COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 31 Janvier 2012
ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01393. Jugement Conseil de Prud'hommes de LAVAL, du 20 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00220
APPELANTE :
S. A. R. L. G... Z. A des Trois Coins 53300 OISSEAU
représentée par Maître Jacques DELAFOND, avocat au barreau de LAVAL
INTIME :
Monsieur Sébastien X...... 53220 LARCHAMP
présent, assisté de Monsieur Marc Y..., délégué syndical, muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2011, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 31 Janvier 2012 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2007, M. Sébastien X... a été embauché par la société G... en qualité de jointoyeur jusqu'au 31 juillet suivant. Selon avenant du 1er août 2007 et à compter de cette date, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Par courrier du 17 mars 2009, M. X... a été convoqué à un entretien pour le 24 mars suivant en vue d'un éventuel licenciement.
Ce courrier est parvenu au domicile de M. X... alors qu'il se trouvait en déplacement à Houlgate du 16 au 20 mars 2009.
Il ne fait pas débat que :- le vendredi 20 mars 2009 vers 18 h 30, au retour de M. X..., le secrétaire-comptable de l'entreprise lui a remis une convocation pour une formation devant se dérouler les 23 et 24 mars suivants à Laval, et lui a demandé de signer un avenant à son contrat de travail, non signé par l'employeur, comportant une clause de dédit formation ;- M. X... a signé cet avenant et après réflexion, a demandé au comptable de le lui restituer ;- face au refus opposé par ce dernier, il est revenu dans l'entreprise avec son épouse, est entré dans le bureau du comptable, s'est emparé des deux originaux de l'avenant signé, lesquels se trouvaient dans le placard, et les a déchirés.
Par courrier du samedi 21 mars 2009, la société G... a fait connaître à M. X... que son attitude de la veille ayant consisté, entre 18 H 30 et 19 H, heures de fermeture, à entrer dans le bureau du dirigeant, à fouiller dans les placards où se trouvent les documents de l'entreprise et à y " dérober une lettre confidentielle ", le tout avec l'aide de son épouse, était inexcusable. Cette lettre annonçait le dépôt d'une plainte pénale à son encontre, demandait M. X... de rapporter le lundi suivant toutes les clés de l'entreprise en sa possession et celles du véhicule VITO mis à sa disposition, et rappelait l'entretien fixé au mardi 24 mars 2009.
Le 21 mars 2009, le Dr Francis Z... a remis à M. X... un certificat médical relatant que ce dernier avait déclaré subir des faits de harcèlement moral au travail et avait décrit une " bousculade " l'ayant opposé à son chef le 16 mars 2009 " avec poussées violentes et répétées " ayant entraîné une névralgie intercostale gauche par dérangement intervétébral cervical. Le médecin précisait que le salarié décrivait un traumatisme psychique avec anxiété importante.
Par courrier recommandé du 23 mars 2009, M. Sébastien X... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 30 mars 2009 " suite au vol " du document commis le vendredi 20 mars.
Il a été placé en arrêt de travail du 23 au 29 mars 2009.
Le 24 mars 2009, assisté de M. Roger A..., conseiller salarié, M. X... s'est présenté à l'entretien objet de la convocation du 17 mars 2009. Il a été reçu par une personne autre que l'employeur.
Par lettre recommandée du 26 mars 2009, M. Sébastien X... s'est vu notifier un avertissements pour des faits commis le 16 mars précédent tenant en un manque de respect envers son supérieur hiérarchique, M. B..., et en une attitude qui a mis l'entreprise " dans l'embarras " à raison de reproches formulés sur le chantier en présence des clients. L'employeur lui faisait également grief de ne pas laver le véhicule mis à sa disposition le vendredi soir et de l'utiliser à des fins personnelles.
Le 30 mars 2009, assisté de M. Alain C..., conseiller salarié, M. Sébastien X... s'est présenté à l'entretien préalable objet de la convocation du 23 mars 2009.
Par lettre recommandée du 1er avril 2009, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave à raison du " vol d'un document administratif : avenant au contrat de travail (clause de dédit formation) " commis le 20 mars 2009. M. X... était mis à pied à titre conservatoire et il lui était précisé que la période du 23 mars au 1er avril 2009, " nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement " ne serait pas rémunérée.
Le 27 octobre 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes afin de contester son licenciement et d'obtenir, outre la nullité de la mise à pied, le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités.
Après vaine tentative de conciliation du 10 décembre 2009, par jugement du 20 mai 2010, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Laval a :- dit que le licenciement de M. Sébastien X... est sans cause réelle et sérieuse ;- condamné la SARL G... à lui payer les sommes suivantes : ¤ 8000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¤ 2 165, 25 € à titre d'indemnité de préavis outre 216, 53 € de congés payés sur préavis, ¤ 592, 10 € au titre de l'annulation de la mise à pied conservatoire outre 59, 21 € de congés payés afférents, ¤ 830, 01 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ;- débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure ;- condamné la société G... à lui remettre des bulletins de paie et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes au jugement ;- dit que les sommes à caractère salarial porteraient intérêts à taux légal à compter de la convocation, soit le 28 octobre 2009, et celles à caractère indemnitaire, à compter du prononcé du jugement ;- condamné la société G... à payer à M. Sébastien X... une indemnité de procédure de 450 € ;- débouté cette dernière de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens.
Les deux parties ont reçu notification de ce jugement le 21 mai 2010. La société G... en a relevé appel par lettre postée le 26 mai suivant.
Les parties ont été convoquées par le greffe pour l'audience du 14 avril 2011. L'appelante ayant conclu tardivement, l'affaire a alors été renvoyée contradictoirement au 3 novembre 2011 afin de permettre à l'intimé de répliquer.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 23 mars 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société G... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- de juger que le licenciement de M. Sébastien X... repose sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses prétentions ;- de le condamner à lui restituer les sommes qu'elle lui a versées au titre de l'exécution provisoire et à lui payer celle de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
L'appelante fait valoir que le vol des deux exemplaires de l'avenant au contrat de travail est matériellement établi et qu'un tel comportement délictueux caractérise une faute grave.
Aux termes de ses dernières écritures déposées au greffe le 20 juin 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, formant appel incident, M. Sébastien X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives au montant de l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il entend voir porter à la somme de 12 330, 28 € ;- ajoutant au jugement déféré, de condamner la société G... à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et une indemnité de procédure de 600 € en cause d'appel ;- de dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009 ;- de condamner l'employeur aux entiers dépens.
Pour contester que le " vol " de l'avenant puisse constituer une faute grave, I'intimé fait valoir que son geste s'inscrit en réaction au comportement déloyal de l'employeur ayant consisté pour ce dernier à lui faire signé ce document à la va-vite, alors qu'il rentrait fatigué d'une semaine de chantier à l'extérieur. Il estime en outre que le caractère illicite de cet avenant rend cet acte juridiquement inexistant puisqu'il ne peut produire aucun effet et, par voie de conséquence, le vol " caduc ".
A l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, il invoque la bousculade dont il a été victime sur le chantier d'Houlgate, les propos injurieux de l'employeur, le recours abusif et vexatoire à une plainte pénale et la résistance à l'exécution provisoire dont est assorti le jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement adressée à M. Sébastien X... le 1er avril 2009 est libellée en ces termes :
" Monsieur, Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave. En effet, Ie vendredi 20 mars 2009 vous avez volé un document administratif : avenant au contrat de travail (clause de dédit formation). Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du lundi 30 mars 2009 a 08h00 au siège de l'entreprise n'ont pas permis de modifier cette appréciation. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 1er avril 2009, sans indemnité de préavis ni de licenciement. " Nous vous informons que vous faîtes l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 23/ 03/ 2009 au 01/ 04/ 2009, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. " ;
Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
Attendu que la faute reprochée à M. Sébastien X... dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige, tient dans le vol, commis le 20 mars 2009, de l'avenant au contrat de travail que le secrétaire-comptable de l'entreprise lui avait fait signer le soir même ;
Attendu que ce fait de vol n'est pas contesté ; que M. X... l'a reconnu devant les services de gendarmerie dans le cadre de l'enquête diligentée sur la plainte déposée par l'employeur et encore lors de l'audience devant la cour ;
Attendu que, pour écarter non seulement la faute grave, mais aussi l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, les premiers juges ont retenu, d'une part, que l'avenant au contrat de travail soumis à la signature de M. X..., et tenant en une clause de dédit-formation, était illicite au motif que la durée de l'engagement pris par le salarié était manifestement excessive et disproportionnée au regard, notamment, des frais engagés par l'employeur, d'autre part, que ce dernier avait fait preuve de " turpitude " en soumettant cet avenant à la signature de M. X... alors qu'il rentrait d'un déplacement difficile, que son épouse venait de l'informer qu'il était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour le 24 mars suivant et en lui refusant tout délai de réflexion ;
Attendu qu'il résulte des indications fournies par les parties et des pièces versées aux débats, notamment du procès-verbal de gendarmerie dressé sur la plainte pour vol déposée par la société G..., que :- le vendredi 20 mars 2009 vers 18 heures, M. Sébastien X... est revenu au siège de la société G..., situé à Oisseau (Mayenne), après avoir travaillé pendant une semaine en déplacement sur des chantiers dans le département du Calvados ; dans la mesure où il devait laisser le véhicule mis à sa disposition au siège de l'entreprise, son épouse était venu le chercher ;- au cours de la semaine écoulée, Mme X... avait réceptionné la convocation adressée par l'employeur le 17 mars 2009 en vue d'un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au mardi 24 mars suivant, et elle en avait informé son époux alors qu'il se trouvait en déplacement ;- depuis le 11 mars 2009, M. Sébastien X... était convoqué au lycée professionnel du bâtiment de Laval afin d'y suivre une formation professionnelle les lundi 23 et mardi 24 mars 2009 ;- lorsque M. X... s'est présenté à l'entreprise le 20 mars 2009 pour remettre les clés du véhicule, M. D..., secrétaire-comptable, lui a demandé de signer un document en vue de ce stage ; ce document (dont une copie vierge, fournie aux services de gendarmerie, est annexée au procès-verbal établi dans le cadre de l'enquête), intitulé " AVENANT AU CONTRAT DE TRAVAIL " comporte un texte de neuf lignes précédé du simple terme " EXPOSÉ " et s'avère être une clause de dédit-formation en lien avec le stage susvisé ;- cette clause de dédit-formation est ainsi libellée : " EXPOSÉ Vous allez bénéficier d'une formation spécifique vous permettant d'approfondir vos compétences nécessaires à l'exercice de vos fonctions de jointoyeur. Contenu du coût important de cette formation pour l'entreprise qui excède largement l'obligation légale en matière de formation, qui vous permet de compléter votre qualification. Vous vous engagez à demeurez dans l'entreprise pendant une durée de un an à compter de ce jour. Le coût de la formation est de 522, 00 € financé en partie par l'ARTEFAB mais il reste à notre charge un solde ainsi que des frais de restauration et des frais de déplacement. Tout départ pendant cette période de un an ayant pour origine votre démission, la faute lourde ou grave entraînera Ie remboursement des frais engagés pour votre formation, soit du solde et les frais annexes des frais de formation. " ;- selon les propres déclarations de M. D... aux gendarmes, M. X... a signé sur le champ les deux exemplaires de cet avenant, non signés de l'employeur (lequel était absent de l'entreprise), en l'interrogeant toutefois auparavant sur le point de savoir pourquoi on lui demandait de rester un an de plus dans l'entreprise alors qu'il risquait d'être licencié ; le secrétaire-comptable a indiqué aux gendarmes : " Moi, je n'ai pu, bien sûr, rien lui dire. ", étant précisé que M. D... savait que la sanction envisagée par l'employeur à l'issue de l'entretien du 24 mars était un avertissement ;- de retour à son véhicule, et ne disposant ni d'un exemplaire, ni d'une copie du document signé, M. X... a relaté à son épouse qu'il venait de signer un " papier " qu'il n'avait " pas trop lu " et qui concernait sa formation ; inquiète de la portée du document qu'il avait pu signer alors qu'il était sous le coup d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement et désireuse d'en connaître le contenu, cette dernière est retournée seule au bureau de M. D... qui lui a fait une photocopie de l'avenant ;- à sa lecture, Mme X... a compris que son mari serait redevable d'une somme de l'ordre de 600 € s'il quittait l'entreprise et, sachant qu'il était menacé de licenciement, elle a paniqué à l'idée de devoir supporter un tel coût de formation, et a demandé au secrétaire-comptable de lui restituer les deux exemplaires du document signé, ce à quoi ce dernier s'est opposé ;- Mme X... a alors été en proie à une véritable crise de colère hystérique à l'idée de la signature de ce document à un moment où l'emploi de son mari était compromis et elle s'est énervée tant à l'encontre ce dernier, qu'à l'égard du comptable ; de vifs échanges verbaux ont opposé le couple et M. D... jusqu'au moment du départ de ce dernier ;- une fois celui-ci parti, M. Sébastien X... est retourné dans son bureau et s'est emparé des deux exemplaires de l'avenant placés dans un placard sur le dessus d'une bannette ;- ayant oublié son cartable, M. D... est revenu à l'entreprise ; ayant été informé par M. E..., tout à la fois salarié de la société G... et voisin chargé de fermer les locaux en l'absence du patron, que M. et Mme X... étaient restés sur place pendant quelques temps après son départ, le secrétaire-comptable s'est rendu dans son bureau et a constaté la disparition des deux exemplaires de l'avenant, dont M. Sébastien X... a précisé à l'audience qu'il les avait déchirés ;
Attendu que telles sont les circonstances dans lesquelles s'est déroulé le vol reproché à l'intimé ;
Attendu que, pour être valable, la clause de dédit-formation doit préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié ; attendu que force est de constater que la clause soumise à la signature de M. Sébastien X... ne comporte pas ces précisions, qu'elle est parfaitement muette tant sur le coût réellement supporté par la société G..., que sur le montant laissé à la charge du salarié et qu'elle est rédigée de façon tellement peu claire qu'il est impossible de déterminer ces données ; que les premiers juges ont donc exactement considéré que la clause de dédit-formation soumise à la signature de M. X... était nulle ;
Attendu qu'il est légitime qu'après lecture attentive de ce document par son épouse, dont l'intimé a indiqué aux gendarmes qu'elle était plus au fait que lui des questions d'ordre administratif, M. et Mme X... se soient affolés des conséquences financières susceptibles d'en résulter pour eux ; qu'en effet, comme l'a indiqué Mme X... aux gendarmes, ils ont pu comprendre des termes peu clairs de l'avenant qu'en cas de licenciement, ils devraient supporter une somme de l'ordre de 600 € représentant le tiers du salaire brut de base de l'intimé ;
Attendu que ce dernier se savait convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le mardi 24 mars à 8 heures au siège de la société G... situé à Oisseau alors qu'il devait, le même jour, se présenter à 8 h 45 au lycée professionnel de Laval pour sa formation ; que les deux communes étant distantes de 39 km et le temps de trajet pour les relier étant de 41 minutes, l'employeur mettait ainsi en pratique son salarié dans l'impossibilité d'honorer à la fois ces deux obligations ;
Attendu qu'il apparaît ainsi qu'en une semaine, la société G... a adressé à M. Sébastien X... une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement alors qu'il était absent de son domicile pendant toute la semaine pour se trouver en déplacement sur des chantiers éloignés, a fixé une date et une heure d'entretien préalable matériellement incompatibles avec les horaires de formation connus d'elle depuis le 11 mars 2009, a soumis à la signature de son salarié, dans la précipitation et sans explications, alors qu'il rentrait d'une semaine de chantier éloigné et se trouvait sous le coup d'une menace de licenciement, un avenant à son contrat de travail, constitutif d'une clause de dédit-formation aussi absconse en la forme que juridiquement nulle, dont l'intéressé a pu légitimement craindre les conséquences financières à très court terme et qui a pu lui laisser penser, comme Mme X... l'a indiqué aux gendarmes, que l'employeur voulait lui faire supporter le coût de la formation professionnelle ;
Attendu qu'il suit de là, comme l'ont retenu les premiers juges que, si le fait de vol reproché à M. Sébastien X... est certes matériellement constitué, les circonstances qui l'ont entouré, le manque de loyauté dont a fait preuve l'employeur s'agissant des circonstances de signature de l'avenant et la crainte que ce document a pu légitimement inspirer au salarié sur le plan financier excluent de considérer le vol commis comme propre à caractériser une faute grave, voire seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. Sébastien X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu, la faute grave étant écartée, que M. X... est fondé en ses demandes relatives au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, étant souligné que celle-ci lui a été notifiée rétroactivement au terme de la lettre de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés sur ces sommes, et à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des droits du salarié et les sommes en cause n'étant pas discutées ;
Attendu que, sur les indications fournies devant lui par le représentant légal de la société G..., le conseil de prud'hommes a retenu que l'effectif de l'entreprise au moment du licenciement était inférieur à onze salariés ; que ce point est contesté par l'intimé ; Attendu que, si les quatre pages du registre des entrées et sorties du personnel versées aux débats par la société G... révèlent à elles seules que l'entreprise comptait bien au moins onze salariés (douze salariés peuvent être recensés) au moment du licenciement de l'intimé, en tout état de cause, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article 1235-5 du code du travail puisqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement, M. Sébastien X... comptait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise pour avoir été embauché le 2 mai 2007 ;
Attendu qu'au moment de la rupture, M. X... était âgé de 36 ans, et père de deux enfants âgés de 10 et 7 ans, son épouse exerçant la profession de téléconseillère ; que son salaire brut moyen mensuel ressort à la somme de 2000 € ; qu'il ne produit aucune pièce justifiant de sa situation professionnelle postérieurement au licenciement ;
Attendu que le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 8000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la décision entreprise sera également confirmée de ce chef ;
Attendu que les premiers juges ont débouté M. Sébastien X... de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ; que, de ce chef, l'intimé ne forme pas appel incident et ne présente aucune demande à la cour ; que le jugement déféré sera donc également confirmé sur ce point ;
Attendu que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la remise par l'employeur de bulletins de paie et d'une attestation Pôle Emploi conformes à ses dispositions ;
Attendu, comme l'a exactement jugé le conseil, que les sommes à caractère salarial doivent porter intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2009, date à laquelle la société G... a accusé réception de sa convocation à comparaître devant le bureau de conciliation et date qui, par voie de conséquence, correspond à la présentation de la demande du salarié, tandis que les créances à caractère indemnitaires doivent porter intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré, M. X... ne pouvant pas prétendre voir fixer le point de départ des intérêts sur ces sommes au 28 octobre 2009 ; que le jugement entrepris mérite en conséquence également confirmation en ses dispositions relatives aux intérêts moratoires ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
Attendu qu'en cause d'appel, M. Sébastien X... forme une demande nouvelle tendant à obtenir la condamnation de la société G... à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande, l'intimé invoque les faits suivants :- les circonstances de son licenciement ;- la bousculade dont il a été victime sur le chantier d'Houlgate ;- les propos injurieux dont il a été victime ;- le recours abusif et vexatoire à la force publique ;- la résistance à l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ;
Attendu que les circonstances qui ont entouré le licenciement tenant, comme la cour l'a précédemment souligné, dans le fait qu'en l'espace d'une semaine, la société G... a adressé à M. X... une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement alors qu'il était absent de son domicile pendant toute la semaine pour se trouver en déplacement sur des chantiers éloignés, a fixé une date et une heure d'entretien préalable matériellement incompatibles avec les horaires de formation connus d'elle depuis le 11 mars 2009, a soumis à la signature de son salarié, dans la précipitation et sans explications, alors qu'il rentrait d'une semaine de déplacement et se savait sous le coup d'une menace de licenciement, un avenant à son contrat de travail, constitutif d'une clause de dédit-formation aussi absconse en la forme que juridiquement nulle, dont l'intéressé a pu légitimement craindre les conséquences financières pour lui à très court terme, sont matériellement établies ;
Attendu qu'à l'appui de son allégation selon laquelle il aurait été bousculé sur le chantier de Honfleur (et non d'Houlgate), M. X... verse uniquement aux débats un certificat médical établi le 21 mars 2009 par le Dr Francis Z..., lequel indique que le patient lui a " déclaré subir un harcèlement moral au travail et lui a décrit également une bousculade avec son chef sur les lieux de travail le 16 mars 2009 avec poussées violentes et répétées qui a entraîné une névralgie intercostale gauche par dérangement intervertébral cervical " ; que le médecin ajoute : " en outre il décrit un traumatisme psychique avec anxiété importante. " ; attendu que cette attestation est purement référendaire s'agissant, à tout le moins, de la bousculade, mais aussi du traumatisme psychique avec anxiété importante que le médecin n'a manifestement pas constaté personnellement ;
Attendu que cette bousculade est toutefois reconnue par M. Maxime B..., chef de chantier, lequel a témoigné en faveur de la société G... ; que la matérialité de ce fait est donc établie ;
Attendu que M. Sébastien X... ne précise pas de quels propos injurieux il a eu à souffrir, ni dans quelles circonstances ; Attendu qu'il verse aux débats un compte rendu d'entretien préalable et une attestation établis par M. Roger A..., conseiller qui l'a assisté lors de l'entretien préalable du 24 mars 2009 ; que le témoin indique qu'ils ont été reçus, non par l'employeur, mais pas une femme, qui s'avère être Mme Yolande F... à laquelle une délégation de pouvoirs a été consentie par écrit le 25 septembre 2006 par M. Philippe G..., représentant de la société G... ; attendu que M. A... indique s'être étonné de l'absence de l'employeur, ce qui aurait provoqué une colère importante chez son interlocutrice, laquelle lui aurait adressé des insultes à lui personnellement et, tout en les mettant à la porte au bout de cinq minutes d'entretien, lui aurait demandé ainsi qu'à M. X... de " dégager " ; que ni le compte-rendu d'entretien préalable, ni l'attestation ne relatent d'insulte ou propos injurieux à l'endroit de l'intimé ; Attendu que ce dernier produit également un document dactylographié intitulé " Entretien préalable au licenciement de Monsieur X... Sébastien " censé constituer le compte rendu de l'entretien qui s'est déroulé le 30 mars 2009 et au cours duquel le salarié était assisté de M. Alain C..., conseiller ; attendu que ce document mentionne in fine : " Quelques paroles de Mr G... montrent qu'il a un respect bien moyen envers Mr X.... Mr G... traitant Mr X... de voleur, fainéant, con etc... Il ajoute qu'il se fout de la vie privée des salariés et estime avoir toujours raison. " ; attendu toutefois qu'aucune valeur probante ne peut être accordée à ce document qui n'est pas signé et dont les termes ne permettent pas de déterminer qui en est le rédacteur ; attendu que la matérialité des propos injurieux n'est donc pas démontrée ;
Attendu que la réalité du recours aux services de gendarmerie est démontrée puisque l'employeur produit lui-même le procès-verbal d'enquête dressé sur sa plainte déposée ensuite du vol reproché à M. X... ;
Attendu enfin qu'il résulte des courriers échangés entre les conseils des parties que la société G... a tardé à acquitter la somme de 3863, 10 € due à M. X... au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré et que, dans un premier temps, le 16 septembre 2010, elle a offert de régler cette somme par mensualités de 50 € chacune ;
Attendu, sur le plan médical, que le salarié verse aux débats le certificat médical du Dr Z... en date du samedi 21 mars 2009, dont la teneur a été ci-dessus reproduite, et un arrêt de travail prescrit par le même médecin le lundi 23 mars 2009, à effet jusqu'au 29 mars suivant, pour " état anxieux " ;
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Attendu que le paiement tardif des causes du jugement assorties de l'exécution provisoire ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de M. Sébastien X..., au sens des textes susvisés, en ce que cet agissement se situe après la rupture du contrat de travail, alors que l'intimé n'avait plus la qualité de salarié de la société G... ;
Attendu que les autres faits établis, à savoir, les circonstances du licenciement, la bousculade sur le chantier de Honfleur et le recours à la force publique permettent, dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
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Attendu que si, aux termes de l'attestation qu'il a établie, M. Maxime B..., chef de chantier, reconnaît avoir été amené à bousculer M. Sébastien X..., il explique de façon très circonstanciée que, le jour des faits, 16 mars 2009, ce dernier n'avait pas respecté les horaires de travail en ce qu'il était arrivé à 10 heures et était parti se promener vers 17 heures sans l'en informer ; que lors du retour de M. X... vers 19 heures, M. B... lui a demandé des explications sur ce comportement ; que M. X... a alors élevé le ton, à chercher à le provoquer en menaçant de s'en prendre à sa compagne et à son fils ; que c'est alors que M. B... indique s'être " défendu en le bousculant " et ajoute que toute la soirée, son collègue a cherché de nouveau à le provoquer sans succès ; Attendu que, devant les services de gendarmerie, après avoir indiqué que l'employeur n'avait pas cédé à sa demande de lui éviter le déplacement sur les chantiers situés en Normandie, l'intimé a évoqué l'épisode de la bousculade et il a bien confirmé que, le premier jour du chantier, ayant terminé son travail avant les autres ouvriers, il était parti à 17 heures pour visiter Honfleur et qu'à son retour, le chef d'équipe l'avait " engueulé " ; que M. X... a ajouté qu'il en était résulté une " altercation " entre eux ; Attendu qu'il résulte suffisamment de l'attestation établie par M. B... et des déclarations faites par M. X... aux services d'enquête que l'attitude du chef de chantier à son égard constitue une réponse et une réaction aussi proportionnées que justifiées tant à l'insoumission qu'à l'attitude provocatrice, voire menaçante, dont il avait lui-même fait preuve ; que la bousculade qu'il invoque apparaît donc étrangère à toute attitude de harcèlement à son égard ;
Attendu, s'agissant du recours à la force publique, qu'il était justifié en raison du vol de l'avenant commis par M. Sébastien X... dans le bureau du secrétaire-comptable, délit qui est matériellement établi, et qui avait été précédé d'un comportement agressif de la part des époux X... à l'égard de M. D... ; que le délit commis, qui a d'ailleurs valu à l'intimé de la part du procureur de la République, une convocation en vue d'un rappel à la loi ou d'un avertissement, et les circonstances d'agressivité qui l'ont entouré justifiaient objectivement le dépôt de plainte et le recours au service de gendarmerie, ces agissements apparaissant étrangers à toute attitude de harcèlement envers M. X..., et exclusifs d'abus ou de visée vexatoire ;
Attendu que la convocation du 17 mars 2009 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement était objectivement justifiée de la part de l'employeur à raison des faits d'indiscipline commis la veille par M. X... et de l'agressivité dont il avait fait preuve à l'égard du chef de chantier, faits dont l'employeur avait été informé le 16 mars au soir ;
Attendu que restent donc, d'une part, la fixation du moment de l'entretien préalable du 24 mars, incompatible avec les horaires de la formation que M. X... devait suivre à Laval, d'autre part, les circonstances dans lesquelles l'avenant au contrat de travail a été soumis, de façon précipitée et sans explications, à sa signature ; mais attendu que ces deux faits ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser des faits répétés de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, étant observé que la seule incidence tient en un simple état anxieux de quelques jours, à l'exclusion de toute altération de l'état de santé physique ou mentale de l'intimé ;
Attendu que M. Sébastien X... sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu, la société G... succombant en son appel, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. Sébastien X..., en cause d'appel, la somme de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société appelante étant déboutée de ce chef de prétention et le jugement déféré confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS ;
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. Sébastien X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
Condamne la société G... à lui payer la somme de 600 € (six cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
Condamne la société G... aux dépens d'appel.