COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02102. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes de SAUMUR, du 10 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 0059
ARRÊT DU 17 Janvier 2012
APPELANTE :
S. A. R. L. ABER PROPRETE Za de Mivoie 4 rue Henri Pollès 35136 ST JACQUES DE LA LANDE
représentée par Maître Nicolas CARABIN, avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
Madame Sophie X...... 49320 BRISSAC QUINCE
présente, assistée de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 17 Janvier 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
La société ABER PROPRETÉ est une entreprise de nettoyage de locaux dont le siège social est situé à Bruz (35). Elle dispose d'agences dans diverses villes et emploie habituellement plus de dix salariés.
Le 12 avril 2006, Mme Sophie X..., qui occupait un emploi de d'inspectrice au sein de la société de nettoyage CO. GE. H, a adressé son curriculum vitae à la société ABER PROPRETÉ.
Suivant lettre d'embauche du 11 mai 2007, cette dernière l'a engagée en qualité de directrice d'agence sur la région Angers/ Saumur à effet au 13 août 2007, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2400 € outre une prime d'expérience et une prime sur objectifs équivalente à deux mois de salaire en fonction de leur réalisation. Mme X... a retourné son accord le 14 mai 2007 et, le 28 juin 2007, elle a démissionné de son poste au sein de la société CO. GE. H.
Le 8 août 2007, un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein a été signé entre les parties sur les bases ci-dessus précisées, le lieu de travail de Mme X... étant fixé à Saumur (49) et la convention collective applicable étant celle, nationale, des entreprises de propreté. Ce contrat prévoyait une période d'essai de deux mois renouvelable une fois et la salariée se voyait fixer un objectif commercial et un objectif de gestion d'agence clairement déterminés.
La période d'essai a été renouvelée pour une nouvelle durée de deux mois à compter du 12 octobre 2007.
En décembre 2008, l'employeur a accordé à Mme X... une prime exceptionnelle de 2400 € et une augmentation de sa rémunération brute mensuelle de base de 200 €.
Le 16 mars 2009, Mme Sophie X... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 24 mars suivant. La société ABER PROPRETÉ lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, tenant au défaut d'atteinte de ses objectifs commerciaux et de rentabilité, par courrier du 1er avril 2009, réceptionné le lendemain.
Le 19 mai 2009, elle a saisi le conseil de prud'hommes pour contester ce licenciement.
Après vaine tentative de conciliation du 2 juillet 2009, par jugement du 10 juin 2010, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Saumur a :- condamné la société ABER PROPRETÉ à payer à Mme Sophie X... la somme de 14. 400 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 700 € ;- débouté Mme Sophie X... de ses autres prétentions tendant à obtenir un rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité légale de licenciement pour reprise d'ancienneté ;- condamné la société ABER PROPRETÉ aux dépens.
Ce jugement a été notifié à Mme Sophie X... et à la société ABER PROPRETÉ respectivement les 17 et 20 juillet 2010.
La société ABER PROPRETÉ en a relevé appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 18 août 2010.
Les parties ont été convoquées par le greffe pour l'audience du 4 octobre 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 18 juillet 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société ABER PROPRETÉ demande à la cour :
- d'infirmer partiellement le jugement entrepris ;- de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;- de débouter Mme Sophie X... de ses demandes indemnitaires ;- à titre subsidiaire, de réduire ses demandes en application des dispositions de l'article L 1235-5 code du travail ;- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Sophie X... de ses demandes de rappel d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis au motif que, contrairement à ce que soutient la salariée, les parties n'avaient pas convenu d'une reprise d'ancienneté ;- de condamner Mme Sophie X... à lui payer la somme de 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient que le licenciement est motivé, non par une insuffisance de résultats, mais par une insuffisance professionnelle tenant en " l'incapacité de Mme X... à répondre de manière satisfaisante à ses obligations contractuelles matérialisées, notamment, par des résultats très insatisfaisants ". Selon elle, l'insuffisance professionnelle est caractérisée par le fait que Mme X... s'est montrée dans l'incapacité de répondre de manière satisfaisante à ses obligations contractuelles en ce qu'elle n'a ni assuré le développement commercial de l'agence dont les résultats se sont dégradés, ni correctement suivi la gestion de l'agence dont le ratio " salaire/ chiffre d'affaires ", non seulement n'a pas atteint le taux convenu de 48 %, mais s'est également dégradé, le tout en dépit des actions de formation dont elle a bénéficié.
En second lieu, l'employeur conteste qu'une reprise d'ancienneté acquise chez le précédent employeur ait jamais été convenue entre elle et Mme X... et que la preuve en soit rapportée. Elle précise que la date qualifiée " d'ancienneté " portée sur les bulletins de salaire permet seulement le calcul de la prime dite " d'expérience " imposée par les dispositions conventionnelles de branche. Elle ajoute que le montant de l'indemnité de licenciement, qu'elle soit légale ou conventionnelle, et celui de l'indemnité compensatrice de préavis sont déterminés en tenant compte de l'ancienneté acquise au titre du contrat de travail en cours et non de l'ancienneté acquise en vertu de contrats conclus avec d'autres employeurs ; que Mme X... a été remplie de ses droits de ces chefs.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 9 septembre 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, formant appel incident, Mme Sophie X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- de le réformer en ce qu'il a rejeté ses demandes formées au titre du rappel d'ancienneté et s'agissant du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- en conséquence de condamner la société ABER PROPRETÉ à lui payer les sommes suivantes : ¤ rappel d'indemnité légale de licenciement : 5. 751, 37 € ¤ rappel d'indemnité compensatrice de préavis : 2. 709, 88 € bruts ¤ incidence de congés payés : 270, 98 € bruts ¤ dommages et intérêts pour licenciement abusif : 16. 800 €- d'ordonner la remise du registre unique du personnel pour les périodes 2008 et 2009 ;- de condamner l'appelante à lui payer une indemnité de procédure de 2. 500 € et à supporter les dépens.
L'intimée rétorque que l'insuffisance de résultats qui lui est reprochée sous le vocable d'insuffisance professionnelle ne pourrait valablement fonder son licenciement qu'à la condition, d'une part, que l'employeur démontre que les objectifs fixés étaient réalistes, raisonnables et compatibles avec le marché, d'autre part, à le supposer avéré, que le défaut d'atteinte de ces résultats lui soit imputable et résulte de sa faute ; que les chiffres qu'elle a réalisés doivent être appréciés au regard de la situation de l'agence avant son arrivée. Elle soutient que la situation de l'agence était mauvaise au moment de son arrivée, qu'il a d'abord été nécessaire de la réorganiser et que son action a permis son redressement. Elle conteste avoir dégradé le ratio salaires/ chiffre d'affaires et argue de ce qu'elle ne disposait pas des moyens de le maîtriser puisqu'elle ne négociait pas les prix. Selon elle, la société ABER PROPRETÉ a invoqué une prétendue insuffisance professionnelle liée à une insuffisance de résultats après avoir vainement tenté de la faire partir par le biais d'une démission. Elle soutient que l'employeur a tenté de faire pression sur elle en amenant certains salariés de son équipe à se plaindre de son management.
S'agissant de la reprise de l'ancienneté acquise chez le précédent employeur, Mme X... soutient qu'elle a bien constitué une condition de sa démission de son précédent emploi et de son embauche au sein de la société ABER PROPRETÉ. Selon elle, la preuve de cet accord résulte du fait que ses bulletins de salaire mentionnent une ancienneté au 27 janvier 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement adressée à Mme Sophie X... le 1er avril 2009, qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée :
" A la suite de notre entretien en date du Mardi 24 Mars 2009, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour votre incapacité à répondre de manière satisfaisante à vos obligations contractuelles : développement commercial très insuffisant et ratio salaires/ chiffre d'affaires très éIoignés des objectifs fixés. En effet, à plusieurs reprises, et notamment le 18 décembre dernier avec Madame Patricia Y..., Responsable des ressources humaines de l'entreprise et Monsieur A..., le Gérant, nous vous avons alerté sur le retard pris par rapport à votre objectif commercial et la dégradation des ratio salaires sur chiffre d'affaires. Pour l'exercice 2007/ 2008 votre développement commercial s'établit à 2625, 18 € HT de contrat mensuel pour un objectif de 15 000 € HT, sachant que la proportion d'avenants aux contrats commerciaux existant représente 1515, 15 € HT. A ce jour, à six mois de l'exercice 2008/ 2009, vous avez signé de nouveaux contrats commerciaux pour un montant cumulé de 403, 16 € HT mensuels. L'analyse de vos reportings commerciaux font apparaître une prospection commerciale très faible, et démontre une insuffisance de votre démarche de conquête de nouveaux clients. Cela se traduit par un nombre d'offres remises très peu élevé. Pour seul exemple, sur votre synthèse de la première quinzaine de mars 2009, une seule offre pour un montant de 866, 60 € HT mensuel. Lors de notre entretien du 24 mars 2009, je vous ai d'ailleurs évoqué ma difficulté à vous aider sur le plan commercial puisque vous ne communiquez aucun détail sur vos offres. Les seuls éléments que vous me transmettez sont le nom du client et le montant de vos devis. J'ai d'ailleurs abordé ce sujet avec vous à plusieurs reprises depuis votre intégration chez ABER OPRETé, sans changement de votre part. Ce que vous n'avez d'ailleurs pas nié. Ce manque de communication étant d'autant plus dommageable que je suis présent régulièrement à l'agence de Saumur et que vous avez donc la possibilité d'échanger avec moi sur vos prospection et vos études commerciales.
En gestion d'exploitation, nous constatons que le ratio salaires/ chiffre d'affaires se dégrade. Cet indicateur primordial dans notre secteur d'activité, reste toujours aussi élevé, proche de 53 % en moyenne, alors qu'il était prévu contractuellement que vous le rameniez progressivement en dessous de 48 %.
Mois/ an10/ 0711/ 0712/ 0701/ 0802/ 0803/ 0804/ 0805/ 0806/ 08 ratios salaire51, 62 % 52, 33 % 50, 94 % 51, 33 % 51, 18 % 52, 24 % 52, 93 % 53, 73 % 53, 26 % Mois/ an07/ 0808/ 0809/ 0810/ 0811/ 0812/ 0801/ 0902/ 09 ratios salaire47, 89 % 41, 09 % 50, 89 % 52, 57 % 56, 89 % 52, 29 % 54, 12 % 54, 06 % Or, en cumul depuis le début de l'exercice à fin février 2009, le ratio salaires hors cp/ chiffre d'affaires établit à 53, 83 %. A la même période à fin février 2008, il s'établissait à 51, 56 % et à 50, 63 % à la fin de l'exercice précédent.
D'une manière générale, nous constatons un désengagement de votre part, tant au niveau de votre mission de développement commercial, que de la gestion de l'exploitation de l'agence.
Vos objectifs commerciaux et de rentabilité ne sont pas atteints et aucune dynamique n'est en place pour inverser cette tendance. Pour l'ensemble de ces raisons, nous avons donc choisi de cesser notre collaboration avec vous et en conséquence prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. " ;
Attendu qu'aux termes de ce courrier, l'employeur reproche à la salariée de ne pas avoir atteint ses " objectifs commerciaux et de rentabilité " ; qu'il en résulte que le licenciement de Mme X... est motivé par une insuffisance de résultats, procédant, non d'une faute, mais d'une insuffisance professionnelle, laquelle est envisagée tant du point de vue du développement commercial de l'agence, en termes de gain de nouveaux clients, que du point de vue de la gestion d'exploitation, en termes de rentabilité ;
Attendu que l'insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées ; Attendu que si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit, tout comme l'insuffisance de résultats susceptible d'en découler, être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables ; Attendu, en outre, que les objectifs fixés par l'employeur doivent être réalistes et raisonnables ;
Attendu que l'objectif commercial fixé au contrat de travail de Mme X... est " de faire progresser l'agence de Saumur en terme de chiffre d'affaires d'au minimum 150 000 euros d'un exercice comptable à un autre sur la région du Maine et Loire " ;
Attendu que l'exercice comptable de la société ABER PROPRETÉ s'étend du 1er octobre d'une année au 30 septembre de l'année suivante ; que Mme X... a pris la responsabilité de la gestion de l'agence de Saumur le 13 août 2007 et a été licenciée le 1er avril 2009 avec dispense d'exécuter son préavis ;
Attendu que la société ABER PROPRETÉ lui reproche un " développement commercial " limité à 2625, 18 € HT pour l'exercice 2007-2008 et à 403, 16 € HT pour les six premiers mois de l'exercice 2008-2009 pour un objectif de progression mensuelle du chiffre d'affaires contractuellement fixé à 15 000 € et d'avoir, en raison d'une prospection insuffisante, créé trop peu de nouveaux clients ;
Que, s'agissant des clients perdus et créés, elle produit des tableaux et graphiques desquels il ressort que :- de début septembre 2007 à fin septembre 2008, l'intimée a conclu des affaires nouvelles pour un chiffre d'affaires de 2625, 18 € HT tandis qu'elle a perdu des affaires, par résiliation de contrats, représentant un chiffre d'affaires de 23 200, 18 € HT ;- de début octobre 2008 à fin mars 2009, elle a signé des renouvellements de contrats pour un montant de 1200, 62 €, tandis que les contrats " perdus " par arrivée du terme ou résiliation ont représenté un montant de chiffre d'affaires de 1779, 68 € ;
Que l'employeur, qui précise que le " développement commercial de l'agence " s'entend d'un développement " par une action de prospection et la création de nouveaux clients ", verse également aux débats deux autres tableaux qui évaluent le " développement commercial " de l'agence de Saumur à-247 416 € pour l'exercice d'octobre 2007 à fin septembre 2008, et à-39 456 € pour la période du 1er octobre 2008 au 6 février 2009 sans que l'on sache comment ces données chiffrées ont été obtenues et de quels éléments objectifs elles sont dégagées ;
Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement, la société ABER PROPRETÉ compare donc, non pas l'objectif fixé au titre de la progression du chiffre d'affaires et la progression effectivement obtenue, mais elle rapproche l'objectif ainsi contractualisé du montant du chiffre d'affaires obtenu par la seule création de nouveaux clients ;
Or attendu, tout d'abord que, si le contrat de travail fixe à Mme X... un objectif en termes de montant de chiffre d'affaires à réaliser sur l'année, d'un exercice à l'autre, il ne contient aucune exigence, ni même aucune indication, quant à son mode de réalisation et ne prescrit aucun objectif en termes de " création " de nouveaux clients ; que l'employeur ne justifie pas avoir assigné un tel objectif à Mme X... par le biais d'un document distinct ; que l'objectif contractuellement fixé s'agissant de l'évolution du chiffre d'affaires pouvait donc être valablement atteint tout aussi bien par la création de nouveaux clients, que par la signature d'avenants emportant évolution positive des marchés déjà conclus ou par renouvellement de ces derniers ;
Attendu que, s'il n'est pas contestable que la création de nouveaux clients fasse partie intégrante des missions normales du responsable d'agence, outre l'absence d'objectif mentionné de ce chef au contrat de travail, la société ABER PROPRETÉ reconnaît elle-même qu'elle ne l'avait pas assignée comme mission essentielle à Mme X... puisqu'elle indique que M. Mickaël B... " était chargé du développement commercial de toutes les agences de la société ABER PROPRETÉ en complément du travail des Responsables d'agence " ; et attendu qu'en l'état des pièces particulièrement succinctes et peu détaillées produites par l'appelante, aucun élément objectif ne permet d'imputer à Mme X..., plutôt qu'à M. B... l'insuffisance de création de nouveaux clients, étant observé que le développement d'une clientèle nouvelle apparaît difficile sur un secteur socio-économique en difficultés et peu dynamique, tel celui de Saumur ;
Attendu enfin qu'à prendre telles quelles les données chiffrées fournies par l'appelante s'agissant du " développement commercial " de l'agence de Saumur au titre de l'exercice 2007-2008 et de la période du 1er octobre 2008 au 6 février 2009, et à les ramener à une moyenne mensuelle, force est de constater que la situation s'est redressée très favorablement au cours de la seconde période ; qu'en effet, le résultat de-247 416 € aboutit à une moyenne mensuelle de-20 618 € pour l'exercice 2007-2008, tandis que le résultat de-39 456 € donne une moyenne mensuelle de-9 854 € pour la période du 1er octobre 2008 au 6 février 2009 ;
Attendu que le grief tiré de l'insuffisance de développement de la clientèle, c'est à dire, comme expressément indiqué par l'employeur, de l'insuffisance de création de nouveaux clients, n'apparaît donc ni réel, ni sérieux, en ce qu'aucun objectif n'avait été assigné de ce chef précis à la salariée, qu'elle n'était pas la seule à assurer cette mission, que les données chiffrées traduisent une nette
amélioration de ce paramètre au cours des six mois ayant précédé son licenciement alors que Mme X... avait pris depuis dix-huit mois seulement la responsabilité d'une agence située dans un secteur économique peu favorable, et en avait, comme il sera ci-après démontré, développé le chiffre d'affaires ;
Attendu que l'objectif contractuellement fixé d'une progression du chiffre d'affaires de 150 000 € HT sur un exercice comptable de douze mois correspond à une exigence de progression moyenne mensuelle de 12 500 € HT et non de 15 000 € HT comme mentionné dans la lettre de licenciement ;
Attendu qu'il ressort des tableaux produits par la société ABER PROPRETÉ, fournissant les données chiffrées mensuelles détaillées relatives à la gestion des dix-huit agences comprises dans le secteur " ABER Atlantique " dont dépendait l'agence de Saumur, que, lorsque l'intimée a pris la gestion de cette agence, son chiffre d'affaires moyen mensuel s'établissait à 85 660 € (d'avril à août 2007), le chiffre d'affaires du 1er octobre 2006 au 31 mars 2007 n'étant pas fourni ; que, s'agissant de l'exercice 2007-2008 (du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008), ce chiffre d'affaires s'est maintenu, en légère augmentation du 1er octobre 2007 jusqu'à fin mars 2008, ressortant alors à un montant moyen mensuel de 87 600 €, pour ensuite constamment augmenter jusqu'à la fin de l'exercice et atteindre 113 000 € ; que, par rapport à la moyenne de 85 660 € dégagée au moment de la conclusion du contrat de travail, à partir d'avril 2008, le chiffre d'affaires a augmenté, mois après mois (en montants arrondis) de 11 960 € en avril 2008 (97 620 € de CA), de 14 240 € en mai 2008 (99 900 € de CA), de 19 680 € en juin 2008 (105 340 € de CA), de 21 940 € en juillet 2008 (CA de 107 600 €), de 27 340 € en août 2008 (CA de 113 000 €), de 24 340 € en septembre 2008 (CA de 110 000 €), tandis que la progression cumulée enregistrée au cours des mois d'octobre 2007 à mars 2008 inclus s'élève à 11 600 € ; Qu'il s'ensuit que le chiffre d'affaires enregistré par Mme Sophie X... au cours de l'exercice octobre 2007/ septembre 2008 s'est établi à la somme de 1 158 897 € HT (contre un montant estimé à 1 027 920 € pour l'exercice précédent sur la base de la moyenne mensuelle de 85 660 €), soit une progression d'environ 131 000 € (soit une progression moyenne mensuelle de 10 925 €) ;
Et attendu que le chiffre d'affaires réalisé du 1er octobre 2008 au 30 mars 2009, d'un montant total de 670 225 €, ressort à la somme moyenne mensuelle de 111 700 € ; qu'il s'ensuit que le chiffre d'affaires moyen mensuel réalisé par Mme X... au cours des six derniers mois de son contrat de travail était supérieur, en moyenne, de 26 040 € par rapport à celui réalisé lorsqu'elle a pris la gestion de l'agence, et de 15 125 € par rapport à celui réalisé au cours de l'exercice octobre 2007/ septembre 2008 ; Qu'au cours des six premiers mois de son second exercice d'activité, Mme X... a donc fait progressé le chiffre d'affaires de l'agence de 90 751, 50 € ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que Mme X... a assuré une progression du chiffre d'affaires de l'agence de Saumur de 131 000 € au cours de l'exercice 2007/ 2008, soit une progression très voisine de l'objectif contractuellement fixé, et de 90 751, 50 € au cours des six premiers mois de l'exercice 2008/ 2009, soit une progression moyenne mensuelle bien supérieure à celle imposée par son contrat de travail ;
Attendu que l'objectif de gestion d'agence fixé au contrat de travail de Mme X... est, quant à lui, " d'atteindre un ratio sur chiffre d'affaires en dessous de 48 % en moyenne sur l'exercice comptable. Celui-ci devra tendre vers 45 % rapidement, au fil des prochains exercices. " ; Attendu que les tableaux descriptifs de l'activité des 18 agences du secteur " ABER Atlantique " font ressortir, pour l'agence de Saumur, un ratio " salaire/ chiffre d'affaires " moyen mensuel de 50, 78 % s'agissant de l'exercice 2007/ 2008 et de 53, 90 % s'agissant de la période octobre 2008/ fin mars 2009 ; que Mme X... n'a donc certes pas atteint un ratio moyen mensuel inférieur à 48 % ;
Mais attendu que son contrat de travail ne lui impartissait aucun délai précis pour atteindre ce ratio ; et attendu qu'au cours de ses dix-huit mois d'activité, elle n'a pas particulièrement dégradé le ratio moyen enregistré au moment de son arrivée, lequel s'établissait à 49, 38 %, étant observé qu'il résulte des tableaux produits que le ratio " salaire/ chiffre d'affaires " réalisé par certaines agences du secteur est amplement supérieur aux données reprochées à l'intimée comme pouvant atteindre 56 %, plus de 59 %, voire 64 %, 66 % et plus de 67 % ;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier qu'au regard des objectifs définis et acceptés, l'insuffisance pouvant être reprochée à Mme X... se limite tout au plus, d'une part, à avoir assuré, au cours de l'exercice 2007/ 2008, une progression du chiffre d'affaires de 131 000 € au lieu des 150 000 € convenus, soit une insuffisance de 19 000 € sur un chiffre d'affaires global de plus d'1 100 000 €, d'autre part, à n'avoir pas fait baisser immédiatement le ratio " salaire/ chiffre d'affaires " et à l'avoir un peu dégradé au cours des six derniers mois de son activité ;
Mais attendu que ces éléments ne permettent pas de caractériser l'insuffisance de résultats liée à une insuffisance professionnelle invoquée par l'employeur à l'appui du licenciement en ce qu'ils n'apparaissent pas intrinsèquement suffisamment sérieux, et, en ce que les objectifs fixés par la société ABER PROPRETÉ à la salariée n'étaient objectivement ni réalistes, ni raisonnables, en ce qu'ils consistaient à lui imposer :- d'assurer une augmentation importante du chiffre d'affaires, s'établissant, au regard des données chiffrées produites, à 15 % pour la première année ;- de maintenir (cf l'énoncé littéral de la clause relative à l'objectif commercial), d'un exercice comptable à l'autre, une progression tout aussi importante du chiffre d'affaires puisque s'établissant en fait à 13 % la deuxième année, 11, 50 % la troisième, 10, 20 % la quatrième... ;- d'assurer, concomitamment, une baisse notable du ratio " salaire/ chiffre d'affaires " ; le tout, dans un contexte économique difficile, caractérisé par un secteur géographique (le Saumurois) peu florissant sur le plan économique, une activité du nettoyage très concurrentielle (la société appelante ne justifie pas, et ne soutient pas même, qu'il existait des opportunités particulières dans ce secteur d'activité, dans le rayon d'action de l'agence de Saumur, au moment de l'embauche de Mme X...) et une importante aggravation de la crise économique survenue à l'automne 2008 au plan national ;
Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le motif de licenciement pris d'une insuffisance de résultats au bout de dix-huit mois seulement d'exercice du contrat de travail, et alors que la société ABER PROPRETÉ n'étaie d'aucun élément objectif son affirmation selon laquelle la rentabilité et les résultats de l'agence de Saumur auraient été compromis par la gestion de Mme X..., n'apparaît, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, ni réel, ni sérieux, d'autant que l'employeur lui avait accordé en décembre 2008 une prime exceptionnelle de 2400 € et une augmentation de sa rémunération brute mensuelle de base de 200 €, sur un salaire de 2400 € ;
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement
Attendu que Mme Sophie X... invoque un accord intervenu entre elle et l'employeur lors de l'embauche aux fins de reprise de son ancienneté acquise au sein de la société de nettoyage CO. GE. H ; qu'elle estime donc que son indemnité légale de licenciement aurait dû être calculée sur la base d'une ancienneté de 12 ans et 4 mois et s'élevait à la somme de 6684, 37 € au lieu des 933 € qui lui ont été versés, tandis qu'en vertu de cette ancienneté, elle aurait dû bénéficier d'un préavis de deux mois et non d'un mois ;
Attendu qu'il incombe à la salariée de rapporter la preuve de l'accord qu'elle invoque s'agissant de la reprise de son ancienneté, dont elle dit avoir fait une condition à sa démission de son précédent emploi ; que le contrat de travail ne fait pas mention de cette prétendue reprise ; que Mme X... ne produit pas de courrier l'évoquant, ni aucun autre élément contractuel la consacrant ; que le seul élément invoqué est la mention suivante figurant sur ses bulletins de paie, dès l'origine de son embauche : " Entrée le 13/ 08/ 2007 Ancienneté : 01/ 01/ 1998 " ;
Mais attendu que cette mention d'une ancienneté au 1er janvier 1998 ne suffit pas, à elle seule, à faire la preuve de l'accord invoqué alors surtout que la société ABER PROPRETÉ l'explique, de façon pertinente, et convention collective à l'appui, par le fait que cette indication sert uniquement à déterminer le montant de " la prime d'expérience ", dénommée " indemnité d'ancienneté " dans la précédente convention collective, lequel montant est fixé en considération, notamment, de l'expérience professionnelle acquise par le salarié dans la branche professionnelle en cas de changement d'entreprise à la condition qu'il n'y ait pas eu, entre l'embauche et la fin du contrat de travail précédent, effectué dans la profession, une interruption supérieure à douze mois, ce qui est bien le cas de Mme X... ;
Attendu que cette dernière est en conséquence mal fondée à soutenir que l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis auraient dû être calculées sur la base d'une ancienneté de 12 ans et 4 mois et non de 1 an et 8 mois comme retenu par l'employeur ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré que ses droits de ces chefs ont été exactement déterminés et l'a déboutée de ses demandes de rappel d'indemnités ;
Attendu, s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que, l'ancienneté de l'intimée dans l'entreprise au moment de son licenciement étant inférieure à deux ans, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail en vertu duquel Mme X... a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi ;
Attendu que cette dernière était âgée de 38 ans au moment de son licenciement ; qu'elle a retrouvé du travail dans une entreprise de nettoyage en qualité de responsable de secteur, moyennant un salaire mensuel brut de base inférieur de 400 € à celui perçu au sein de la société ABER PROPRETÉ ; que les bulletins de salaire produits (le premier afférent au mois de janvier 2010) ne permettent pas de déterminer la date exacte de cette embauche et que celle-ci n'est pas précisée ; qu'au regard de ces éléments, des circonstances du licenciement et de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 14 400 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera également confirmé de ce chef ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu, la société ABER PROPRETÉ succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme Sophie X..., en cause d'appel, une indemnité de procédure de 2000 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société ABER PROPRETÉ à payer à Mme Sophie X... la somme de 2. 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL