La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2012 | FRANCE | N°10/02488

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 21 février 2012, 10/02488


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02488.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, date du 13 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00664

ARRÊT DU 21 Février 2012

APPELANTE :
S. A. R. L. X... TRANSPORT 10 rue Pairial Lotissement Belle Arrivée 49770 LE PLESSIS MACE

représentée par Maître Patrice PIEDNOIR, avocat au barreau d'ANGERS

INTIME :

Monsieur Joël Y...... 49000 ANGERS

présent, assisté de Monsieur Jacques Z..., délégué syndical



COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02488.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, date du 13 Septembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00664

ARRÊT DU 21 Février 2012

APPELANTE :
S. A. R. L. X... TRANSPORT 10 rue Pairial Lotissement Belle Arrivée 49770 LE PLESSIS MACE

représentée par Maître Patrice PIEDNOIR, avocat au barreau d'ANGERS

INTIME :

Monsieur Joël Y...... 49000 ANGERS

présent, assisté de Monsieur Jacques Z..., délégué syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 21 Février 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Transports X... a pour activité principale les livraisons de marchandises diverses à l'aide de véhicules de moins de 3, 5 tonnes.
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 21 août 2006, elle a embauché M. Joël Y... en qualité de chauffeur-livreur, à temps plein, jusqu'au 20 octobre 2006. Il résulte du registre unique du personnel versé aux débats que l'intéressé a ensuite été engagé en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2006.
La convention collective applicable est celle, nationale, des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
Le 29 octobre 2007, les parties ont signé un avenant au contrat de travail précisant que M. Y... travaillerait " du lundi matin 6 heures au vendredi après-midi " et qu'il pourrait être amené à travailler quelques samedis en fonction de l'activité, que son lieu de travail était situé " chez MELEDO ANJOU " à Ecouflant. Ce document indique en outre que les congés pourraient être pris de la façon suivante : trois semaines en été, une semaine au printemps et une semaine en hiver.
Par courrier daté du 7 mai 2009, la société Transports X... a convoqué M. Joël Y... à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 mai suivant. Par lettre recommandée du 20 mai 2009, ce dernier s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Le 5 juin 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure tant en la forme qu'au fond et obtenir un rappel de salaire pour heures normales et heures supplémentaires.
Après vaine tentative de conciliation du 27 janvier 2010, par jugement du 13 septembre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a :- jugé le licenciement de M. Joël Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;- condamné la société Transports X... à lui payer les sommes suivantes : ¤ 2 964, 43 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ¤ 11 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¤ 370, 36 € à titre d'indemnité de licenciement, ¤ 1 635, 87 € à titre de rappel de salaire conventionnel pour heures normales et pour heures supplémentaires, ¤ 500 € de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;- dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les condamnations de nature indemnitaire à compter du jugement ;

- rappelé que sa décision était assortie de I'exécution provisoire de plein droit dans les conditions des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 et 15 du code du travail et fixé à la somme brute de 1 354. 19 € Ie salaire moyen de référence ;- condamné la société Transports X... à payer à M. Joël Y... une indemnité de procédure de 1000 € et à supporter les dépens.

M. Joël Y... et la société Transports X... ont reçu notification de ce jugement respectivement le 18 et le 20 septembre 2010. L'employeur en a régulièrement relevé appel par déclaration formée au greffe de la cour le 6 octobre suivant.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 17 octobre 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Transports X... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter M. Joël Y... de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :- la procédure de licenciement est parfaitement régulière en ce que le délai de cinq jours entre la convocation à l'entretien préalable et cet entretien a été respecté ;- le licenciement est fondé en ce que les manquements reprochés au salarié (défaut de respect des consignes, dénigrement de l'employeur auprès des clients, vente de palettes ne lui appartenant pas pendant les heures de travail) sont démontrés et caractérisent, dans leur ensemble, une faute grave, d'autant que M. Y... qui s'était vu infliger des rappels à l'ordre, puis un avertissement par lettre du 15 juin 2007, a persisté dans son comportement ;- elle a toujours réglé le salaire conformément aux dispositions de la convention collective et le taux horaire de base ne varie pas entre le coefficient 118 et le coefficient 120 ;- le salarié ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement des heures supplémentaires qu'il invoque et le type de véhicule qu'il utilisait dans le cadre de son travail ne justifiait pas l'emploi d'un contrôle par chronotachigraphe.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 17 octobre 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Joël Y... demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, au rappel d'indemnité de licenciement et au rappel de salaire lié, d'une part, à l'application du coefficient 128, d'autre part, au paiement des heures supplémentaires réalisées ;- de l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande pour licenciement irrégulier et s'agissant du montant de l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; de lui allouer de ces chefs les sommes respectives de 1 462, 16 € et 15 000 € ;- d'ordonner le remboursement, par la société Transports X... au Pôle emploi, des prestations de chômage qui lui ont été versées du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois ;

- de condamner la société Transports X... à lui payer les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du jour de la demande, 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sans préjudice d'une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- de condamner la société appelante aux entiers dépens.

S'agissant du licenciement, le salarié soutient, en la forme, que le délai de cinq jours qui doit être observé entre la convocation à l'entretien préalable et cet entretien n'a pas été respecté, au fond, que l'employeur est défaillant à rapporter la preuve des fautes invoquées à son égard.
A l'appui de sa demande de rappel de salaire afférente à la période du 1er janvier 2007 au mois de mai 2009, M. Y... fait valoir qu'il a été recruté au coefficient 128 de la convention collective applicable et que l'employeur l'a rémunéré moyennant un taux horaire inférieur au taux conventionnel, appliquant, au gré des mois, un coefficient changeant, mais inférieur à celui convenu ; qu'en outre, il résulte des relevés d'heures de travail qu'il a tenus que des heures supplémentaires ne lui ont pas été rémunérées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les demandes de rappel de salaire :
1) du chef du taux horaire applicable
Attendu qu'aux termes du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 21 août 2006, pour la période du 21 août au 20 octobre 2006, M. Joël Y... a été recruté pour occuper un emploi de chauffeur-livreur, en qualité d'ouvrier au coefficient 128 de la convention collective des transports routiers ; attendu, comme l'ont exactement rappelé les premiers juges, qu'il résulte des mentions portées sur le registre unique du personnel versé aux débats qu'il a ensuite été engagé en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2006, sans que ce CDI ne soit matérialisé par écrit ; que l'avenant du 29 octobre 2007 ne fournit aucune précision sur le coefficient ou le montant de la rémunération ;
Attendu qu'il ressort des bulletins de salaire produits qu'en réalité, M. Y... a travaillé pendant tout le mois d'octobre 2006 à temps plein et a même effectué des heures supplémentaires qui lui ont été payées ; que, dans les faits, il n'y a donc eu aucune interruption entre le CDD et le CDI ; que le CDI n'ayant pas donné lieu à un nouvel écrit manifestant clairement l'intention des parties de modifier le coefficient convenu lors de la conclusion du CDD, les premiers juges ont retenu à juste titre que les parties n'avaient pas entendu le modifier et que M. Joël Y... était bien fondé à revendiquer l'application du coefficient 128 pour toute la durée de la relation de travail ; que, d'ailleurs, la société Transports X... ne soutient pas que les parties auraient entendu appliquer un moindre coefficient à compter de la conclusion du CDI, mais se contente d'affirmer avoir correctement appliquer le minimum conventionnel ;

Attendu que les bulletins de salaire de M. Y... révèlent que l'employeur a appliqué le coefficient 115 en août 2006, puis le coefficient 120 de septembre 2006 à mai 2008 inclus, puis le coefficient 118 jusqu'au mois de mai 2009 date de la rupture du contrat de travail ; que de janvier 2007 à janvier 2008 inclus, le salarié a perçu un taux horaire évoluant de 8, 35 € à 8, 44 € (8, 35 € de janvier à avril 2007 inclus, puis 8, 37 € en mai et juin 2007, puis 8, 44 € de juillet 2007 à janvier 2008 inclus) alors que le minimum conventionnel à l'embauche auquel il pouvait prétendre en considération du coefficient 128, et dont il justifie, s'établit à 8, 49 € ; attendu qu'à compter du 1er février 2008, il aurait dû être rémunéré sur la base d'un taux horaire à l'embauche d'un montant de 8, 83 € ; or attendu qu'il résulte des bulletins de salaire que l'employeur a appliqué un taux horaire de 8, 44 € ;

Attendu que M. Joël Y... verse aux débats un décompte précis et justifié duquel il résulte qu'il est fondé à réclamer, au titre de la rémunération conventionnelle pour heures normales qu'il aurait dû percevoir, un rappel de salaire de 166, 90 € pour l'année 2007, de 277, 47 € pour l'année 2008 et de 74, 24 € pour la période de janvier à avril 2009 inclus, soit un montant total de 518, 61 € ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à ce chef de prétention ;
2) du chef des heures supplémentaires
Attendu que, s'il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient toutefois au salarié d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande, M. Joël Y... verse aux débats des tableaux couvrant la période du mois de mars 2007 au mois de mai 2009 inclus, aux termes desquels, semaine par semaine et, à l'intérieur de chaque semaine, jour par jour, il a noté le nombre d'heures de travail effectuées chaque matin et chaque après-midi, le nombre total d'heures de travail de la journée et le nombre d'heures supplémentaires en résultant le cas échéant ; Que ces tableaux récapitulent les données issues des fiches qu'il a établies mois par mois, pour cette même période de mars 2007 à mai 2009 inclus, lesquelles renseignent jour après jour, sur son heure de départ en tournée et son heure de retour pour le matin et l'après-midi, sur le kilométrage affiché au compteur au départ et à l'arrivée, et sur le nombre de kilomètres parcourus chaque jour ; Qu'il résulte de ces éléments qu'il a bien accompli des heures supplémentaires au-delà de celles qui lui ont été rémunérées par l'employeur selon les indications portées sur les bulletins de salaire ;

Attendu que ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et d'apporter la preuve contraire en justifiant des horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'ils sont donc de nature à étayer la demande de M. Joël Y... ;
Attendu que la seule pièce versée aux débats par la société Transports X... pour s'opposer à la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires est un document intitulé : " Conditions de travail dans les transports par route-horaires de service simplifié ", signé le 21 août 2006 par M. Y... et qui fait état d'un horaire hebdomadaire de travail de 36 heures se répartissant comme suit : 14 h/ 18 h le lundi, et 7 h/ 12 h- 14h/ 17h les " autres jours de la semaine " ; mais attendu que l'employeur ne saurait disconvenir que cette pièce est inapte à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié en ce qu'il a établi des bulletins de salaire sur la base d'un horaire hebdomadaire normal de travail de 35 heures et qu'il a régulièrement payé quelques heures supplémentaires ; Attendu, à supposer que ces horaires aient pu être appliqués, que l'avenant signé le 29 octobre 2007 démontre qu'ils n'ont, en tout cas, pas perduré, puisqu'il énonce que " Monsieur Y... travaillera du lundi matin 6 heures au vendredi après-midi. Il pourra être amené à travailler quelques samedis suivant l'activité. " ; que les termes vagues de cet avenant rendent en outre impossible la détermination de quelconques horaires de travail au cours de la semaine ;

Attendu, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, que la société Transports X... s'avère dans l'incapacité de contredire les éléments produits par M. Y... et de justifier d'autres horaires effectivement accomplis ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il l'a condamnée à lui payer, de ce chef, la somme de 1 118, 26 € correspondant, selon décompte précis, au montant des heures supplémentaires non réglées ;

Sur le licenciement

Attendu que M. Joël Y... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 20 mai 2009, dont les termes, qui fixent l'objet du litige, sont les suivants : " Monsieur, Pour faire suite à notre entretien préalable du 15 mai 2009 en présence de Monsieur B..., conseiller salarié, nous vous informons que nous procédons à votre licenciement pour faute grave malgré vos explications pour les raisons suivantes qui vous sont reprochées. En effet, après divers courriers qui vous ont été envoyés, nous vous avons fait part de respecter les horaires de service et surtout les coupures rarement effectuées surtout les veilles de jours fériés ou de week-end. L'interdiction de fumer dans les véhicules n'a toujours pas été appliqué, sans faute de vous I'avoir répété à plusieurs reprises. De plus, la discrimination de notre société ainsi que sur ma personne contrevienne à votre loyauté, et les indélicatesses et I'irrespect verbal faites auprès de notre client T. F. E Angers sur Ie travail donné et envers du personnel comme Marie-Christine " Marie pot de pisse " ternisse notre savoir-vivre. La revente de palettes qui constitue une faute grave puisque vous avez revendues des palettes qui ne vous appartenaient pas, pendant votre temps de travail et avec notre véhicule de société. En effet, nous avons été averti le mardi 12 mai 2009 au soir à 21h par un coup de téléphone, nous demandant s'il était normal que notre véhicule soit souvent chez Ie marchand de palettes. Après enquête, nous constatons que vous avez effectué une vente de 53 palettes depuis Ie début de l'année 2009, d'un prix pouvant aller de 1 € 50 à 3 € la palette aux Etablissements EUROCOM. Vos agissements nuisent à I'image de marque de notre société. Compte tenu de la gravité de ces fautes, votre maintien dans I'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de première présentation de cette lettre, sans indemnités de préavis ni de licenciement. " ;

Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement, les manquements reprochés à M. Joël Y... sont les suivants : 1) non respect des consignes relatives, d'une part, aux horaires de service et aux coupures à respecter par rapport au temps de conduite, d'autre part, à l'interdiction de fumer dans le véhicule ; 2) " discrimination ", en réalité, l'employeur a entendu parler de dénigrement de la société et de la personne de son dirigeant ; et indélicatesses verbales ; 3) revente de palettes ;

Attendu qu'il ressort des débats que le travail de M. Joël Y... consistait à se rendre tout d'abord à l'entrepôt de froid de la société MELEDO ANJOU à Ecouflant où arrivent des produits frais, à charger dans son camion de 3, 5 tonnes des palettes " Europe " remplies de produits, puis à livrer ces produits chez différents destinataires du Maine et Loire ; attendu que, chaque jour en fin de tournée, le conducteur doit revenir à l'entrepôt pour y remettre les bons de livraison émargés par les clients ainsi que les palettes vides, ces palettes étant la propriété, soit de la société MELEDO (ou société TFE Angers), soit des expéditeurs auxquels elles doivent être restituées ;
Attendu, s'agissant du non respect des horaires et des coupures obligatoires, que la société appelante verse tout d'abord aux débats un courrier recommandé du 15 juin 2007 constitutif d'une réponse à une réclamation formée par M. Y... au sujet du nombre d'heures de travail effectuées et du défaut de paiement d'heures supplémentaires ; que l'employeur y fait état d'un système d'annualisation du temps de travail en lui indiquant qu'il est rémunéré mensuellement pour 151, 67 heures de travail et qu'à la fin de l'année, la division du nombre total des heures accomplies par le nombre de semaine aboutit bien à 151, 67 heures de travail par mois ; qu'il y ajoute qu'il doit faire en sorte de respecter les horaires mentionnés sur le document intitulé " Horaires de service simplifiés " qu'il a signé et d'accomplir son travail dans le temps imparti ; qu'in fine, l'employeur manifeste sa lassitude face aux réclamations de M. Y..., estimant qu'elles confinent au manque de confiance ; Attendu que le second courrier produit par l'appelante fait référence aux heures de travail réalisées en novembre 2007, " signale " à M. Y... qu'il doit prendre une pause de 30 minutes après six heures de travail et lui rappelle qu'il n'est pas question qu'il ne s'arrête pas pour déjeuner et qu'il doit " essayer de suivre les horaires " ;

Attendu que ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, de démontrer que l'intimé n'aurait pas, qui plus est de façon fautive, respecté des horaires convenus et qui lui auraient été impartis, ainsi que les temps de pause ; Attendu, en effet, que la société Transports X... s'avère dans l'incapacité de rapporter la preuve de l'existence d'horaires de travail définis dans l'entreprise et portés à la connaissance du salarié, tant les éléments qui émanent d'elle de ce chef sont contradictoires et rendent impossible la détermination d'un quelconque horaire de travail dans l'entreprise ; que, tout d'abord, comme la cour

l'a déjà souligné, il apparaît qu'elle n'a jamais, elle-même, entendu appliquer " les horaires de service simplifiés " qu'elle a fait signer à M. Y... le 21 août 2006 puisque, alors que le document y afférent mentionne un temps de travail hebdomadaire de 36 heures, elle a toujours rémunéré le salarié sur la base d'un temps plein hebdomadaire de 35 heures (soit 151, 67 heures de travail par mois) et lui a bien rappelé, aux termes de son courrier du 15 juin 2007, que tel était le temps de travail en vigueur dans l'entreprise ; attendu que l'allégation, dans ce même courrier, d'un " système " d'annualisation du temps de travail apparaît parfaitement fantaisiste, n'est corroboré par aucune pièce, étant observé que les bulletins de salaire mentionnent, au contraire, de façon régulière le paiement d'heures supplémentaires dès la 36ème heure, et que, dans le cadre du contentieux qui l'oppose à M. Y..., la société Transports X... n'invoque pas même l'existence d'un accord de modulation du temps de travail sur l'année ;
Attendu que l'avenant du 29 octobre 2007 porte en lui-même la révélation de l'absence d'un horaire de travail précis imparti à M. Y... en ce qu'il énonce qu'il travaillera " du lundi 6 heures au vendredi après-midi " et, le cas échéant " quelques samedis suivant l'activité " ; que ce document ne rend même pas l'horaire de travail déterminable ;
Attendu qu'en l'absence de démonstration d'un horaire clairement défini, et même seulement déterminable, effectivement appliqué dans l'entreprise, porté à la connaissance de M. Joël Y..., la société appelante est mal fondée à lui reprocher de n'avoir pas respecté cet horaire de travail ; Attendu que le grief tiré de l'absence de respect des coupures et pauses obligatoires n'est étayé par aucun élément objectif, les fiches d'horaires produites par le salarié révélant, qu'au contraire, celui-ci respectait les pauses déjeuner et ne conduisait pas pendant plus de six heures d'affilée ;

Qu'il suit de là, comme l'ont exactement considéré les premiers juges, que l'employeur ne rapporte pas la preuve du premier manquement invoqué ;
Attendu, s'agissant du grief tiré du fait d'avoir fumé dans le camion, que la société Transports X... verse aux débats un courrier portant notification à M. Y... d'un avertissement ainsi libellé : " Suite à plusieurs avertissements verbaux au sujet du tabac dans le camion, je vois que cette règle n'est toujours pas appliquée " ; attendu que cet avertissement porte en pied la mention manuscrite : " remis en main propre 26/ 9/ 08 " sans aucune signature du salarié ; que, toutefois, M. Y... ne méconnaît pas avoir reçu notification de cet avertissement et indique qu'il ne l'a pas contesté ; qu'il relève toutefois à juste titre que la société Transports X... ne justifie ni qu'il aurait persévéré dans ce comportement fautif, ni qu'elle aurait été amenée à le rappeler à l'ordre de ce chef ; qu'elle a donc épuisé son pouvoir disciplinaire sur ce point par la notification de l'avertissement du 26 septembre 2008 ; que les premiers juges ont encore à juste titre écarté ce grief puisqu'il n'est pas justifié de nouveau fait fautif de cet ordre postérieurement à cette date ;
Attendu qu'à l'appui des attitudes de dénigrement et de propos déplacés qu'elle invoque, la société Transports X... verse aux débats une attestation établie le 19 mai 2010 par M. Denis A..., chauffeur livreur, lequel relate que " Tous les matins en chargeant son véhicule, il entendait M. Y... se plaindre de son activité et avoir des propos incorrects envers les membres de TFE. " ; attendu que ce témoignage qui n'est absolument pas circonstancié, et ne rapporte aucun propos précis, ne permet pas, à lui seul, de faire la preuve d'attitudes de dénigrement envers l'entreprise et son dirigeant, et d'indélicatesses verbales envers des tiers ; que, là encore, l'employeur est défaillant à rapporter la preuve, qui lui incombe, de la réalité des faits ainsi allégués ;
Attendu que la société Transports X... reproche enfin à M. Joël Y... d'avoir, depuis le début de l'année 2009, revendu aux établissements EUROCOM Recyclage 53 palettes qui ne lui appartenaient pas et ce, pendant son temps de travail et avec le véhicule de la société, moyennant un prix unitaire oscillant entre 1, 50 € et 3 € ;
Attendu qu'à l'appui de ce grief, elle verse aux débats un courrier établi le 26 mai 2009 par la société EURECOM Recyclage, laquelle précise répondre à une demande de Mme X... ; que cette société y indique qu'entre le 1er janvier et le 12 mai 2009, elle a reçu, livrées par les camions de la société Transports X..., les palettes suivantes : ¤ de la part de M. Christophe X... : " palettes " Europe " et légères pour un montant de 848 € " ; ¤ de la part de M. Frédéric X... : " palettes " Europe " et légères pour un montant de 18, 30 € " ; ¤ de la part de M. Joël Y... : : " palettes " Europe " et légères pour un montant de 110 € " ;

Attendu que l'intimé conteste avoir jamais volé des palettes au préjudice de la société MELEDO ou TFE et avoir vendu des palettes plutôt que de les restituer à l'issue de ses livraisons ; qu'il explique qu'au cours de ses tournées, il ne descendait pas du camion les palettes chargées le matin, ce qui aurait été impossible compte tenu de leur poids, mais se contentait de décharger les produits à livrer ; que certains commerçants lui proposaient d'emporter d'autres palettes, entreposées chez eux et dont ils souhaitaient se débarrasser ; que l'intimé indique que ce sont ces palettes, qui lui étaient données, qu'il a vendues à la société EURECOM Recyclage, et il fait observer que messieurs Frédéric et Christophe X... avaient également cette pratique ; attendu qu'il verse aux débats les attestations de quatre commerçants qui confirment expressément lui avoir donné, afin de s'en débarrasser, des palettes ordinaires ou " Europe " ; attendu que les attestations établies par trois de ces commerçants au profit de la société appelante ne viennent pas contredire les témoignages qu'ils ont établis en faveur du salarié ; qu'en effet, il apparaît clairement que, dans la pratique, M. X... ne descendait pas du camion les palettes sur lesquelles étaient entreposées les marchandises qu'il livrait, qu'il devait rapporter ces palettes à la société MELEDO ou TFE à la fin de sa tournée, et qu'il pouvait être amené à se voir remettre d'autres palettes dont les commerçants souhaitaient se débarrasser ;
Attendu qu'aux termes d'un courrier du 6 avril 2010 expliquant le système de la tournée, la société TFE a clairement écrit à la société Transports X... qu'en cas d'écart en fin de mois entre le nombre de palettes chargées pour livraison et celles rendues sur ses quais en retour de tournée, elle procéderait à une facturation des palettes manquantes au prix de 7 € HT l'unité ; or attendu que la société Transports X... ne produit aucune facture de la société TFE, ni aucune pièce de nature à établir qu'elle se serait vu facturer des palettes manquantes en fin de tournée ; qu'il apparaît donc que, si M. Y... a pu, entre le 1er janvier et le 12 mai 2009, vendre des palettes à la société EURECOM Recyclage pour un montant total de 110 €, soit 24, 45 € par mois, il s'agit bien de palettes qui lui ont été données par des commerçants pour qu'il les en débarrasse et qu'il en dispose ; que le courrier de la société EURECOM Recyclage démontre que cette pratique était amplement partagée dans l'entreprise et que M. Christophe X... s'y adonnait à bien plus grande échelle que M. Y... et de façon bien plus lucrative ; attendu que, si le fait d'utiliser le véhicule de l'entreprise pour réaliser ce petit commerce personnel de palettes à recycler peut être blâmé, il ne permet pas de caractériser une faute grave justifiant un licenciement, ni même d'ailleurs une cause sérieuse de licenciement ;
Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. Joël Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
***
Attendu que, si ce dernier avait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de son licenciement (deux ans et huit mois et demi), il ressort du registre unique du personnel que la société Transports X... comptait alors un effectif de moins de onze salariés ;
Attendu, la faute grave étant écartée, que M. Y... a droit à une l'indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité légale de licenciement dont les premiers juges ont exactement apprécié les montants en lui allouant de ces chefs les sommes respectives de 2 964, 43 €, congés payés inclus, et de 370, 36 € ; que le jugement sera confirmé sur ces points ;
Attendu que le courrier de convocation à l'entretien préalable a été posté le jeudi 7 mai 2009 et réceptionné par M. Y... le samedi 9 mai suivant pour un entretien fixé au vendredi 15 mai ; attendu, le 9 mai, date de réception du courrier, étant exclu de la computation du délai de cinq jours imposé par l'article L. 1232-2 du code du travail, que M. Y... n'a bien disposé que d'un délai de quatre jours, et non de cinq jours, pour préparer l'entretien préalable ; attendu qu'aux termes de l'article L. 1235-2 du même code, cette irrégularité, qui cause nécessairement un préjudice au salarié, doit être réparée par une indemnité qui ne peut pas être supérieure à un mois de salaire ; attendu que c'est à tort que, retenant un effectif de plus de onze salariés, les premiers juges ont considéré que cette indemnité n'était pas cumulable avec celle allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ont débouté M. Y... ; qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 500 €, étant observé qu'il était assisté d'un conseiller salarié au moment de l'entretien préalable ;
Attendu, s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail selon lesquelles le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ; attendu que M. Joël Y... était âgé de 51 ans au moment de son licenciement et bénéficiait d'un salaire brut moyen mensuel de base de 1 347, 47 € ; qu'il indique n'avoir toujours pas retrouvé d'emploi mais ne produit pas de justificatif de Pôle emploi au-delà du 30 décembre 2009 ; attendu qu'au regard de ces éléments, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 11 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera également confirmé de ce chef ;
Attendu que le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives au cours des intérêts, étant précisé que la date à laquelle la société Transports X... a accusé réception de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation et qui marque le point de départ des intérêts moratoires sur les créances de nature salariale se situe au 17 septembre 2009 ;
***

Attendu que M. Joël Y... indique qu'il sollicite la somme de 3 000 € tout à la fois en réparation du préjudice moral et financier qui est résulté pour lui du licenciement, et pour procédure abusive ; Qu'il fait valoir qu'il a subi une cabale, que la brutalité qui a entouré le licenciement révèle de la part de l'employeur une intention de nuire, qu'il rencontre les pires difficultés pour retrouver un emploi et ne percevrait désormais que 29, 37 € par jour au titre des indemnités de chômage ;

Mais attendu, comme la cour l'a déjà relevé, que l'intimé ne produit aucun justificatif du Pôle emploi au-delà de fin décembre 2009 ; et attendu que le préjudice financier qui est résulté pour lui du licenciement est déjà réparé par l'indemnité de 11 000 € qui lui a été allouée ;
Attendu qu'aucun élément objectif du dossier ne permet de retenir que le licenciement aurait été entouré de circonstances vexatoires ou empreint d'une brutalité particulière ;
Attendu, enfin, que M. Y..., qui invoque, pour la première fois en cause d'appel et sans préciser son propos, une " procédure abusive " ne démontre pas que la société Transports X... aurait manifesté un quelconque comportement fautif, et encore moins abusif, que ce soit dans l'usage même du droit de recours, que dans la conduite de la procédure d'appel ;
Attendu que le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a alloué à M. Y... la somme de 500 € pour préjudice moral et financier, l'intimé étant débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
***
Attendu qu'au regard de l'article L. 1235-4 du code du travail, contrairement à ce que demande l'intimé, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage au Pôle emploi puisque ce sont les dispositions de l'article L. 1235-5 du même code qui trouvent à s'appliquer pour sanctionner le licenciement ;

Sur les dépens et frais irrépétibles

Attendu, la société Transports X... succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. Y..., en cause d'appel, une indemnité de procédure de 1 200 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Joël Y... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière et en ce qu'il lui a alloué la somme de 500 € pour préjudice moral et financier ;

Le confirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,
Déboute M. Joël Y... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier et procédure abusive ;
Condamne la société Transports X... à lui payer la somme de 500 € (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
Ajoutant au jugement déféré,
Précise que le point de départ des intérêts moratoires afférents aux créances à caractère salarial se situe au 17 septembre 2009 ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;
Condamne la société Transports X... à payer à M. Joël Y... la somme de 1. 200 € (mille deux cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02488
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-02-21;10.02488 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award