre enfants à charge ;
Attendu que, sans toutefois invoquer une quelconque prescription des faits qui lui sont reprochés, Mme Béatrice Y... argue de ce que, les premiers remontant à décembre 2007, ils étaient anciens et connus de l'employeur ; Mais attendu que rien n'interdit à l'employeur de rappeler, à l'occasion de l'apparition de faits nouveaux, procédant d'une même démarche fautive du salarié, des faits plus anciens n'ayant pas donné lieu à sanction ; que l'argument est donc inopérant d'autant qu'à eux seuls les faits commis entre le 20 décembre 2008 et le 6 février 2009 suffisent à caractériser la faute grave invoquée par l'employeur ; Attendu que la faute grave est privative du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, laquelle était justifiée, de l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des congés payés afférents à ces sommes, et de l'indemnité de licenciement ; que, par voie d'infirmation du jugement déféré, Mme Béatrice Y... sera déboutée de ces demandes ; que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, le convoquer à un entretien préalable au moyen d'une convocation indiquant l'objet de la convocation, l'entretien ne pouvant se dérouler moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ; Attendu que les premiers juges ont exactement retenu que le délai de cinq jours ouvrables ainsi prescrit par la loi n'a pas été respecté en l'espèce puisque le courrier de convocation à l'entretien est daté du 9 février 2009 pour un entretien fixé au 13 février suivant, date à laquelle il s'est effectivement déroulé ; Attendu que l'existence d'une faute grave ne prive pas la salariée de son droit à indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué de ce chef à Mme Y... la somme de 2026, 64 € représentant un mois de salaire ;
Sur la demande relative au droit individuel à la formation
Attendu que l'article 6323-17 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement de Mme Béatrice Y... disposait que " Le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou faute lourde. " ; qu'en cas de faute grave, l'employeur n'avait donc pas l'obligation d'informer le salarié, dans la lettre de licenciement, de ses droits en matière de droit individuel à la formation ;
Attendu, le licenciement pour faute grave de Mme Y... étant déclaré bien fondé, qu'elle ne peut pas faire grief à l'employeur de ne l'avoir pas informée, dans la lettre de licenciement, de ses droits au DIF et qu'elle est mal fondée à invoquer un quelconque préjudice au titre de la perte de droit ; que le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la société X... à payer à Mme Béatrice Y... la somme de 1050, 56 € pour perte du DIF, cette dernière étant déboutée de ce chef de prétention ;
Sur la demande de remboursement des sommes versées :
Attendu que la société X... demande à la cour de condamner Mme Béatrice Y... à lui rembourser la somme de 32 409, 43 € qu'elle lui a versée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ;
Attendu cependant que le présent arrêt, infirmatif s'agissant des sommes allouées au titre de la mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité légale de licenciement et de la perte du DIF, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées de ce chef par l'appelante en exécution du jugement ; et attendu que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la présente décision ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en restitution formée par la société X... ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, la société X... prospérant amplement en son recours, que Mme Y... sera condamnée aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ; Et attendu que l'intimée conservera la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Donne acte à Mme Béatrice Y... de ce que le certificat de travail modifié lui a bien été remis et constate qu'elle ne forme plus aucune demande de ce chef ;
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'indemnité allouée à Mme Béatrice Y... pour non respect de la procédure de licenciement, et aux intérêts dus sur cette somme, en ses dispositions relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme Béatrice Y... est fondé sur une faute grave ;
En conséquence, déboute cette dernière de ses demandes de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur ces sommes, d'indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour perte du droit individuel à la formation ;
Condamne la société X... à payer à Mme Béatrice Y... la somme de 1 085, 16 € (mille quatre vingt-cinq euros et seize centimes) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2009 ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne Mme Béatrice Y... à payer à la société X... la somme de 600 € (six cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
La condamne aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02645
Date de la décision : 13/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-03-13;10.02645 ?
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