COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 31 Janvier 2012
ARRÊT N CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01428.
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 28 Mai 2009, enregistrée sous le no 863 F-D
APPELANT :
Monsieur Jean-Jacques X...... 35000 RENNES
représenté par Me VASNIER, avocat à Angers, substituant Me Bertrand PAGES, avocat au barreau de RENNES, et qui dépose son dossier
INTIMEE :
C. P. A. M. D'ILLE ET VILAINE Cours des Alliés BP 34 A 35024 RENNES CEDEX 9
représentée par Monsieur Laurent Y..., qui dépose son dossier
en la cause : MISSION NATIONALE DE CONTRÔLE DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE Antenne de Rennes 4 av. du Bois Labbé-CS 94323 35043 RENNES CEDEX absente, avisée, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2011, en audience publique, devant la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 31 Janvier 2012 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ******* Exposé du litige :
Le 8 janvier 1997, M. Jean-Jacques X..., en arrêt de travail au titre de l'assurance maladie depuis le 15 avril 1996, a demandé à être admis au bénéfice de l'assurance invalidité.
A l'appui de sa demande, il a produit un certificat médical établi le 30 décembre 1996 par le Dr Patrick Z..., médecin généraliste à Rennes, attestant que son état de santé justifiait une mise en invalidité de catégorie II.
Par décision du 24 mars 1997, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine a, sur avis du médecin conseil du 10 mars précédent, rejeté sa demande au motif que son état de santé n'était pas stabilisé.
Par courrier du 12 avril 1997, M. X... a contesté cette décision et sollicité la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise médicale. Aux termes de son rapport du 22 mai 1997, le Dr Anne A... a conclu en ces termes : " A la date du 1. 4. 1997, l'état de santé de Monsieur X... pouvait être considéré stabilisé. " Le jour même, l'expert a porté cette conclusion à la connaissance du médecin conseil de la CPAM d'Ille et Vilaine.
Le 4 juin 1997, ce dernier a fait connaître aux services administratifs de la Caisse que la conclusion motivée de l'expert était la suivante : " A la date du 1. 04. 97, l'état de santé de Monsieur X... ne pouvait être considéré comme stabilisé. "
M. X... a été incarcéré le 17 septembre 1997.
Le 16 juin 1998, il a formé une nouvelle demande d'attribution de pension d'invalidité sur la base d'un certificat médical établi par le Dr B. B..., médecin à la maison d'arrêt de Rennes.
Par décision du 2 juillet 1998, confirmée par la commission de recours amiable le 16 octobre 1998, la CPAM a rejeté cette demande au motif que son état n'était pas stabilisé et que le régime de protection sociale des détenus ne conférait pas de droit à l'assurance invalidité.
Le 16 décembre 1999, la commission de recours amiable de la CPAM d'Ille et Vilaine a rejeté à nouveau la demande de M. X... tendant à voir fixer la stabilisation de son état au 1er avril 1997et à se voir attribuer une pension d'invalidité à compter de la même date. Le 28 janvier 2000, l'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre cette décision.
Par jugement du 11 octobre 2001, le tribunal des affaires le sécurité sociale de Rennes a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 octobre 1998.
Par arrêt du16 octobre 2002, la Cour d'appel de Rennes a infirmé ce jugement, accordé à M. Jean-Jacques X... un droit à l'assurance invalidité en dépit de son incarcération et dit qu'en l'état du dossier, elle ne pouvait pas trancher la difficulté d'ordre médical consistant à dire si l'état de santé de M. X... était ou non stabilisé et dans l'affirmative, depuis quand.
Par arrêt du 2 novembre 2004, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par la CPAM d'Ille et Vilaine et par M. X... aux motifs, s'agissant du pourvoi formé par la Caisse, que les dispositions de l'article L 381-30 du code de la Sécurité Sociale relatives à l'affiliation des détenus aux assurances maladie et maternité du régime général du fait de leur incarcération, ne privent pas ceux-ci du bénéfice des droits acquis antérieurement au titre de leur propre régime d'assurance invalidité et, s'agissant du pourvoi formé par l'assuré, que la cour d'appel n'était saisie que d'une contestation à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 16 octobre 1998.
Par décision notifiée le 19 janvier 2005, la CPAM d'Ille et Vilaine a, en considération de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, attribué à M. Jean-Jacques X..., à compter du 16 juin 1998, une pension d'invalidité de deuxième catégorie d'un montant annuel de 6. 305, 04 €.
Contestant le montant ainsi attribué et la date à compter de laquelle la Caisse a fait rétroagir la pension, par lettre du 14 février 2005, M. X... a saisi la commission de recours amiable en soutenant qu'il était fondé à voir fixer le point de départ de sa pension d'invalidité en 1997. La CRA a rejeté son recours par décision du 20 avril 2005, laquelle ne se place toutefois que sur le terrain du montant de la pension allouée, à l'exclusion d'une quelconque réponse s'agissant de la fixation du point de départ.
L'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre cette décision par lettre du 18 mai 2005.
Parallèlement, tirant les conséquences de l'arrêt de la Cour de Cassation, le conseil de M. X... a fait observer au tribunal que le recours formé par ce dernier le 28 janvier 2000, contre une autre décision de la commission de recours amiable du 16 décembre 1999 ayant rejeté sa demande d'attribution de pension d'invalidité à effet au 1er avril 1997 au motif que son état n'était pas stabilisé, n'avait pas été examiné et était toujours pendant devant la juridiction. Les deux recours ont été enrôlés sous le même numéro de répertoire général.
Par jugement du 22 juin 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- constaté n'y avoir lieu à jonction d'instances, les recours des 8 et 20 mai 2005, ayant donné lieu à enrôlement sous le même numéro ;- donné acte à M. X... de ce qu'il renonçait à contester le montant de la pension d'invalidité allouée par la caisse ;- déclaré recevable son recours formé contre le refus de la Caisse du 16 décembre 1999 de lui allouer une pension d'invalidité à effet au 1er avril 1997 ;- débouté M. X... de sa demande en condamnation de la caisse au règlement de la pension d'invalidité depuis le 1er avril 1997 ;- donné acte à la caisse de ce qu'elle reconnaissait devoir au titre des intérêts de retard, à compter du 20 novembre 1998 la somme de 8 891, 03 € déduction faite d'un règlement déjà effectué de 239 € ;- dit que la caisse serait tenue au paiement des intérêts de droit sur les échéances de la pension d'invalidité, depuis le 20 novembre 1998 jusqu'au 19 janvier 2005, à compter de chaque échéance ;- débouté M. X... de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure.
M. Jean-Jacques X... a relevé appel de cette décision et soutenu principalement qu'au regard des conclusions du Dr Anne A... qui l'avait examiné le 22 mai 1997 dans le cadre d'une expertise diligentée en application de l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale, la Caisse devait lui verser sa pension d'invalidité depuis le 1er avril 1997.
Par arrêt du 20 juin 2007 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, la cour d'appel de Rennes l'a débouté de son appel et a confirmé le jugement entrepris, condamnant M. X... à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La cour a considéré que la conclusion du Dr Anne A... libellée en ces termes : " A la date du 1. 4. 1997 l'état de santé de Monsieur X... pouvait être considéré stabilisé. " procédait d'une erreur de plume dans la mesure où tout le corps de la rubrique " discussion " et le reste du rapport d'expertise ne laissaient aucun doute sur l'avis réel de l'expert selon lequel l'état de santé de l'assuré ne pouvait pas être considéré comme stabilisé à cette date en raison de l'existence, à côté d'un traumatisme consolidé du genou en lien avec l'accident du 31 octobre 1990, d'une affection hématologique au pronostic incertain.
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Jacques X..., par arrêt du 28 mai 2009, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2007 par la cour d'appel de Rennes, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la présente cour aux motifs :
- au visa de l'article R. 141-4, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qu'il résulte de ce texte qu'une copie intégrale du rapport du médecin expert est immédiatement adressée par la caisse au médecin traitant du malade ; que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de M. X..., l'arrêt retient qu'aux termes de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, le rapport ne peut être transmis en cas de maladie ordinaire qu'au médecin traitant de l'assuré ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait l'intéressé, son médecin traitant n'avait été que tardivement destinataire du rapport d'expertise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
- au visa de l'article 1382 du code civil, que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de M. X..., l'arrêt retient que l'intéressé n'établit pas quels préjudices il aurait subis ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le retard de transmission du rapport d'expertise n'avait pas causé un préjudice matériel et moral à l'intéressé, lequel faisait valoir que la pension d'invalidité sollicitée dès 1997 ne lui avait été allouée qu'en 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
M. Jean-Jacques X... a saisi la présente cour, désignée comme juridiction de renvoi, par une déclaration de saisine du 23 juin 2009.
Par arrêt du 12 octobre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, la présente cour a, compte tenu de la contradiction existant entre les conclusions du rapport du Dr Anne A... mentionnant que l'état de santé de M. X... pouvait être considéré stabilisé au 1. 04. 1997, et une partie des motifs de son rapport d'expertise énonçant : " L'état de santé de Monsieur X... ne peut être considéré comme stabilisé. ", sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 8 novembre 2010 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur le choix de l'expert à désigner, " eu égard à la difficulté de faire le choix sur la liste des experts de la cour d'appel d'Angers d'un tel praticien habilité en matière de sécurité sociale ".
Par arrêt du 23 novembre 2010, la présente cour a ordonné une mesure d'expertise médicale de M. X... dont la réalisation a été confiée au Dr Rémy C..., avec mission d'examiner l'assuré, de prendre connaissance de son entier dossier médical et de dire, en l'état de la contradiction apparue entre les motifs du rapport de l'expert A... et ses conclusions, si, et à quelle date l'état de M. X... est stabilisé.
Aux termes de son rapport établi le 11 mars 2011, le Dr Rémy C... conclut que la date de consolidation de l'état de santé de M. Jean-Jacques X... peut être fixée au 1er avril 1997.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures prises en ouverture de rapport, déposées au greffe le 22 juin 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Jean-Jacques X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- au vu du rapport d'expertise du Dr Rémy C... : ¤ de dire que la Caisse devait procéder au règlement de sa pension d'invalidité depuis le 1er avril 1997 ; ¤ en conséquence, de Ia condamner à lui régler ladite pension à compter de cette date avec intérêts de droit à compter de chaque échéance jusqu'au parfait paiement, subsidiairement, depuis le 18 août 1998 ;- en application des dispositions de l'article 1382 du code civil, de condamner la CPAM d'Ille et Vilaine à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral ;- de la condamner à lui payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- de confirmer le jugement déféré en ses autres dispositions.
L'appelant soutient que le rapport d'expertise du Dr A... ne comportait ni ambiguïté ni contradiction, et que ses conclusions n'étaient affectées d'aucune erreur de plume en ce que, selon lui, il en résulte bien que sa pathologie traumatique du genou gauche, résultant de l'accident dont il a été victime le 31 octobre 1990, seule génératrice de sa demande de pension d'invalidité, était bien stabilisée à la date du 1er avril 1997, tandis que l'affection hématologique découverte fortuitement le 13 novembre 1996 était sans incidence sur la consolidation de son état en ce que, dépourvue de signe clinique objectif, elle ne requérait aucun soin, et qu'en outre, elle était étrangère à la demande de pension d'invalidité. Il ajoute qu'en tout état de cause, la Caisse a estimé que son état était stabilisé, à tout le moins, à compter du mois de juin 1998 puisqu'elle lui a versé sa pension d'invalidité à partir de cette date ; que cette décision confirme que la Caisse considérait alors elle-même que la pathologie hématologique était étrangère à l'appréciation de la consolidation.
M. X... fait valoir en outre qu'en tardant à lui remettre le rapport du Dr Anne A..., alors que le code de la sécurité sociale lui imposait une transmission " immédiate " d'une copie intégrale du rapport, la Caisse a manifesté à son égard une résistance dolosive qui a l'origine pour lui de préjudices matériel et moral liés aux tracas d'une procédure qui a duré plus de sept ans.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 29 août 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la CPAM d'Ille et Vilaine demande à la cour :
- de " statuer sur la stabilisation de l'état de M. Jean-Jacques X... au 1er avril 1997 " ;- de débouter ce dernier de ses demandes de règlement d'intérêts légaux à compter de cette date et, en toute hypothèse, à compter du 18 août 1998, ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral et d'indemnité de procédure.
L'intimée maintient que la conclusion du rapport d'expertise du Dr A... était bien entachée d'une erreur de plume liée à l'absence de négation, alors que le corps de son rapport ne laissait aucun doute sur le fait que l'expert considérait que l'état de santé de M. X... ne pouvait pas être considéré comme consolidé à la date du 1er avril 1997 en raison de l'affection hématologique évolutive dont il était atteint. Elle indique que cette erreur de plume a été admise par le Dr A... lors d'un échange téléphonique avec le médecin conseil à réception du rapport ; que cet échange a d'ailleurs conduit ce dernier à indiquer à ses services administratifs que " l'état de santé de M. X... ne pouvait pas être considéré comme stabilisé ".
La CPAM admet que la question de la date de stabilisation de l'état de santé de l'appelant est désormais " définitivement tranchée par les conclusions du rapport d'expertise du Dr C... ".
S'agissant du point de départ des intérêts de retard, elle soutient que, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, il se situe au 20 novembre 1998, date de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale par M. X... et date retenue par ce tribunal dans son jugement du 22 juin 2006 pour faire courir les intérêts, les dates de consolidation et de formation du recours amiable ne pouvant pas constituer le point de départ des intérêts. Elle sollicite donc, de ce chef, la confirmation du jugement entrepris et fait valoir que, par le versement des sommes de 239 € et 8 891, 03 €, elle s'est bien acquittée des intérêts dus à compter du 20 novembre 1998.
Pour s'opposer à la demande de dommages et intérêts, elle conteste avoir commis une quelconque faute quant à la transmission du rapport d'expertise soutenant que celui-ci a bien été transmis le 4 juin 1997 au médecin traitant de l'assuré.
Elle ajoute que, le litige dont ce dernier avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale étant d'ordre administratif et non d'ordre médical en ce que le refus d'attribution de la pension d'invalidité était fondé sur le champ d'application du régime de protection social des détenus, c'est dans le cadre d'une exacte application des textes que, le 13 mars 2000, elle a opposé au conseil de M. X... qui sollicitait la production du rapport d'expertise, que celui-ci était étranger aux débats, que les services administratifs de la Caisse ne le détenaient pas et que l'assuré devait en obtenir la communication de son médecin traitant. Elle indique que, le Dr Z... ayant affirmé ne pas être en possession du rapport du Dr A..., elle a, sans délai, invité le service médical à procéder à une nouvelle expédition du rapport au médecin traitant de M. X..., ce qui a été fait le 9 janvier 2001 ; que ce dernier est donc mal fondé à soutenir qu'elle aurait fait preuve d'une résistance dolosive dans la communication du rapport, d'autant que les services de la caisse primaire et ceux du service médical constituent deux entités juridiques distinctes.
Elle relève encore que les éléments du dossier établissent que l'assuré avait connaissance, dès le 18 août 1998, des conclusions défavorables du Dr A... ; qu'il a donc personnellement participé aux délais et tracas qu'il invoque ; qu'en tout état de cause, les délais du traitement judiciaire ne lui sont pas imputables.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le point de départ de la pension d'invalidité
Attendu que la recevabilité de la demande de M. Jean-Jacques X... tendant à obtenir le paiement de sa pension d'invalidité à compter du 1er avril 1997 ne donne plus lieu à discussion devant la présente cour ; que le tribunal a exactement retenu qu'elle n'était pas prescrite en ce que l'assuré a contesté la décision de la caisse et celle de la commission de recours amiable du 16 décembre 1999, fondées sur une absence de stabilisation de son état, en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours par courrier du 28 janvier 2000 ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé de ce chef ;
***
Attendu qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale, le droit à une pension d'invalidité est subordonné au constat médical que l'assuré présente une invalidité réduisant ses capacités de travail d'au moins deux-tiers
Attendu que l'article L. 341-3 du code de la sécurité sociale énonce que " L'état d'invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle : 1o Soit après consolidation de la blessure en cas d'accident non régi par la législation sur les accidents du travail ; 2o Soit à l'expiration de la période pendant laquelle l'assuré a bénéficié des prestations en espèces prévues au 4o de l'article L. 321-1 ; 3o Soit après stabilisation de son état intervenue avant l'expiration du délai susmentionné ; 4o Soit au moment de la constatation médicale de l'invalidité, lorsque cette invalidité résulte de l'usure prématurée de l'organisme. " ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise du Dr C... et de celui du Dr A... qui s'y trouve annexé que :- M. X... a été victime le 31 octobre 1990 d'un accident de la voie publique, pris en charge au titre de la législation du travail, à l'origine d'une fracture du plateau tibial gauche et de la tête du péroné gauche ayant justifié des interventions jusqu'au mois d'avril 1995, puis la reconnaissance d'un taux d'IPP à 30 % (valeur AT) le 14 avril 1996 et celle d'un taux d'invalidité à 80 % (décision COTOREP du 10 juillet 1996) ;- l'assuré a présenté, à compter du mois de décembre 1992, un état anxiodépressif réactionnel à son accident du travail, et a été, à compter de cette date, pris en charge au titre de la maladie ;- au mois de novembre 1996, à l'occasion d'un bilan visant à préciser les caractéristiques de compatibilité entre M. X... et son frère en vue d'une greffe de moelle, il s'est avéré que l'assuré présentait un pic monoclonal des immunoglobulines asymptomatique ; que le Dr A... a estimé qu'en l'absence de signe clinique objectif, cette affection hématologique nécessitait une simple surveillance biologique ;- aucune pathologie médicale ne s'est révélée du chef de ce pic monoclonal des immunoglobulines, lequel s'est plutôt résolu ;
Attendu qu'ayant constaté que la lésion séquellaire articulaire du genou était restée inchangée, de même que les autres éléments pathologiques (état anxiodépressif), que le pic monoclonal des immunoglobulines était, dès le départ, asymptomatique et qu'aucune pathologie médicale n'était survenue de ce chef, le Dr Rémy C... a conclu que la stabilisation de l'état de M. Jean-Jacques X... était bien acquise à la date du 1er avril 1997 ;
Qu'il n'existe désormais aucun désaccord sur ce point entre les parties ; que, par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient donc de fixer la date de stabilisation de l'état de santé de M. Jean-Jacques X... au 1er avril 1997 et de dire que la CPAM d'Ille et Vilaine devait lui régler sa pension d'invalidité à compter de cette date, et non à compter du 16 juin 1998 comme elle l'a fait par décision du 19 janvier 2005 ;
Que l'intimée sera donc condamnée à payer à M. X... les échéances de sa pension d'invalidité à compter du 1er avril 1997 ; attendu qu'en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, l'appelant est bien fondé à solliciter que les intérêts au taux légal courent sur cette somme à compter du 18 août 1998, date du courrier recommandé par lequel il a saisi la commission de recours amiable d'un recours à l'encontre de la décision de la caisse du 2 juillet 1998 refusant de lui verser sa pension d'invalidité à compter du mois d'avril 1997
Sur la demande de dommages et intérêts
Attendu qu'en application du dernier alinéa de l'article R 141-4 du code de la sécurité sociale, la CPAM d'Ille et Vilaine devait adresser " immédiatement une copie intégrale du rapport " établi par le Dr Anne A..., expert désigné en application de l'article R 141-1, au médecin traitant de M. Jean-Jacques X...
Attendu qu'à l'appui de sa position selon laquelle elle a bien rempli cette obligation, l'intimée verse aux débats un courrier type de transmission de rapport d'expertise, dactylographié, daté du 4 juin 1997, établi à l'intention du Dr Patrick Z..., médecin traitant de M. X..., et portant en pied la mention " Le praticien conseil Dr Paul-Marie D... " ; mais attendu qu'elle ne justifie nullement de l'envoi effectif de ce courrier ; or attendu que, le 8 novembre 2000, le Dr Z... a attesté n'avoir jamais été destinataire de ce rapport ; que, sur cette attestation, le nouveau médecin conseil le lui a adressé par pli du 9 janvier 2001 ;
Et attendu que, contrairement à ce que soutient la caisse, il ne ressort pas des termes du courrier de M. X... en date du 18 août 1998 qu'à cette date, le rapport d'expertise du Dr A... avait bien été porté à sa connaissance et qu'il avait été mis à même d'en lire la conclusion motivée dont il n'est pas inutile de rappeler qu'elle était libellée en ces termes : " A la date du 1. 4. 1997 l'état de santé de Monsieur X... pouvait être considéré stabilisé. ", cette conclusion figurant de façon claire et isolée en dernière page du rapport alors que la phrase " L'état de santé de Monsieur X... ne peut être considéré comme stabilisé " figure en page 3 du rapport d'expertise, dans le paragraphe " Discussion " et qu'elle n'y apparaît nullement de façon claire et détachée ; que, si X... avait eu connaissance de la conclusion motivée du Dr A..., il n'aurait pas manqué de s'en prévaloir dès lors qu'elle lui était favorable comme étant conforme à la prétention qu'il n'a jamais cessé d'élever depuis le début de l'année 1997 ; qu'à tout le moins, il se serait prévalu de la contradiction susceptible d'exister entre le paragraphe " Discussion " et la conclusion du rapport d'expertise A... ; que le silence de M. X... s'agissant des termes de la conclusion motivée du Dr A... et de l'éventuelle contradiction entre le paragraphe " Discussion " et cette conclusion accrédite encore l'absence de transmission du rapport ;
Attendu qu'il apparaît que, jusqu'à la communication du rapport opérée le 9 janvier 2001, l'assuré a toujours pensé que la conclusion du Dr A... était négative, ce qui correspond au sens de la transmission réalisée par le médecin conseil le 4 juin 1997 aux services administratifs de la caisse ; qu'en effet, le Dr D... a alors écrit purement et simplement, sans faire état de la possible contradiction : " Conclusions motivées de l'expertise du 22 mai 1997 : " A la date du 1. 04. 97, l'état de santé de Monsieur X... ne pouvait être considéré comme stabilisé. " " ; et attendu que l'intimée ne justifie nullement de la réalité de la conversation téléphonique dont elle argue entre le Dr A... et le Dr D..., médecin conseil, laquelle aurait, selon elle, permis à ce dernier d'interpréter assurément la conclusion de l'expert dans le sens d'une absence de stabilisation de l'état de l'assuré ;
Attendu qu'il suit de là que la CPAM d'Ille et Vilaine ne justifie pas avoir satisfait à son obligation impérative résultant de l'article R 141-4 du code de la sécurité sociale, l'argument selon lequel elle ne saurait être considérée comme responsable des partis pris et manquements de son service médical étant inopérant, dès lors qu'elle seule doit répondre tant des manquements de ses services administratifs que de ceux de son service médical ;
Attendu encore que c'est de façon pertinente que M. X... fait valoir que la caisse ne tenait pas réellement le pic monoclonal des immunoglobulines comme une pathologie de nature à inférer sur la stabilisation de son état dès lors qu'en janvier 2005, elle lui a attribué sa pension d'invalidité de façon rétroactive à compter du 16 juin 1998, sans qu'aucun élément nouveau, notamment d'ordre médical, ne soit intervenu pour lui permettre de considérer que la stabilisation, état qui marque le point de départ du service de la pension d'invalidité, aurait été acquise à cette date, plutôt qu'à celle du 1er avril 1997 que l'assuré n'avait eu de cesse de revendiquer ;
Attendu que le retard dans la transmission du rapport du Dr A... caractérise une faute de la part de la CPAM d'Ille et Vilaine ; et attendu qu'il en est bien résulté un préjudice pour M. Jean-Jacques X... en ce qu'il n'a été mis à même de connaître les termes exacts de ce rapport, d'en discuter le sens et de contester l'interprétation persistante de la caisse selon laquelle la conclusion motivée de l'expert devait être considérée comme procédant d'une erreur de plume, qu'à compter de l'année 2001 ; que le retard apporté à la transmission de ce rapport a causé à l'assuré un préjudice tant matériel que moral en ce qu'il en est résulté pour lui un retard dans le service de la pension d'invalidité et de très nombreux tracas liés à des procédures qui durent depuis 1998 ; et attendu que le préjudice matériel subi par M. X... résultant du fait qu'il a dû attendre huit ans avant de se voir reconnaître son droit rétroactif à pension d'invalidité et vivre, pendant cette période, sans disposer de cette ressource, et qu'il a dû attendre quatorze ans avant d'en obtenir le service à bonne date, constitue un préjudice distinct de celui lié au simple retard de paiement et n'est pas couvert par le versement des intérêts moratoires ; que, de même, le nombre de recours et instances, générés par l'absence de transmission immédiate du rapport d'expertise, qu'a dû diligenter M. X... pour obtenir la reconnaissance de son droit, est pour lui à l'origine d'un préjudice moral ;
Attendu que, par voie d'infirmation du jugement déféré, la CPAM d'Ille et Vilaine sera condamnée à lui payer la somme de 1500 € en réparation de ses préjudices matériel et moral et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la procédure est sans frais devant la juridiction de sécurité sociale, étant rappelé que, par son arrêt du 23 novembre 2010, la présente cour a d'ores et déjà dit que les frais de l'expertise confiée au Dr Rémy C... resteraient à la charge de la CPAM d'Ille et Vilaine ;
Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à M. Jean-Jacques X... la charge de l'ensemble des frais irrépétibles qu'il a pu exposer tant au titre de la première instance qu'en cause d'appel ; que la CPAM d'Ille et Vilaine sera condamnée à lui payer de ce chef la somme globale de 3500 €, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de prétention ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant sur renvoi de cassation, publiquement, par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes du 22 juin 2006 sauf en ce qu'il a débouté M. Jean-Jacques X... de sa demande tendant à obtenir le paiement de sa pension d'invalidité à compter du 1er avril 1997, de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure ;
Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant au jugement entrepris ;
Fixe la date de stabilisation de l'état de santé de M. Jean-Jacques X... au 1er avril 1997 et dit que la CPAM d'Ille et Vilaine devait lui régler sa pension d'invalidité à compter de cette date ;
La condamne à lui payer les échéances de sa pension d'invalidité du 1er avril 1997 au 15 juin 1998 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 1998 ;
La condamne à lui payer la somme de 1. 500 € (mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et celle globale de 3. 500 € (trois mille cinq cents euros) au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.