COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01075. Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 29 Mars 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00057
ARRÊT DU 13 Décembre 2011
APPELANT :
Monsieur Emerick X... ... 49160 LONGUE JUMELLES
présent, assisté de Maître Bertrand SALQUAIN (SELARL ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES), avocat au barreau de NANTES
INTIMEE :
TFN PROPRETE OUEST venant aux droits de la SAS Technique Française du Nettoyage (T. F. N.) 107 rue Edith Cavell 94400 VITRY SUR SEINE
représentée par Madame Virginie NEHER, juriste de l'entreprise, munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 13 Décembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Emerick X... a été embauché par la société Gsf auriga le 4 juillet 2001 et affecté sur l'usine de la société France champignon à Beaufort en Vallée.
Le 21 mai 2007, son contrat de travail a été repris par la société Technique française du nettoyage (TFN), son ancienneté étant conservée.
Alors qu'il était agent qualifié de service, il est devenu, par avenant du 16 février 2008, à effet au 18, chef d'équipe sur l'usine de la société France champignon à Doué la Fontaine, une période d'essai de trois mois étant stipulée.
La convention collective applicable est celle, nationale, des entreprises de propreté.
Il lui a été notifié un premier avertissement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2008.
Il lui a été notifié un second avertissement, par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 octobre 2008.
Il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2008.
L'entretien préalable s'est tenu le 12 novembre 2008.
Il a été licencié, pour cause réelle et sérieuse, par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 novembre 2008.
Contestant cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 21 janvier 2009 aux fins que :- son licenciement soit jugé abusif,- la société TFN soit condamnée à lui verser. 19 347 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,. 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- la société TFN soit condamnée aux entiers dépens,- la décision à intervenir soit assortie de l'exécution provisoire.
Il a été débouté de ses demandes par jugement du 29 mars 2010, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, les dépens étant laissés à la charge de chacune des parties.
La décision lui a été notifiée le 12 avril 2010 et, il en a formé régulièrement appel par déclaration au greffe de la cour du 22 avril 2010.
L'audience était initialement fixée au 17 mars 2011. Elle a été renvoyée, sur demande de l'intimée, au 3 octobre 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 15 mars 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient aussi de se reporter, M. Emerick X... sollicite l'infirmation du jugement déféré, que son licenciement soit jugé abusif et que la société TFN soit condamnée à lui verser 19 347 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Il demande, en outre, que les avertissements prononcés à son encontre les 31 juillet et 13 octobre 2008 soient annulés.
Il sollicite, enfin, que la société TFN soit condamnée à lui verser 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile (2 000 au titre de ses frais irrépétibles de première instance et 1 000 au titre de ses frais irrépétibles d'appel) et soit tenue aux entiers dépens (de première instance et d'appel).
Il fait valoir que :- il a toujours respecté les procédures de nettoyage en vigueur au sein de l'entreprise,- quant au premier avertissement o il ne disposait pas du matériel permettant d'assurer un parfait nettoyage, o un avertissement est disproportionné pour un robinet mal fermé,- quant au second avertissement o il dément tout mauvais nettoyage de la machine Ishida, o il s'agit en réalité d'une pièce de cette machine, un godet peseur, qui était abîmée, fait sans rapport avec le nettoyage et qu'il avait signalé dans le cahier de liaison,- quant au licenciement o une même faute, ici une mauvaise exécution de la prestation de travail, ne peut être sanctionnée deux fois, par les avertissements puis par le licenciement, o le licenciement étant intervenu en novembre 2008, alors que le dernier avertissement remonte au mois d'octobre 2008, il n'a pas disposé du temps nécessaire pour remédier à la situation, o le site connaissait des problèmes bactériologiques récurrents, qui lui étaient inhérents, ainsi que le directeur des opérations de la société TFN l'a reconnu lors de l'audience de conciliation, o il était obligé de faire avec un nombre insuffisant de produits détergents, ce dont son employeur était parfaitement informé,- la réalité est que la société TFN souhaitait le licencier, ce qui se déduit, selon lui de : o la succession, dans un bref délai, des avertissements et du licenciement, o l'incohérence de la procédure, un fait sur la semaine 37, soit au cours de la semaine du 8 septembre 2008, étant l'un des griefs fondateurs du licenciement, alors même qu'un avertissement lui a été infligé, postérieurement au dit fait, le 13 octobre 2008, o les termes de la lettre de licenciement, qui sont directement contredits par les déclarations du représentant de la société lors de l'audience de conciliation, déclarations qui jettent le doute quant à savoir si les reproches faits le sont par rapport à sa fonction de chef d'équipe ou non.
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À l'audience, reprenant oralement ses conclusions écrites déposées le même jour, ici expressément visées et auxquelles il convient aussi de se reporter, la société TFN propreté Ouest, venant aux droits de la société Technique française du nettoyage, sollicite la confirmation du jugement déféré et que M. Emerick X... soit condamné aux entiers dépens.
Elle réplique que :- M. Emerick X... a toujours été affecté sur le site France champignon,- contrairement à ses dires, il n'a pas contesté les deux avertissements qui lui ont été délivrés, les faits motivant ces derniers étant établis,- quant au licenciement o les griefs reprochés à ce titre n'ont pas été sanctionnés par les précédents avertissements, o M. Emerick X... ne peut se constituer, ainsi qu'il le fait, une preuve à lui-même, o les faits sont là encore établis, et alors que M. Emerick X..., qui avait déjà été averti à deux reprises pour les mêmes problèmes, n'a pas modifié son comportement.
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M. Emerick X... devait justifier avant le 11 novembre 2011 de sa situation à la suite du licenciement, ce qu'il a fait le 18 octobre 2011, indiquant dans son courrier de transmission de ses pièces à la cour qu'il communiquait copie à la TFN propreté Ouest. Or, cette dernière, dans un fax à la cour du 21 novembre 2011, a indiqué que M. Emerick X... n'avait toujours pas justifié de sa situation. Faute que la preuve soit rapportée du respect du principe du contradictoire, les pièces adressées par M. Emerick X... ne pourront être retenues.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'avertissement du 31 juillet 2008
La société Technique française du nettoyage (TFN) a notifié le 31 juillet 2008 à M. Emerick X... l'avertissement ci-après : " Notre client France CHAMPIGNONS à DOUE LA. FONTAINE vient de nous faire parvenir un rapport d'audit de nettoyage avec photos concernant le contrôle des prestations du vendredi 25 juillet 2008 (contrôle effectué en votre présence avec Messieurs Z... Patrice et A... Jack). Ce rapport met en évidence un manque flagrant de rigueur au niveau de la prestation. En effet, votre supérieur hiérarchique Monsieur Z... Patrice a constaté l'encrassement de certaines zones, le non nettoyage d'installation et la non vérification de points de surveillance renforcée (parage, zone sous passerelIe, appertisé, éminceuse...)- ligne bac-Tapis Intralox : prestation mal effectuée, présence de Biofilm-laveuse bac : prestation mal effectuée-dalle côté parage : dépôt sur le côté de la dalle, reste important de résidus de matière (champignons) De plus, le client a constaté qu'un robinet au niveau du parage, utilisé lors de la prestation du vendredi 25 Juillet 2008, n'avait pas été correctement refermé ; ce qui a engendré une surconsommation d'eau. Le client et Monsieur Z... Patrice vous avaient pourtant déjà alerté sur le fait qu'il faut être vigilant quant à nos consommations d'eau (bien refermer les robinets après les prestations, ne pas laisser couler l'eau de manière abusive pendant les prestations). Ce rapport démontre donc votre peu de professionnalisme et votre manque d'investissement.
En qualité de Chef d'Equipe, il vous appartient pourtant de faire le nécessaire pour que les prestations soient parfaitement effectuées par vous-même et l'équipe qui est sous votre responsabilité. Votre rôle est aussi de contrôler le respect des procédures mises en place pour le bon déroulement de ces prestations. En tout état de cause, nous nous permettons de vous rappeler l'article 8 du règlement intérieur relatif à l'exécution du travail qui stipule : « 8. 1 Le personnel est tenu de se conformer aux consignes et prescriptions portées à sa connaissance par voie d'affichage ou par notification individuelle et, d'une façon générale, de s'acquitter consciencieusement de la tâche qui lui est confiée et de s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire à la discipline ». Nous ne pouvons donc tolérer plus longtemps votre comportement qui mécontente fortement le client et met en péril notre relation commerciale avec lui. En conséquence, nous versons un 1er avertissement à votre dossier. Nous ne pouvons que vous inviter à améliorer votre attitude et à exécuter l'ensemble des tâches qui vous sont confiées de manière plus sérieuse dans le respect du règlement intérieur. Comptant sur votre professionnalisme afin que ces événements ne se reproduisent pas ". Cet avertissement fait suite à un mail en date du 29 juillet 2008, envoyé par le responsable production de la société France champignon, usine de Doué la Fontaine, à la société TFN, accompagné d'un rapport d'audit du 26 juillet 2008. Le courriel est le suivant : " Secteurs : Parage/ Surgelé/ Appertisé Audit du 26 juillet 2008
Appréciation générale : Cet audit a mis en évidence une dérive au niveau de la prestation puisque nous avons constaté l'encrassement de certaines zones, le non nettoyage d'installation et la non vérification de points de surveillance renforcée que nous vous avions signalés : parage : zone sous passerelle ; appertisé : éminceuse ;... De plus, dans votre revue « Service gagnant " été 2008, TFN annonce en page 13 que le nettoyage rime avec protection de la planète, or samedi matin, nous avons constaté qu'un robinet utilisé lors de la prestation du vendredi n'avait pas été correctement refermé. II est temps de mettre en adéquation les valeurs du groupe TFN avec les pratiques de nettoyage au sein de notre usine afin de réduire la consommation d'eau. Merci d'étudier très sérieusement une solution technique pour adapter des embouts sur les tuyaux en adéquation avec l'efficacité de nettoyage et les économies d'eau. Nous vous demandons de tout mettre en œ uvre pour corriger les points qui doivent l'être et de mettre en place un suivi quotidien de la conformité de la prestation.
- ci après le détail des points de rattrapage et de surveillance pour assurer la conformité de la prestation ". L'audit, réalisé dans les secteurs parage, surgelé et appertisé, a porté sur quarante et un points de contrôle avec constations écrites et photographies à l'appui, action préconisée dans chaque cas et délai de réalisation pour chaque action par la société TFN, précisé comme " immédiat ", hormis sur les " dépalettiseurs-gouttière, murs et dessus de vestiaire encrassés- " assortis de la mention " à prévoir ".
Le code du travail permet au juge d'exercer un contrôle sur la sanction disciplinaire que prononce l'employeur, via son article L. 1333-1, aux termes duquel : " En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ".
La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, fait imputable au salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
M. Emerick X... ne conteste pas que les secteurs de l'usine sur lesquels a porté l'audit soient des secteurs placés sous sa compétence. Et, sauf une forme de " pétition " en sa faveur, qu'il a rédigée le 25 novembre 2008, soit le lendemain de son licenciement, intitulée " Procédure des circuits ", et qu'il a fait signer par quatre autres salariés de la société TFN, il n'a pas d'autres pièces à fournir pour dénier ou, à tout le moins relativiser, les constatations faites. Or, ces constatations révèlent des manquements sérieux au plan des tâches de nettoyage à accomplir, puisque sont notés à divers endroits soumis à nettoyage la présence encore de terre, de sable, de résidus de champignons, d'un dépôt gras, de " biofilm ", de matière, ainsi qu'un encrassement pouvant être important...
M. Emerick X... écrivait, quant à lui, le 25 novembre 2008 : " Je soussigné M X... avoir bien respecter les procédures des circuits avec un dosage produit Comme prévus des la procédure et l avoir fait tout les jours, en se qui consterne les mauvais résultat. J ai essayer de faire des opération coue de point qui on été sens effet j en es fait part a mon supérieur qui non toujours pas trouver de solution. Mes depuis les 3 dernière semaine les résultat sont en amélioration. Je fait suivre les signatures de mon personnel pour faire appuie en temp que preuve de mon travaille, Se sont des personnes qui me voient faire la mise en circuit et le bon fonctionnement de la procédure ".
Outre que cet écrit apparaît en relation avec les griefs contenus dans la lettre de licenciement et non avec ceux à l'appui de l'avertissement, nul ne peut, non plus, conformément à l'article 1315 du code civil, se constituer une preuve à lui-même.
Dans ces conditions, l'avertissement infligé par la société TFN à M. Emerick X... le 31 juillet 2008 est fondé et, M. Emerick X... doit être débouté de sa demande d'annulation.
Sur l'avertissement du 13 octobre 2008
La société Technique française du nettoyage (TFN) a notifié le 13 octobre 2008 à M. Emerick X... l'avertissement ci-après : " En date du 24 septembre 2008, nous vous avons convoqué à entretien en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire.
En effet, en date du 27 août 2008, une nouvelle fois notre client France Champignon à DOUE LA FONTAINE se plaint d'une nouvelle dégradation d'éléments de la machine ISHIDA, machine dont le nettoyage fait partie intégrante de votre prestation. À plusieurs reprises, nous vous avons alerté verbalement sur cet état de faits. En tout état de cause, nous nous permettons de vous rappeler l'article 8 du règlement intérieur relatif à l'exécution du travail qui stipule : « 8. 1 Le personnel est tenu de se conformer aux consignes et prescriptions portées à sa connaissance par voie d'affichage ou par notification individuelle et, d'une façon générale, de s'acquitter consciencieusement de la tâche qui lui est confiée et de s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire à la discipline ». Nous ne pouvons donc tolérer plus longtemps votre comportement qui mécontente fortement le client et met en péril notre relation commerciale avec lui. En conséquence, nous versons un 2ème avertissement à votre dossier. Nous ne pouvons que vous inviter à améliorer votre attitude et à exécuter l'ensemble des tâches qui vous sont confiées de manière plus sérieuse dans le respect du règlement intérieur. Comptant sur votre professionnalisme afin que ces événements ne se reproduisent pas ".
Cet avertissement fait suite à un mail en date du 27 août 2008 du responsable production de la société France champignon, usine de Doué la Fontaine, à la société TFN. Le courriel est le suivant : " Objet : RE : Prestation TFN... La dégradation du matériel de l'atelier surgelé continue. En semaine 34 une benne d'lshida a encore été tordue ce qui a empêché la mise en fonctionnement de la machine au démarrage de l'atelier.
Je veux que l'on m'explique ! Nous avons signalé cet incident dans le cahier de liaison. La réponse du chef d'équipe a été d'écrire qu'II n'avait rien constaté. En résumé : 1) nous produisons jusqu'en fin de journée sans avoir de pb de fonctionnement sur nos Ishidas, 2) au démarrage le matin une Ishida ne démarre pas pour cause d'une benne faussée, 3) Réponse du chef d'équipe : « Je ne comprends pas, absolument aucune benne tombée ou choquée. Hier soir fait par moi-même. Nous faisons attention. " En conclusion : la seule intervention entre la fin de prod du soir et le commencement le lendemain matin est le nettoyage, donc cela laisse supposer que la dégradation du matériel a lieu au cours du nettoyage. Merci de faire en sorte que cette dégradation soit la dernière ".
À l'issue, M. Emerick X... avait été convoqué, pour éventuelle sanction disciplinaire, initialement au 15 septembre 2008, convocation reportée au 24 suivant à sa demande du fait d'une panne de voiture.
Ce mail du 27 août 2008 vient en écho à un précédent courriel, en date cette fois du 18 juillet 2008, toujours du responsable production de la société France champignon, usine de Doué la Fontaine, à la société TFN, rédigé comme suit : " Objet : Prestation TFN... Ci joint 2 réclamations récentes... Une, concerne une benne Ishida fortement détériorée dont nous allons devoir vous facturer le remplacement et l'autre, le constat inadmissible fait sur l'état de l'atelier de parage mardi 15/ 07 au démarrage de celui-ci. Cela met en évidence les remarques que je vous ai faites lors de notre réunion du 01/ 07/ 08 à Beaufort. En effet, nous constatons de plus en plus de dégradations de matériel par votre personnel et une irrégularité des prestations pouvant aller jusqu'à l'inadmissible. La cause de ceci est que vous n'avez pas le personnel adapté (en nombre et/ ou en qualité) permettant de suivre les opérateurs sur le terrains et de s'assurer que le travail est bien fait. Je vous demande donc de tenir compte de mes remarques et de faire en sorte que ce type de problèmes ne se renouvelle pas ".
Outre ces mails, la société TFN produit des attestations de ses salariés, M. Z..., chef de secteur, et M. A..., son adjoint. Le premier indique : " depuis la prise de fonctions de Mr X... en tant que chef d'équipe, sur le site france champignon de Doué la fontaine, j'ai été amené à plusieurs reprise à reprendre celui-ci quant la qualité de ces prestations... casse matériel sur la machine ischida (godets détériorés)... A chaque remarque de ma part celui-ci répondait qu'il ne comprenait pas, sachant que ces remarques ne concernaient essentiellement que son secteur d'intervention... ". Le second précise : " j'ai constaté en date du 27/ 08/ 2008 que les godet de la machine Ischida avaient été abîmés après la prestation de Monsieur X...... ".
Il résulte clairement des termes de l'avertissement que la société TFN n'a entendu sanctionner M. Emerick X... que du chef des faits dénoncés le 27 août 2008 par la société France champignon, sur son usine de Doué la Fontaine. Le courriel de la société France champignon ne vise pas de date précise par rapport à ces faits de détérioration d'une machine Ishida, situant simplement ceux-ci en semaine 34, soit au cours de la semaine allant du 18 au 24 août 2008.
Dès lors, la société France champignon procédant par voie d'affirmation quant au fait que les détériorations dont elle se plaint sont de la responsabilité du personnel de la société TFN et non de son personnel, d'autant que l'on ignore la date à laquelle elle les a constatées, hormis qu'elles sont antérieures au 27 août 2008 et s'inscrivent dans un laps de temps d'une semaine, du 18 au 24 août 2008, et alors que les témoignages des supérieurs hiérarchiques de M. Emerick X... sur le site ne sont, pour le premier aucunement circonstancié sur " la casse du matériel " évoquée et si elle s'est produite au cours de la semaine considérée, et pour le second non crédible puisque désignant M. Emerick X... en tant que responsable de cette " casse " datant du 27 août 2008, alors que la société cliente dit elle-même qu'elle est antérieure, l'avertissement prononcé n'apparaît pas fondé. La sanction étant injustifiée doit être en conséquence, en application de l'article L. 1333-2 du code du travail, annulée.
Sur le licenciement
Conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure.
Les termes de cette missive, en date ici du 24 novembre 2008, fixant les limites du litige, elle sera reprise ci-après :
" Nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec AR datée du 28 octobre 2008 pour un entretien le 12 novembre 2008 à 9H00 en vue d'un éventuel licenciement. " Vous vous êtes présenté à cet entretien assisté de votre Délégué du Personnel et représentant syndical CFDT Monsieur José B... et, nous vous avons exposé les motifs de cette convocation, à savoir : Non respect de vos obligations contractuelles en tant que Chef d'Equipe, sur le respect des règles d'hygiènes mises en place sur le site France Champignon Doué la Fontaine Semaine 37- il a été constaté que l'eau des cuiseurs était catastrophique, la cause est manifestement le non respect total des bonnes pratiques de nettoyage, une nouvelle dégradation des eaux des laveurs, ainsi que la dégradation au surgelé et appertisé ont été constaté. Semaine 43- Les résultats bactériologiques sur l'eau des laveurs, ainsi que sur le circuit pied étaient non conformes. L'eau de trempage s'est dégradée, et les résultats l'eau des cuiseurs se sont dégradés en octobre 2008. La gravité de ces résultats concerne 3 points sensibles du process qui aurait dû être maîtrisé. En effet, depuis maintenant plusieurs mois, nous vous avons alerté sur les mauvais résultats bactériologiques du site France Champignon à DOUE LA FONTAINE, mettant en péril la sécurité alimentaire des produits de notre client. Malheureusement, votre comportement n'a pas changé malgré les deux avertissements versés à votre dossier en date des 31 juillet 2008 et 13 octobre 2008. Ces éléments ne nous permettent pas de considérer votre collaboration conforme à vos obligations contractuelles. En conséquence, nous sommes dans l'obligation de devoir nous séparer de vous et vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis... ".
Ces griefs sont la reproduction de ceux contenus dans les mails des 19 septembre et 28 octobre 2008 du responsable management qualité de la société France champignon, usine de Doué la Fontaine, à la société TFN. Ils seront détaillés ci-dessous :- courriel du 19 septembre 2008- " Objet : Résultats bactério S37 Vous trouverez ci-joint les résultats bactério de la semaine 37 Constats :- eau des cuiseurs : catastrophiques (la cause est manifestement le non respect total des bonnes pratiques de nettoyage) (et sur un point maintes fois signalé comme sensible)- eau des laveurs : nouvelle dégradation-lames de contact : dégradation au surgelé + appertisé (3 indénombrables) Je ne trouve plus les mots pour vous demander encore une fois des actions correctives efficaces mais surtout qui se maintiennent dans la durée ",- courriel du 28 octobre 2008- " Objet : Résultats bactério S43 Vous trouverez ci-joint les résultats bactério de la semaine 43 (Analyse des eaux + lames de contact). Les résultats bactério sur l'eau des laveurs de la semaine 43 ainsi que sur le circuit pied sont toujours non conformes. Et nous n'obtenons toujours pas les résultats attendus. L'eau de trempage surgelé s'est dégradée. Les résultats sur l'eau des cuiseurs se sont dégradés en octobre et sont revenus à des niveaux proches de ceux du mois d'août. Je vous rappelle la gravité de ces résultats. Ils concernent 3 points sensibles de notre process qui doivent être maîtrisés. Lors de notre rencontre Jeudi 30/ 10, je vous demande de me présenter un plan d'action pour chacun de ces points... Comptant sur votre réactivité ".
Si, M. Emerick X... excipe de la règle " non bis in idem " pour dire que ces faits ne sont pas susceptibles de sanction, puisque consécutifs d'une mauvaise exécution de sa prestation de travail au sens large, déjà sanctionnée, ce raisonnement ne peut aboutir. En effet, si un même fait ne peut justifier successivement deux mesures disciplinaires, les faits invoqués par la société TFN au soutien des avertissements des 31 juillet 2008 et 13 octobre 2008, comme du licenciement du 24 novembre 2008, sont des faits distincts. Tous ont trait évidemment, l'on peut dire par nature du fait qu'un licenciement disciplinaire sanctionne la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, à l'exécution de la prestation de travail de M. Emerick X... pour la société TFN. Parler dans ce cas de non-cumul des sanctions aboutirait à un non-sens et, d'autant plus eu égard à la nécessité de motivation que l'article L. 1232-6 du code du travail fait peser sur l'employeur, ce dernier se devant d'énoncer dans la lettre de licenciement des motifs précis, c'est à dire matériellement vérifiables. Parler, de manière générique, d'une " mauvaise exécution de la prestation de travail " reviendrait pour l'employeur à risquer que le licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'une motivation insuffisante équivalant à une absence de motifs.
Par ailleurs, le fait que le délai laissé entre les avertissements et le licenciement aurait été trop bref pour que M. Emerick X... puisse remédier à la situation selon ce que celui-ci soulève, et que donc le licenciement, pour cette seule raison, ne serait pas non plus fondé, n'apparaît pas plus recevable. M. Emerick X... avait pris, en effet, ses fonctions de chef d'équipe, au sein de l'usine de la société France champignon, à Doué la Fontaine, le 18 février 2008 et avait eu trois mois afin de faire ses preuves, les faits qui lui sont reprochés étant postérieurs à cette période. Or, des propos-mêmes de M. Emerick X... celui-ci était au fait des tâches qu'il devait remplir et des procédures selon lesquelles celles-ci devaient être menées, comme les griefs opposés par la lettre de licenciement n'étaient pas pour lui un problème nouveau qu'il découvrait et sur lequel du temps lui aurait été nécessaire afin d'y apporter réponse. M. Emerick X... ne sera, en conséquence, pas plus suivi dans son raisonnement que précédemment. Cependant, on l'a dit, la faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention volontaire imputable au salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La société TFN a appris le 19 septembre 2008 que les analyses bactériologiques pratiquées sur le site de Doué la Fontaine de la société France champignon pour la semaine allant du 8 au 14 septembre 2008 étaient mauvaises et, le 28 octobre 2008 que celles menées pour la semaine allant du 20 au 26 octobre 2010 étaient également mauvaises.
Dès lors, la société TFN, au moment où elle a reconvoqué M. Emerick X... à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction le 24 septembre 2008, connaissait depuis cinq jours, les faits potentiellement fautifs à son encontre au titre de la semaine du 8 au 14 septembre. Choisissant de prononcer, le 13 octobre 2008, un avertissement envers M. Emerick X..., sur les faits qui se seraient produits sur la semaine du 18 au 24 août 2008 qui lui avaient été rapportés par la société France champignon le 27 août 2008, elle a, par là-même, épuisé son pouvoir disciplinaire quant aux faits sur la semaine du 8 au 14 septembre 2008 et ne peut invoquer ces derniers en tant que grief fondant le licenciement de M. Emerick X....
Reste, par conséquent, à examiner les faits concernant la semaine du 20 au 26 octobre 2010. Le représentant de la société TFN, au cours de l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes qui s'est déroulée le 9 mars 2009, a déclaré : " Nous reconnaissons qu'il y a régulièrement des problèmes bactériens sur ce site ". Outre que d'une telle formulation, il est permis de conclure que les problèmes bactériologiques qui affectaient l'usine de la société France champignon, à Doué la Fontaine, n'ont pas cessé après le licenciement de M. Emerick X..., il en résulte également qu'il s'agit là d'un problème ancien, dont la société TFN était parfaitement informée. De là donc à les imputer à M. Emerick X... pour la semaine considérée, encore faudrait-il que la société TFN démontre en quoi les agissements de M. Emerick X..., cette semaine-là, seraient effectivement à l'origine des difficultés relevées. La circonstance que M. Emerick X... a été l'objet de deux avertissements antérieurs, dont l'un a été annulé par la cour, n'autorisait pas la société TFN à en déduire que les mauvais résultats des analyses bactériologiques réalisées au cours de la semaine du 20 au 26 octobre 2010 étaient imputables à sa faute. Ce n'est que si la réalité du grief invoqué par l'employeur pour licencier le salarié est établi, que l'employeur est autorisé à rappeler, afin de déterminer la sanction la plus adéquate, les précédents disciplinaires du dit salarié.
Il convient de relever en outre que la société France champignon, usine de Doué la Fontaine, avait bien pointé, dès le 18 juillet 2008, à la société TFN ses propres carences dans les problèmes d'exécution de la prestation de travail qu'elle observait sur son site ; elle écrivait à l'entreprise : " La cause de ceci est que vous n'avez pas le personnel adapté (en nombre et/ ou en qualité) permettant de suivre les opérateurs sur le terrains et de s'assurer que le travail est bien fait ". Ces propos corroborent l'insuffisance de moyens fournis à M. X... et l'employeur ne saurait donc imputer à un salarié sa propre absence de réponse (s) adaptée (s) aux problèmes rencontrés.
Dès lors, la société TFN ayant épuisé son pouvoir disciplinaire quant au premier grief que comporte la lettre de licenciement et, ne démontrant pas la réalité du second grief, le licenciement de M. Emerick X... qu'elle a prononcé est sans cause réelle et sérieuse. La décision de première instance doit être infirmée sur ce point.
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L'article L. 1235-3 du code du travail, applicable en l'espèce vu l'ancienneté de M. Emerick X... au sein de la société TFN et l'effectif salarié de cette dernière, dispose : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise... Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ".
C'est bien la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail qui est à considérer comme base d'indemnité minimale. L'éventuel surcroît relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
M. Emerick X... était âgé de 30 ans et comptait sept ans, quatre mois et vingt jours d'ancienneté lorsqu'il a été licencié. De ses déclarations à l'audience, il résulte qu'il a fini par retrouver du travail dans une pâtisserie industrielle, dans la production.
Dans ces conditions, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à la somme de 19 347 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la société TFN propreté Ouest, qui vient aux droits de la société TFN, sera condamnée à verser à M. Emerick X....
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Il devra, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, être ordonné le remboursement au Pôle emploi des allocations de chômage que ces services ont été dans l'obligation de débourser pour M. Emerick X..., du licenciement à ce jour, dans la limite de cinq mois. Sur les frais et dépens
La décision de première instance sera infirmée quant aux frais et dépens, la société TFN propreté Ouest étant condamnée à verser à M. Emerick X... 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Quant aux frais irrépétibles d'appel, la société TFN propreté Ouest sera condamnée à verser à M. Emerick X... 1 000 euros à ce titre et sera tenue aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. Emerick X... par la société TFN est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société TFN propreté Ouest, venant aux droits de la société TFN, à verser à M. Emerick X... 19 347 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société TFN propreté Ouest à verser à M. Emerick X... 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance,
Condamne la société TFN propreté Ouest aux dépens de première instance,
Ajoutant au jugement déféré,
Déboute M. Emerick X... de sa demande d'annulation de l'avertissement prononcé par la société TFN à son encontre le 31 juillet 2008,
Annule l'avertissement prononcé par la société TFN à l'encontre de M. Emerick X... le 13 octobre 2008,
Condamne la société TFN propreté Ouest à verser à M. Emerick X... 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société TFN propreté Ouest aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL