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13/03/2012 | FRANCE | N°10/02601

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 13 mars 2012, 10/02601


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 13 Mars 2012

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02601. Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 30 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01263

APPELANTE :
Madame Nathalie X...... 49770 LA MEMBROLLE SUR LONGUENEE
présente, assistée de Maître Aurélien TOUZET (SCPA BDH), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
S. A. S. ABMI GRAND OUEST Immeuble Espace Vauban 33-37 boulevard Vauban-CS 70543 78280 GUYANCOURT
représentée par Maître Anne LOEFF (SCP), avocat a

u barreau de PONTOISE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 94...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 13 Mars 2012

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02601. Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 30 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01263

APPELANTE :
Madame Nathalie X...... 49770 LA MEMBROLLE SUR LONGUENEE
présente, assistée de Maître Aurélien TOUZET (SCPA BDH), avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
S. A. S. ABMI GRAND OUEST Immeuble Espace Vauban 33-37 boulevard Vauban-CS 70543 78280 GUYANCOURT
représentée par Maître Anne LOEFF (SCP), avocat au barreau de PONTOISE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 13 Mars 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******
EXPOSE DU LITIGE
Mme X... a été embauchée par la sas ABMI par un contrat de travail à durée indéterminée dit de chantier, à compter du 2 juin 2008, en qualité d'agent administratif, Niveau 3. 1, coefficient 400, catégorie employée, avec un salaire mensuel brut de 1900 € pour une durée mensuelle de travail de 158, 17 heures.
La convention collective applicable est celle des Bureaux d'études techniques.
Le contrat précise que Mme X... exerce son activité pour la sas ABMI dans Ie cadre d'un contrat de sous-traitance pour Ie client Valeo sur Ie site d'Ecouflant (49) et que sa mission est le « suivi des homologations techniques et administratives » soit la rédaction des dossiers d'homologation pour les produits d'éclairage fabriqués, et leur suivi.
Par courrier recommandé en date du 16 juin 2009, Mme X... a informé son employeur de son état de grossesse, en joignant à son courrier un certificat médical attestant que la date présumée de son accouchement était fixée au 1er janvier 2010, ce qui devait en conséquence faire débuter le congé maternité le 20 novembre 2009.
Par courrier en date du 10 juillet 2009, Mme X... a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 21 juillet 2009, puis licenciée au motif d'une fin de chantier, par courrier du 24 juillet 2009.
Mme X... a saisi Ie conseil de prud'hommes d'Angers auquel elle a demandé de condamner la sas ABMI à lui payer la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche, la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 12 883, 40 € à titre de dommages et intérêts pour les salaires dus pendant la période de protection, et la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'issue de son préavis, Mme X... a quitté l'entreprise à la date du 9 octobre 2009.
Par jugement du 30 septembre 2010, Ie conseil de prud'hommes d'Angers a condamné la sas ABMI à verser a Mme X... la somme de 1 500 € pour défaut de visite médicale d'embauche, ainsi que la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté Mme X... de ses autres demandes.
La décision a été notifiée le 8 octobre 2010 à Mme X... qui en a fait appel par lettre recommandée postée le 14 octobre 2010, cet appel étant limité aux dispositions concernant le licenciement.
Les parties ont comparu à l'audience du 5 décembre 2011 et la sas ABMI a été autorisée par la cour à déposer une note en délibéré sur la fiche de poste de Mme Y..., salariée embauchée postérieurement au licenciement de Mme X... ; cette note a été enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 2011 et Mme X... y a répondu par note en réponse enregistrée le 28 décembre 2011.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Mme X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 18 juillet 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré, mais uniquement quant à ses dispositions afférentes au licenciement et, statuant à nouveau sur ce point, de condamner la sas ABMI à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la somme de 12 883, 40 € à titre de dommages et intérêts pour les salaires dus pendant la période de protection et les congés payés y afférents.
Formant une demande nouvelle, Mme X... demande la condamnation de la sas ABMI à lui payer la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de mention du droit individuel à la formation (D. I. F.) dans la lettre de licenciement.
Elle demande la condamnation de la sas ABMI à lui payer la somme 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X... soutient :
- que son licenciement est nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, car :
¤ elle avait fait connaître à l'employeur son état de grossesse lorsqu'il lui a notifié le licenciement ; elle bénéficiait donc de la protection visée à l'article L1225-4 du code du travail, qui ne pouvait être écartée qu'en cas d'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement,
¤ l'employeur qui entend se prévaloir de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée pour un motif étranger à sa grossesse doit en faire expressément mention dans la lettre de licenciement et préciser le ou les motifs sur lesquels se fonde cette impossibilité ; la lettre de licenciement ne contient pas l'un des motifs visés par l'article L1225-4 du code du travail et peu importe dès lors que la sas ABMI justifie éventuellement, postérieurement, de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de maintenir le contrat de travail ; le motif de fin de chantier est inopérant,
¤ au moment de la rupture du contrat de travail le chantier n'était pas achevé et des travaux relatifs à la mission de Mme X... se sont poursuivis en 2010,
¤ le comité d'entreprise n'a pas été consulté alors que la sas ABMI avait au moment de la rupture un effectif supérieur à 50 salariés,
¤ l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de réemploi,
- qu'outre une indemnité de 20 000 € au titre du licenciement nul ou subsidiairement sans cause, elle est fondée à demander, au titre de la nullité de la rupture, des dommages et intérêts correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir pendant la période de protection, soit du 10 octobre 2009 (elle a quitté l'entreprise le 9 octobre 2009) au 8 avril 2010 (la protection s'étend aux quatre semaines suivant la fin du congé maternité).
- que l'absence de mention du D. I. F. sur la lettre de licenciement lui crée nécessairement un préjudice

La sas ABMI demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 5 décembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris et par conséquent de dire que le licenciement de Mme X... répond aux exigences de l'article L1225-5 du code du travail, que la fin de chantier est établie et que l'employeur rapporte la preuve que le groupe ABMI n'a procédé à aucune embauche au moment du licenciement de Mme X... sur un poste de même nature que le sien.
Elle demande la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La sas ABMI soutient :
- que la lettre de licenciement mentionne bien le motif de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail puisqu'elle vise : ¤ la suppression du poste d'agent administratif de Mme X..., du fait de l'arrêt de la mission confiée par la société Valeo Ecouflant, ¤ l'impossibilité où elle se trouve de réemployer Mme X... en son sein aux tâches qui lui étaient confiées,
- que les contrats de chantier sont habituels dans la profession de l'ingénierie, et ont fait l'objet d'un avenant spécial dans la convention collective applicable ; que l'article 2 de la convention collective autorise expressément la rupture d'un contrat de travail pour fin de chantier pour " les personnes dont le réemploi ne peut être assuré lors de l'avènement des tâches qui leur étaient confiées, lorsque ces personnes ont été employées sur un ou plusieurs chantiers,
- qu'elle démontre avoir été dans l'impossibilité de fournir une autre prestation à la salariée,
- que Mme X... a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 10 juillet 2009 pour l'informer au plus tôt de l'arrivée imminente de la fin du chantier, Valeo ayant alors indiqué que le chantier cesserait le 30 septembre 2009, et la faire ainsi bénéficier du préavis conventionnel de deux mois ; que la mission de Mme X... s'est bien interrompue au 30 juillet 2009 et qu'elle en justifie par la production du mail de Mme Z..., de la société Valeo, adressé le 1er juillet 2010 à M. A..., directeur adjoint nord du groupe ABMI,
- qu'elle n'avait pas de comité d'entreprise puisque son effectif, s'il était de 71 salariés au 31 décembre 2008, était descendu à 46 salariés le 31 décembre 2009,
- que les postes que Mme X... relève sur le registre des entrées et sorties du personnel sont ceux de salariés des holding HOBRE et FPI, qui ont été mutés vers la sas ABMI, et qui avaient plus d'ancienneté qu'elle ; que Mme B... a été embauchée dès le 9 juin 2009, alors que le licenciement de Mme X... n'était pas encore envisagé, que Mme Y..., engagée le 24 août 2009 comme assistante de gestion, avait une formation en comptabilité et gestion des organisations et que ce poste ne pouvait donc pas être proposé à Mme X...,

MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
Le contrat de travail signé le 29 mai 2008 par Mme X... et à effet au 2 juin 2008 est intitulé " contrat de travail à durée indéterminée de chantier ".
Il indique que Mme X... exercera son activité pour le compte du client Valeo, sur le site d'Ecouflant, et que sa mission sera le " suivi des homologations techniques et administratives " ; il précise être conclu " pour le chantier qui à la signature de la présente est estimé à six mois " et stipule également : " il est rappelé que la fin de mission est régie par l'article L321-12 du code du travail. Par conséquent, dès que la direction connaîtra la date de fin de mission de Mme X... sur ce chantier, elle l'en informera par écrit, afin que Mme X... puisse bénéficier du préavis prévu par la convention collective, en fonction de son ancienneté ".
Mme X... a donc été engagée pour l'exécution d'un chantier déterminé, défini par le contrat du 29 mai 2008, et il n'est pas contesté que la sas ABMI, dont l'activité est le conseil et l'ingénierie pour l'industrie, et qui relève comme telle de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseil, puisse conclure de manière habituelle des contrats de chantier.
L'avenant du 8 juillet 1993 relatif aux fins de chantier dans l'ingénierie est en effet ainsi libellé :
Constatant que le recours aux contrats de chantier, tant pour les missions en France qu'à l'étranger, constitue un usage reconnu et établi dans le secteur professionnel de l'ingénierie ;
Rappelant que la conclusion de tels contrats, de travail à durée indéterminée, avec un objet précis et pour une durée liée à la réalisation du chantier confié à la société d'ingénierie, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de notre profession, de telle sorte que, à l'achèvement du chantier, ou de la mission du bureau d'études sur le chantier, événement inévitable, les salariés exclusivement engagés pour ce chantier voient leurs contrats de travail cesser à l'issue d'une procédure de licenciement dite " pour fin de chantier " qui, en application des dispositions de l'article L321-12 du code du travail, ne relève pas de la procédure pour licenciement économique, en conséquence, entre les organisations signataires, il est convenu, dans le cadre législatif actuel, d'assurer aux salariés licenciés pour fin de chantier des garanties sociales complémentaires ; "
L'article 2 de l'avenant prévoit quant à " la rupture du contrat de travail à l'issue du chantier " :
" Il peut être mis fin au contrat de travail à l'issue de la mission sur le chantier.
Le licenciement pour fin de chantier est applicable dans les cas suivants :
- licenciement de personnes dont le réemploi ne peut être assuré lors de l'achèvement des tâches qui leur étaient confiées, lorsque ces personnes ont été employées sur un ou plusieurs chantiers ;.... En cas de licenciement du salarié, un préavis est dû conformément aux dispositions conventionnelles de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques. La lettre de licenciement devra mentionner les possibilités d'accès au dispositif de formation institué par l'article 4 du présent accord. "
Par application de l'article L1236-8 du code du travail le licenciement qui, à la fin d'un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession, n'est pas soumis aux dispositions légales sur le licenciement économique mais à celles relatives au licenciement pour motif personnel.
La sas ABMI pouvait donc notifier la rupture du contrat de travail par l'envoi d'une lettre de licenciement.
Il est cependant acquis que Mme X... a le 16 juin 2009 informé la sas ABMI de son état de grossesse, par courrier recommandé dont l'employeur a signé l'accusé de réception le 18 juin 2009.
Aux termes des dispositions de l'article L1225-4 du code du travail (et non L1225-5 qui concerne l'annulation du licenciement notifié avant que la salariée ait fait connaître son état de grossesse) Mme X... a alors bénéficié, dès le 16 juin 2009 et pendant son état de grossesse, pendant le congé de maternité, et durant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes, d'une période de protection ainsi énoncée par le code du travail :
" Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée, pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa. "
Le code du travail édicte dans l'article sus-visé une interdiction de licencier la salariée ayant informé son employeur de son état de grossesse, interdiction sanctionnée, aux termes des dispositions de l'article L1225-71 du code du travail, par la nullité du licenciement.
La loi apporte cependant une atténuation au caractère absolu de cette protection en permettant à l'employeur de justifier le licenciement par l'établissement de la commission par la salariée d'une faute grave non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse.
La validité du licenciement est subordonnée, non seulement à la justification, par l'employeur, de l'un de ces motifs exigés par l'article L 1225-4, mais aussi à la mention de ce motif dans la lettre de licenciement.
La sas ABMI soutient qu'elle a été dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de Mme X... ; elle lui a adressé le 24 juillet 2009 une lettre de licenciement libellée dans les termes suivants, qui fixent le litige :
" Madame,
Nous vous avons convoquée Ie mardi 21 juillet 2009, dans nos locaux afin de vous faire part des motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement.
Au cours de cet entretien, auquel vous n'étiez pas assistée, nous vous avons exposé les faits suivants :
Conformément à votre contrat de travail, Ie poste d'Agent administratif qui vous a été confié était lié au chantier de notre client VALEO Ecouflant. Dans Ie cadre de ce chantier, vous avez en charge Ie suivi des homologations techniques et administratives. Comme nous vous l'avons précisé lors de cet entretien, notre client nous a précisé que ce chantier s'achèvera au 30 septembre 2009.
Malgré nos différentes recherches, votre réemploi aux taches qui vous étaient confiées n'étant plus assuré à l'issue de ce chantier, nous sommes donc malheureusement au regret de prendre la décision de vous licencier pour fin de chantier.
Votre préavis d'une durée de 2 mois débutera à réception de ce courrier. Nous vous ferons venir votre solde de tout compte, votre attestation ASSEDIC ainsi que votre certificat de travail par lettre recommandée.
Nous vous rappelons que la fin de mission est régie par I'article L. 1236-8 du Code du travail. Par conséquent, à I'expiration de votre contrat de travail, vous pourrez prétendre à un accès prioritaire aux formations proposées par Ie Fonds d'Assurances Formation Ingénierie, Etudes et Conseil (FAFIEC) " ;
Cette lettre rappelle par conséquent que la conclusion du contrat de travail de Mme X... était liée à l'exécution d'un chantier, et indique que le client, la société Valeo, " a précisé que le chantier s'achèvera au 30 septembre 2009 " ; elle se poursuit par l'affirmation que le réemploi de Mme X... ne pourra pas être assuré à l'issue du chantier.
Les énonciations de la lettre de licenciement sont donc strictement relatives au motif du licenciement pour fin de chantier en ce qu'elles comportent, d'une part, l'indication que le chantier Valéo s'achèvera le 30 septembre 2009, d'autre part, que le réemploi de Mme X... ne pourra pas être assuré à l'issue de ce chantier.
En énonçant dans la lettre de licenciement la date d'achèvement du chantier la sas Abmi énonce la cause du licenciement de Mme X... dont le contrat de travail a été conclu pour la durée d'un chantier.
Elle ne vise dans son écrit cependant aucun élément tangible et concret d'achèvement des tâches pour la réalisation desquelles Mme X... avait été engagée, et, procédant ainsi, n'énonce pas dans la lettre de licenciement le motif exigé par l'article L1225- 4du code du travail qui est l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé l'employeur de maintenir le contrat de travail pendant la période de protection pour un motif non lié à la grossesse.
Contrairement à ce que soutient la sas ABMI, la mention relative à l'impossibilité d'assurer le réemploi de la salariée à la fin du chantier n'emporte pas énonciation de l'un des motifs prévus à l'article L 1225-4 du code du travail, en l'occurrence de l'impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.
En effet, l'impossibilité pour l'employeur d'assurer le réemploi de la salariée constitue une condition préalable au licenciement pour fin de chantier, mais, en soi, ne caractérise pas nécessairement l'impossibilité de maintien du contrat de travail au sens de l'article L 1225-4 du code du travail.
Le défaut d'énonciation, dans la lettre de licenciement, du motif de licenciement exigé par l'article L1225-4 du code du travail, en l'occurrence l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de Mme X..., constitue, à lui seul, un motif de nullité du licenciement litigieux.
Il appartient, au surplus, à l'employeur d'apporter la preuve de l'impossibilité, qu'il invoque, de maintenir le contrat de travail.
Pour faire la preuve de l'achèvement des tâches à l'exécution desquelles Mme X... était affectée, la sas ABMI produit le contrat cadre de prestations de services qu'elle a signé le 12 novembre 2007 avec la société Valeo division éclairage France pour l'exécution de travaux de sous-traitance portant sur des études techniques et/ ou de la recherche et/ ou de l'assistance technique, lequel précise que : " l'exécution d'une mission sera subordonnée à la notification par Valeo d'un bon de commande faisant référence au contrat cadre et précisant la nature des prestations commandées et le délai d'exécution ", ainsi que des bons de commande, pris mensuellement par Valeo, de septembre 2008 au 6 juillet 2009, ce dernier bon ayant une date de livraison prévue au 30 juillet 2009.
La sas ABMI se contente d'affirmer que Valeo ne lui a plus adressé de bons de commande après cette date du 6 juillet 2009, mais ne produit aucun document fut-ce sous la forme d'un mail, portant la trace de la décision de Valeo d'interrompre le marché pour lequel Mme X... a été engagée.

Elle se contredit d'ailleurs, ainsi que le relève justement Mme X..., dans les dates supposées de fin de chantier, puisqu'elle soutient, et a mentionné dans la lettre de licenciement, que Valeo a interrompu les missions de Mme X... au 30 septembre 2009, et ne verse pourtant aux débats aucun bon de commande pour la période allant du 30 juillet 2009 au 30 septembre 2009.
Pour unique preuve de la fin du chantier au moment du licenciement, la sas ABMI produit un mail tardif, puisque du 1er juillet 2010, de Mme Z..., " acheteur biens et services " chez Valeo et rédactrice des bons de commande susvisés, à M. A... son directeur général adjoint nord, indiquant : " je vous confirme que la prestation technique pour dossier d'homologation s'est achevée le 31 juillet 2009 " ;
Cette pièce est en contradiction avec le contenu de la lettre de licenciement qui vise une fin de prestation au 30 septembre 2009, et attribue le choix de cette date à Valeo.
Le planning d'homologations de l'assistante du chef de service homologations chez Valeo, M. C..., produit par Mme X..., montre, au surplus, que la constitution de nombreux dossiers d'homologation était encore prévue jusqu'en 2010, semaine 12.
Même si, ainsi qu'en atteste M. A..., Valeo n'avait pas confié toutes les homologations des produits fabriqués sur son site d'Angers à la sas ABMI, cette tâche là était, comme il le précise d'ailleurs lui-même, réalisée par des experts techniques et non par un agent administratif tel que Mme X....
Mme X... avait quant à elle la tâche d'assurer le suivi administratif de ces dossiers d'homologation, suivi qui restait a priori nécessaire au moment de son licenciement, alors qu'ils étaient encore nombreux à être en cours de réalisation.
Il suit de là que la preuve de la réalité de la fin du chantier au 30 septembre 2009 n'est pas rapportée, et que la sas ABMI est défaillante à justifier de la réalité du motif, qu'elle invoque, tenant à l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de maintenir le contrat de travail de Mme X....
En conséquence, par voie d'infirmation du jugement entrepris, le licenciement de Mme X... doit être déclaré nul, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'absence de recherche de réemploi, et du défaut de consultation du comité d'entreprise.
Sur les conséquences de la nullité du licenciement
Aux termes des dispositions de l'article L1225-71 du code du travail, l'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L1225-1 à L1225-28 du même code peut donner lieu à l'attribution de dommages et intérêts au profit du bénéficiaire, en plus de l'indemnité de licenciement.
Lorsque, en application des dispositions du premier alinéa, le licenciement est nul, l'employeur verse le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.
Mme X... ne sollicite pas sa réintégration et a droit, dans ces conditions, au paiement des indemnités de préavis et de licenciement, qui lui ont été versées, mais aussi au paiement de dommages et intérêts, réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est apprécié souverainement par le juge dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L1235-3 du code du travail soit aux salaires des six derniers mois (11 948, 61 €).
Elle a été indemnisée par Pôle Emploi du 4 novembre 2009 au 25 octobre 2010, pour un montant brut journalier de 38, 87 € puis de 39, 34 € à compter du 1er juillet 2010, et a obtenu le 25 octobre 2010 un contrat à durée déterminée d'agent contractuel à l'Université d'Angers avant d'être, le 15 septembre 2011, installée comme stagiaire dans le corps des ingénieurs d'études 2ème classe à l'Université d'Angers, sans que le montant de la rémunération versée soit précisé.
Elle sera justement indemnisée par le versement par la sas ABMI d'une indemnité de 15 000 €.
En outre la sas ABMI lui versera le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité, allant du 10 octobre 2009 au 8 avril 2010, soit la somme de 11 712, 18 € (1952, 03 € x 5 mois + 30 jours) outre celle de 1171, 22 € au titre des congés payés y afférents.
Sur le D. I. F.
En application des dispositions de l'article L6323-19 du code du travail, l'employeur doit informer le salarié, dans la lettre de licenciement, de ses droits en matière de droit individuel à la formation, obligation que n'a pas remplie la sas ABMI dans la lettre de licenciement qu'elle a adressée le 24 juillet 2009 à Mme X....
Ce manquement à l'obligation légale d'information du salarié licencié cause nécessairement à celui-ci un préjudice et la cour dispose des éléments lui permettant de l'évaluer à la somme de 500 €.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens : la sas ABMI est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 €.
La sas ABMI est déboutée de sa propre demande à ce titre.
Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais non compris dans les dépens sont confirmées.
La sas ABMI est condamnée à payer les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 30 septembre 2010 sauf en ses dispositions afférentes aux frais non compris dans les dépens et aux dépens ;
statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de Mme X... est nul ;
CONDAMNE la sas ABMI à payer à Mme X... la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
CONDAMNE la sas ABMI à payer à Mme X... la somme de 11 712, 18 € au titre du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité, outre celle de 1171, 22 € à titre de congés payés y afférents ;
y ajoutant,
CONDAMNE la sas ABMI à payer à Mme X... la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de mention en matière de droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement ;
CONDAMNE la sas ABMI à payer à Mme X... la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la sas ABMI de sa demande à ce titre ;
CONDAMNE la sas ABMI aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02601
Date de la décision : 13/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 29 mai 2013, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 12-19.245, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-03-13;10.02601 ?
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