COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 13 Décembre 2011
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01060. Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 09 Avril 2010, enregistrée sous le no 09/ 00423
APPELANTE :
Mademoiselle Christelle X...... 72000 LE MANS
présente, assistée de Maître Marc DUMOULIN, avocat au barreau de BLOIS
INTIMEE :
S. A. R. L. SNEG 2 rue de la Pointe ZA de la Vèquerie 72700 SPAY
représentée par Maître Gildas BONRAISIN (SELARL Juri Ouest) avocat au barreau du MANS, en présence de Monsieur Christophe LOPEZ, gérant,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 13 Décembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Melle Christelle X... est entrée au service la société SNEG sous contrat de travail a durée indéterminée du 2 janvier 2002 en qualité de Responsable d'Exploitation, statut Cadre, classée CA II, coefficient 470, au regard de la grille de classification de la Convention Collective Nationale de la Propreté.
Préalablement à la date du 2 janvier 2002 Melle Christelle X... a été gérante et associée égalitaire (250 parts sur 500) de la société Ramonage Nettoyage Traitement de matériaux (RNT) dont les associés ont cédé la totalité de leurs parts sociales à la sarl Société de Nettoyage et d'Entretien Général (SNEG), par acte de cession du 3 janvier 2002.
Elle a été licenciée pour motif économique le 11 mai 2009 après un entretien préalable du 27 avril 2009.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour obtenir la condamnation de la société SNEG des chefs de demande suivants :
- obligation de non concurrence : 18 000, 00 €- complément d'indemnité de licenciement : 6 331, 01 €- dommages et intérêts pour licenciement abusif : 67 222, 00 €- dommages et intérêts pour harcèlement : 67 222, 00 €- Indemnité de congés payés pour fractionnement : 969, 18 €- rappel de salaire (une journée en mai 2009) : 161, 53 €- article 700 du CPC : 3 000, 00 €
Par jugement du 9 avril 2010 le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit Melle Christelle X... uniquement fondée en sa demande relative à la clause de non concurrence,
- en conséquence, condamné la sarl SNEG. à verser à Melle Christelle X... la somme de 18. 000 € (dix huit mille euros) au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ;
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal a compter du jour de la saisine du Conseil de Prud ‘ hommes ;
- condamné la sarl SNEG à verser à Melle Christelle X... la somme de 1. 000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté Melle Christelle X... du surplus de ses demandes ;
- débouté la sarl SNEG de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné la sarl SNEG aux entiers dépens.
La décision a été notifiée le 13 avril 2010 à la sarl SNEG et le 17 avril 2010 à Melle Christelle X... qui en a fait appel par lettre postée le 20 avril 2010.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Melle Christelle X... demande à la cour par observations orales reprenant sans ajout ni retrait ses écritures, de confirmer le jugement déféré sur la contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes, et de l'infirmer pour le surplus ; statuant à nouveau, de :
- requalifier le licenciement pour motif économique en licenciement abusif.
- condamner la sarl SNEG à lui payer en conséquence la somme de 67 222 € à titre de dommages et intérêts.
- condamner la sarl SNEG à lui payer la somme de 67 222 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou pour le moins manquements graves aux obligations contractuelles de l'employeur.
- condamner la sarl SNEG à lui payer la somme de 6331, 01 € à titre de complément d'indemnité de licenciement.
- condamner la sarl SNEG à lui payer la somme de 969, 18 € à titre de rappel de salaire (congés supplémentaires pour fractionnement).
- condamner la sarl SNEG à lui payer la somme de 161, 53 € à titre de rappel de salaire pour une journée de mai 2009 ;
- ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 15 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant le prononcé du délibéré.
- condamner la sarl SNEG au paiement des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine sur l'ensemble des sommes.
- condamner la sarl SNEG à payer à Melle Christelle X... la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Melle Christelle X... soutient :
¤ sur la contrepartie financière à l'obligation de non concurrence :
- que l'obligation de non-concurrence était visée à l'article 9 du contrat de travail du 2 janvier 2002 mais sans contrepartie financière, celle-ci ayant été ajoutée par avenant du 5 mai 2003 à raison de 1500 € pendant 12 mois ; que la sarl SNEG n'a pas libéré la salariée de l'obligation de non-concurrence dans la lettre de licenciement du 11 mai 2009, mais seulement par courrier du 11 septembre 2009, après saisine du conseil de prud'hommes d'Angers, et tenue de l'audience de conciliation, au cours de laquelle la demande a été formulée ; que ce courrier était inopérant comme tardif, la contrepartie financière devant être versée à la date de la lettre de licenciement puisque l'envoi de celle-ci formalise la résiliation du contrat de travail par l'employeur ; que la jurisprudence invoquée par la sarl SNEG sur le délai raisonnable laissé à l'employeur pour libérer le salarié de l'obligation concerne le cas d'une prise d'acte et non celui du licenciement.
¤ sur le complément de l'indemnité de licenciement :
- que son ancienneté doit être prise en compte à partir du 4 juillet 1996 puisqu'elle a été de cette date, jusqu'au 1er janvier 1998, salariée de RNT comme chef d'exploitation, puis du 2 janvier 1998 au 1er janvier 2002 à la fois salariée et gérante non majoritaire de RNT, ce qui a maintenu l'existence du contrat de travail ; qu'il n'est pas significatif qu'un contrat de travail ait été signé avec la sarl SNEG plutôt qu'un avenant puisque la sarl SNEG a repris les droits à congés payés de Melle X... qui a bénéficié de 30 jours entre septembre 2002 et mai 2003 ; que la sarl SNEG a bien en réalité repris Melle Christelle X... avec les mêmes conditions d'emploi et les mêmes conditions de rémunération ; que l'ancienneté a donc été de 13 ans et 2 mois, ce qui laisse encore due la somme de 6331, 01 €, ou subsidiairement de 9 ans et 2 mois, (en excluant la période de gérance de 1998 à 2002) ce qui laisse du un montant d'indemnité de 1222, 15 €.
¤ Sur le licenciement abusif :
- que l'activité de la sarl SNEG a progressé de 2005 à 2008 et que l'entreprise a en fait surestimé ses objectifs, qui n'ont pas été réalisés en 2007/ 2008, ceci sans que les difficultés économiques soient avérées ; que le résultat moindre a été dû à une mauvaise gestion et à une mauvaise implantation sur l'agence de Caen, avec des frais de fonctionnement importants.
- que le poste de chef d'exploitation est un poste unique, essentiel pour l'entreprise et que Melle Christelle X... l'a tenu de façon exclusive jusqu'au 30 septembre 2008, date à laquelle elle a été écartée de l'exploitation et cantonnée à des missions de ressources humaines tandis qu'un nouveau responsable d'exploitation était nommé en ses lieu et place, en la personne de M. Y..., embauché à temps complet à compter du 1er avril 2008 ; qu'à partir de 2009 Melle Christelle X... a été chargée de la gestion de dossiers ponctuels comme la saisie de feuilles d'heures ou la mise en place de tableaux, missions habituellement confiées à une secrétaire ; qu'après avoir eu une activité très dynamique avec une grande présence sur le terrain elle s'est retrouvée sédentarisée dans un bureau ; que la sarl SNEG a cherché même à la licencier pour faute grave, en lui donnant des instructions qui lésaient les clients, mais que Melle Christelle X... n'a pas exécutées ; qu'il a fallu finalement, Melle Christelle X... n'ayant pas " craqué ", " organiser un licenciement collectif pour motif économique en évoquant une restructuration du service ressources humaines et recouvrement, ceci n'étant que " fumée et simple construction " ; que la sarl SNEG a maintenu aussi la fonction de ressources humaines, en embauchant par contrat à durée indéterminée du 2 mars 2009 Melle Virginie Z... qui est entrée dans l'entreprise le 15 mars 2009, juste après la dispense de préavis de Melle Christelle X... de trois mois.
- que le reclassement n'a pas été recherché en ce que la proposition d'un poste uniquement intitulé : paye/ recouvrement, faite à Melle Christelle X... a été tardive et non sérieuse, l'entreprise ayant du fait de ses effectifs (200 personnes) besoin d'un agent de maîtrise à temps complet pour gérer les ressources humaines ; que Melle Z... est bien intitulée sur l'organigramme social du 7 juillet 2009 " RH PAYE ".
¤ sur l'ordre des licenciements :
- que l'employeur a bien respecté les formes dans la fixation des critères, et consulté les représentants du personnel mais qu'il faut examiner ces critères dans le cadre d'une " stratégie globale pour évincer Melle Christelle X... " ; que le critère du nombre d'enfants à charge a été privilégié, ce qui a été déterminant pour conserver M. Y... mais n'est pas habituel dans une entreprise en difficulté ; que l'ancienneté de Melle Christelle X... n'a pas été totalement prise en compte et que l'appréciation des qualités professionnelles au sens de la polyvalence ne repose pas sur des bases objectives.
¤ Sur le harcèlement moral et l'exécution déloyale du contrat de travail :
- que les fonctions de Melle Christelle X... ont été modifiées unilatéralement par l'employeur qui l'a progressivement privée de toute responsabilité et l'a isolée, manquant à son obligation de loyauté et abusant de son pouvoir.
¤ Sur les congés payés supplémentaires pour fractionnement :
- que Melle Christelle X... ne pouvait pas prendre ses congés pendant la période du 31 mai au 31 octobre car elle était, jusqu'en avril 2008, seule responsable d'exploitation ; qu'elle justifie de la prise de congés en dehors de ces périodes, et qu'elle n'a jamais renoncé de façon expresse à ses jours de fractionnement ; que l'employeur aurait dû spontanément les porter au crédit de son bulletin de paie, sans qu'elle ait à les réclamer.
¤ Sur le rappel de salaire d'une journée :
- que la sarl SNEG a reconnu son erreur par lettre du 19 juin 2009 mais n'a pas fait la régularisation.
La sarl SNEG demande à la cour par observations orales reprenant sans ajout ni retrait ses écritures de :
- infirmer Ie jugement rendu par Ie conseil de prud'hommes du MANS en ce qu''il a condamné la société SNEG à verser à Melle X... la somme de 18 000 € en valeur brute au titre de contrepartie financière au respect de la clause de non concurrence post contractuelle.
- en conséquence, condamner Mademoiselle Christelle X... à rembourser la somme de 14 000 € lui ayant été versée par la société SNEG au titre de I'exécution partielle de cette condamnation.
- confirmer Ie jugement rendu par Ie conseil de prud'Hommes du MANS en ce qu'il a débouté Melle Christelle X... de ses autres demandes.
- condamner Melle Christelle X... à payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Melle Christelle X... aux entiers dépens.
La sarl SNEG soutient :
¤ sur la contrepartie financière à l'obligation de non concurrence :
- qu'il ne faut pas se placer, pour apprécier le moment de la levée de l'obligation de non-concurrence, au moment de la notification de la rupture du contrat de travail, c'est-à-dire au 11 mai 2009, mais au moment de la rupture effective de la relation contractuelle entre les parties soit au terme du préavis et donc le 28 août 2009 ; que le code du travail ne prévoit aucun délai, le contrat de travail et la convention collective non plus ; que la jurisprudence retient la notion de " délai raisonnable " ; que la correspondance du 11 septembre 2009 valant levée de la clause de non concurrence post contractuelle est donc intervenue dans un délai " plus que raisonnable " après la rupture effective de la relation de travail.
¤ sur le complément de l'indemnité de licenciement :
- qu'au vu de l'annexe à la convention de garantie d'actif et de passif signée le 3 janvier 2002 entre la société RNT et la société SNEG, Melle Christelle X... n'était pas inscrite à l'effectif de la société RNT ; qu'elle était gérante et associée minoritaire et dès lors gérante salariée au sens de la sécurité sociale mais non pas salariée titulaire d'un contrat de travail ; que son bulletin de salaire de décembre 2001 ne fait apparaître aucune cotisation d'assurance chômage ; que le fait que les bulletins de paie remis à compter de janvier 2002 portent mention d'une entrée dans la profession au 4 juillet 1996 résulte d'une obligation d'information en application de la convention collective de la propreté ; que c'est donc bien la date du 2 janvier 2002 qui doit être retenue pour le calcul de l'indemnité de licenciement.
¤ Sur le licenciement abusif :
- que les accusations de Melle Christelle X... consistant à dire que la sarl SNEG a organisé un licenciement collectif pour motif économique dans le but de réaliser son licenciement individuel sont pure affabulation et qu'elle ne les étayent pas ; que la lettre de licenciement mentionne bien le motif économique, ses conséquences sur l'emploi de la salariée et l'offre de reclassement qui lui est faite ; que le comité d'entreprise comme la direction départementale du travail et de l'emploi ont été informés ; que c'est sur la base d'indicateurs économiques en progression, constatés au 30 septembre 2006, que la sarl SNEG avait proposé à Melle Christelle X..., dans le cadre de sa mission de chef d'exploitation, de privilégier la fonction " ressources humaines ", en promouvant parallèlement M. Y..., alors chef de sites, comme responsable d'exploitation ; que le résultat d'exploitation s'est fortement dégradé au 30 septembre 2008, et encore au 30 septembre 2009 ; qu'il était donc urgent au printemps 2009 d'effectuer une réorganisation permettant de réduire les charges d'exploitation ; que le poste de Melle Christelle X... a bien été supprimé et Melle Z... engagée, non pas selon le contrat produit par Melle Christelle X..., daté du 2 mars 2009, mais ne portant pas l'en-tête de la sarl SNEG et auquel celle-ci nie toute valeur contractuelle, mais par contrat de travail du 15 mai 2009, en qualité d'assistante administrative et avec prise en charge de la mission paie/ recouvrement qui avait été proposée à Melle Christelle X... à titre de reclassement, sur le poste de Mme A..., laquelle avait le 16 avril 2009 signé un acte de rupture conventionnelle ;
- que la recherche d'un reclassement interne a été faite, mais le poste proposé refusé par Melle Christelle X..., ainsi qu'une recherche auprès de 4 entreprises de services installées au Mans ; que l'association Proxim'services s'est dite intéressée mais que Melle Christelle X... n'a pas pris de contact avec elle ;
- que le licenciement collectif intégrait une salariée protégée ce qui a obligé l'employeur à solliciter l'autorisation de l'inspection du travail et que celle-ci l'a donnée, après analyse du motif économique et du reclassement.
¤ sur l'ordre des licenciements :
- que la catégorie professionnelle " service exploitation " regroupait Melle Christelle X... et M. Y... ; que les critères appliqués pour fixer l'ordre de licenciements ont été approuvés par le comité d'entreprise et que la valorisation de chaque critère appartient à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction.
¤ Sur le harcèlement moral :
- que Melle Christelle X... se contente de quelques lignes d'écriture et ne produit aucune pièce pour étayer sa demande ; qu'elle a à contrario continué à bénéficier jusqu'au terme du contrat de travail de la mise à disposition à des fins privées d'un véhicule de la sarl SNEG ;
¤ Sur les congés payés supplémentaires pour fractionnement :
- que Melle Christelle X... ne prouve pas qu'elle ait été empêchée par l'employeur de prendre la totalité de ses congés payés ; qu'en outre le rappel de salaire réclamé au titre des deux jours ouvrables de l'hiver 2002/ 2003 sont prescrits ;
¤ Sur le rappel de salaire d'une journée :
- que Melle Christelle X... ne démontre pas la réalité de la règle qu'elle invoque et qui aurait empêché de décompter plus de 5 samedis par an à titre de congés payés ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la contrepartie financière à l'obligation de non concurrence :
Le contrat de travail du 2 janvier 2002 signé entre Melle Christelle X... et la sarl SNEG contenait à l'article 9 une clause de non concurrence qui a été complétée par avenant du 5 mai 2003 dans ces termes :
" Clause de non concurrence :
En cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, vous vous interdisez de vous intéresser a quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant en tout ou partie une activité semblable ou similaire à celle de la Société.
Cette interdiction est limitée à une durée d'un an à compter de la date de rupture effective du contrat et à la région suivante : SARTHE
Pendant la durée d'interdiction, vous percevrez une contrepartie pécuniaire mensuelle égale a 1 500. 00 €, qui comprendra l'indemnité compensatrice de congés payés.
La Société se réserve la possibilité au moment de la résiliation du contrat de renoncer à I'application de la présente clause de non-concurrence dans Ie délai légal ou conventionnel.
Ces modifications interviendront a compter du 01 juin 2003. "
Ni le contrat de travail donc, ni la convention collective Nationale de la propreté, n'ont prévu une fois la rupture du contrat intervenue, un délai de renonciation par l'employeur à la clause de non concurrence.
Une clause de non-concurrence prévoyant une contrepartie financière est cependant instaurée dans l'intérêt réciproque du salarié et de l'employeur ; si le délai dans lequel l'employeur peut y renoncer n'est fixé ni par la convention collective, ni par le contrat de travail la renonciation de l'employeur doit être formalisée au moment de la rupture, lorsque celle-ci intervient sans exécution du préavis, ou à la date à laquelle le préavis cesse de s'exécuter.
Lorsque le salarié est dispensé d'exécuter son préavis, la clause de non-concurrence le lie dès son départ effectif de l'entreprise ; la renonciation par l'employeur à la clause doit donc intervenir au moment du licenciement pour permettre au salarié, le cas échéant d'entrer, pendant la durée du préavis, au service d'une entreprise concurrente. Il est acquis :- d'une part que la sarl SNEG a adressé le 2 juin 2009 à Melle Christelle X... une lettre lui indiquant qu'elle la dispensait de l'exécution de son préavis, rédigée dans ces termes : " à effet de la date du mardi 12 mai 2009, vous êtes en situation de préavis à hauteur de 3 mois. Vous vous êtes absentée pour cause de congés payés a effet du jeudi 14 mai 2009 inclus jusqu'à la date du lundi 1er juin 2009 inclus, soit l'équivalent de 14 jours ouvrables. Considérant que toute prise de congés payés en cours de préavis suspend ledit préavis et en reporte le terme d'autant, votre préavis de licenciement va venir à terme à la date du vendredi 28 août 2009 au soir. A compter de ce jour, mardi 2 juin 2009, nous vous dispensons de toute activité professionnelle pour le compte de notre société et ce, jusqu'au terme de votre préavis de licenciement ".
Melle Christelle X... a par conséquent été liée par la clause de non-concurrence à compter du 2 juin 2009, sans que la sarl SNEG ne lui notifie sa renonciation, laquelle n'est intervenue que par courrier du 11 septembre 2009, adressé à la salariée après la tenue de l'audience de conciliation devant le conseil de prud'hommes, et après réclamation faite par elle, soit plus de trois mois plus tard.
La renonciation à la clause de non-concurrence par l'employeur a été tardive et le salarié n'a pas, lorsqu'il a respecté l'interdiction de non-concurrence prévue au contrat, ce qui n'est pas contesté, à justifier de l'existence d'un préjudice pour avoir droit à la contrepartie pécuniaire de cette obligation : le jugement du conseil de prud'hommes du Mans est confirmé en ce qu'il a condamné la sarl SNEG à payer à titre de contrepartie financière à Melle Christelle X... la somme prévue contractuellement soit 12 x 1500 € = 18 000 € ;
Sur le complément de l'indemnité de licenciement
Melle Christelle X... a été salariée de la société RNT, du 4 juillet 1996 au 1ER janvier 1998, comme chef d'exploitation, puis à compter du 2 janvier 1998 elle en est devenue la gérante égalitaire, ce jusqu'au 1er janvier 2002.
La loi n'énonce pas d'incompatibilité de principe entre la qualité de gérant de sarl et celle de salarié, et le cumul est par conséquent possible pour les gérants non associés, minoritaires, ou égalitaires, seuls les gérants majoritaires ne se trouvant plus dans une situation de subordination à l'égard de l'entreprise, nécessaire à l'existence d'une relation de travail.
Il appartient cependant à Melle Christelle X... de démontrer qu'elle a sur cette période exercé encore un emploi salarié correspondant à des fonctions distinctes de celles procédant de son mandat de gérante.
Tout en le soutenant, Melle Christelle X... ne produit aucune pièce de nature à démontrer que, quoique gérante égalitaire, les autres associés de R. N. T. étant tous minoritaires, elle est restée dans un lien de subordination à l'égard de l'entreprise.
En outre, ses fonctions de direction de la société R. N. T, compte-tenu de l'effectif modéré de celle-ci, puisque de 17 personnes, ont absorbé ses fonctions salariées de chef d'exploitation, lesquelles contiennent une mission de gestion du personnel, et de gestion des chantiers, missions d'organisation et de surveillance qui n'ont pas un caractère technique tel qu'elles se distinguent clairement des fonctions procédant du mandat social.
Le cumul de l'emploi de chef d'exploitation avec l'exercice du mandat de gérante ne répondant pas aux conditions requises, le contrat de travail s'est trouvé suspendu pendant le temps de l'exercice du mandat, la sarl SNEG ne rapportant pas la preuve qui lui incombe pourtant, ni même ne proposant de démontrer, qu'il ait été mis fin au contrat de travail le 1er janvier 1998.
Les associés de la sarl R. N. T. ont, par acte du 3 janvier 2002, cédé la totalité des parts sociales à la sarl SNEG, ce qui a opéré un transfert d'entreprise dans les termes prévus par l'article L1224-1 du code du travail, l'activité de RNT se poursuivant au sein de la sarl SNEG avec les mêmes moyens d'exploitation et le même effectif.
Le principe du maintien des contrats de travail est énoncé par la directive européenne du 12 mars 2001 et le salarié dont le contrat subsiste avec le nouvel employeur conserve le bénéfice de l'ancienneté acquise au service du précédent.
Il est dès lors sans incidence sur la réalité du transfert du contrat de travail, qu'un contrat plutôt qu'un avenant contractuel ait été signé le 2 janvier 2002 entre Melle Christelle X... et la sarl SNEG.
L'ancienneté de Melle Christelle X... s'établit, du fait du transfert du contrat de travail, à 9 années et 2 mois (la période allant du 4 juillet 1996 au 1er janvier 1998, et la période allant du 2 janvier 2002 au 28 août 2009, la période de suspension du contrat de travail, du 2 janvier 1998 au 1er janvier 2002, excluant la prise en compte de l'ancienneté sur cette durée).
A supposer même qu'un nouveau contrat de travail ait été signé le 2 janvier 2002, il apparaît à la lecture de l'ensemble des bulletins de paie remis par la sarl SNEG à Melle Christelle X... que son ancienneté dans l'emploi de chef d'exploitation a été reprise par l'employeur, qui indique d'ailleurs sur ce point avoir fait application de la convention collective nationale de la propreté, dans les termes et selon les pourcentages fixés par son article 34.
La sarl SNEG, qui a introduit l'ancienneté reprise de Melle Christelle X... dans le calcul de sa rémunération, devait par conséquent de ce fait également l'introduire dans le calcul de l'indemnité de licenciement, dont l'article L1234-9 du code du travail indique qu'elle est " fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail ", et ne peut sans se contredire lui en refuser la prise en compte quant à la durée de sa présence dans l'entreprise au moment de la rupture de la relation de travail.
L'indemnité conventionnelle de licenciement due à Melle Christelle X... s'élève donc, par application des modalités de calcul fixées à l'article R1234-2 du code du travail, à la somme de 7705, 31 € dont un montant de 6483, 16 € lui a déjà été versé : la sarl SNEG doit encore lui payer à ce titre la somme de 1222, 15 €.
Le jugement du conseil de prud'hommes du Mans est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Melle Christelle X....
Sur le licenciement
Aux termes des dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail, " constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusées par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ;
Aux termes de l'article L1233-2 du même code tout licenciement économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et l'article L1233-15 stipule encore que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; fixant les limites du litige, elle doit comporter également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi du salarié licencié.
La lettre de licenciement qui a été notifiée le 11 mai 2009 à Melle Christelle X... est ainsi libellée :
OBJET : Notification licenciement économique
Au terme de son dernier exercice social (30 septembre 2008), la societe SNEG constatait une dégradation alarmante de ses indicateurs économiques dès lors qu'elle relevait :
- un résultat d'exploitation inférieur de quasiment 100 000 € par rapport a celui constaté au titre de l'exercice social précédent,
- un résultat courant avant impôt quasi nul et inférieur de plus de 100000 € par rapport à celui constaté au terme de l'exercice social précédent,
- une situation de pertes financières à hauteur de 18 929 € alors même qu'elle clôturait son exercice social précédent en situation bénéficiaire ;
En terme de chiffre d'affaires, la societe SNEG a pu constater, par comparaison entre les exercices sociaux 2006/ 2007 et 2007/ 2008, une augmentation de l'ordre de 830 000 € des lors qu'elle clôturait son exercice social 2007/ 2008 avec un niveau de chiffre d'affaires à hauteur de 4 715 031 €.
Considérant ses indicateurs économiques constatés au 30 septembre 2007, la société SNEG a structuré son organisation, celle-ci tenant compte de l'existence de son agence principale à Spay outre deux agences commerciales décentralisées, l'une à Rouen l'autre a Caen ;
En ce sens a notamment été mise en fonctionnement une mission ressources humaines que vous avez prise en charge au travers votre poste de Chef d'Exploitation.
La société SNEG a été contrainte de procéder à la fermeture de son agence de CAEN. Parallèlement, ses objectifs de chiffre d'affaires concernant son agence de SPAY ont du être revus à la baisse.
Partant de ce qui précède, elle a procédé à une révision à la baisse de ses objectifs de chiffre d'affaires pour son exercice social 2008/ 2009 (fixation initiale de celui-ci à hauteur de 6 000 000 € revu a la baisse et fixé à 5 000 000 €).
Au 31 mars 2009, la société SNEG constate un chiffre d'affaires pour 6 mois d'exercice à hauteur de 2 384 842 €, situation laissant augurer qu'elle n'atteindra pas son objectif de chiffre d'affaires ainsi fixé à hauteur de 5 000 000 €.
La structuration mise en oeuvre s'avère, au vu de ce qui précède, surdimensionnée, dès lorsqu'elle relève, au titre de l'exercice social 2007/ 2008, une augmentation de ses charges d'exploitation en terme de salaires et charges sociales à hauteur de 685 000 €.
Elle est donc confrontée à une situation de cisaillement entre, d'une part, la dégradation de son volume d'activité mesuré en terme de chiffre d'affaires, d'autre part, un volume de charges d'exploitation, notamment en terme de salaires et charges sociales, trop conséquent.
Elle se doit donc de procéder à une adaptation de la structure de son effectif aux fins de l'adapter à sa situation économique dégradée. En ce sens, la mise en fonctionnement de la mission Ressources Humaines, aux fins d'accompagner son développement envisagé au vu de ses indicateurs économiques constatés a la clôture de son exercice social 2006/ 2007, ne se justifie plus.
Considérant ce qui précède, vous nous voyez contraints de procéder a la suppression de votre poste de travail de Chef d'Exploitation.
Dans le respect de nos obligations en terme de recherche de reclassement, nous vous avons remis, en main propre contre signature, lors de notre entretien s'étant tenu le lundi 27 avril 2009, une correspondance valant offre de reclassement sur un poste de Technicienne Paie/ Recouvrement. Cette offre de reclassement était assortie d'un délai de réflexion venant à terme à la date du mardi 5 mai 2009 au soir. Vous n'y avez pas donné suite. Nous ne disposons pas d'autre offre de reclassement à votre profit. En conséquence de quoi, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour motif d'ordre économique.
A noter que précédemment, comme évoqué lors de la réunion du Comité d'entreprise du 8 avril 2009, nous avons lancé une recherche de reclassement externe auprès de diverses entreprises aux fins de les informer de notre processus de licenciement pour motif d'ordre économique et de les interroger quant à leurs éventuels besoins en terme de recrutement à venir. C'est en ce sens que nous vous remettions en date du 27 avril 2009 copie d'une correspondance que nous recevions de la part de PROXIM'Services en date du 21 avril 2009 ".
Il appartient à l'employeur de justifier de la réalité du motif invoqué comme de celle de la suppression effective du poste du salarié licencié.
Les comptes sociaux arrêtés aux 30 septembre 2006, 30 septembre 2007 et 30 septembre 2008, montrent une progression constante du chiffre d'affaires (3 401 541 € en 2006, 3880 393 € en 2007, 4715 030 € en 2008) mais un résultat d'exploitation qui diminue de 182 670 € à 151 771 € puis à 54 437 € en septembre 2008, ce qui occasionne à la clôture de l'exercice 2007/ 2008 une perte de 18 929 € à mettre en relation avec des charges d'exploitation passées en septembre 2007 de 4 022 359 € à 4 842 034 € en septembre 2008.
Les salaires et traitements sont au sein de ces charges d'exploitation celles qui augmentent le plus significativement ; (1 927 270 €, 2 346 638 €, 2 874 252 €).
La sarl SNEG a exposé cette situation au comité d'entreprise réuni le 2 avril 2009 en indiquant qu'elle avait, sur la base de l'augmentation de chiffre d'affaires observée en septembre 2007, fixé son objectif pour 2008 à un montant de 6 000 000 €, mais n'avait pu l'atteindre, et s'était vu contrainte en conséquence de fermer l'agence de Caen et de réduire sa charge salariale ; que la " mise en fonctionnement d'une mission ressource humaine, aux fins d'accompagner son développement envisagé au vu des indicateurs économiques constatés à la clôture de son exercice social 2006/ 2007 " ne se justifiait plus.
Il est acquis qu'en effet la sarl SNEG a par avenant du 28 mars 2008 engagé à compter du 1er avril 2008 M. Y..., qui était chef de sites par contrat de travail du 16 juillet 2007, en qualité de " responsable d'exploitation avec la qualification professionnelle CA3, sous l'autorité directe du dirigeant de la société SNEG " ; elle ne produit cependant pas la feuille de fonction annexée au contrat qui permettrait de connaître les attributions de M. Y....
Le contrat de travail de Melle Christelle X..., elle aussi recrutée comme responsable d'exploitation, classification CA2, en 2002, décrit en son article 3 trois types d'attributions, non limitatives, qui sont la gestion du personnel (encadrement, gestion, organisation et contrôle du temps de travail, gestion des remplacements, absences, congés payés, recrutements pour ces remplacements en contrat à durée déterminée, direction des responsables de site) ; la gestion des chantiers (organisation de l'ensemble des chantiers, suivi de la qualité des prestations en relation directe avec la clientèle, approvisionnements en produits consommables et matériels de chantiers..) ; la gestion des stocks de produits consommables et petits matériels.
Aucun avenant contractuel ni aucun courrier de la direction à la salariée ne permet de savoir en quoi la fonction gestion du personnel déjà confiée à Melle Christelle X... est devenue en 2008 une " mission ressources humaines " : le seul constat objectif est dans ces conditions que les fonctions de la salariée ont été diminuées, puisque réduites à la seule gestion du personnel, et que par voie de conséquence ses responsabilités ont été également diminuées.
Il apparaît aussi que Melle Virginie Z... a été recrutée selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 14 mai 2009, à effet au 15, comme assistante administrative, mais après avoir effectué dans l'entreprise un stage AFPA intitulé " perfectionnement personnalisé-comptabilité-paie " d'une durée de 4 semaines et réalisé du 23 mars au 17 avril 2009, tandis que Mme A..., assistante comptable à mi-temps, partait de la sarl SNEG le 3 mai 2009 dans le cadre d'une rupture conventionnelle ; sur l'organigramme de la sarl SNEG du 7 juillet 2009 melle Z... apparaît comme " RH paie " ; le curriculum vitae de Melle Z... (pièce 9. 2 de Melle Christelle X...) montre que celle-ci avait obtenu en 2004 une maîtrise de sciences économiques et gestion, et qu'elle avait été de septembre 2004 à décembre 2007 responsable de l'administration du personnel et de la paie pour la société Déca France, société de 200 salariés.
Il est encore acquis que Melle Z... a commencé à travailler pour la sarl SNEG le 15 mai 2009 et que Melle Christelle X..., après des congés pris du 14 mai au 1er juin 2009, s'est vu notifier par courrier du 2 juin 2009 la dispense d'exécution de son préavis de trois mois, à compter de cette date.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les fonctions attribuées à Melle Christelle X... ont été d'une part, confiées à M. Y... pour ce qui est de la gestion des chantiers, alors qu'elle était encore dans les effectifs de l'entreprise, et à Melle Z... en ce qui concerne la fonction gestion du personnel, avec un mi-temps créé à cette fin en mai 2009.
L'employeur ne justifie donc ni de la suppression de l'emploi ni de celle du poste de Melle Christelle X... dont le licenciement est dès lors sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes du Mans devant être infirmé sur ce point.
Compte tenu de son ancienneté et des effectifs de l'entreprise, Melle Christelle X... a droit au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et par application de l'article L1235-3 du code du travail au paiement d'une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Elle avait 35 ans au moment de son licenciement et a retrouvé un emploi de responsable d'exploitation auprès d'une entreprise de nettoyage le 29 septembre 2010 après avoir perçu les allocations chômage.
Il est justifié de condamner la sarl SNEG à lui verser une indemnité de 67 222 € ;
La sarl SNEG devra en outre remettre à Melle Christelle X... les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte soit néanmoins justifié.
En application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, la sarl SNEG devra rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées à Melle Christelle X... dans la limite de six mois d'indemnités.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Melle Christelle X... au titre de l'ordre des licenciements, la cour retenant l'absence de cause de celui-ci.
Sur le harcèlement moral et l'exécution déloyale du contrat de travail
Au sens de l'article L 1152-1 du code du travail, constituent des faits de harcèlement moral, " les agissements répétés de harcèlement moral " subis par un salarié " qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
Il incombe au salarié d'étayer ses allégations par des éléments de fait précis permettant de présumer l'existence du harcèlement allégué ; ensuite, l'employeur doit rapporter la preuve de ce que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.
Melle Christelle X... tout en soutenant que la sarl SNEG l'a " poussée à démissionner ", l'a " incitée à la faute " et a même à son égard commis des " actes de malveillance " n'étaie ses affirmations sur aucun élément de fait ni production de pièces ; elle ne justifie pas non plus d'une altération de son état de santé et ne met donc pas l'employeur en mesure de répondre à cette mise en cause.
Melle Christelle X... invoque également, sur le fondement de l'article L1222-1 du code du travail selon lequel le contrat de travail est exécuté de bonne foi, une exécution déloyale de celui-ci, en ce que l'employeur l'a privé progressivement de toute responsabilité, et l'a isolée.
Il est démontré que courant 2008 et notamment à partir du recrutement de M. Y... comme chef d'exploitation, Melle Christelle X... et a vu ses attributions réduites de manière imposée par l'employeur, à la seule gestion du personnel, et ses responsabilités diminuées par cette réduction de son champ de compétence, ce qui a caractérisé de la part de l'employeur un manquement à son obligation contractuelle d'exécution loyale du contrat de travail.
Il en résulte pour la salariée un préjudice qui sera justement réparé par la condamnation de la sarl SNEG à lui verser la somme de 2 000 €, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Melle Christelle X....
Sur les congés payés supplémentaires pour fractionnement
Melle Christelle X... revendique le paiement des jours de congés payés que son employeur lui devait, depuis la période de référence 2002/ 2003, au titre du fractionnement de ses congés annuels.
L'article L3245-1 du code du travail dit que l'action en paiement ou répétition du salaire se prescrit par 5 ans, et cette disposition s'applique aux demandes d'indemnités de congés payés, le point de départ de la prescription se situant à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris.
La demande de Melle Christelle X... ne peut donc être examinée que pour les périodes allant de 2004/ 2005 à 2008/ 2009, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
Elle justifie avoir ainsi pris 14 jours de congés entre le 1ER novembre 2007 et le 30 avril 2008, puis 13 jours de congés entre le 1er novembre 2008 et le 30 avril 2009, soit postérieurement au 31 octobre, date limite de la période fixée par l'article L3141-13 du code du travail, que la convention collective des entreprises de propreté ne modifie pas.
Or l'article L3141-19 du code du travail prévoit que : " lorsque le congé est fractionné, la fraction d'au moins douze jours ouvrables continus est attribuée pendant la période allant du 1er mai au 31 octobre de chaque année.
Les jours restant dus peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de cette période.
Il est attribué deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. "
Après déduction de 6 jours au titre de la 5ème semaine de congés payés qui peut être fractionnée sans compensation pour le salarié, le compte de congés payés présenté par Melle Christelle X... lui ouvre, aux termes des dispositions de ce texte, un droit à jours supplémentaires de congés, pour fractionnement de ses congés annuels, de 2 jours pour les congés pris entre novembre 2007 et Avril 2008, et de 2 jours pour les congés pris entre novembre 2008 et avril 2009.
L'article L3141-18 du code du travail stipule que le fractionnement ne peut être effectué par l'employeur qu'avec l'accord du salarié.
La question de savoir si le salarié avait été ou non empêché par l'employeur de prendre ses congés annuels, sur laquelle argumente la sarl SNEG, est indifférente à la question du fractionnement : Melle Christelle X... a pris tous ses congés annuels, mais pour partie en dehors de la période légale.
Le droit à congés supplémentaire naît alors du seul fractionnement du congé légal, que ce soit l'employeur ou le salarié qui ait pris l'initiative du fractionnement : la renonciation par le salarié à ce droit qu'il tient de la loi ne se présume pas, et Melle Christelle X... a par conséquent été indûment privée par la sarl SNEG de ces 4 jours de congés supplémentaires : la sarl SNEG est condamnée à lui verser à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par la perte des congés supplémentaires, la somme de 4200/ 26 x 4 = 646, 12 €.
Le jugement, qui rejette la demande, est infirmé sur ce point.
Sur le rappel de salaire d'une journée
Melle Christelle X... a par courrier du 15 juin 2009 adressé à la sarl SNEG fait observer à celle-ci qu'il lui était décompté 14 jours de congés payés sur le mois de mai 2009 alors qu'il ne fallait en décompter que 13.
Elle ajoutait : " en effet, j'ai déjà eu 5 samedis de décompté sur mes 30 jours de congés payés (le 2. 08. 2008, le 18. 04. 2009, le 16. 05. 2009 le 23. 05. 2009) Par conséquent, il va de soi que j'ai un samedi pendant mes congés payés du mois de mai qui ne compte pas puisqu'il correspond au 6ème samedi (le 30. 05. 2009) ; Merci de régulariser mon bulletin de salaire avec 13 jours de congés payés pris et 0 jour en congé sans solde. "
La sarl SNEG lui a le 19 juin 2009 répondu :
" Après vérification, il apparaît que nous avons effectivement commis une erreur dans le décompte de vos congés payés sur le mois de mai 2009. En effet, 14 jours (dont une journée décomptée par anticipation) vous ont été décomptés au lieu de 13 jours. Notre période de paie étant close, nous procéderons à la régularisation de cette erreur sur le bulletin de salaire du lois de juin 2009. "
Ces écrits sont en cohérence avec les mentions figurant sur les bulletins de paie établis pour mai et juin 2009.
En effet, ainsi qu'elle l'indique elle-même dans son écrit, Melle Christelle X... a pris, en mai 2009, 14 jours de congés payés, soldant son congé annuel de 30 jours, ce qui a été traduit sur le bulletin de mai 2009 ainsi : congés pris : 14, 0000 restant N-1 :-1, 0000
Le bulletin d'avril 2009 indique un " restant N-1 " de 13 jours.
Les 30 jours ouverts par la période N-1 ayant été pris, le 31 ème jour a donc été décompté comme pris par anticipation.
Melle Christelle X... rappelle uniquement la règle légale figurant à l'article L3141-3 du code du travail lorsqu'elle dit que 5 samedis lui ont été décomptés en congés payés sur les 30 jours pris, puisqu'en effet le samedi est compris dans les jours ouvrables et qu'une semaine de congés payés est donc de 6 jours.
Si même un usage existait dans l'entreprise consistant à ne pas compter en congés payés un sixième samedi qui se serait ajouté aux 30 jours annuels pris, cet usage ne pouvait donc avoir pour effet que de considérer ce samedi comme un jour payé, inclus dans le salaire mensuel.
Le bulletin de paie de mai 2009 remis à Melle Christelle X... montre que les 14 jours comptés comme congés payés lui ont été payés en indemnité de congés payés ; elle n'a par conséquent pas eu de perte de rémunération ; Ce 14 ème jour lui est en revanche compté en jour de congé venant diminuer son compte de 30 jours pour la période suivante, alors que l'employeur dit avoir été d'accord pour ne pas le faire.
Si la rupture du contrat de travail n'était pas intervenue, Melle Christelle X... aurait alors, du fait de cette erreur, perdu un jour de congé.
Outre le fait que la relation de travail s'est interrompue, et que Melle Christelle X... a été dispensée de l'exécution du préavis à compter du 2 juin 2009, l'employeur a en réalité bien effectué la régularisation annoncée dans son courrier, puisque le bulletin de juin, premier bulletin de la nouvelle période de référence s'ouvrant, porte comme congés pris le chiffre 0 (et non pas le chiffre 1) et que le restant à prendre est de 30 jours (et non 29).
La demande de Melle Christelle X... est rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur les frais irrépetibles et les dépens
Il parait inéquitable de laisser à la charge de Melle Christelle X... les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens : la sarl SNEG est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 euros, sa propre demande à ce titre étant rejetée.
Les dispositions du jugement sur ce point, et sur le paiement des dépens, sont confirmées.
La sarl SNEG qui succombe à l'instance d'appel en paiera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
INFIRME le jugement rendu le 9 avril 2010 par le conseil de prud'hommes du Mans sauf :- en ce qu'il a condamné la sarl SNEG à verser à Melle Christelle X... la somme de 18 000 € au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence.- en ce qu'il a rejeté la demande de Melle Christelle X... en rappel de salaire pour une journée de mai 2009.- en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
Statuant à nouveau pour le surplus
CONDAMNE la sarl SNEG à payer à Melle Christelle X... la somme de 1222, 15 € au titre du complément d'indemnité de licenciement.
CONDAMNE la sarl SNEG à payer à Melle Christelle X... la somme de 67 222 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ORDONNE à la sarl SNEG de remettre à Melle Christelle X... les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt.
DIT n'y avoir lieu à astreinte.
DIT que la sarl SNEG devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Melle Christelle X..., dans la limite de 6 mois d'indemnités.
CONDAMNE la sarl SNEG à payer à Melle Christelle X... la somme de 2 000 €, à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNE la sarl SNEG à payer à Melle Christelle X... la somme de 646, 12 € au titre des congés payés supplémentaires de fractionnement. DIT que les intérêts seront dûs au taux légal sur les condamnations prononcées, à compter de l'accusé de réception par la sarl SNEG de la convocation à l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes du Mans pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du prononcé du jugement en ses dispositions confirmées ou du présent arrêt, pour ce qui est des créances de nature indemnitaire.
Y ajoutant,
CONDAMNE la sarl SNEG à payer à Melle Christelle X... la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE la demande de la sarl SNEG à ce titre.
CONDAMNE la sarl SNEG aux dépens.