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08/11/2011 | FRANCE | N°10/01796

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 novembre 2011, 10/01796


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01796.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 02 Juillet 2010, enregistrée sous le no 09/ 00394

ARRÊT DU 08 Novembre 2011

APPELANT :
Monsieur Jean-Noël X...... 53000 LAVAL
représenté par Maître Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S. A. S. B2S LE MANS 16 rue Xavier Bichat 72000 LE MANS
représentée par Maître Aude DE GRAAF, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des disp

ositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2011, en...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01796.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 02 Juillet 2010, enregistrée sous le no 09/ 00394

ARRÊT DU 08 Novembre 2011

APPELANT :
Monsieur Jean-Noël X...... 53000 LAVAL
représenté par Maître Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S. A. S. B2S LE MANS 16 rue Xavier Bichat 72000 LE MANS
représentée par Maître Aude DE GRAAF, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 08 Novembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
La société B2S Le Mans a pour activité la prise en charge de la gestion de l'accueil téléphonique des entreprises quel que soit leur domaine d'activité. Elle appartient au groupe B2S, numéro 2 du marché français de la relation-client. Son effectif est supérieur à 11 salariés.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 25 avril 2008, à effet au 24 avril précédent, la société B2S Le Mans a embauché M. Jean-Noël X... en qualité de " Business unit manager " ou directeur de site, avec le statut de cadre dirigeant, niveau IX, coefficient 450 de la convention collective des prestataires de services tertiaires, moyennant une rémunération fixe annuelle brute de 85 000 €, soit 7. 083, 33 € par mois et une rémunération variable équivalent à 10 % de la rémunération annuelle, " versée annuellement en fonction de la réalisation " par le salarié " des objectifs préalablement définis par la Direction ".
M. Jean-Noël X... bénéficiait d'une délégation de pouvoirs établie et signée par le directeur général le 25 avril 2008.
Par courrier du 5 mai 2009 remis en mains propres, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 14 mai suivant. Il s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 27 mai 2009.
Le 17 juin 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement et solliciter une indemnité de 85 000 € pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Après vaine tentative de conciliation du 11 septembre 2009, par jugement du 2 juillet 2010, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans :- a dit que le licenciement de M. Jean-Noël X... repose bien sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions ;- l'a condamné à payer à la société B2S Le Mans une indemnité de procédure de 700 € et à supporter les dépens.
Ce jugement a été notifié aux parties le 7 juillet 2010. M. Jean-Noël X... en a relevé appel par lettre postée le 10 juillet 2010.
Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe pour l'audience du 13 septembre 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 29 août 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Jean-Noël X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société B2S Le Mans à lui payer la somme de 85. 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2009, outre une indemnité de procédure de 3. 000 €.
L'appelant indique que le motif de son licenciement tient en une insuffisance professionnelle. Pour contester la réalité de ce motif, il fait valoir tout d'abord qu'il s'est heurté aux difficultés suivantes :- les difficultés structurelles du site du Mans : structurellement, le site du Mans était le plus difficile à gérer et avait vu plus de dix " business unit manager " (BUM) ou directeurs de site se succéder au cours des dix années ayant précédé son arrivée, ce qui n'a pas facilité son intégration ; il y régnait un climat social délétère et il ne disposait pas de délégation de pouvoirs à l'égard des organisations représentatives du personnel ;- l'absence d'autonomie : ne disposant pas d'une délégation de pouvoirs, il n'avait pas d'autonomie, ni de marge de manoeuvre mais était toujours tributaire des décisions du siège social et devait atteindre les objectifs fixés par la direction du groupe ; toutes les fonctions d'analyse, de finance, de comptabilité du site du Mans étaient centralisées au " siège social " ; il était donc empêché de mettre en oeuvre les actions nécessaires à l'obtention des objectifs qui lui étaient fixés ; notamment, après l'avoir autorisé à recruter un directeur des ressources humaines, la direction du groupe est revenue sur cette décision ;- situation financière : la filiale du Mans ne jouissait pas de la bonne santé financière qui lui avait été annoncée puisqu'en effet, la perte de son principal client, " Télé 2 ", était en fait acquise dès avant son arrivée, tout autant que la baisse du chiffre d'affaires pour l'exercice à venir.
Il ajoute que l'employeur ne rapporte pas la preuve des manquements qu'il lui impute et que certains faits ou résultats sont en réalité imputables à d'autres personnes. Il relève que les objectifs n'ont jamais été prédéfinis par la direction générale. Il fait valoir que l'employeur ne peut pas lui reprocher la dégradation de la situation économique de la filiale dont il avait la direction dans la mesure où il ne disposait d'aucun moyen décisionnel pour influer sur les performances économiques et où la baisse du chiffre d'affaires pour 2008-2009 était déjà prévue au budget précédent.
Il fait grief à l'employeur de ne pas l'avoir présenté aux directeurs du groupe, de ne pas lui avoir donné les moyens d'agir et de ne pas lui avoir apporté une aide suffisante et efficace.
Il soutient que le véritable motif de son éviction réside dans le souhait de la direction générale de mettre à sa place M. Y..., lequel aurait, de fait, pris peu à peu sa place à partir du mois d'avril 2009, et que cette volonté s'explique par la circonstance que la direction générale a craint qu'il ne mette en place un système organisationnel nouveau conduisant à une évolution de la mentalité des salariés, toutes choses qu'elle ne souhaitait pas.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, il indique n'avoir pas retrouvé d'emploi à ce jour et percevoir 2 500 € par mois au titre des indemnités ASSEDIC.
Aux termes de ses dernières écritures déposées au greffe le 12 septembre 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société B2S Le Mans demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. Jean-Noël X... à lui payer la somme de 3. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et à supporter les entiers dépens ;- à titre subsidiaire, si la cour considérait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de limiter les dommages et intérêts alloués à l'euro symbolique et, s'agissant de sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1153-1 du code civil, de débouter l'appelant de sa demande tendant à voir fixer le point de départ des intérêts au 15 juin 2009.
L'intimée conteste que M. X... n'ait pas bénéficié de larges pouvoirs et d'une autonomie importante et soutient qu'il disposait, au contraire, du pouvoir de diriger le site du Mans ; que, d'ailleurs, il a pris des initiatives d'ampleur, mais malheureuses, s'agissant, notamment, de la renégociation de l'organisation du site.
Elle lui reproche de ne pas avoir mis en oeuvre les actions nécessaires à la réalisation des objectifs de sa fonction et fait valoir qu'elle a constaté, non seulement l'absence d'amélioration des résultats, mais leur constante dégradation, l'écart entre les prévisions annoncées par M. X... et les réalisations ne cessant de s'accroître.
Elle ajoute que les alertes des contrôleurs de gestion et de la direction générale sont restées sans effet ; qu'elle a apporté en vain une aide soutenue et d'importance à M. X... ; que ce dernier y a opposé résistance, manque de transparence et absence de coopération.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement adressée à M. Jean-Noël X... le 27 mai 2009 et qui fixe les termes du litige, est libellée en ces termes : "... Vous avez été embauché par b2s en qualité de Business Unit Manager en avril 2008. Dans le cadre de ces fonctions, vous êtes amenés à animer, encadrer et organiser les équipes de la filiale b2s Le Mans SAS dont vous assurez la direction. Votre mission vous amène à veiller au maintien de la qualité du service apporté aux clients et à la performance de la filiale tout en respectant la stratégie et la politique commerciale du groupe. Ceci implique des responsabilités importantes du point de vue stratégique, managérial, commercial et financier. Vous êtes effectivement en charge du développement du chiffre d'affaires de b2s le Mans et de la performance financière fixée au préalable avec la Direction Générale du Groupe dans le cadre d'un budget que vous avez présenté. Il relève également de vos attributions d'effectuer des remontées d'informations sous la forme de reporting. Enfin, il relève de vos attributions de mettre en oeuvre les procédures internes du Groupe qui visent à développer les bonnes pratiques, la culture d'entreprise notamment.
Il convient de constater que malgré les moyens et supports mis à votre disposition, vous n'avez pas mis en œ uvre les actions nécessaires à l'atteinte des objectifs que vous vous étiez d'ailleurs fixés. Après un premier semestre d'activité durant lequel nous entendons que vous avez conduit un ‘ inventaire'la direction générale du Groupe a constaté des dérives importantes entre vos engagements et vos réalisations concrètes.
La direction financière et le contrôle de gestion sont intervenus à de multiples reprises dès l'automne 2008 pour vous aider à identifier les problèmes et à dessiner avec vous des pistes d'optimisations et des plans d'action. Ceux-ci n'ont que très partiellement été mis en oeuvre malgré des relances répétée. A fin avril pourtant la filiale dont vous avez la responsabilité affiche-43 % de résultat par rapport au budget avec un décrochage très important sur la période Janvier-Avril 17 KEUR de MON pour une estimation pourtant réalisée en janvier de 282 KEUR.
Face à cette situation et avec votre accord la Direction Générale a multiplié les moyens mis à votre disposition pour corriger la tendance. C'est ainsi, et sur votre constat que vous étiez accaparé par la gestion des ressources humaines, que nous avons mis à votre disposition sur votre site du Mans le Directeur des Relations Sociales du Groupe. C'est également dans cet esprit qu'un BUM expert dans le Groupe est intervenue à vos côtés et vous a prodigué ses conseils et les pistes de plans d'actions nécessaires à l'amélioration de votre compte d'exploitation. C'est enfin pour renforcer les relations avec le principal client de la filiale et engager des négociations visant à renégocier des pénalités importantes qu'un autre BUM est intervenu à vos côtés.
Chacun d'entre eux, venus prêter main forte, ont relevé et regretté votre manque de transparence et, plus grave, votre résistance à coopérer malgré la situation préoccupante dans laquelle la filiale dont vous aviez la responsabilité s'enfonçait. Des initiatives individuelles grave venant même aggraver la situation (gestion des primes individuelles, signature d'un accord de méthode...).
Ce comportement au delà d'être contre-productif a contribué à vous isoler et à vous décrédibiliser tant vis à vis du groupe que des équipes dont vous avez la charge.
Un très vif rappel à l'ordre a été lancé le 16 mars à l'occasion d'une réunion dans mon bureau suivi de messages très explicites sur nos attentes, sans résultats.
Ces manquements répétés, l'absence de remise en cause malgré la succession de rappels à l'ordre, et la dégradation des performances économiques, a porté gravement atteinte à la confiance nécessaire à l'exercice de votre fonction.
Constatant ainsi que vous vous placez dans l'impossibitité de poursuivre valablement la mission qui vous est confiée, ceci en contradiction avec les termes de votre description de fonctions, nous nous trouvons contraints de mettre fin à notre collaboration et c'est la raison pour laquelle nous vous notifions par la présente votre licenciement. " ;

Attendu que les griefs énoncés à l'encontre de M. X... se rapportent à un défaut de mise en oeuvre des actions nécessaires à l'atteinte des objectifs qu'il s'était fixé, à des dérives importantes entre ses engagements et ses réalisations concrètes, à l'absence de mise en oeuvre des pistes et plans d'action arrêtés avec l'aide des trois " BUM " (business unit manager) venus pour l'assister, à l'incapacité de tirer profit de leur aide, mais aussi à un véritable refus de coopérer avec eux, à la mise en oeuvre d'initiatives individuelles néfastes à la situation de la société, à une absence de remise en cause de son comportement et de sa façon de mener sa mission ;
Attendu qu'en sa qualité de directeur de site, la mission de M. X... consistait à animer, encadrer et organiser les équipes de la filiale dont il avait la charge, à garantir la performance de cette dernière ainsi que la qualité du service apporté aux clients, le tout, dans le respect de la stratégie et de la politique commerciale définie par la direction générale du groupe ;
Attendu que l'article 2 du contrat de travail de l'appelant, intitulé " Attributions et emploi " énonce expressément que le directeur du site doit rendre compte directement à la Direction Générale du Groupe et qu'il doit exercer ses fonctions " avec toute la diligence souhaitable ", " sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par sa hiérarchie et plus généralement par la Direction de la société. " ;
Attendu que la société B2S Le Mans justifie de la délégation de pouvoirs établie le 25 avril 2008 par le directeur général en faveur de M. Jean-Noël X... et sur laquelle ce dernier a apposé la mention " Lu et approuvé. Bon pour délégation de pouvoirs " suivie de sa signature ; que cet acte lui confère un transfert de pouvoir de direction de la filiale du Mans et de contrôle en matière de ressources humaines et de relations sociales, avec mise à sa disposition, notamment, des services " ressources humaines ", " relations sociales ", juridiques de la direction générale du groupe ainsi que des services de la direction commerciale et du service de production de celui-ci ;
Attendu que le 25 avril 2008, le directeur général de la société B2S Le Mans a encore établi en faveur de M. X... une délégation de pouvoirs dans les domaines suivants : " application du code du travail et du statut collectif de l'entreprise, embauches, procédures disciplinaires, conditions de travail, protection et sécurité des travailleurs, représentation de l'entreprise dans les instances représentatives du personnel, négociations sociales " ;
Qu'il apparaît ainsi que M. X... disposait d'un pouvoir général de direction de la filiale du Mans, c'est à dire portant sur les aspects commerciaux, financiers, sur la gestion des ressources humaines et des relations sociales, sauf à respecter les instructions générales et la stratégie définies par la direction générale du groupe et à lui rendre compte régulièrement, en faisant remonter les informations relatives au fonctionnement de l'entreprise et à ses résultats, ces informations étant exploitées au niveau de la direction générale ;
Attendu que les très nombreux courriers électroniques versés aux débats, échangés entre l'automne 2008 et le printemps 2009, entre M. Jean-Noël X..., d'une part, M. Maxime Z..., président du groupe B2S, ou d'autres membres de la direction générale, d'autre part, font preuve d'échanges qui se déroulaient dans la droite ligne du mode de fonctionnement ainsi défini, sans atteinte au pouvoir de direction et à l'autonomie de M. X... ; que ces échanges traduisent de la part de ce dernier un exercice normal de ses fonctions de manager du site du Mans, et un positionnement en tant que tel de sa part, tandis que ses interlocuteurs, notamment le service de contrôle de gestion et le président du groupe, se contentaient de lui demander certaines explications sur les données chiffrées transmises et manifestaient, le cas échéant, leurs inquiétudes, ce qui ne permet pas de caractériser de leur part une entrave opposée au directeur du site à l'exercice de ses fonctions ou une atteinte à son autonomie mais s'inscrit strictement dans le " reporting " qui lui était imposé aux termes de son contrat de travail et dans la nécessité annoncée que chacune des neuf filiales respecte les procédures validées par le Groupe afin d'assurer une homogénéité de fonctionnement, ces filiales exerçant le même métier, sur un même marché ;
Attendu que l'autonomie dont disposait M. X... et sa mise en oeuvre sont encore mises en lumière par le " Protocole d'accord encadrant les négociations collectives B2S Le Mans " qu'il a conclu le 9 décembre 2008 avec certaines organisations syndicales représentatives ; que cet accord portait sur la renégociation de toute l'organisation du site et prévoyait que les négociations se développeraient autour de nombreux thèmes parmi lesquels, l'organisation du temps de travail, les éléments de primes, les éléments financiers autres, le droit à l'expression, le droit syndical, le droit à la formation, la classification..., sans que la liste soit exhaustive ;
Attendu qu'il résulte des éléments versés aux débats que, non seulement, M. X... disposait bien d'une large délégation de pouvoirs dûment établie, mais en outre qu'il l'a effectivement utilisée et était mis à même de le faire, l'intervention de trois autres " business unit managers " dépêchés pour le soutenir dans sa mission n'ayant eu ni pour objet, ni pour effet, de le déposséder de ses pouvoirs, mais de le seconder ;
Attendu que la seule pièce versée aux débats par l'appelant à l'appui de ses allégations selon lesquelles il n'aurait pas bénéficié d'une véritable délégation de pouvoirs consiste dans le procès-verbal établi lors de la réunion du CHSCT du 25 juin 2008 au cours de laquelle la secrétaire de cette instance lui a demandé de justifier de " son mandat " de président du CHSCT du site du Mans ; que M. X... lui a alors répondu qu'étant directeur du site, il était de plein droit président du CHSCT ; qu'à supposer que les deux actes de délégation de pouvoirs établis le 25 avril 2008 n'aient pas constitué un mandat suffisant du président de la SAS B2S Le Mans, permettant à M. X... de le représenter à la réunion du CHSCT, cet événement ne permet pas à lui seul de caractériser le défaut de délégation de pouvoirs et d'autonomie invoqué par l'appelant ;
Attendu que, si M. Jean-Noël X... soutient en termes généraux avoir été empêché par la direction générale d'entreprendre les actions qui, selon lui étaient nécessaires pour mener à bien sa mission et atteindre ses objectifs, il ne caractérise et ne justifie d'aucun projet qu'il aurait élaboré et souhaité mettre en oeuvre et qu'il n'aurait pas pu mener à bien du fait de l'intervention de la direction générale ; attendu que le seul élément qu'il avance tient dans le fait que l'employeur est revenu sur le feu vert qu'il lui avait initialement donné aux fins de recrutement d'un responsable des ressources humaines destiné à le seconder ; mais attendu qu'il résulte des courriers électroniques versés aux débats qu'à la fin de l'année 2008, M. Maxime Z..., président du groupe, a échangé avec M. X... afin de déterminer les moyens et soutiens dont il avait besoin pour " avancer dans sa mission " et que ce dernier a, notamment, sollicité l'intervention de M. Benoît A..., directeur des relations sociales du groupe, pour " renforcer sa RH " et lui permettre de dégager du temps pour des activités strictement commerciales ; que dans ce contexte et compte tenu de l'intervention ainsi décidée de M. A... sur le site du Mans pour une durée de six mois, il n'apparaît pas critiquable que, le 28 décembre 2008, M. Z... lui ait demandé de suspendre le processus de recrutement d'un RRH afin de ne pas multiplier les intervenants dans le cadre des relations sociales de l'entreprise ;
Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, l'allégation d'une insuffisance d'autonomie et de pouvoirs invoquée par M. X... pour tenter d'expliquer ses difficultés apparaît mal fondée ;
Attendu, s'agissant du premier grief tiré de dérives importantes entre les engagements et les réalisations concrètes, que la société B2S Le Mans justifie des écarts très importants qui existaient entre les prévisions établies par M. X... et les résultats obtenus, ainsi que de l'absence de fiabilité des données qu'il transmettait au service du contrôle de gestion, s'agissant, notamment, du chiffre d'affaires prévisionnel de l'entreprise ; Qu'ainsi, en octobre 2008, il prévoyait une marge opérationnelle nette (MON) de 578 K €, qu'il portait à 807 K € en janvier 2009, laquelle s'est en réalité établie à 358 K € à la fin du premier semestre 2009 ;
Attendu qu'aux termes de courriers électroniques qu'elle lui a adressés en octobre 2008, la directrice du contrôle de gestion, Mme B..., indiquait ne pas comprendre les variations du chiffre d'affaires prévisionnel concernant le client Télé 2 RA ; qu'elle soulignait qu'en semaine 40, ce chiffre d'affaires avait été annoncé à 667 K € pour tomber à 449 K € la semaine suivante, puis à 162 K € le vendredi, le chiffre d'affaires réel étant finalement ressorti à 41 K € ; qu'elle demandait à M. X... de fiabiliser les données transmises en soulignant le caractère particulièrement inquiétant de telles incertitudes au cours d'une même semaine ; attendu que M. X... a apporté des réponses confuses en arguant du caractère complexe et délicat de la relation avec le client concerné ; qu'en mars 2009, la directrice du contrôle de gestion l'a encore interpellé sur le manque de fiabilité des données transmises au sujet de coûts dits " TC ", ceux-ci étant sans commune mesure avec ceux estimés au titre de la période précédente pour un chiffre d'affaires identique ;
Attendu qu'au titre des incohérences de gestion, les courriers électroniques adressés en décembre 2008 et en janvier 2009 à M. X... par la directrice du contrôle de gestion, par M. C... (direction financière) et par M. Z... révèlent :- tout d'abord la fixation par M. X... d'une durée moyenne de traitement (DMT) des appels à 10 minutes pour les chefs de plateau alors que le prix facturé au client avait été calculé sur une DMT à 8 minutes, d'où une incidence néfaste évidente sur la rentabilité de l'activité d'un centre d'appels ;- la mise en évidence par la directrice du contrôle de gestion d'un taux de contribution inférieur de 30 % par rapport aux attentes, étant précisé que le taux de contribution, qui correspond au chiffres d'affaires sous déduction du coût des téléconseillers affectés à l'opération, est un indicateur important de saine gestion et de rentabilité ;- des écarts très importants d'un mois à l'autre des charges de salaire concernant les salariés en CDD et ceux en intérim avec une incidence négative sur la marge opérationnelle nette ;
Attendu qu'il résulte des courriers électroniques produits que la direction générale du groupe, la direction financière et la directrice du contrôle de gestion ont à maintes reprises alerté M. X... sur ces indicateurs inquiétants et lui ont demandé des explications, ce à quoi ce dernier a toujours apporté des réponses vagues et peu compréhensibles ;
Attendu que c'est de mauvaise foi que M. X... soutient que le passage d'une DMT fixée à plus de 9 minutes au lieu des 8 minutes prévues au contrat du client aurait résulté de la volonté de Mme B..., directrice du contrôle de gestion ; qu'en effet, les pièces versées aux débats démontrent qu'à la fin de l'année 2008, la direction générale a constaté que M. X... avait fixé aux chefs de plateau du site du Mans une DMT à 10 minutes au lieu des 8 minutes facturées au client, d'où des malus ou pénalités financières très importants pour l'entreprise, et une perte de rentabilité ; que la directrice du contrôle de gestion a, en réalité, recherché des solutions propres à atténuer ces conséquences négatives et elle a procédé à une étude de rentabilité basée sur une DMT fixée à 9 minutes, estimée comme accessible par M. X..., ou à 9, 35 minutes, fournissant ainsi à ce dernier des bases de renégociation du contrat avec le client concerné ; qu'il apparaît qu'elle a dû relancer l'appelant au sujet de cette renégociation et que M. Z..., président du groupe, est également intervenu pour la faire avancer ; que l'appelant est donc mal fondé à tenter d'imputer à la directrice du contrôle de gestion l'augmentation du temps de DMT, alors qu'elle procède d'une renégociation rendue nécessaire pour pallier son incapacité à faire respecter la DMT convenue ; que cette incapacité à faire assurer la maîtrise de la DMT convenue et la négligence dans la conduite de la renégociation avec le client concerné illustrent le grief tiré du défaut de mise en oeuvre des actions nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés et l'insuffisance de mise en oeuvre des pistes et plans d'action proposés par les différents services de la direction générale ;
Attendu que le 16 janvier 2009, M. Maxime Z... adressait à M. Jean-Noël X... un courriel rédigé en ces termes : " Bonjour Jean-Noël, merci de caler un rendez-vous sur Paris fin de semaine prochaine pour présentation de ton plan d'action concernant :- la mise à niveau de ton équipe management-objectifs et calendrier de réduction de coûts (calage sur le normatif b2s)- enjeux. Merci. " ;
Attendu que le 19 janvier 2009, M. Z..., lui écrivait en ces termes : " Jean-Noël, je suis inquiet par la dégradation de ton P et L d'une part et par la somme des travaux à conduire rapidement de l'autre. J'ai besoin d'un plan de route précis et j'examine toute les options pour que tu puisses disposer temporairement des ressources ponctuelles pour redresser rapidement la situation. " ;
Attendu que les courriers électroniques produits révèlent que l'employeur a alors, entre le 25 décembre 2008 et le 23 janvier 2009, en accord avec M. Jean-Noël X... et dans un réel souci de lui apporter une aide, mis en place en sa faveur une aide structurée se traduisant par l'intervention sur le site du Mans, pendant une durée de six mois, de M. Benoît A..., directeur des relations sociales du groupe chargé de soutenir la gestion des ressources humaines et des relations collectives, et de Mme Isabelle D..., directeur de site, désignée pour aider M. X... à améliorer le compte d'exploitation du site du Mans, tandis que M. Y..., directeur d'un autre site, a été missionné à compter du 13 mars 2009 pour l'aider dans la négociation commerciale, principalement avec le client SFR ;
Attendu, comme la cour l'a déjà souligné, que les courriers électroniques échangés entre M. X... et MM. A... et Y... (aucun échange entre M. X... et Mme D... n'est produit) font preuve d'échanges cordiaux et démontrent que ces derniers sont intervenus pour lui apporter une assistance sans se positionner de façon à l'évincer de sa place de directeur du site ;
Attendu que la société B2S Le Mans justifie du constat, début mai 2009, par la responsable " ressources humaines et formation " du groupe B2S (pièce no 24) de l'absence d'application par M. X... de certaines procédures et de certains processus en matière de ressources humaines et des risques induits par ces manquements en termes de contentieux et dans les relations avec l'URSSAF, cette situation amenant la responsable RH du groupe à lancer une alerte ;
Attendu que les courriers électroniques émanant de MM. A... et Y... établissent de façon circonstanciée, que ces derniers se sont trouvés confrontés au manque de fiabilité de M. X..., celui-ci ne donnant pas de suite à certaines réunions ou décisions arrêtées, ne se souvenant pas qu'elles l'avaient été, ne prenant pas connaissance des réponses apportées à ses propres interrogations, ne tenant pas compte des conseils donnés en dépit du caractère préoccupant de la situation du site du Mans, interrogeant à nouveau ses collègues sur des points définis, changeant d'avis, faisant preuve d'un réel manque de transparence et de coopération à l'égard de MM. A... et Y... par rapport à ses propres actions ou à celles dont il les chargeait, n'hésitant pas à leur transmettre des informations erronées et ce, de façon préjudiciable à la conduite de l'entreprise ; Que ces éléments caractérisent l'absence de mise en oeuvre, par M. X..., des pistes et plans d'action arrêtés avec l'aide des trois cadres venus pour l'assister, son incapacité à tirer profit de leur aide, et son refus de coopérer véritablement avec eux ; que, par contre, au regard des moyens et de l'aide mis à sa disposition pour lui permettre de mener à bien sa mission, il est mal fondé à reprocher à l'employeur de ne pas lui avoir fourni une aide suffisante et efficace ;
Attendu que le 11 mars 2008, M. Maxime Z... adressait à M. Jean-Noël X... un courrier électronique rédigé en ces termes : " Jean-Noël, le pilotage des chiffres et la renta est juste la priorité absolue et quotidienne dans ta fonction ! Les chiffres effraient et semblent échapper à toute forme de contrôle ! De quoi as-tu besoin en plus de Benoît pour te rapprocher de ce type d'analyse ? " ; Attendu que la réponse transmise le jour même ou le lendemain par M. X... (pièce no 18) reflète encore le caractère confus, détaché de considération concrète, de l'approche de ce dernier s'agissant de la gestion de l'entreprise, ainsi que son absence de remise en cause de son comportement et de sa façon de mener sa mission ; Que M. Y... témoigne, photographie à l'appui, de ce que, devant mettre en place un challenge destiné à dynamiser auprès d'un client les résultats " qualité ", M. X... a utilisé le budget dont il disposait à cette fin pour acheter un masque de " Minnie " et a offert à tout collaborateur parvenant à le prendre en photo avec ce masque une récompense de 200 € ; que le challenge ainsi arrêté apparaît objectivement peu adapté et en décalage avec le but poursuivi et la photographie produite révèle l'étonnement d'un collaborateur au vu du directeur du site ainsi " déguisé " ;
Attendu, s'agissant de la mise en oeuvre d'initiatives individuelles néfastes à la situation de la société, que la société B2S Le Mans justifie de ce que M. Jean-Noël X... a, sans se soucier des incidences de ses initiatives au sein du groupe, conclu avec les organisations syndicales du site du Mans, le 9 décembre 2008, un protocole d'accord concernant la renégociation de l'organisation du site et portant, notamment, sur l'organisation du temps de travail, les éléments de rémunération, la classification professionnelle, le droit à la formation, les conditions de travail etc... et ce, sans se préoccuper de la position et de la stratégie du groupe sur ces questions dont certaines touchent à des domaines requérant une harmonie au sein du groupe ;
Attendu, ainsi, que l'ensemble des griefs avancés par l'employeur aux termes de la lettre de licenciement sont illustrés de façon nourrie par les messages électroniques et les autres pièces versées aux débats et s'avèrent objectivés et vérifiables ;
Attendu que M. X... se prévaut de la perte du client SFR, ex-Télé 2 ; mais attendu, tout d'abord, qu'il résulte du courrier adressé par ce client le 12 novembre 2008 qu'il n'a rompu son contrat qu'à effet au 31 mai 2009, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail de l'appelant ; et attendu qu'aucun élément ne permet d'établir un lien entre la perte de ce contrat, d'une part, les méthodes de travail et les insuffisances de M. X..., d'autre part ; que ce dernier ne démontre pas, notamment, que la perte de ce contrat puisse expliquer les variations importantes entre ses prévisions et ses réalisations ;
Que, de même, il procède par voie d'affirmations s'agissant de l'impact qu'a pu avoir le climat social du site, dont il ne démontre pas qu'il était " délétère ", sur sa gestion ; que M. A... décrit des représentants du personnel coopératifs et indique que le CE a, à plusieurs reprises, réclamé lui-même plus de discipline et plus de mutualisation ; Que l'appelant ne justifie pas que les carences mises en évidence à son égard trouvent, même pour partie, leur origine dans les difficultés sociales qui pouvaient exister, étant souligné qu'il a été étroitement épaulé pour gérer les ressources humaines et les relations sociales ;
Attendu enfin que, si M. Y... est intervenu sur le site du Mans pour apporter une assistance à M. X... dans la négociation commerciale, aucun élément objectif ne vient accréditer sa thèse selon laquelle M. Y... l'aurait remplacé et selon laquelle le véritable motif de son licenciement résiderait dans la volonté de la société B2S Le Mans de mettre ce collègue à sa place ;
Attendu que la lettre de licenciement est fondée sur les manquements de M. Jean-Noël X... dans la direction et la gestion du site du Mans et dans leur persistance en dépit de l'aide importante mise en place ; que les griefs qui y sont développés sont objectivés et vérifiables et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. Jean-Noël X... est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté ce dernier de l'ensemble de ses prétentions ;
**** Attendu, l'appelant succombant en son recours, qu'il sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la société B2S Le Mans, en cause d'appel, un indemnité de procédure de 1200 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;

PAR CES MOTIFS ;

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. Jean-Noël X... à payer à la société B2S Le Mans la somme de 1. 200, 00 € (MILLE DEUX CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le déboute lui-même de ce chef de demande ;
Le condamne aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01796
Date de la décision : 08/11/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-11-08;10.01796 ?
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