COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01936. Jugement Conseil de Prud'hommes de LAVAL, du 13 Juillet 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00198
ARRÊT DU 31 Janvier 2012
APPELANTE :
SARL DPLE RN 14 Lieudit " La Forge Forêt " 76520 BOOS
représentée par Maître Benoît VANDENBULCKE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE (incidemment appelante) :
Madame Martine X...... 53410 SAINT OUEN DES TOITS
représentée par Maître Corinne GONET, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 31 Janvier 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme Martine X... a été engagée par la société DPLE en qualité de secrétaire, statut Etam, contre une rémunération brute mensuelle de 973, 55 euros, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 27 mars 2006, à effet au 3 avril 2006. Par avenant du 2 janvier 2008, à effet au 1er janvier 2008, elle est passée à temps plein, sa rémunération étant portée à 1 650 euros bruts mensuels. La convention collective applicable est celle de la promotion-construction.
La société DPLE et sa société filiale Le fond du val, qui ont toutes deux leur siège social à Boos en Seine-Maritime, sont des entreprises de construction de maisons individuelles. Le personnel de direction et administratif est rattaché à la société DPLE, tandis que la société Le fond du val regroupe le personnel technique. Mme Martine X... était, en ce qui la concerne, sur l'agence régionale de Laval de la société DPLE.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2009, la société DPLE a infligé à Mme Martine X... un avertissement que celle-ci a contesté par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 mars 2009.
Par lettre remise en main propre contre émargement le 11 mars 2009, Mme Martine X... a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement.
L'entretien préalable s'est tenu le 18 mars 2009.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 mars 2009, Mme Martine X... a été licenciée pour " fautes ".
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Laval, le 30 septembre 2009, aux fins que :- son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et irrégulier,- en conséquence, la société DPLE, outre qu'elle supporte les entiers dépens, soit condamnée à lui verser. 25 000 euros de dommages et intérêts du premier chef,. 1 666, 50 euros du second chef,. 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 13 juillet 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- dit que le licenciement de Mme Martine X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,- condamné la société DPLE à lui verser 9 999 euros de dommages et intérêts à ce titre,- débouté Mme Martine X... de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure,- condamné la société DPLE à rembourser aux organismes concernés deux mois d'indemnité de chômage,- condamné la société DPLE à verser à Mme Martine X... 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la société DPLE aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée à Mme Martine X... le 19 juillet 2007 et à la société DPLE le 20 juillet 2007. Cette dernière en a formé régulièrement appel, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 21 juillet 2007.
L'audience était fixée au 20 septembre 2011 et a été repoussée au 7 novembre 2011, sur demande de l'appelante.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 31 octobre 2011 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société DPLE sollicite l'infirmation du jugement déféré, que Mme Martine X... soit déboutée de toutes ses demandes et soit condamnée aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :- les griefs invoqués dans la lettre de licenciement o ne sont pas prescrits, puisque ce n'est qu'à l'occasion de la vérification des comptes de l'exercice du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2008 que les irrégularités ont été découvertes, o n'ont pas déjà donné lieu à sanction, puisque ce ne sont que les erreurs de saisie, qui avaient été alors constatées, qui se sont traduites par un avertissement, les paiements indus et l'absence de suivi des déboursés chantiers, donc des sous-traitants, n'étant apparus que dans la suite de la vérification d'où le licenciement, o sont suffisamment précis, puisque matériellement vérifiables, o sont parfaitement fondés, quels que soient les arguments avancés par Mme Martine X... pour se soustraire à ses responsabilités,- il n'a pas été décidé d'avance du licenciement, ainsi que le soutient à tort Mme Martine X....
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Par conclusions du 7 septembre 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, Mme Martine X... sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse mais, formant appel incident pour le surplus, que le montant des dommages et intérêts accordés soit porté à 25 000 euros. Elle demande, en outre, une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et que la société DPLE soit tenue aux dépens tant de première instance que d'appel. Très subsidiairement, elle sollicite la condamnation de la société DPLE à lui verser 1 666, 50 euros pour irrégularité de procédure.
Elle réplique que : 1) tout d'abord-sur le premier grief invoqué par la lettre de licenciement o il est prescrit, puisque c'est l'employeur, qui établissant les fiches de chantier, se devait, à réception des factures, de s'assurer de leur concordance avec le chantier concerné ; de fait, c'est à ce moment qu'il a eu connaissance de la difficulté dont il se prévaut aujourd'hui, o il n'est pas fondé, pour diverses raisons qu'elle explicite,- sur le second grief invoqué par la lettre de licenciement o trop imprécis, il n'est pas matériellement vérifiable,
o il a déjà été sanctionné par l'avertissement précédemment délivré et, il appartient à l'employeur de démontrer, ce qu'il ne fait pas, qu'entre la date de l'avertissement et celle de l'engagement de la procédure de licenciement, de nouveaux faits se sont produits, o il est prescrit, vu l'ancienneté des faits dont s'agit, o il n'est pas fondé, pour diverses raisons qu'elle explicite,- son préjudice est réel et a été sous-évalué par les premiers juges, 2) sinon, l'offre de poste diffusée par l'ANPE démontre que son licenciement était décidé, avant même la tenue de l'entretien préalable.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L. 1235-1 du code du travail requiert du juge, devant lequel un licenciement est contesté, d'apprécier tant la régularité de la procédure suivie, que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure et qui fixe les limites du litige.
Mme Martine X... excipe, et de la prescription des griefs invoqués au soutien de la lettre de licenciement, et de l'application de la règle du non-cumul des sanctions.
La société DPLE s'est en effet, au vu du libellé de la lettre de licenciement de Mme Martine X... en date du 21 mars 2009, placée sur le terrain de la faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; l'on reprendra cet écrit : " Une nouvelle fois, nous avons découvert lors du contrôle pour Ie bilan que vous aviez procédé à l'enregistrement et à la transmission pour paiement de factures sur des commandes et des chantiers non démarrés par l'entreprise, notamment concernant les dossiers D...-E...-F...et G.... Par ailleurs, nous avons constaté à cette même occasion d'innombrables erreurs concernant l'enregistrement des factures sur chacun des chantiers prouvant un suivi inexistant des déboursés réels chantiers. Ces faits sont constitutifs de fautes suffisamment importantes pour justifier notre décision de vous licencier pour motif réel et sérieux. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 18 mars dernier n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. En conséquence, nous entendons procéder à votre licenciement ".
Or, Mme Martine X... avait été l'objet de la part de la société DPLE, un mois auparavant à un jour près, car le 20 février 2009, de l'avertissement suivant : " Comme cela a été indiqué en son temps, notre exercice comptable cette année a été clôturé au 31/ 12/ 2008. A cette date, il convenait donc que chacun des comptes sur les chantiers réceptionnés et en cours soit totalement clôturé, vérifié et juste. Sur le secteur de LAVAL, nous avons subi une baisse de production et donc une baisse de chantiers très importante, ce qui a entrainé pour vous beaucoup moins d'activité. Malgré ce fait, les informations que nous avons recueillies pour notre bilan nous ont obligés à des vérifications approfondies sur pratiquement tous les dossiers compte tenu de l'inexactitude des comptes. Il est donc parfaitement clair que vous n'avez pas tenu votre rôle. Cette situation est inadmissible car ce travail a du être totalement repris par des personnes qui ont autre chose à faire. Je vous rappelle que ce rôle de vérification des déboursés chantiers dont la définition précise est intervenue fin 2007 avec une mise en place concrète lors de l'intervention de Mr Y... doit nous permettre de ne plus subir les anomalies financières qui existaient sur les chantiers.
Vos explications concernant le passé, le manque de fiabilité des informations qui vous sont données, etc..., ne m'intéressent nullement. Il vous revient de vérifier, contrôler et vous faire donner les explications si nécessaires pour que l'objectif de fiabilité indispensable à la poursuite de notre activité soit atteint dans son intégralité. Ce courrier sera votre seul avertissement puisque je vous rappelle que la tenue des comptes chantiers est l'objet essentiel de votre poste et sans l'atteinte de cet objectif, nous pourrons être amenés à prendre une sanction plus grave voire définitive ".
L'article L. 1332-4 du code du travail dispose que : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Toutefois, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif du salarié est constaté. Ceci suppose, néanmoins, que les deux fautes procèdent d'un comportement identique. L'employeur peut aussi prendre en compte un fait fautif antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans l'intervalle. Par ailleurs, un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois. En revanche, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à retenir des fautes antérieures, même déjà sanctionnées, pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié, à condition que la sanction invoquée ne soit pas antérieure de plus de trois ans à l'engagement des nouvelles poursuites disciplinaires. De même, des faits distincts ne peuvent pas plus faire l'objet de deux sanctions successives dès lors que l'employeur avait connaissance de l'ensemble de ces faits lors du prononcé de la première sanction. Enfin, dans la mesure où un fait fautif a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, caractérisé par la convocation à l'entretien préalable en vue d'un licenciement, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'a eu connaissance du dit fait que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. La connaissance des faits fautifs par l'employeur s'entend de son information exacte quant à la réalité, la nature et l'ampleur des faits reprochés au salarié.
Il est acquis aux débats que les faits qui ont valu à Mme Martine X... un avertissement, puis un licenciement, remontent à plus de deux mois avant sa convocation, le 11 mars 2009, à l'entretien préalable en vue d'un licenciement, puisqu'ayant trait aux comptes de l'exercice social clos le 31 décembre 2008. Par là même, il n'a pu se produire aucun fait nouveau entre le 20 février 2009, date de l'avertissement, et le 11 mars 2009.
Pour ce qui est du premier grief mentionné par la lettre de licenciement, à supposer que les faits énoncés ne soient pas au nombre de ceux qui ont d'ores et déjà été sanctionnés par l'avertissement, les termes de ce dernier étant tout de même fort généraux puisqu'il est question " d'inexactitude des comptes ", de " tenue des comptes de chantiers ", la seule question est de savoir si, entre ces deux dates des 20 février 2009 et 11 mars 2009, les dits faits reprochés à Mme Martine X... n'étaient pas " connus ", au sens rappelé ci-dessus, par la société DPLE. Certes, cette dernière parle d'" une nouvelle fois " avant d'en arriver à l'explicitation du fait fautif lui-même, soit l'enregistrement et la transmission pour paiement de factures sur des commandes et des chantiers non démarrés par l'entreprise, quatre dossiers étant nommément cités, ce qui laisse supposer que la vérification des comptes de l'exercice se poursuivant, l'employeur a appris ce fait postérieurement à l'avertissement délivré.
Néanmoins, les pièces versées par la société DPLE n'apportent aucune certitude sur ce point. Ainsi, l'expert-comptable atteste le 20 septembre 2010, que " la date de clôture de la SAS le Fond du Val..., initialement fixée au 30 juin 2008 a été prorogée au 31 décembre 2008, de sorte que la durée de cet exercice comptable a été de 18 mois ". Une telle attestation est parfaitement inopérante pour ce qui concerne le litige, puisque rien n'est dit sur la date exacte à laquelle la vérification de la comptabilité s'est opérée à fin d'établissement du bilan, hormis qu'elle n'a nécessairement pu s'effectuer qu'après le 31 décembre 2008. Mme Z..., comptable au siège de la société DPLE atteste, quant à elle, que : " Lors du contrôle des comptes du bilan 2007-2008, j'ai été dans l'obligation de reprendre une grande partie des déboursés enregistrés et dûment contrôlés par Martine X.... Problèmes rencontrés :- Erreur d'imputation-Double enregistrement ou Absence d'enregistrement,- Paiement de factures sans client en face,- Paiement d'artisans sans assurance ".
Si le " paiement de factures sans client en face " peut correspondre au premier grief de la lettre de licenciement, la même observation que précédemment doit être faite sur l'absence totale de datation du moment de la découverte de l'irrégularité ainsi visée. Mme A..., secrétaire sur le site de Normandie, précise de son côté que : " J'ajoute qu'à l'époque, Madame B...... ayant constaté des anomalies lors de la clôture du bilan 2008, j'ai moi-même effectué en sa compagnie les contrôles qui ont permis de mettre en évidence les nombreuses erreurs commises par Madame X... et qui lui ont été reprochées par la suite ". Rien là encore dans cette attestation ne permet de dire à quelle date le fait, objet du premier grief de la lettre de licenciement, a été révélé. Au surplus, la formulation de cette attestation, ambigüe, conduit au contraire à penser que les fautes diverses qu'aurait commises Mme Martine X... étaient connues préalablement aux sanctions disciplinaires qui ont été prises, avertissement et licenciement. Par conséquent, la société DPLE ne démontre pas que l'enregistrement et la transmission pour paiement de factures sur des commandes et des chantiers non démarrés par l'entreprise qu'elle impute à Mme Martine X..., fait de toute façon antérieur de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement, ait été porté à sa connaissance postérieurement à l'avertissement qu'elle avait infligé à Mme Martine X... le 20 février 2009. Dans ces conditions, et d'autant, comme on l'a fait remarquer, que le libellé de l'avertissement est, pour sa plus grande part, particulièrement général, il doit être conclu que la société DPLE, bien qu'informée de l'ensemble des faits reprochés à Mme Martine X..., a choisi de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux. Ce faisant, faute pour l'entreprise de justifier d'un fait fautif nouveau, survenu ou porté à sa connaissance après la notification de l'avertissement du 20 février 2009, elle a épuisé son pouvoir disciplinaire. Elle ne pouvait, de fait, prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à cette date du 20 février 2009.
Cette conclusion est encore accréditée par le contenu du courrier de Mme Martine X... du 2 mars 2009 de contestation de l'avertissement reçu ; elle écrit :
" J'accuse réception de votre courrier en date du 20 Février et vous précise qu'il est pour moi irrecevable dans les faits. Le vendredi 20 Févier, vous m'avez clairement dit par téléphone que j'étais incapable, inconsciente, d'une rare incompétence. Mes explications concernant la façon dont nous procédions à LA V AL à la vérification des déboursés depuis la création du Siège n'a pas semblé vous intéresser. Je vous rappelle que je suis embauchée dans votre Société en qualité de secrétaire par contrat en date du 3 Avril 2006. Mes tâches consistaient depuis l'embauche à l'enregistrement des factures dans les déboursés de chantiers, à la rédaction des courriers artisans, au suivi des contrats de sous traitance, aux relations artisans fournisseurs. En mars 2008, vous m'avez par l'intermédiaire de Cédric Y... « promue " si je puis dire à un poste à plus grande responsabilité sans toutefois me demander mon avis ni m'assurer la formation adéquate et sans savoir si j'en avais les compétences. Malgré tout cela, je me suis appliquée avec ma conscience professionnelle habituelle à faire ce travail dans le respect des procédures tel que le faisait ma collègue Colette C... au préalable depuis 5 ans. Je vous rappelle que cette disant « promotion " n'a pas fait l'objet d'un avenant à mon contrat de travail. Il va sans dire que vu les fautes qui me sont reprochées, je ne puis accepter un poste pour lequel je n'ai vraisemblablement pas, selon vous, les compétences ou la formation requise. A partir de maintenant, je m'en tiendrais donc au poste pour lequel j'ai été embauchée. Je me tiens naturellement à votre disposition pour en discuter de vive voix ". Or, c'est à la suite de cette double contestation que, dans un délai extrêmement rapproché de neuf jours, la société DPLE a convoqué Mme Martine X... en entretien préalable au licenciement.
Pour ce qui est du second grief mentionné par la lettre de licenciement, consistant en un suivi inexistant des déboursés réels chantiers, ce fait, et sans contestation possible, a été l'objet de l'avertissement délivré à Mme Martine X... le 20 février 2009 par la société DPLE, puisqu'il lui a été reproché, en toutes lettres, d'avoir manqué à " ce rôle de vérification des déboursés chantiers ". Par conséquent, et en application de la règle " non bis in idem ", la société DPLE ne pouvait prendre deux sanctions successives pour le même fait.
Dès lors, aucun des griefs invoqués par la société DPLE au soutien du licenciement de Mme Martine X... ne pouvant être retenus, ce licenciement prononcé le 21 mars 2009 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
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Mme Martine X... ayant plus de deux ans d'ancienneté au sein de la société DPLE, qui compte elle-même plus de onze salariés, son indemnisation relève de l'article L. 1235-3 du code du travail qui dispose : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse... le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ".
C'est bien la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à considérer comme base d'indemnité minimale. L'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Mme Martine X... était âgée de 55 ans et avait deux ans, dix mois et vingt et un jours d'ancienneté dans l'entreprise, lorsqu'elle a été licenciée. Son salaire mensuel brut s'élevait dans les mois ayant précédé son licenciement à 1 666, 50 euros. Elle a justifié que, malgré ses recherches, elle n'a pu retrouver de travail et était toujours indemnisée par le Pôle emploi, à raison d'une allocation moyenne mensuelle de 881, 05 euros. Dans ces conditions et réformant sur ce point la décision des premiers juges, l'indemnité que devra lui verser la société DPLE sera fixée à la somme de 11 500 euros.
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Pour mémoire, il sera rappelé que, conformément à l'article L. 1235-2 du code du travail, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas cumulable avec celle pour irrégularité de la procédure de licenciement.
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Le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens de première instance.
La société DPLE, succombant en son appel, sera condamnée à verser à Mme Martine X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel. Elle supportera également les entiers dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme la décision entreprise, hormis sur le montant de l'indemnité allouée à Mme Martine X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la société DPLE à verser à Mme Martine X... 11 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Condamne la société DPLE à verser à Mme Martine X... 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société DPLE aux entiers dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL