COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 31 Janvier 2012
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00317. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes du MANS, du 22 Janvier 2010, enregistrée sous le no 07/ 000660
APPELANTE :
S. A. S. ALTEAM LE MANS Boulevard Pierre Lefaucheux BP 324 72007 LE MANS CEDEX
représentée par Maître Alain PIGEAU, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur Thierry X...... 72000 LA BAZOGE
présent, assisté de Maître Martine FOURRIER, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2011, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 31 Janvier 2012 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Thierry X... est reconnu par la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) travailleur handicapé de catégorie A (handicap léger) depuis le 27 juin 1991. Une carte attestant que la station debout lui est pénible lui a été délivrée à compter du 1er juin 2000.
Il a été engagé par la société Alteam Le Mans en qualité de magasinier, coefficient 170, niveau II, échelon 1, de la convention collective nationale des services de l'automobile, selon contrat de travail à durée indéterminée du 16 octobre 1998, à effet au 28 septembre 1998. La société Alteam Le Mans est concessionnaire exclusif de la marque automobile Citroën.
La société Alteam Le Mans est dotée d'une délégation unique du personnel. M. Thierry X... a été élu délégué titulaire le 19 juin 2000, mandat dans lequel il a été renouvelé les 13 juin 2002, 27 mai 2004 et 2 juin 2006. Il a, en outre, été désigné par le syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe en tant que délégué syndical au sein de l'entreprise par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2000 à l'intention de la société Alteam Le Mans.
M. Thierry X... a été l'objet de la part de la société Alteam Le Mans :- de courriers d'observations, les 12 avril 2001, 31 octobre 2001, 5 novembre 2001, 15 mars 2002, 10 avril 2003, 29 avril 2004, 24 janvier 2005, 22 avril 2005, 29 avril 2005, 23 février 2006,- d'avertissements, par lettres recommandées avec accusé de réception des 24 octobre 2002, 14 avril 2004, 11 juin 2004, 4 octobre 2005.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 août 2007, M. Thierry X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
M. Thierry X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 20 novembre 2007 aux fins de voir juger que cette prise d'acte a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner, en conséquence, la société Alteam Le Mans à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :-3 099, 96 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 310 euros de congés payés afférents,-31 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 22 janvier 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes, sur départage, a :- dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. Thierry X..., le 2 août 2007, produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- condamné, en conséquence, la société Alteam Le Mans à lui verser. 3 099, 96 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 310 euros de congés payés afférents,. 2 789, 82 euros d'indemnité de licenciement,. 18 599 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,. 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- rejeté la demande de la société Alteam Le Mans au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire du présent,- condamné la société Alteam Le Mans aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée à M. Thierry X... le 30 janvier 2010 et à la société Alteam Le Mans le 1er février 2010. La société Alteam Le Mans en a formé régulièrement appel le 2 février 2010.
L'audience fixée initialement au 8 octobre 2010 a dû être renvoyée à deux reprises, la première fois à la demande de l'appelante sur l'audience du 29 mars 2011, la seconde fois à la demande de l'intimée sur l'audience du 25 octobre 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 25 octobre 2011 reprises oralement à l'audience et auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, la société Alteam Le Mans sollicite l'infirmation du jugement déféré et :- qu'il soit dit et jugé que. la rupture de son contrat de travail par M. Thierry X... s'analyse en une démission,. M. Thierry X... sera tenu de lui restituer l'intégralité des sommes qu'elle lui a réglées en application de l'exécution provisoire dont était assortie la décision de première instance, et ce à compter du jour du prononcé de l'arrêt, avec intérêts au taux légal,- que M. Thierry X... soit condamné à lui verser 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Elle fait valoir que :- M. Thierry X... avait une idée particulière de ses mandats d'élu du personnel et de délégué syndical, non dénuée d'autoritarisme et d'agressivité, d'où la nécessité de lui rappeler périodiquement les règles, sans que cela ne porte vraiment ses fruits dans la durée cependant,- cette attitude n'était pas seulement synonyme de conflits de sa part avec son employeur, mais aussi avec les autres salariés de l'entreprise,- elle a procédé au licenciement pour faute grave du salarié dont les comportements en son sein ont conduit à sa condamnation au plan correctionnel et à l'indemnisation, entre autres salariés victimes, de M. Thierry X...- il est à remarquer, qu'en fait, les doléances de M. Thierry X... n'ont eu de suite, ni au plan de l'inspection du travail, ni au plan judiciaire,- il a finalement perdu le soutien de la CFDT, tout comme celui des autres salariés de l'entreprise pour ce qui est de leur représentation,- ce sont ces désaveux successifs qu'il n'a pas supportés, faisant alors le choix de quitter son emploi pour fonder sa propre société, opération qui a été concomitante à son départ,- il ne peut, en tout cas, tenter de faire porter la responsabilité de cette situation à son employeur.
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Par conclusions du 8 septembre 2011 reprises oralement à l'audience et auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, M. Thierry X... sollicite la confirmation du jugement déféré en ce que-il a dit et jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- il a condamné la société Alteam Le Mans à lui payer. 3 099, 96 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 310 euros de congés payés afférents,. 2 789, 82 euros d'indemnité de licenciement,. 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, mais, formant appel incident, l'infirmation du même sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que cette dernière soit portée à 31 000 euros. Il demande, au surplus, que la société Alteam Le Mans soit condamnée à lui verser 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et supporte les dépens.
Il réplique que :- ce sont les conditions de travail qui lui ont été imposées à partir du moment où il a été désigné délégué syndical et en considération de ce mandat, qui l'ont conduit à mettre fin à son contrat de travail, son état de santé s'en ressentant de plus négativement,- la responsabilité de la direction de l'entreprise est engagée. soit directement, du fait des comportements qu'elle a adoptés à son égard (reproches, de plus de caractère mensonger, et brimades). soit indirectement, en couvrant les agissements d'un autre salarié, notamment à son encontre, agissements pourtant dénoncés en pure perte par le CHSCT et qui ont d'ailleurs été sanctionnés par la justice comme constitutifs du délit de harcèlement moral et ouvrant droit à des dommages et intérêts,- s'il a fini effectivement par ne plus être reconduit dans son mandat de représentation par les salariés de l'entreprise, c'est du fait du travail de dénigrement le concernant mené par la direction de l'entreprise,- le fait qu'il ait retrouvé du travail rapidement prouve simplement son courage et son habileté professionnelle, d'ailleurs jamais prise en défaut par la société Alteam Le Mans.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Un salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur. Cette prise d'acte produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués à l'appui sont suffisamment graves et rendent impossible la poursuite du contrat de travail, soit d'une démission dans le cas contraire. La prise d'acte de la rupture n'est soumise à aucun formalisme. En conséquence, si le salarié la concrétise dans un écrit, cette missive ne fixe pas les limites du litige et, il appartient aux juges d'examiner l'ensemble des manquements dont le salarié pourrait faire état à l'encontre de son employeur.
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M. Thierry X... reproche à la société Alteam Le Mans ses attitudes tant discriminantes qu'harcelantes à son encontre, et ce depuis sa désignation en tant que délégué syndical CFDT remontant au 24 octobre 2000, attitudes à l'origine de sa décision de prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 2 août 2007.
Ainsi qu'il vient d'être rappelé une prise d'acte ne peut être considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits qui sont reprochés à l'employeur sont d'une gravité certaine au point qu'une continuation du contrat de travail ne peut se concevoir.
Quasiment sept ans s'étant écoulés entre le début des faits fautifs selon M. Thierry X... et leur dénonciation par ce dernier sous la forme d'une prise d'acte, il est nécessaire d'évidence, outre que ces faits aient existé, qu'ils se soient poursuivis entre ces deux dates, des interruptions étant néanmoins admissibles. L'on retranscrira le courrier recommandé avec accusé de réception du 2 août 2007 adressé par M. Thierry X... à la société Alteam Le Mans en ce qu'il reconnaît, de fait, cette indispensable continuité : " J'ai été embauché dans votre entreprise en qualité de magasinier vendeur le 28 septembre 1998. En 2001, je suis devenu délégué syndical CFDT dans l'entreprise et à partir de ce moment j'ai reçu un nombre considérable de courriers recommandés pour la plupart, certains me notifiant un avertissement que j'ai du à chaque fois contester car les faits invoqués étaient tous le fruit de votre imagination, le but étant de dresser mes collègues contre moi en laissant penser que je " profite " de mon mandat pour en quelque sorte travailler moins et en tirer un avantage personnel. Chacun de mes faits et gestes est l'objet d'une surveillance permanente et ce bras de fer que vous m'imposez depuis que je suis délégué syndical m'épuise peu à peu. Plus récemment en février 2007, après un arrêt de travail j'ai constaté à mon retour que mon poste était modifié et que j'ai été " privé " de certaines prime magasin versée à tous les salariés de ce secteur, mon responsable m'ayant indiqué qu'il gardait la prime sous le coude ayant ordre de la direction de ne pas me la donner et il a encore fallu que je proteste par courrier... De même vous avez refusé de me rembourser les frais de déplacement pour ma formation cariste des 11 et 14 juin 2007. Et encore vous m'avez imposé de décharger deux semi-remorques remplies de pièces détachées en une semaine, l'une contenant 140 pare-brise alors que vous m'avez embauché sachant que j'étais travailleur handicapé reconnu par la COTOREP avec la carte station debout et port de charge limité. J'ai dû à nouveau être en arrêt de maladie parce que je suis totalement découragé. Aujourd'hui je ne peux plus continuer à me rendre au travail en sachant qu'un jour sur deux je serai maltraité. Cependant je ne démissionne pas mais je prends acte de la rupture de mon contrat de travail en vous imputant la responsabilité de m'avoir en quelque sorte " usé " moralement depuis que je suis devenu délégué syndical ".
L'on procédera à l'examen des divers griefs invoqués en les classant, d'une part sous le chef de la discrimination syndicale, d'autre part sous le chef du harcèlement moral.
1) L'atteinte aux fonctions de délégué syndical
L'article L. 122-45 du code du travail, dans ses versions applicables au litige, interdit toute disposition ou tout acte pris par un employeur à l'égard d'un salarié en considération de ses activités syndicales. Mais, encore faut-il que le salarié concerné " présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ". Et, ce n'est qu'au vu de ces éléments qu'il incombe à l'employeur " de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ".
Il n'est pas discuté que l'effectif de la société Alteam Le Mans est de plus de cinquante et de moins de deux cents salariés. Il n'est pas plus discuté que M. Thierry X... cumulait les fonctions de délégué du personnel et de délégué syndical, outre que la société Alteam Le Mans ayant opté pour le système de la délégation unique du personnel, il était par conséquent aussi délégué au comité d'entreprise. C'est au travers de ces deux prismes que les pièces produites de part et d'autre devront être considérées, ce année après année, étant précisé au surplus que M. Thierry X... se réfère dans sa démonstration, dans la majorité des cas, aux courriers reçus de son employeur.
Sur l'année 2001
a) La lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 2001 de la société Alteam Le Mans " Nous avons été surpris de constater votre absence jeudi 11/ 04/ 01 à 13H30. Vous vous êtes présenté à votre poste à 15H30 en expliquant à Monsieur Y... (dont il dépend hiérarchiquement cf son contrat de travail) que vous aviez une réunion syndicale. Toutes vos absences doivent être au préalable communiquées à votre Chef de service, et en aucun cas il ne peut et ne doit être prévenu postérieurement. Si une telle situation devait se reproduire, nous serions amenés à prendre à votre égard une sanction disciplinaire ".
Ce courrier porte une simple annotation manuscrite comme quoi M. Thierry X... embauchait à 14 heures ; il n'est pas contesté sinon qu'il n'ait rejoint son poste qu'une heure trente plus tard, de même qu'il n'avait pas prévenu son responsable de son retard.
Si l'article L. 412-10 du code du travail, applicable au litige, prévoit une liberté de réunion une fois par mois pour les adhérents de chaque section syndicale, l'utilisation de cette modalité suppose néanmoins un accord avec l'employeur. Faute pour M. Thierry X... de justifier qu'un tel accord ait été passé avec la société Alteam Le Mans, le courrier dont s'agit ne peut laisser supposer une quelconque discrimination directe ou indirecte à son encontre. Il n'est qu'un rappel au salarié de son obligation contractuelle en ce qui concerne le respect de l'organisation générale du travail dans l'entreprise, ainsi en matière d'horaires.
b) La lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2001 de la société Alteam Le Mans " Le 30/ 10/ 01, en faxant un document syndical à d'autres sociétés, vous avez outrepassé les attributions de votre mandat. En conséquence, nous sommes amenés à vous interdire l'accès au fax de l'entreprise sans autorisation exprès de votre Responsable ".
M. Thierry X... a été désigné par le syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe en tant que délégué syndical pour la société Alteam Le Mans. Il se doit donc de respecter le périmètre légal d'exercice de ses fonctions (cf article L. 412-11 du code du travail applicable à l'époque), soit cette entreprise et elle seule. Le courrier dont s'agit, qui n'est qu'un rappel de cette règle, ne peut par conséquent laisser supposer une quelconque discrimination directe ou indirecte à son encontre.
c) La lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2001 de la société Alteam Le Mans " Je fais suite à votre courrier du 30/ 10/ 01 dont j'ai bien pris connaissance et il est dommage que son contenu ne soit pas tout à fait juste. Effectivement, nous nous sommes entretenus dans mon bureau et je vous ai demandé de respecter l'ordre du travail. D'autre part, il est inconcevable qu'un Délégué syndical puisse se permettre de perturber l'Entreprise. En ce qui concerne la présence du Personnel et des Clients, étant seuls dans mon bureau, je tiens à vous préciser que les mots que vous employez dans votre courrier n'ont pas pu être entendus par le Personnel pas plus que par les Clients, non seulement ils sont injustes mais mensongers. Par contre, je vous demande expressément de respecter l'Entreprise et les collaborateurs qui travaillent dans un bon état d'esprit ce qui n'est pas votre cas depuis un certain temps. Je vous renouvelle également que le fax et le téléphone ne peuvent pas vous servir à titre personnel étant donné que vous êtes magasinier et que vous n'avez pas à avoir de contact avec ces deux outils de travail qui appartiennent à l'Entreprise et non pas au syndicat CFDT pas plus qu'à Monsieur X... ",
Le courrier du 30 octobre 2001 auquel il est fait allusion n'est pas produit par M. Thierry X... ; dans l'ignorance de son contenu, l'on ne peut donc tenir aucun raisonnement à son propos. Quant à la question du fax et du téléphone, l'effectif salarié de la société Alteam Le Mans étant inférieur aux seuils fixés par l'article L. 412-9 du code du travail applicable à l'époque, celle-ci n'était pas tenue de mettre à la disposition de M. Thierry X..., en sa qualité de délégué syndical, un local, et encore moins un local aménagé. Le courrier dont s'agit ne peut, de fait, laisser supposer une quelconque discrimination directe ou indirecte à son encontre.
Sur l'année 2002
a) La lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 2002 de la société Alteam Le Mans " J'apprends ce jour que vous avez rencontré Monsieur Z..., mon chef des ventes de la concession du Mans, pour lequel vous lui avez rétorqué " où est le nain de jardin ", Monsieur Z... vous a demandé qui était ce personnage vous lui avez dit le patron Monsieur A.... Vous lui avez ensuite dit " tu vas voir celui-là je vais lui faire un procès et je le vais le faire aller en prison ". Monsieur X..., je vous demande de me respecter, ce n'est pas parce que vous êtes un délégué syndical que vous allez commencer à nous insulter, car pour le moment c'est nous qui vous nourrissons. Depuis que vous avez ce titre, vous êtes devenu irrespectueux, démagogue et perturbateur pour l'entreprise. Vous avez effectivement un rôle à jouer en tant que délégué syndical mais je ne pense pas que celui que vous jouez est très positif pour le syndicat que vous avez en charge. Je vous demande de vous ressaisir très rapidement et d'arrêter toutes ces injures envers ma personne et envers les personnes qui sont dans mon entreprise ",
La réponse de M. Thierry X..., non datée, est la suivante : " Suite à votre courrier, je me permets de vous répondre afin de faire taire les rumeurs et échos que vous avez pu avoir sur ma personne. En effet, jamais je ne me serais permis de tenir à votre égard les propos que l'on vous a transmis.
J'effectue un travail qui mérite donc une rémunération et en aucun cas vous ne devez me prétendre me nourrir. Le respect des personnes est valable dans les deux sens. Enfin, et pour terminer, je ne vous permets pas de juger de mes actions au sein de mon syndicat, comme moi-même je ne me permettrai pas de juger de vos actions en tant que chef d'entreprise ".
L'on reviendra, dans la suite des développements, sur M. Z..., dont la personnalité et les comportements lui ont valu une condamnation pour harcèlement moral ; ses dires ne peuvent dès lors être considérés comme fiables. En tout cas, quand bien même M. Thierry X... se serait laissé aller à tenir les propos rapportés, contraires bien évidemment à l'exécution de bonne foi qui doit présider au contrat de travail, cela ne légitime en rien la prise à partie dont il est l'objet de la part de l'un des dirigeants de la société Alteam Le Mans, M. A..., au titre de ses fonctions de délégué syndical. Tobservation écrite d'un employeur envers un salarié qui s'accompagne d'" un rappel à l'ordre ", ce qui est le cas de l'espèce, est une sanction disciplinaire. Ce courrier, de sanction donc, par son libellé laisse bien supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
b) La lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2002 de la société Alteam Le Mans " Votre statut de Délégué Syndical ne vous confère pas le droit d'agresser verbalement vos collègues pour les rallier à vos idées. Mardi 22 octobre, après avoir affiché un compte rendu de réunion CE que nous avons refusé de signer, car ne correspondant pas aux discussions de la réunion, vous avez eu une altercation avec l'un de vos collègues au sujet " d'un roulement de personnel " pour l'envoi des colis. Nous vous rappelons que cette demande émanait du service et tout le monde l'appréciait. Vous avez démenti cette action positive. Il s'en est suivi une violente altercation avec l'un de vos collègues. Celui-ci excédé et particulièrement choqué par vos propos vexatoires, a quitté l'entreprise en tenue de travail, sans papier et à pied. Il a réapparu plusieurs heures après " trempé " (pluie) et toujours perturbé. Ce genre d'incident aurait pu être grave de conséquences. Des faits similaires se sont déjà produits le 25/ 07/ 02 avec un autre de vos collègues. Nous ne pouvons accepter un tel comportement autoritaire qui nuit au bon fonctionnement du service et perturbe vos collègues. Nous sommes donc amenés à vous sanctionner par un avertissement ",
M. Thierry X... a contesté cet avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 novembre 2002, indiquant qu'en tant que délégué syndical, il ne se serait jamais permis " d'avoir une violente altercation avec un ou des salariés qui ont le droit d'expression ".
Par une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du 2 décembre 2002, la société Alteam Le Mans a maintenu la sanction pour les motifs ci-après : " Comme suite à votre courrier du 20/ 11/ 02, nous vous confirmons que nos écrits reflètent la stricte réalité de " l'altercation " que vous avez eu avec l'un de vos collègues, puisque celle-ci a eu lieu devant témoins ",
Le délégué syndical n'échappe pas au pouvoir disciplinaire de l'employeur en cas de faute dans l'exécution de son contrat de travail, voire même dans le cadre de son mandat. Mais comme pour toute faute, celle-ci doit être justifiée et une faute commise dans le cadre de l'exercice normal du mandat de délégué syndical n'est pas susceptible de sanction, sauf à prouver qu'il y a eu abus de pouvoir du délégué syndical. M. Thierry X... fournit le témoignage écrit du salarié concerné, en date du 23 décembre 2002, qui dément au moins pour partie les termes de l'avertissement infligé, en ce que M. B... indique que, s'il s'est absenté de l'entreprise le 22 octobre, c'est " suite à des problèmes personnels et non à cause de Mr X... ". Dès lors, la véracité dans son ensemble des faits sanctionnés se voit remise en cause, ce qui laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X... puisque c'est bien en cette qualité qu'il est interpellé par la direction de l'entreprise.
Sur l'année 2003
a) La lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2003 de la société Alteam Le Mans " Au vu de vos pratiques dans l'exercice de votre mandat de délégué syndical, et en nous référant à la période postérieure au 1er janvier 2003, nous considérons qu'il est de notre devoir d'attirer votre attention sur le nécessaire respect de certaines règles. Selon une jurisprudence constante, les heures de délégation d'un délégué syndical ne peuvent être utilisées que pour des activités se rapportant à sa mission, qui est de représenter son syndicat dans l'entreprise. Si nous nous référons à certains faits récemment portés à notre connaissance, votre mission échappe à un tel cadre, réalité nous amenant à vous rappeler certaines dispositions du Code du Travail. Selon l'article L412. 20 de ce Code, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. Il s'agit ainsi, dans la limite du contingent qui vous est accordé d'une présomption de bonne utilisation, le paiement de l'employeur devant intervenir avant toute contestation. Par contre, et c'est là le motif principal de la présente correspondance, la jurisprudence écarte le jeu de cette présomption de bonne utilisation pour les heures excédant ce même contingent. Si celui-ci peut être dépassé en raison de circonstances exceptionnelles, il ne nous semble pas que vous ayez invoqué celles-ci au cours des dernières semaines. C'est ainsi qu'en cumulant ces différentes règles, nous attirons votre attention sur le fait qu'en cas de dépassement ultérieur de votre contingent d'heures et au vu de cette absence de présomption de bonne utilisation, nous vous demanderons de bien vouloir justifier ces circonstances exceptionnelles, celle-ci devant exclusivement s'inscrire dans le cadre d'une activité syndicale au sein de l'entreprise. Pour le mois de mars, vous avez utilisé 56. 25 heures, ce qui conduit à une retenue sur le salaire d'avril de 26. 25 heures. Plus généralement, si nous nous devons de respecter votre liberté au titre de ce mandat de délégué syndical, il nous est parfaitement possible selon les principes ci-dessus résumés, de vous demander de respecter les dispositions de la loi au titre des dépassements que nous constatons depuis un certain temps. Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le fait que les tracts distribués par la CFDT sur la voie publique, ne doivent pas mentionner notre raison sociale sans notre accord ".
La société Alteam Le Mans fait parvenir, par ailleurs, au syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe une facture en date du 22 décembre 2003, d'après laquelle le dépassement par M. Thierry X... de son crédit d'heures de délégation pour la période allant du 1er mars au 31 octobre 2003 est de 112, 25 heures, soit une somme totale de 1 177, 23 euros.
M. Thierry X... établit quant à lui un récapitulatif, selon lequel son dépassement de crédit d'heures de délégation pour l'année 2003 s'élève à 49, 75 heures.
Aussi bien, la société Alteam Le Mans que M. Thierry X... ne distinguent pas le crédit d'heures au titre de la délégation unique du personnel de celui du mandat de délégué syndical, de 20 heures par mois dans le premier cas (cf article L. 431-1-1 du code du travail applicable à l'époque) et de 10 heures dans le second (cf article L. 412-20 du code du travail applicable à l'époque). Il est vrai que ces heures sont cumulables. En tout cas, que l'on reprenne le chiffre de la société Alteam Le Mans ou celui de M. Thierry X..., le dépassement du crédit d'heures légalement accordé est avéré. Les règles sont alors celles rappelées par la société Alteam Le Mans, soit qu'il appartient au salarié, les heures de délégation étant considérées, en principe, comme du temps de travail effectif et rémunérées comme telles, de justifier pour en être payé des circonstances exceptionnelles qui ont conduit à ce dépassement. Faute pour le salarié d'apporter la preuve de telles circonstances, l'employeur n'a pas à régler ces heures au salarié, pouvant au contraire opérer une retenue équivalente sur le salaire. Sur ce premier point donc, le courrier dont s'agit ne peut laisser supposer une quelconque discrimination directe ou indirecte à l'encontre de M. Thierry X....
Sur le second point, la question des tracts, conformément à l'article L. 412-8 du code du travail dans sa rédaction successive applicable, les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail. Leur diffusion hors de l'entreprise n'est, en revanche, régie par aucune disposition spécifique. Néanmoins, l'absence de production du tract litigieux par M. Thierry X... ne permet pas de savoir si ce tract mentionnait simplement le nom de l'entreprise ou s'il utilisait véritablement le logo, marque déposée et propriété de l'entreprise. Dans ces conditions, le courrier dont s'agit ne peut laisser supposer une quelconque discrimination directe ou indirecte à l'encontre de M. Thierry X....
b) La lettre remise en main propre le 10 avril 2003 par la société Alteam Le Mans à la suite de la modification des classifications et qualifications professionnelles de la convention collective par avenant du 6 décembre 2002 La société Alteam Le Mans notifie à M. Thierry X... qui était magasinier, statut employé, coefficient 170, au salaire mensuel conventionnel minimum de 1 061, 05 euros, qu'il devient, à compter du 1er juin 2003, magasinier vendeur, échelon 6, au salaire mensuel conventionnel minimum de 1 260 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 septembre 2003, l'avocat mandaté par le syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe proteste auprès de la société Alteam Le Mans en ces termes :
" Tous les salariés de votre entreprise investis d'un mandat se sont vus attribuer des coefficients défavorables au regard de leur collègue occupant un poste identique... Monsieur X... délégué syndical et qui est le seul à fonctions égales (magasinier vendeur) à se voir attribuer le coefficient le moins élevé savoir 6... Je pense donc qu'il y a manifestement une discrimination dont sont victimes les salariés protégés et à laquelle il y a urgence de mettre un terme. Tel est le sens de la présente mise en demeure dont copie est adressée à Monsieur l'Inspecteur du travail afin qu'il juge des suites à donner à votre comportement envers ces salariés ". Au total cinq salariés de la société Alteam Le Mans sont concernés.
La société Alteam Le Mans fait cette réponse à l'avocat le 14 octobre 2003 : " Comme suite à votre courrier... nous vous précisons que les nouvelles classifications sont attribuées en fonction de la situation individuelle dans l'entreprise de chaque collaborateur. En conséquence, il n'est pas possible d'attribuer des classifications identiques à tous les collaborateurs, ce que semblerait indiquer votre courrier. Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire de nature à clarifier la démarche qui nous a conduit à attribuer les coefficients aux personnes mentionnées dans votre courrier ".
Aucune pièce n'est versée caractérisant une quelconque démarche ultérieure, que ce soit d'éventuelles suites données par l'inspection du travail ou en direction de la justice. Or, lorsqu'un salarié revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée, il lui revient de faire la preuve de la réalité des fonctions exercées dans l'entreprise qui légitiment ses prétentions. Il n'est pas besoin, en revanche, en tout cas en matière de discrimination syndicale, qu'il donne des points de comparaison avec d'autres salariés de l'entreprise. Si l'on se reporte au texte de l'avenant précité, il ressort que la classification ouvriers-employés à l'échelon 6 exige de la part du salarié de solides connaissances professionnelles et qu'il lui est particulièrement demandé de pouvoir résoudre des difficultés inhabituelles en faisant preuve d'autonomie dans le cadre fixé. Jusqu'à preuve du contraire par M. Thierry X..., il est magasinier vendeur au sein de la société Alteam Le Mans, avec quasiment cinq ans d'ancienneté et donc d'expérience lors de la requalification, titulaire par ailleurs d'un Cap de carrossier peintre et du CACES. L'échelon 6 attribué apparaît tout à fait correspondre à ce profil. Par conséquent, le courrier dont s'agit ne peut laisser supposer une quelconque discrimination directe ou indirecte à l'encontre de M. Thierry X....
Sur l'année 2004
a) Le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 23 janvier 2004 " Le délégué interpelle la direction concernant les tableaux d'affichage syndical et CE car depuis le contrôle de participation un démenti a été affiché sur chacun de ces panneaux. Mr A... précise que les panneaux appartiennent à la direction (et non à la CFDT qui n'est bonne qu'à couler les entreprises car les salariés ne regardent que ces panneaux). Les élus vu les circonstances demandent que ce soit notifié et validé. Mr A... insiste sur ce point (vous pouvez même mettre mon nom). Ce point sera validé par les élus avec leur signature ".
Figure effectivement au bas du procès-verbal la signature des différents élus ainsi que celle du secrétaire du comité d'entreprise.
En application de l'article L. 412-8 du code du travail précité, l'affichage des communications syndicales s'effectue librement sur des panneaux réservés à cet effet et distincts de ceux affectés aux délégués du personnel et au comité d'entreprise. L'employeur qui estime illicite par son contenu une communication affichée par un syndicat doit saisir le juge, au besoin en référé, afin d'en obtenir le retrait. En la supprimant de son propre chef, il commettrait le délit d'entrave. Si en l'espèce il n'y a pas eu suppression des éléments apposés sur ces panneaux, la société Alteam Le Mans s'est néanmoins permis de porter atteinte au droit d'expression syndical, ayant utilisé les dits panneaux pour sa propre communication. Cette attitude laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
b) La lettre recommandée avec accusé de réception du 14 avril 2004 de la société Alteam Le Mans " Le 8 et 9 avril, dans le cadre de votre délégation syndicale, vous avez pris la décision de distribuer des tracts à vos collègues, décision qui n'entraîne aucun jugement de notre part. Nonobstant cette distribution, vous avez outrepassé les droits qui vous ont été conférés dans le cadre du mandat de Délégué Syndical en adressant ces tracts aux Agents, donc aux clients du magasin, par l'intermédiaire des colis transportés par le 72 Express. À toutes fins utiles, nous vous précisons qu'une telle distribution est de nature à perturber le bon fonctionnement du service et de l'entreprise auquel vous appartenez. Nous avons donc décidé de vous sanctionner d'un avertissement et serions amenés à en tirer toutes les conséquences si de tels faits devaient se reproduire ",
M. Thierry X... a contesté cet avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception du19 avril 2004, dans lequel il précise : "... me suspecter par l'intermédiaire de colis transportés par le 72 express, d'informer les clients du magasin, est totalement infondé et injustifié de votre part... ".
L'on ne reprendra pas les développements sur la faute du salarié et délégué syndical pouvant entraîner une sanction disciplinaire de la part de l'employeur (cf supra). C'est sur l'employeur que repose la charge de la preuve de cette faute, preuve renforcée s'agissant d'un délégué syndical, puisque doit être établi l'excès de pouvoir commis par celui-ci. Or, l'on ne peut que constater que la société Alteam Le Mans se contente de procéder par voie d'affirmation, sans apporter le moindre début d'élément sur la présence réelle de ces tracts syndicaux dans les colis envoyés à ses clients. En conséquence, ceci laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
c) La lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2004 de la société Alteam Le Mans " À plusieurs reprises nous avons été amenés à dénoncer votre comportement provocateur à l'encontre de vos collègues. Mardi 27/ 04/ 04 des incidents graves se sont à nouveau produites entre vous, Monsieur C... et vos collègues, chargé d'expédier des colis. Votre lenteur volontaire, ainsi que celle de Monsieur C..., a irrité vos collègues, soucieux de terminer les colis pour un départ à une heure présumée comme à l'accoutumée. Votre attitude a entraîné une violente altercation et votre Chef de Service a dû intervenir.
Votre statut de Délégué Syndical ne vous dispense pas d'accomplir quantitativement et qualitativement votre fonction. D'autre part, hier en fin de journée vous avez prévenu votre Responsable que ce jeudi 29/ 04/ 04 vous seriez absent. Aucune feuille d'absence n'a été établie. Cette attitude sans règle, nuit à la marche du service auquel vous appartenez et nous amène de nouveau à vous demander de modifier votre comportement et de nous justifier de toutes vos heures de dépassement ",
M. Thierry X... a contesté le contenu de cet écrit par courrier recommandé avec accusé de réception du13 mai 2004, dans lequel il dit deux choses : "... jamais je ne me permettrai d'avoir le comportement que vois énumérez envers mes collègues de travail. Je suis encore plus surpris qu'une feuille d'absence n'est pas été établi, feuille qui est régulièrement remise suivant les règles de mon responsable ".
On l'a dit, toute observation écrite d'un employeur envers un salarié qui s'accompagne d'" un rappel à l'ordre ", ce qui est le cas de l'espèce, est une sanction disciplinaire. De même, c'est à l'employeur de démontrer la véracité des faits au soutien, démonstration accrue pour ce qui est d'un délégué syndical, puisque c'est en cette dernière qualité que M. Thierry X... se voit interpellé. Or, sur le premier point d'une mauvaise volonté manifeste dans l'exécution du travail confié, source d'une violente altercation entre les salariés, la société Alteam Le Mans n'apporte pas le premier élément de justification ce qui lui était pourtant aisé puisque, selon elle, le chef de service a même dû s'interposer. Il n'existe aucune raison pour qu'au moins ce dernier ne relate pas les circonstances de l'incident qui serait survenu. Ceci laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
Sur le second point en revanche, la formulation-même de la lettre de M. Thierry X... fait apparaître que le bon d'absence nécessaire n'a effectivement pas été établi. Dès lors, il ne peut être supposé là l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
d) La lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juin 2004 de la société Alteam Le Mans " Nous remarquons que de plus en plus vous outrepassez vos responsabilités de Délégué Syndical, en intervenant à tout moment dans les lieux de l'entreprise. Le mercredi 9 juin, vous avez interdit à Monsieur D... de recevoir des collaborateurs de son service en dehors de votre présence. De tels agissements dans les affaires du service pour des entretiens personnels, nous conduisent à vous sanctionner d'un nouvel avertissement. Par ailleurs, nous vous rappelons que nous allons être amenés à sanctionner les heures de dépassement de délégation, celles-ci étant de 30 heures. Nous n'avons reçu aucune explication sur tous ces dépassements, malgré non demandes précédentes ",
M. Thierry X... a contesté cet avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception en les termes suivants : "... Jamais je ne me serais permis d'interdire à un responsable de convoquer un salarié. Par contre tout salarié a le droit de demander mon assistance à un entretien personnel ".
En effet, la loi permet à tout salarié convoqué en vue d'une éventuelle sanction ou d'un éventuel licenciement de se faire assister par une personne de son choix, pourvu qu'elle appartienne au personnel de l'entreprise (cf article L. 122-41 du code du travail applicable à l'époque). Faute par la société Alteam Le Mans de justifier que les entretiens personnels auxquels elle fait allusion n'étaient pas au nombre de ceux pour lesquels l'assistance du salarié était possible, ceci laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
Quant à question du dépassement du crédits d'heures de délégation mentionnée par la société Alteam Le Mans au terme de son écrit, la question a été largement abordée lors des développements précédents auxquels il convient de se reporter. En tout cas, suivant la lettre du syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe du 25 janvier 2005 à la société Alteam Le Mans, bien que le premier ne soit pas d'accord sur tous les éléments du décompte, il concède tout de même un dépassement par M. Thierry X... de son crédit d'heures légal de 159, 50 heures, dépassement qu'il rembourse à la seconde. Par conséquent, il ne peut être supposé là l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
Sur l'année 2005
a) Le procès-verbal de constat d'huissier du 2 mars 2005 requis par le comité d'entreprise L'huissier mandaté consigne dans son rapport : " Que le comité requérant possède un local au sein de la société... Depuis deux jours, la direction de l'établissement entrave l'accès au local en positionnant un bureau devant la porte... Je rencontre Monsieur E..., Directeur de la concession... Je constate qu'un bureau métallique est posé devant la porte du local syndical... Monsieur E... procède immédiatement à son enlèvement ".
Or, c'est M. Thierry X... qui s'est présenté à cet huissier en tant que délégué syndical et non en tant que représentant du comité d'entreprise, ainsi qu'il est également relevé par le procès-verbal. Pourtant, M. Thierry X... ne pouvait à ce titre intervenir, la société Alteam Le Mans n'ayant, comme cela a été dit supra, aucune obligation, au regard de l'effectif de l'entreprise, de lui attribuer un local. Dès lors, ce fait ne laisse pas supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
b) La lettre recommandée avec accusé de réception du 22 avril 2005 de la société Alteam Le Mans " À l'issue du premier trimestre 2005 et malgré vos engagements, nous constatons que les dépassements d'heures de délégation sont toujours très importants. Vous avez utilisé :- en janvier 45. 40 heures-en février 50. 10 heures-en mars 80. 00 heures. Une telle situation ne peut durer, d'autant plus que les dépassements 2003/ 2004 ne sont toujours pas entièrement réglés. Il est de jurisprudence constante que les heures de dépassement ne sont pas, comme le crédit d'heures légales, payés à l'échéance normale. Le salarié doit apporter la preuve sur l'utilisation exceptionnelle de ses crédits d'heures.
Dans le cas présent, nous vous mettons en demeure de bien vouloir nous adresser tout justificatif, faute de quoi nous serons amenés à déduire ces heures sur la rémunération du mois de mai ".
Si le syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe justifie le 26 avril 2005 de la légitimité des heures de délégation litigieuses à la société Alteam Le Mans, ce n'est pas pour cela que cette dernière n'était pas en droit d'interroger M. Thierry X... sur les circonstances exceptionnelles ayant motivé le dépassement du crédit d'heures légal, le salarié étant dans l'obligation de lui répondre. Ce fait ne permet donc pas de supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
c) La lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2005 de M. Thierry X... " Suite aux nouvelles classifications, malgré les demandes de la CFDT et de moi-même afin de régulariser mon échelon. J'ai pu constater sur mon bulletin de salaire qu'il n'y a eu aucune modification suite à notre dernier entretien. En effet, actuellement j'effectue les postes de :- Magasinier vendeur comptoir clients-Vendeur guichet atelier-Vendeur réception téléphone-Création lieux de stockage-Cariste-Réceptionniste. Les trois premiers postes ont été classés lors de la mise en place des nouvelles classifications à l'échelon 9 minimum. Je demande par ce présent courrier la modification de mon échelon actuellement à 6 suite à cette polyvalence. C'est pourquoi la CFDT vous demande de régler le plus rapidement possible ce différend. Sans réponse de votre part, nous porterons l'affaire devant les prud'hommes ".
Aucune réponse de la société Alteam Le Mans n'est versée au dossier, pas plus que la preuve de ce que la demande ainsi formulée par M. Thierry X... se serait poursuivie par une quelconque action de sa part, au besoin judiciaire. L'on constate des propres pièces de M. Thierry X... que :- cette " poly-compétence " qu'il met en avant est finalement l'une des caractéristiques de l'ensemble des membres du service pièces de rechange auquel il appartient, à une exception près non significative,- la classification conventionnelle de l'échelon 9 est réservée au magasinier vendeur confirmé PRA ou au conseiller de vente confirmé PRA ou au vendeur boutique confirmé PRA qui remplit les exigences de maîtrise de toutes les techniques dans sa spécialité et possède de larges connaissances dans les techniques voisines, lui étant demandé en particulier une organisation de son travail et sous sa responsabilité pour atteindre l'objectif dans le cadre qui lui est fixé. M. Thierry X..., auquel incombe pourtant la charge de la preuve en la matière (cf développements précédents), ne justifie d'aucun élément propre à établir que son exercice professionnel répondrait à ces critères et, plus spécifiquement au dernier précité. Il ne peut donc être supposé l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre de ce chef.
d) La lettre recommandée avec accusé de réception du 7 août 2005 de M. Thierry X...
" J'ai pu constater une baisse de mon salaire avec le motif suivant : absence injustifiée. Je suis étonné de cette baisse de salaire du mois de juin et juillet.... Je vous demande par ce présent courrier la régularisation de tous ces différents ".
La réponse de la société Alteam Le Mans suit par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 août 2005 libellé en ces termes : " Comme suite à votre courrier du 7/ 08/ 05 et à nos différents entretiens, nous vous confirmons qu'il n'ya pas eu de baisse de votre salaire, mais retenue pour absence injustifiée. Ces absences sont consécutives aux dépassements de vos temps de délégation, confirmés par la proposition de la CFDT de nous dédommager directement, ce que nous ne pouvons accepter ".
L'on ne reviendra pas sur cette question du crédit d'heures de délégation et des conditions de son dépassement amplement abordées (cf supra). Si le salarié ne justifie pas des circonstances exceptionnelles au soutien de ce dépassement, l'employeur, ainsi qu'on l'a dit, est en droit d'opérer une retenue sur le salaire de l'intéressé pour un montant correspondant. L'employeur est également en droit de licencier le salarié concerné si, bien que mis en garde sur ces pratiques de dépassement, ce dernier n'y met pas un terme, ce qui est le cas de M. Thierry X... qui a poursuivi dans les dépassements malgré les mises en garde réitérées. L'employeur n'est pas dans l'obligation de voir ce fonctionnement anormal " couvert " par le syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe. Ce fait ne permet donc pas de supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X...
e) La lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2005 de la société Alteam Le Mans " Lors de notre entretien du 26/ 09/ 05, vous nous avez confirmé que le 23/ 09/ 05 vous aviez contacté l'ensemble de vos collègues pour leur annoncer, sans aucune preuve, que la concession était vendue et que les personnes de la comptabilité notamment seraient licenciées, sans que vous puissiez intervenir en leur faveur. De telles affirmations sans preuve, constituent une forme de chantage auprès de vos collègues de nature à les perturber, notamment ceux à qui vous avez parlé de licenciement. Dans le contexte actuel, il s'agit d'une faute grave. Après avoir pris note de vos observations, nous avons décidé de vous sanctionner d'un nouvel avertissement ".
M. Thierry X... a contesté cet avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 octobre 2005, précisant qu'il ne pouvait " être en aucun cas responsable des différentes rumeurs qui circulent dans la société sur une éventuelle vente ".
La société Alteam Le Mans lui a répondu le 11 octobre 2005, également en lettre recommandée avec accusé de réception : " Comme suite à votre courrier du 10. 10. 05, nous vous précisons qu'il n'y a aucun acharnement ni harcèlement moral de notre part, mais que les faits évoqués sont bien réels puisque rapportés par de nombreux témoins, vos collègues en l'occurrence. Si des rumeurs existent, il ne vous appartient pas de les amplifier ni d'en modifier le contenu suivant votre convenance ".
La société Alteam Le Mans, cela a amplement été dit, d'autant qu'elle vise encore le délégué syndical, doit faire la preuve des faits qui fondent sa sanction disciplinaire. Elle n'en fait rien, preuve qui lui était largement possible pourtant, puisqu'elle fait état des nombreux témoignages des collègues de M. Thierry X.... L'envoi du courrier du 4 octobre 2005 laisse, en conséquence, supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. Thierry X....
Il existe donc bien des faits et agissements, en date des 15 mars 2002, 24 octobre 2002, 23 janvier 2004, 24 avril 2004, 29 avril 2004 (pour partie), 11 juin 2004 (pour partie) et 4 octobre 2005, laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale envers M. Thierry X.... Or, la socété Alteam Le Mans ne vient démontrer par aucun élément objectif que ces faits et agissements étaient dictés par des considérations, des motifs, étrangers à toute discrimination. Il faut en conclure que M. Thierry X... a bien été victime de faits de discrimination syndicale de la part de la société Alteam Le Mans.
2) Le harcèlement moral
Le harcèlement moral a été introduit dans le code du travail par la loi du 17 janvier 2002, publiée au Journal officiel du 18 janvier 2002. L'article L. 122-49 du code du travail applicable indique que : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". En cas de litige, les règles de preuve sont aménagées par l'article L. 122-52 du code du travail, applicable dans ses versions successives, qui précise : "... le salarié/ présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral (jusqu'au 4 janvier 2003)/ établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
La société Alteam Le Mans ne peut nier sa responsabilité dans le harcèlement moral perpétré par son chef des ventes, M. Z..., sur d'autres salariés de l'entreprise, dont M. Thierry X.... En effet, M. Z... a été condamné tant à une peine d'emprisonnement avec sursis pour harcèlement moral sur les personnes, entre autres de M. Thierry X..., faits commis du 20 janvier 2002 (date butoir de la pénalisation du harcèlement moral) au 1er septembre 2005, qu'à indemniser solidairement, avec son employeur civilement responsable, notamment M. Thierry X... à hauteur de 1 500 euros, par la cour d'appel de céans le 27 mars 2007, sur appel du jugement du tribunal correctionnel du Mans du19 mai 2006. La société Alteam Le Mans connaissait pourtant dès le 11 janvier 2002, date de sa première mise en garde à M. Z..., les problèmes que posait ce salarié dans l'entreprise (consommation d'alcool, propos à tout le moins déplacés). Elle a été alertée ensuite, au mois de décembre 2002, par le syndicat CFDT de la métallurgie de la Sarthe, mais a minimisé la situation parlant de " discussion animée " entre les deux hommes et en a imputé les torts à M. Thierry X... (" tout est rentré dans l'ordre suite au changement d'attitude de M. X... "). Elle a conservé cette attitude de minimisation lors du déclenchement, le 12 janvier 2005, par le CHSCT de la procédure d'alerte de l'article L. 231-9 du code du travail, applicable à l'époque, de même que face à l'interpellation de l'inspection du travail, le 28 janvier 2005, et encore lors de la demande de réunion par le CHSCT, le 8 février 2005 ; elle a nié tout danger grave et imminent, modifiant simplement son règlement intérieur. De la même façon, elle s'est contentée à l'endroit de M. Z... d'une nouvelle mise en garde le 4 octobre 2004, n'en venant à l'avertissement que le 8 novembre 2005, alors que les salariés victimes avaient déjà déposé plainte, et n'a procédé à son licenciement, certes pour faute grave, qu'au mois de mai 2006, en plein procès pénal.
Ce ne sont pas les seuls faits de harcèlement moral dont se plaint M. Thierry X..., puisqu'il évoque une attitude plus générale de la société Alteam Le Mans, faite finalement des brimades les plus diverses. On les passera en revue :
a) Les changements de poste M. Thierry X... se plaint de manière récurrente (13 novembre 2001, 21 novembre 2001, 23 novembre 2002) de ce que, depuis qu'il a été nommé délégué syndical, l'on modifie son poste, rappelant qu'il a un statut particulier du fait de son classement par la Cotorep, que la station debout lui est pénible et que, le médecin du travail, le 30 janvier 2002, a interdit le concernant la manutention de charges d'un poids supérieur à vingt-cinq kilogrammes. Ses dernières doléances sur ce point datent du 27 février 2007 où, alors qu'il revient d'un arrêt maladie, on l'affecte au seul poste " réception magasin " alors qu'auparavant il était polyvalent. Le dossier témoigne en effet de cette polyvalence dans ses tâches. Or, l'employeur se contente d'indiquer, et encore plusieurs mois plus tard puisque postérieurement à la prise d'acte de la rupture, que le poste n'a pas été modifié, " les tâches que vous avez à effectuer correspondent à toute la fiche de fonction vous concernant ", ce qui ne peut être considéré comme une réponse au problème précis soulevé de la polyvalence et de la restriction à cette polyvalence. Au moins à cette dernière date, M. Thierry X... établit bien un fait laissant présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
b) La demande de congés du 7 au 9 septembre 2004 pour mariage d'un enfant Si à la lecture de l'imprimé versé, l'on constate que M. Thierry X... ne demandait que le congé légal d'un jour prévu pour un tel événement familial (le restant consistant en récupération et RTT), l'on n'a pas, néanmoins, la preuve formelle du refus opposé par l'employeur, l'exemplaire au dossier ne comportant aucune annotation sur ce point, pas plus que la signature du dit employeur. M. Thierry X... n'établit donc pas là de fait permettant de présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
c) La lettre recommandée avec accusé de réception de la société du 24 janvier 2005 La société Alteam Le Mans demande à M. Thierry X... des explications avant sanction, comme quoi il a rentré son véhicule à l'atelier sans avoir préalablement sollicité l'ouverture d'un dossier de réparation pour cette voiture. M. Thierry X... fournit les explications et les pièces, par retour de courrier recommandé avec accusé de réception du 1er février 2005, tous éléments venant en contradiction totale avec les affirmations de l'employeur. M. Thierry X... établit, par conséquent, un fait laissant présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
d) La lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2005 La société Alteam Le Mans refuse à M. Thierry X... la prise d'un congé formation l'estimant injustifiée, au motif que le salarié a d'ores et déjà effectué une formation les 10 et 11 mars 2005. Dans le cadre du droit individuel à la formation, introduit rappelons-le dans le code du travail par une loi du 4 mai 2004, entrée en vigueur trois jours plus tard, qui permet au salarié qui compte au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise d'acquérir chaque année un bénéfice de vingt heures à ce titre, M. Thierry X... pouvait, dans le principe, faire une demande de formation auprès de son employeur. Toutefois, ce dernier était aussi en droit de refuser d'accéder à cette demande, quitte au salarié à renouveler celle-ci l'année suivante (articles L. 933-1 et suivants du code du travail applicables). M. Thierry X... n'établit donc pas là de fait permettant de présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
e) La lettre recommandée avec accusé de réception du 29 avril 2005 La société Alteam Le Mans demande à M. Thierry X... de confirmer et de justifier une absence pour laquelle il a indiqué " CE ", motif qu'elle estime sans fondement. M. Thierry X... verse une attestation selon laquelle il a participé, le 29 avril 2005, à la mise à jour des dossiers du comité d'entreprise. M. Thierry X... est délégué titulaire de la délégation unique du personnel dans l'entreprise et donc appelé à siéger au comité d'entreprise, ce que la société Alteam Le Mans sait fort bien. M. Thierry X... établit, par conséquent, un fait laissant présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
f) La lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2006 La société Alteam Le Mans demande à M. Thierry X... le justificatif de son absence de l'entreprise depuis le 20 février 2006, lui rappelant que le certificat aurait dû être adressé à l'entreprise dans les deux jours ouvrables qui suivent l'examen du médecin. M. Thierry X... répond le 28 février 2006, par courrier recommandé avec accusé de réception, comme quoi il a averti la secrétaire de son responsable " pièces de rechange " de son absence dès le 20 février 2006, à laquelle il a précisé qu'il avait trois jours d'arrêt de travail ; il rappelle qu'il est d'usage de procéder ainsi ; il confirme qu'il a certes transmis l'arrêt de travail délivré avec une journée de retard, mais pour cause de lombalgie aigue, les sorties lui ayant été interdites par le médecin (certificat joint). Néanmoins, il appartient à M. Thierry X... d'apporter la preuve de ce qu'il a informé son employeur de son absence pour maladie. Faute pour lui d'apporter une quelconque attestation ou témoignage de la secrétaire indiquée comme ayant reçu son appel à cette fin, il n'établit donc pas là de fait permettant de présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
g) La lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2007 M. Thierry X..., de retour de son arrêt de travail, rappelle à son employeur qu'il n'a pas perçu sa prime de bonification de 100 euros en janvier 2007, ni la prime de 250 euros versée par l'usine à l'ensemble des salariés, son responsable lui ayant dit qu'il avait ordre de la direction de ne pas lui donner cette dernière, pas plus qu'il n'a reçu son bulletin de salaire de décembre 2006. La société Alteam Le Mans ne répond que le 10 août 2007, par courrier recommandé avec accusé de réception.
Elle ne dément pas que, le 27 février 2007, M. Thierry X... n'était pas en possession de son bulletin de salaire de décembre 2006, alors que chaque versement de rémunération doit s'accompagner de la délivrance au salarié du bulletin correspondant (article L. 143-3 du code du travail applicable). Et, M. Thierry X... n'ayant été absent de l'entreprise que sur un temps limité, au cours de plus du mois de février 2007, la société Alteam Le Mans se devait de lui remettre ce bulletin, par un moyen ou un autre, en janvier 2007. Sur la question des primes, elle indique que : " Pour " les primes ", nous vous avons répondu le 1. 03. 2007 que certaines ne pouvaient être attribuées en raison de l'absentéisme. Vous avez vous-même participé à la négociation fixant ces règles d'obtention, en fonction de l'absentéisme. " La prime " allouée par le Constructeur au titre du dernier quadrimestre 2006 vous a été remise comme à vos collègues, en chèque cadeau au prorata de votre présence ". Ce point donne lieu à une nouvelle contestation de la part de M. Thierry X..., par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 août 2007 ; il écrit : "... seul la prime semestrielle peut faire l'objet d'une variation en fonction de l'absentéisme mais aucun accord de ce type n'a été négocié s'agissant des primes d'usine ou de bonification dont j'ai été privé ". Effectivement, M. Thierry X... a été débouté, le 3 octobre 2006, par la formation de référé du conseil de prud'hommes du Mans de sa demande en paiement du solde de sa prime semestrielle de juin 2006. La juridiction l'a renvoyé au procès-verbal du comité d'entreprise en date du 23 janvier 2004, selon lequel cette prime était acquise en totalité lorsque le nombre de jours d'absence de l'entreprise était de cinq jours au plus, qu'elle était réduite de moitié lorsque le nombre de jours d'absence s'élevait entre six et dix et qu'elle n'était pas due au dessus de dix jours d'absence. Néanmoins, à supposer que ce même accord d'entreprise du 23 janvier 2004 mettait en place pour l'ensemble des primes un système d'abattement par suite des absences pour maladie des salariés, cette disposition heurte la prohibition de la discrimination à raison de l'état de santé du salarié et, n'est de fait pas opposable à M. Thierry X... (article L. 122-45 du code du travail, dans ses versions applicables au litige). M. Thierry X... établit, par conséquent, des faits laissant présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
i) Le remboursement à M. Thierry X... de ses frais afin de se rendre à son stage de cariste du 11 au 14 juin 2007 M. Thierry X... avait, au titre de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, évoqué avoir sollicité de son employeur, en pure perte, le remboursement de ses frais pour se rendre à son stage de cariste. La société Alteam Le Mans donne, toujours le 10 août 2007, une réponse contradictoire en ce qu'elle déclare :- tout d'abord que, si ces frais n'ont pas été remboursés, c'est en raison du souhait de M. Thierry X... d'utiliser son véhicule personnel alors que l'entreprise met justement un véhicule à disposition pour ce genre de situation ; M. Thierry X... précise, quant à lui, que ce véhicule d'entreprise lui a été refusé car la distance séparant la société et le lieu de stage était trop faible,- puis que, si ces frais n'ont pas été remboursés, c'est que la demande a été estimée injustifiée, la distance séparant le domicile de M. Thierry X... du lieu de stage étant inférieure à celle séparant le domicile de M. Thierry X... de l'entreprise. Or, si l'entreprise met un véhicule de service à la disposition des stagiaires, c'est donc bien qu'elle entend qu'ils ne supportent pas de frais en lien avec une formation professionnelle obligatoire. M. Thierry X... établit, par conséquent, un fait laissant présumer d'un harcèlement moral à son encontre. j) Le déchargement des camions Il n'est contesté par aucune des parties que M. Thierry X... ait dû procéder, dans les derniers mois de son emploi au sein de la société Alteam Le Mans, au déchargement de deux camions, type semi-remorque. Si la société Alteam Le Mans affirme que ce déchargement s'est fait avec un chariot élévateur, M. Thierry X... indique pour sa part qu'il n'en a rien été, d'une part parce que cet engin ne lui a pas été proposé et, quand bien même il n'aurait pu l'utiliser son CACES n'étant plus valable, ayant justement été le repasser à la mi-juin 2007. Or, il appartient à l'employeur de veiller à la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, vis-à-vis desquels il est tenu d'une obligation de résultat, en prenant toutes les mesures qui s'avéreraient nécessaires (cf article L. 230-2 du code du travail applicable). La société Alteam Le Mans a d'autant plus manqué à cette obligation à l'égard de M. Thierry X..., qu'il est classé travailleur handicapé par la COTOREP et déclaré apte, sous réserve d'absence de manutention au dessus de vingt-cinq kilogrammes, par le médecin du travail. La société Alteam Le Mans a engagé M. Thierry X... en tant que travailleur handicapé et, est destinataire, en sa qualité d'employeur, d'un exemplaire de la fiche d'aptitude dressée par le médecin du travail (article R. 241-57 du code du travail applicable). M. Thierry X... établit, par conséquent, un fait laissant présumer d'un harcèlement moral à son encontre.
Dès lors, il appartient à la société Alteam Le Mans de démontrer les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral envers M. Thierry X... qui viendraient justifier tant les agissements de M. Z..., que la dernière modification de poste, que les demandes d'explication des 24 janvier et 29 avril 2005, que la non-délivrance en temps utile du bulletin de salaire de décembre 2006, que l'abattement opéré sur les primes de bonification et d'usine versées début 2007, que le défaut de remboursement de frais en juin 2007, que le déchargement des deux camions courant 2007. Pourtant, elle ne caractérise aucuns éléments de ce type.
La société Alteam Le Mans ne conteste pas, par ailleurs, que M. Thierry X... se soit retrouvé en arrêt maladie au mois de juin 2007. Également, l'expert psychiatrique qui avait examiné M. Thierry X... le 7 décembre 2005, dans le cadre de la procédure pénale pour harcèlement moral précitée, avait diagnostiqué le concernant " la présence depuis l'année 2000 date de sa nomination au comité d'entreprise d'un état dépressif réactionnel à l'environnement de travail responsable d'un préjudice psychique susceptible de durer ".
Le harcèlement moral ainsi exercé par la société Alteam Le Mans, directement ou par l'intermédiaire de ses salariés, a bien eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail M Thierry X... portant atteinte à ses droits et à sa dignité et affectant sa santé physique ou mentale.
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Lorsqu'un salarié se trouve confronté, sur plusieurs années, à des attaques liées au mandat syndical qu'il exerce dans l'entreprise, à des sanctions disciplinaires en cette même qualité non fondées, à un climat marqué, à tout le moins, par la méfiance à son égard alors que, dans le même temps, la protection qui lui est due ne lui est pas assurée, l'on est bien en face de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat de travail. La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M Thierry X... est, en conséquence, justifiée et produit, ainsi qu'en ont jugé les premiers magistrats qui doivent être confirmés, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision déférée devra également être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Alteam Le Mans à verser à M Thierry X... en application des textes en la matière :-3 099, 96 euros d'indemnité compensatrice de préavis, sauf à ramener à 309, 99 euros le montant des congés payés afférents,-2 789, 82 euros d'indemnité de licenciement.
Quant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce sont les dispositions de l'article aujourd'hui L. 1235-3 du code du travail qui s'appliquent et qui prévoient que, pour le salarié qui ne demande pas sa réintégration, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. C'est la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à considérer comme base d'indemnité minimale. L'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. M Thierry X... allait sur ses 45 ans et comptait huit ans et onze mois d'ancienneté dans l'entreprise lorsque le contrat de travail a été rompu. Il est ouvrier mécanicien depuis le 15 octobre 2007, son salaire mensuel brut s'élevant à 1 471 euros. Dans ces conditions, il conviendra de confirmer les18 599 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ont été exactement appréciés par les premiers juges.
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La décision déférée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles de première instance et aux dépens.
La société Alteam Le Mans sera condamnée à verser à M Thierry X... 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et supportera les dépens de la présente instance. Elle-même sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf à ramener le montant des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis à 309, 99 euros,
Y ajoutant,
Condamne la société Alteam Le Mans à verser à M Thierry X... 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société Alteam Le Mans de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alteam Le Mans aux dépens de la présente instance.