COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 13 Décembre 2011
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02812. Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, du 09 Novembre 2009, enregistrée sous le no 08/ 176
APPELANT :
Monsieur Joseph X...... 49120 NEUVY EN MAUGES
représenté par Maître Mélinda VOLTZ, substituant Maître Véronique LEVRARD, avocat au barreau d'ANGERS (dépôt du dossier)
INTIMÉE :
LA CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE MAINE ET LOIRE (C. M. S. A.) 3 rue Charles LACRETELLE 49070 BEAUCOUZE
représentée par Monsieur Ludovic MERCIER, muni d'un pouvoir
A LA CAUSE :
MINISTERE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE Service des affaires juridiques 251 rue de Vaugirard 75732 PARIS CEDEX 15
avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 13 Décembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Désireux de faire valoir ses droits à la retraite, M. Joseph X... a sollicité, par courrier du 11 juillet 2007 auprès de la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire (la caisse), le rachat de trois années d'apprentissage agricole, de septembre 1966 à juillet 1969.
La caisse lui a fait savoir, le 24 août 2007, qu'en l'absence de barème de calcul des cotisations arriérées pour les périodes d'apprentissage antérieures au 1er juillet 1972, en lien avec l'annulation par le Conseil d'Etat, le 6 juillet 2007, de la circulaire en la matière, elle suspendait, dans l'immédiat, l'examen de sa demande.
Le 11 avril 2008, la caisse lui a finalement notifié un refus par rapport à cette demande de rachat, au motif qu'en l'état des pièces fournies et de la circulaire interministérielle du 23 janvier 2008 ayant modifié les conditions d'accès au dispositif et s'appliquant aux dossiers en cours quelle que soit la date de leur dépôt, il ne pouvait y prétendre.
Contestant cette décision, M. Joseph X... a saisi la Commission de recours amiable de la caisse le 21 mai 2008.
Cette commission a rejeté son recours le 25 juin 2008, rejet qui lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2008.
M. Joseph X... a alors saisi de son recours le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine et Loire, section agricole.
Cette juridiction, par une décision du 9 novembre 2009 à laquelle il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- déclaré son recours recevable,- dit toutefois celui-ci mal fondé, l'en déboutant,- a confirmé la décision de la Commission de recours amiable de la caisse en date du 25 juin 2008.
Le jugement a été notifié à M. Joseph X... le 21 novembre 2009. Il en a formé régulièrement appel, par déclaration au greffe de la cour du 15 décembre 2009.
L'audience devait se tenir le 14 février 2011. Un renvoi est intervenu sur l'audience du 21 juin 2011, date qui a été ensuite reportée au 6 octobre 2011, les parties étant convoquées.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience, reprenant également oralement ses conclusions écrites du 5 mai 2010, ici expressément visées et auxquelles il convient aussi de se reporter, M. Joseph X... sollicite l'infirmation de la décision déférée et qu'il soit dit et jugé que-ses trois années d'apprentissage, de 1966 à 1969 inclus, seront validées au titre de l'activité agricole,- il est valablement en retraite, à compter du 1er octobre 2008, avec toutes conséquences de droit et intérêt au taux légal à compter de cette date, outre que la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire soit condamnée à lui verser 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supporte les dépens.
Il fait valoir que si, du fait du décès de ses parents, il est dans l'incapacité de produire son contrat d'apprentissage, il justifie de ce qu'il a bien effectué cet apprentissage auprès de son père, exploitant agricole, (attestations), de même qu'il a suivi la scolarité correspondante (attestation de l'école par correspondance), bien qu'au bout du compte il n'ait pu obtenir son diplôme. Il ajoute que sa demande est d'autant plus légitime que d'autres que lui, qui ont le même parcours, ont pu obtenir la validation, pour leur retraite, de leurs années d'apprentissage (attestations et autres pièces).
Il s'oppose, sinon, à la demande de sursis à statuer formulée par la caisse en vue qu'il soit procédé à l'audition des témoins. Il fait remarquer que :- les attestations sont produites dans les formes requises par le code de procédure civile et n'ont pas fait l'objet de contestations par la caisse au plan pénal,- les faits particulièrement anciens, de même que le décès de ses parents, ne permettent plus que soit rapportée une preuve testimoniale.
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À l'audience, reprenant également oralement ses conclusions écrites du 8 février 2011, ici expressément visées et auxquelles il convient aussi de se reporter, la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire sollicite :- avant dire droit, qu'il soit sursis à statuer pour audition des témoins,- à défaut, que la décision déférée soit confirmée, outre que M. Joseph X... soit condamné à lui verser 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de ce dernier de ce chef étant rejetée, et qu'il soit tenu aux dépens.
Elle réplique que :- le sursis à statuer s'impose au regard des fraudes dans ce domaine, fraudes que l'audition des témoins permet de révéler,- les modalités de régularisation de cotisations ouvrant droit au calcul des pensions vieillesse sont définies à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale et, du fait des fraudes auxquelles elles ont donné lieu, ont été précisées en 2008 quant aux périodes considérées et aux modes de preuve recevables ; or, M. Joseph X... ne justifie pas de ce qu'il était bien en apprentissage aux périodes invoquées o l'enseignement théorique reçu ne peut être assimilé à un apprentissage, o les pièces qui pouvaient faire cette preuve et qu'il pouvait recueillir, ce même malgré le décès de ses parents, font défaut,- même si l'on se réfère aux modes de preuve admis par le code de procédure civile, M. Joseph X... ne justifie pas plus de ce qu'il était bien en apprentissage aux périodes invoquées, les attestations qu'il verse démontrant seulement qu'il était présent, à ces moments-là, sur l'exploitation familiale,- M. Joseph X... ne peut arguer de régularisations concernant deux autres personnes, " alors même qu'il n'est pas assuré de la gémellité des trois dossiers ".
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer formulée par la caisse, l'audition des personnes ayant attesté et/ ou témoigné dans le cadre du présent n'apparaissant pas utile à la résolution du litige.
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Le dispositif de régularisation de cotisations arriérées est codifié à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale. Il permet d'effectuer un versement de cotisations ayant pour effet de régulariser les périodes au cours desquelles l'assuré a exercé une activité salariée rémunérée relevant à titre obligatoire du régime général de la sécurité sociale et au titre de laquelle des cotisations d'assurance vieillesse auraient dû être versées par l'employeur et ne l'ont pas été.
Les dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale s'appliquent au régime des salariés agricoles en vertu des dispositions des articles R. 742-2 et R. 742-22 du code rural.
La loi du 16 juillet 1971 a instauré, pour les contrats d'apprentissage conclus après le 1er juillet 1972, une obligation pour l'employeur de rémunérer son apprenti. Antérieurement, les apprentis pouvaient ou non avoir été rémunérés et leur employeur, en principe redevable de cotisations sur la valeur forfaitaire de la formation dispensée, pouvait avoir versé des cotisations sociales sur des bases plus ou moins élevées ou n'en avoir versé aucune. Afin de ne pas pénaliser les personnes ayant été en situation d'apprentissage antérieurement au 1er juillet 1972, la régularisation a été admise, mais à condition et préalablement que soit rapportée la preuve de la réalité et de la durée de l'apprentissage, seules pouvant ouvrir droit au rachat de cotisations les périodes d'apprentissage accomplies antérieurement au 1er juillet 1972 au cours desquelles l'assuré se trouvait bien en situation de salariat, c'est à dire lié à un employeur par un contrat d'apprentissage conclu dans les conditions du code du travail et donnant lieu au versement d'une rémunération.
En l'espèce, afin de justifier de son apprentissage dans le cadre de l'exploitation agricole de son père à Neuvy-en-Mauges, M. Joseph X... verse :- une attestation du groupe ESA, formation continue, apprentissage et enseignement à distance du groupe école supérieure d'agriculture d'Angers, selon laquelle il " a été inscrit comme élève en formation agricole au CERCA (centre d'enseignement rural par correspondance d'Angers) et y a suivi une formation dispensée par correspondance, dans le cadre de l'apprentissage, pendant les années scolaires... du 01 septembre 1966 au 30 juin 1967, du 01 septembre 1967 au 30 juin 1968, du 01 septembre 1968 au 30 juin 1969, dans le but de passer l'examen BAA (brevet d'apprentissage agricole) ", accompagnées de divers devoirs et commentaires de correcteurs,- une attestation de M. Y..., dans laquelle celui-ci écrit : " Je soussigné..., ancien exploitant agricole à... Neuvy-en-Mauges... certifie que Mr X... Joseph fils... était en apprentissage sur l'exploitation agricole de... chez son père... à Neuvy-en-Mauges du 1er septembre 1966 au 30 juin 1969... son fils très jeune, celui-ci suivait des cours par correspondance, obligé de rester près de son père le suppléant dans son travail et le remplaçant totalement quand il fut admis à l'invalidité dès 50 ans... ",- une attestation de M. Z..., dans laquelle celui-ci écrit : " Je soussigné..., ancien exploitant à... Neuvy-en-Mauges... certifie que X... Joseph fils... était en apprentissage sur l'exploitation agricole de... chez son père... à Neuvy-en-Mauges... du 1er septembre 1966 au 30 juin 1969... ",- une attestation de M. A..., dans laquelle celui-ci écrit : " Je soussigné..., ancien exploitant aux... Neuvy-en-Mauges... certifie que Joseph X... fils... était en apprentissage sur l'exploitation de... chez son père... à Neuvy-en-Mauges... du 1er septembre 1966 au 30 juin 1969... ".
Si ces pièces établissent la réalité d'une scolarité suivie par M. Joseph X... au cours de la période en cause, comportant un enseignement théorique par correspondance et des travaux pratiques sur l'exploitation familiale dans le but de préparer un brevet d'apprentissage agricole, elles ne permettent pas de caractériser et ne font pas la preuve, qui incombe à l'appelant, d'un contrat d'apprentissage conclu avec un employeur, en l'occurrence son père, ayant donné lieu à rémunération, c'est à dire d'une formation en apprentissage au sens du code du travail, seule susceptible d'ouvrir droit au rachat de cotisations.
À défaut de rapporter cette preuve de l'existence d'un contrat d'apprentissage, M. Joseph X... invoque une rupture d'égalité, avec au soutien une attestation de M. B..., un témoignage écrit de M. C... accompagné d'une attestation délivrée à ce dernier par la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire le 6 mai 2008, ainsi que des pièces délivrées par cette même caisse à un M. D... les 24 juillet 2007, 14 janvier 2008 et 5 mars 2009. M. B... écrit : " Je soussigné... demeurant à... Neuvy en Mauges, certifie avoir acheté les cotisations concernant mes années d'apprentissage 1966-1967-1968-1969.... Ceci m'a permis de pouvoir prétendre à la retraite, ayant 168 trimestres validés et cotisés à l'âge de 56 ans en 2008 ". M. C... écrit, le " règlement des cotisations assurances sociales arriérées pour la période du 1er septembre 1964 au 30 juin 1967 " étant confirmé par la caisse : " Je soussigné... Neuvy en Mauges, atteste avoir suivi les cours par correspondance du CERCA... du groupe ESA... et avoir pu ainsi avec l'attestation de formation délivrée racheter les années de cotisations sociales manquantes à la MSA. J'atteste que Mr X... Joseph a suivi le même parcours que moi ". M. D... a obtenu de la caisse de pouvoir régulariser les cotisations pour la période d'apprentissage agricole chez ses parents, allant du 1er septembre 1966 au 30 juin 1970.
Cependant, les conditions du droit au rachat de cotisations étant régies par la loi et non par les circulaires, le fait que la même caisse ait pu, ensuite d'une interprétation erronée de la loi, ouvrir des droits à d'autres assurés, ne permet pas de caractériser une rupture d'égalité et d'ouvrir à M. Joseph X... des droits que la loi ne lui reconnaît pas.
Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions.
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La Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire, en équité, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; M. Joseph X..., succombant en son appel, sera également débouté de sa demande du même chef.
Il n'y a pas lieu à dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en son intégralité,
Y ajoutant,
Déboute la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. Joseph X... de sa demande du même chef,
Rappelle que la procédure est gratuite et sans frais et dispense M. Joseph X... du paiement du droit prévu à l'article R. 114-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.