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08/11/2011 | FRANCE | N°10/00514

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 novembre 2011, 10/00514


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 8 Novembre 2011
ARRÊT N AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00514.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 20 Janvier 2010, enregistrée sous le no 09/ 00342

APPELANT :
Monsieur Jean-Paul X...... 49130 STE GEMMES SUR LOIRE
présent, assisté de Maître Fabrice VAUGOYEAU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
S. A. S. PLAN ORNEMENTAL 104 rue des Ponts de Cé C2 49000 ANGERS
représentée par Maître Aurélie

n VAUGOYEAU, avocat au barreau d'ANGERS (SCP BDH AVOCATS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 8 Novembre 2011
ARRÊT N AD/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00514.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 20 Janvier 2010, enregistrée sous le no 09/ 00342

APPELANT :
Monsieur Jean-Paul X...... 49130 STE GEMMES SUR LOIRE
présent, assisté de Maître Fabrice VAUGOYEAU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
S. A. S. PLAN ORNEMENTAL 104 rue des Ponts de Cé C2 49000 ANGERS
représentée par Maître Aurélien VAUGOYEAU, avocat au barreau d'ANGERS (SCP BDH AVOCATS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 08 Novembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Jean-Paul X... a été engagé par contrat à durée indéterminée le 4 septembre 1995 par la société Bertrand Frères, devenue la sas Plan ornemental comme attaché commercial, statut agent de maîtrise AM2, coefficient 280.
La sas Plan ornemental est une entreprise de production et de distribution de graines de fleurs à destination des professionnels de l'ornemental et M. X... était affecté au secteur professionnel.
Par avenant du 1er juillet 2002 il a été promu chef des ventes coefficient 310 qualification AM3, succédant alors à M. Y..., cadre démissionnaire.
Le 1er juillet 2006 M. X... est devenu responsable des ventes avec un statut cadre qualification C2, coefficient 450.
A la fin de l'année 2006 il a été demandé à M. X... d'abandonner progressivement l'activité commerciale, puis à compter du début 2007, de concentrer son activité sur le développement d'un projet marketing de gamme potagère, dont il est devenu le responsable en juillet 2007.
Les relations se sont alors tendues entre M. X... et son l'employeur, auquel il a en mars 2007 réclamé paiement d'un solde de prime sur objectif 2006, reprochant à La sas Plan ornemental de n'avoir pas formalisé les conditions de rémunération de son nouveau poste, puis, par lettre du 18 octobre2007, M. X... a demandé la régularisation de son statut de cadre au 1er juillet 2002.
M. X... a été en arrêt maladie, du 5 novembre 2007 jusqu'au 3 janvier 2008.
Le 4 janvier 2008 le médecin du travail a constaté l'inaptitude définitive du salarié à son poste de travail et à tous postes dans l'entreprise, avec mention d'un danger immédiat et examen médical réduit à une seule visite.
Après entretien préalable du 6 février 2008, M. X... a été licencié le 9 février 2008, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 17 septembre 2008 aux fins d'obtenir :
- la qualification de cadre à compter du 1er juillet 2002,-24 317, 22 euros à titre de rappel sur indemnités de licenciement conventionnelles,-9500 euros à titre de rappels de primes outre 950 euros à titre de congés payés y afférents,-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive,-2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 20 janvier 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- dit régulier le changement de statut de M. X... au 1ER juillet 2006,- dit l'avenant No1 du 23 avril 2001 de la convention collective opposable à la sas Plan ornemental,
- condamné la sas Plan ornemental à payer à M. X... la somme de 12 378, 85 euros à titre de rappel sur les indemnités conventionnelles de licenciement,- ordonné l'exécution provisoire, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant arrêtée à la somme de 4618, 70 euros,- condamné la sas Plan ornemental à payer à M. X... la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté les parties de leurs autres demandes,- condamné la sas Plan ornemental aux dépens.
Le jugement a été notifié à M. X... le 30 janvier 2010 et à la sas Plan ornemental le 1er février 2010.
M. X... a fait appel par lettre postée le 18 février 2010, et cet appel a été transcrit par le greffe de la cour, le 19 février 2010.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
M. X... demande à la cour, par observations orales reprenant sans ajout ni retrait ses écritures, de confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les frais irrépétibles et l'exécution provisoire, et en ce qu'il a dit l'avenant du 23 avril 2001 de la convention collective opposable à la sas Plan ornemental, et de l'infirmer pour le surplus ;
Soulevant un moyen nouveau devant la cour, M. X... lui demande :
- de dire que l'article 68 de la convention collective applicable, qui définit le mode de calcul de l'indemnité de licenciement, et de l'indemnité de licenciement complémentaire, des cadres et de celle des agents de maîtrise, est constitutif d'une disparité catégorielle de traitement illicite.
- de condamner en conséquence la sas Plan ornemental à lui payer la somme de 39 098, 97 euros au titre des rappels sur indemnités conventionnelles de licenciement.
M. X... demande encore à la cour :
- de condamner la sas Plan ornemental à lui payer la somme de 1000 euros à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs 2006, et les congés payés y afférents, la somme de 8500 euros à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs 2007, et les congés payés y afférents,- de condamner la sas Plan ornemental à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive.
A titre subsidiaire, M. X... demande à la cour de dire qu'il a exercé les fonctions de cadre à compter du 1er juillet 2002 et de condamner, en conséquence, la sas Plan ornemental à lui payer la somme de 24 317, 22 euros au titre des rappels sur indemnités conventionnelles de licenciement.
M. X... demande la condamnation de la sas Plan ornemental à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.
M. X... soutient à l'appui de ses demandes :
sur le rappel d'indemnités conventionnelles de licenciement :
- que l'article 68 de la convention collective applicable prévoit une indemnité de licenciement plus favorable que l'indemnité légale ; que cet article prévoit deux modes de calcul différents de l'indemnité de licenciement, selon que le salarié licencié est cadre ou non cadre ; que cette distinction catégorielle, défavorable aux salariés non cadres, est constitutive d'une violation du principe d'égalité de traitement, ainsi que la Cour de Cassation l'a relevé dans ses décisions du 1ER juillet 2009, et 8 juin 2011, dès lors qu'elle n'est pas fondée sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que la convention collective applicable, soit la convention collective du 24 septembre 1999 réglementant les conditions de travail et de rémunération des cadres et agents de maîtrise des établissements producteurs de graines de semences potagères et florales de Maine et Loire, ne justifie la disparité de traitement quant à l'indemnité de licenciement par aucun élément objectif et pertinent ; que l'argumentaire de la sas Plan ornemental ne donne d'ailleurs pas plus d'éléments concrets justifiants la différence de traitement alors qu'elle porte, pour le salarié, sur 30 000 euros ; qu'il avait des contraintes horaires, des déplacements, du stress, gérait six commerciaux dont certains sont des agents de maîtrise, faisait donc du management et que ses fonctions correspondent dans la convention collective à la qualification C1,- subsidiairement, si la cour ne retenait pas la disparité de traitement conventionnelle, qu'elle devrait, en tout état de cause, constater que M. X... a exercé des fonctions de cadre dès le 1er juillet 2002, et, en tirer les conséquences pour le calcul des indemnités conventionnelles de licenciement (la convention collective prévoyant une indemnité de licenciement et une indemnité de licenciement complémentaire spéciale de deux mois, pour les salariés ayant entre 50 et 54 ans à la date de la rupture, condition remplie par M. X...) ; qu'en effet il a remplacé, non pas partiellement, mais totalement, M. Y..., qui était cadre.
Sur la demande de rappels de primes d'objectifs :
- que le principe d'une prime sur objectifs est bien mentionné au contrat de travail, qui prévoit expressément, en son annexe, l'existence d'une partie variable de la rémunération ; que les premiers juges ont écarté à tort sa nature contractuelle et que le mode de calcul de cette prime ne pouvait pas être modifié par l'employeur sans l'accord du salarié ; que les bulletins de paie en témoignent puisqu'ils portent la mention : " avance prime/ objectif ", le solde intervenant en janvier ou février de l'année suivante ; que la prime a été forfaitisée à compter de 2003, à un montant annuel de 12 000 euros qui a été porté à 13 000 euros en 2005 ; qu'il ne s'agissait pas d'une libéralité et que M. X... a légitimement interpellé son employeur, lorsque celui-ci lui a demandé d'abandonner progressivement ses clients, à compter de la fin 2006, sur la contrepartie financière qui lui serait proposée pour compenser la perte de cette prime.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
- que la déloyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail est caractérisée par le fait qu'il lui a refusé le statut cadre de 2002 à 2006, et l'a privé d'une prime contractualisée sans son accord, ce, malgré ses nombreux écrits de réclamation ; qu'il a finalement été " placardisé " et poussé à la démission, comportement " confinant au harcèlement ", qui a contribué à la dégradation de son état de santé ; que ces pratiques ont déjà été appliquées à deux de ses collègues et ont entraîné la condamnation à paiements de la sas Plan ornemental.

Sur son préjudice :
- qu'il a subi près de deux années de chômage.
La sas Plan ornemental demande à la cour, par observations orales reprenant sans ajout ni retrait ses écritures, de confirmer le jugement entrepris, et de condamner M. X... à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La sas Plan ornemental soutient :
sur la demande de rappels d'indemnités conventionnelles :
- que la jurisprudence sur le fondement de laquelle M. X... forme sa demande principale ne doit pas faire oublier que les différences entre catégories professionnelles ont une origine historique, et sont le résultat de la négociation entre les partenaires sociaux ; que la Cour de Cassation, soucieuse de ne pas remettre en cause tout l'édifice conventionnel a, après sa décision du 1er juillet 2009, fait évoluer sa jurisprudence dans deux arrêts du 8 juin 2011 dont il résulte que le juge du fond doit rechercher si la différence de traitement constatée, dans les dispositions conventionnelles, n'a pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de chacune des deux catégories professionnelles distinctes, définies par la convention collective ; qu'au cas présent, si les partenaires ont institué une différence au niveau de l'indemnité de licenciement entre les cadres et les non cadres, c'est bien en raison des spécificités de la situation des salariés relevant de l'une ou l'autre des catégories, tenant " notamment aux conditions d'exercice des fonctions, lesquelles relèvent de sujétions et de compétences spécifiques " ; qu'il s'agit là de " raisons objectives et pertinentes ".
- que M. X... ne peut appuyer sa demande subsidiaire sur aucune stipulation contractuelle puisqu'il n'a jamais été convenu entre la société et lui-même, avant le 1er juillet 2006, qu'il bénéficierait d'un statut cadre ; que le statut d'agent de maîtrise était parfaitement conforme aux fonctions qu'il exerçait ; que M. Y... avait 20 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise quand il a accédé au poste de directeur des ventes, alors que M. X..., lorsqu'il l'a remplacé, ne comptait pas cette ancienneté, ni n'avait son expérience ; que M. X... avait certes une ancienneté de 17 ans mais pas en qualité de chef des ventes et qu'il a obtenu le statut de cadre dès l'instant où il a acquis la maîtrise nécessaire de ses fonctions et a gagné en expérience ; que sa demande visant à obtenir un solde d'indemnité de licenciement de 24 317, 22 euros doit être rejetée, la sas Plan ornemental ne remettant pas en cause, cependant, le mode de calcul retenu par les premiers juges, qui ont pris en compte le salaire brut moyen et non pas uniquement le salaire de base comme la convention collective le prévoyait antérieurement ; enfin que M. X... n'a subi aucun préjudice, puisque les cotisations sociales sont identiques pour les catégories cadres et non cadres et puisqu'il a toujours perçu un niveau de salaire supérieur à sa classification et même supérieur au niveau prévu pour les salariés cadres, ce qu'il ne conteste pas.
Sur la prime d'objectifs :
- qu'aucun document contractuel ne la prévoit ; que le contrat prévoyait en effet que le fixe serait complété d'une partie variable définie en annexe, mais qu'aucune annexe n'a été signée ; que l'avenant du 31 octobre 2010, stipulant qu'une prime serait versée en fonction de la réalisation des objectifs fixés, n'a concerné que la saison 2000-2001 ; que les conditions d'application de la prime, définies dans le cadre des fonctions d'attaché commercial, n'existaient plus lorsque les fonctions de M. X... ont été " substantiellement " modifiées ; que les versements maintenus ont eu le caractère de libéralités, la lecture des bulletins de paie montrant qu'ils n'ont jamais été constants ; qu'aucun droit au versement d'une prime annuelle de 13 000 euros n'a existé.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
- que la sas Plan ornemental est en désaccord avec les revendications de M. X..., ce qui ne peut lui être reproché.
Sur le préjudice :
- que M. X... ne justifie pas de sa situation d'emploi actuelle.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les indemnités conventionnelles de licenciement :
A. Sur l'application de l'article 68 de la convention collective du 24 septembre 1999
L'article L1234-9 du code du travail stipule que tout salarié lié par contrat à durée indéterminée a droit, s'il est licencié avec les conditions d'ancienneté visées par la loi applicable au moment de la rupture, et sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Le taux et les modalités de cette indemnité sont fixés par voie réglementaire mais son montant peut être établi, dans un sens favorable au salarié licencié, par la convention collective.
L'article 68 de la convention collective du 24 septembre 1999 réglementant les conditions de travail et de rémunération des cadres et agents de maîtrise des établissements producteurs de graines de semences potagères et florales de Maine et Loire est ainsi libellé :
Sauf en cas de faute grave ou de faute lourde, le licenciement ouvre droit au profit de tout salarié qui justifie d'une ancienneté de service continu d'au moins deux ans dans l'entreprise, à une indemnité de licenciement calculée comme suit :
- pour les cadres, un mois par année de présence dans la fonction de cadre, dans la limite de douze mois de salaire,- pour les agents de maîtrise, un demi-mois par année de présence dans la fonction d'agent de maîtrise, avec un maximum de douze mois.
La rémunération servant de base de calcul de l'indemnité sus-visée est la moyenne de la rémunération brute de l'intéressée pendant les douze mois précédant la fin du contrat de travail, ou pendant les douze derniers mois de travail effectif en cas de maladie.
Une indemnité complémentaire sera accordée selon les conditions d'âges suivantes :
- entre 45 et 49 ans....................... 1 mois-entre 50 et 54 ans....................... 2 mois-entre 55 et 58 ans et 4 mois.......... 3 mois au-delà pas d'indemnité complémentaire
......

Si le cadre ou l'agent de maîtrise remplit les conditions pour bénéficier de l'indemnité de licenciement, les indemnités de l'un ou l'autre régime se cumulent suivant les périodes passées dans les différentes activités, mais ne pourront, en aucun cas, dépasser le maximum de l'indemnité de licenciement cadre ou agent de maîtrise ;
Cet avantage légal, de nature économique, attribué à tout salarié licencié qui a l'ancienneté nécessaire et n'a pas commis de faute grave, est donc différencié dans son montant par la convention collective, selon la catégorie professionnelle à laquelle le salarié appartient au moment de la rupture du contrat de travail par l'employeur ;
La convention collective installe par conséquent une différence de traitement, pour l'attribution d'un avantage, entre des salariés placés dans une situation identique au regard du dit avantage ;
M. X... soutient que cette différence de traitement constitue une rupture des principes d'égalité de traitement et de prohibition des discriminations, entre les agents de maîtrise et les cadres, alors que la convention collective du 24 septembre 1999 ne justifie cette différence de traitement par aucune raison objective et pertinente ;
Il réclame paiement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité de licenciement complémentaire calculées selon les modalités fixées pour les cadres ;
La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard du dit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives, dont il appartient au juge de contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;
La cour doit rechercher si la différence de traitement constatée, dans la convention collective du 24 septembre 1999 réglementant les conditions de travail et de rémunération des cadres et agents de maîtrise des établissements producteurs de graines de semences potagères et florales de Maine et Loire, relative à l'indemnité de licenciement, au bénéfice des cadres par rapport à celle prévue au bénéfice des agents de maîtrise, n'a pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de ces deux catégories professionnelles distinctes, définies par la convention collective, et tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ;
La convention collective considérée a pour objet de réglementer, de manière plus favorable que selon la stricte application des textes légaux, les conditions de travail et de rémunération des cadres et agents de maîtrise des établissements producteurs de graines de semences potagères et florales de Maine et Loire : elle décrit en son article 28, intitulé " situation de l'encadrement " trois catégories spécifiques, que sont les cadres dirigeants, les cadres et agents de maîtrise à large autonomie, les cadres et agents de maîtrise à horaire collectif, et fixe dans son annexe I, intitulée " classification des emplois ", les coefficients applicables aux agents de maîtrise AM1 à AM3 et aux cadres, C1, C2, C3, CS et CD, avec une définition des fonctions associée ;
M. X... appartenait à la classification AM3, décrite à l'article 28 de la convention collective comme visant les salariés " à large autonomie dans la gestion de leur temps de travail " et qui, " en raison de leur niveau de responsabilité et d'initiative, disposent d'une large autonomie dans l'organisation de leur activité et de leurs déplacements, en vue du bon accomplissement de la mission qui leur est confiée " ;
La classification de l'emploi " agent de maîtrise " est, à l'annexe I de la convention cependant, affectée d'un coefficient qui va de 245 (AM1) à 310 (AM3), tandis que le coefficient affecté à l'emploi " cadre " va de 330 (C1) à 600 (C3) et même jusqu'à 1200 pour la catégorie CD " cadres dirigeants " ;
Il est par conséquent prévu par la convention collective une évolution de carrière, et de rémunération, très différente entre la catégorie agents de maîtrise, qui augmente au plus de 65 entre son plus bas et son plus haut niveau, tandis que la catégorie cadres prévoit une augmentation maximale de 870, et en tout cas, sans même considérer les cadres dirigeants, de 270 ;
Il existe par conséquent une spécificité conventionnelle de la catégorie cadre en termes d'évolution de carrière et de rémunération ;
L'examen de la définition des fonctions de l'agent de maîtrise et de celles du cadre, telles que décrites à l'annexe I, permet encore de relever que l'agent de maîtrise, même dans sa classification la plus haute, soit AM3, s'il est dit " chargé de commandement " et bénéficiant d'une " relative autonomie ", occupe une fonction de " conduite de personnel ou d'exécution de travaux ", tandis que la fonction cadre est essentiellement définie par l'exercice " d'une responsabilité de commandement de caractère hiérarchique ou fonctionnel " ;
Les niveaux hiérarchique et décisionnel de l'une et l'autre catégorie professionnelle sont donc différenciés, l'autonomie et l'initiative dont bénéficie l'agent de maîtrise s'inscrivant dans l'exercice d'une fonction d'exécution, sur des instructions de ce que l'annexe appelle " son chef direct " tandis que le cadre agit après avoir reçu " des instructions générales de travail.......... qu'il doit " pouvoir transformer en instructions de réalisations ", en " faisant preuve d'initiative " et en " rendant compte de la réalisation technique " et qui émanent des instances dirigeantes de l'entreprise ;
Le calcul du montant de l'indemnité de licenciement fixée pour les cadres, qui a pour objet de réparer les conséquences économiques de la perte de l'emploi, prend par conséquent en compte, de façon justifiée, le fait que la rupture prive le cadre, outre sa rémunération, d'une perspective d'évolution de carrière spécifique, et de l'exercice d'une fonction définie par une responsabilité de commandement de caractère hiérarchique ;
La différence de traitement repose ainsi sur des raisons objectives et pertinentes, de sorte que le principe d'égalité de traitement est dans ces conditions respecté ;
En l'absence d'atteinte au principe d'égalité de traitement, M. X... ne peut pas obtenir, pour la période pendant laquelle il était agent de maîtrise, le bénéfice des dispositions conventionnelles spécifiques à la catégorie professionnelle des cadres et les premiers juges ont à bon droit rejeté sa demande à ce titre ;
B. Sur la reconnaissance de la qualification de cadre
Il est établi que M. X... s'est vu attribuer la qualification de cadre par la sas Plan ornemental au 1ER juillet 2006 alors qu'il remplaçait, à compter du 1ER juillet 2002, M. Y..., cadre démissionnaire et directeur de ventes ;
La fiche de poste qui lui a été remise lui donne le titre de chef des ventes et définit ses fonctions comme devant être : " le relais entre les collaborateurs et la direction commerciale pour satisfaire le client, le leader ship de l'équipe commerciale ", et comme devant contribuer à " développer le secteur d'activité et la marge de l'entreprise " ; l'organigramme dessiné sur la fiche place M. X... entre le directeur commercial et les collaborateurs ; ses missions sont essentiellement d'établir une politique commerciale des prix, de manager l'équipe commerciale, de gérer les gros comptes, clients fournisseurs ; il est prévu qu'il participe au comité de direction opérationnel (comop) ;
Il est encore dit, à l'article 6 de cette fiche, que M. X... n'aura pas à requérir systématiquement l'autorisation préalable du supérieur hiérarchique pour " le management des collaborateurs, le règlement des litiges, les problèmes de vente (tarifs-gammes), les relations commerciales avec les clients " et qu'il dirigera 5 à 9 personnes, avec un chiffre d'affaires de 5 millions d'euros ;
Quatre salariés de la sas Plan ornemental décrivent ses fonctions comme ayant été celles d'un cadre, et l'organigramme de la société, tel qu'établi le 5 juin 2002, le met sous l'autorité directe de M. Z..., directeur opérationnel ;
Il est donc établi que dès le 1er juillet 2002 M. X... a exercé une responsabilité de commandement de caractère hiérarchique ou fonctionnel, reçu des instructions générales de travail qu'il devait transformer en instructions de réalisations, ce, conformément au descriptif conventionnel de la fonction de cadre, et il apparaît que " l'expérience " ne figure pas dans la liste des exigences du poste, celui-ci nécessitant " une connaissance suffisante des travaux accomplis sous sa responsabilité pour pouvoir en guider l'accomplissement, une connaissance pratique des problèmes de psychologie du travail et de larges qualités d'autorité et de commandement " ;
Il n'a pourtant été qualifié cadre, par son employeur, qu'après la mise en place de l'avenant conventionnel du 15 janvier 2004, rénovant les classifications professionnelles et rattachant au collège cadre le niveau " COMAK6A " alors que le poste de responsable des ventes se situe trois niveaux au dessus, au niveau " COMAK3 " ;
La qualification de cadre est donc reconnue à M. X... à compter du 1er juillet 2002 et celui-ci est fondé à recalculer, avec une ancienneté dans l'entreprise de 6 ans et 10 mois comme agent de maîtrise, et de 5 ans et 7 mois comme cadre, les sommes qu'il aurait dû percevoir au titre des deux indemnités conventionnelles de licenciement : elles s'établissent dès lors à un montant total de 54 199, 47 euros, alors qu'il lui a été versé la somme de 29 882, 25 euros ;
Le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. X..., et la sas Plan ornemental est condamnée à lui payer à titre de rappels d'indemnités conventionnelles de licenciement la somme de 24 317, 22 euros ;
Sur la prime d'objectif :
Si les gratifications bénévoles versées par l'employeur sont des libéralités, dont il peut modifier le montant ou cesser le paiement, les gratifications contractuelles sont, elles, un élément de salaire obligatoire qui ne peuvent être modifiées sans constituer une modification du contrat de travail ;
Le contrat de travail signé le 4 septembre 1995 par M. X... prévoit à titre de rémunération un salaire mensuel brut de 10 000 F sur 13 mois et " une partie variable définie en annexe " ;
L'avenant au contrat de travail du 30 décembre 1999 indique à l'article 4- rémunération :
" à titre de rémunération, M. X... percevait, en plus de primes d'objectif déterminées par un avenant annuel à son contrat de travail un salaire mensuel brut de 13 573 F.
Dans le cadre de l'accord d'entreprise, il a été décidé du maintien intégral de la rémunération actuelle..
A compter du 1er janvier 2000 le calcul de la rémunération mensuelle de M. X... sera basé sur 151, 67 heures, lissées sur l'année, selon les dispositions de l'accord d'entreprise ;.......
Par ailleurs, M. X... continuera à bénéficier de l'ensemble des avantages conventionnels dont il bénéficiait précédemment ".
Enfin le 31 octobre 2000 M. X... a signé une " annexe saison 2000/ 2001 " qui stipulait quant à sa rémunération :
a) à dater de septembre 2000 votre rémunération mensuelle sera fixée à 13 573 FF sur 13 mois, en complément vous recevrez les primes suivantes :
Graines : si C. A. 2 003 000, prime 23000 ; si C. A. 1926 000, prime 21000 etc..... Jeunes plants mini-mottes : si C. A. 2 003 000, prime 23 000etc.... Boutures : si C. A. 713 000, prime 8000etc.... Géraniums : si C. A. 579 000, prime 8000 etc.....
b) pour cette saison 2000/ 2001, vous percevrez une avance mensuelle sur prime de 3500 FF. cette avance vous sera versée à l'exception du mois où vous sera payé le solde de primes sur objectifs. Elle sera par ailleurs diminuée de moitié en novembre et décembre, mois où est payée par moitié la prime de fin d'exercice, soit 9 versements mensuels de 3500 FF et 2 versements mensuels de 1750FF.
Les gratifications perçues par M. X... ont par conséquent, depuis 1995 et de façon ininterrompue, eu une origine contractuelle et ne peuvent être valablement qualifiées par l'employeur de libéralités ; celui-ci ne pouvait plus, en 2000, compte tenu de cette nature contractuelle qui en faisait un accessoire du salaire, les diminuer ou changer leur mode de calcul sans l'accord express du salarié ;
Elles ont, comme le soutient M. X..., eu à compter de 2001 un caractère forfaitaire, qui transparaît dans leur montant arrondi et dans la régularité de l'avance mensuelle de 3500 FF portée sur tous les bulletins de salaire de 2001, puis de l'avance mensuelle équivalente de 500 euros, qui se retrouve sur les bulletins 2002, 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 ;
La sas Plan ornemental a de manière illicite diminué cette prime qui était contractualisée, de 1000 euros en 2006, puis de 8500 euros en 2007, lorsque les relations avec son salarié se sont dégradées ;
Le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... en rappels de primes et la sas Plan ornemental est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 9500 euros, outre celle de 950 euros à titre de congés payés y afférents ;
Sur l'exécution deloyale du contrat de travail et la resistance abusive de l'employeur :
En modifiant en 2007 les fonctions de M. X..., la sas Plan ornemental a également modifié les conditions de sa rémunération, sans que soient établies de nouvelles dispositions contractuelles, et en violation de celles en cours ; le salarié a été longuement maintenu, de manière injustifiée, dans le statut d'agent de maîtrise : il y a donc bien eu comme le dénonce M. X..., exécution déloyale du contrat de travail, la mission de constitution d'une gamme horticole d'espèces potagères, sur laquelle l'employeur ne produit aucune pièce comptable ni commerciale, hors la fiche de poste, apparaissant en outre comme vide de tout contenu ;
Cette inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles a causé à M. X... un préjudice puisque son état de santé en a été dégradé jusqu'à nécessiter un constat médical d'inaptitude avec caractère de danger immédiat : le jugement est par conséquent infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. X... et la sas Plan ornemental est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 5000 euros.
Sur les frais irrepetibles et les depens :
Il parait inéquitable de laisser à la charge de monsieur M. X... les frais engagés dans l'instance d'appel et non compris dans les dépens : la sas Plan Ornemental est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 euros ;
Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées ;
La demande de la sas Plan ornemental à ce titre est rejetée ;
La sas Plan ornemental est condamnée à payer les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 20 janvier 2010 en ce qu'il a dit que l'avenant No1 du 23 avril 2001 de la convention collective est opposable à la société Plan Ornemental et en ses dispositions relatives à l'exécution provisoire, aux frais irrépétibles et aux dépens ;

L'INFIRME POUR LE SURPLUS,
Statuant à nouveau, CONDAMNE la sas Plan ornemental à payer à M. X... les sommes de :
-1000 euros à titre de rappels sur la prime d'objectifs 2006,-100 euros à titre de congés payés y afférents,-8500 euros à titre de rappels sur la prime d'objectifs 2007,-850 euros à titre de congés payés y afférents ;

DIT que M. X... a relevé de la qualification cadre à compter du 1ER juillet 2002 ;
CONDAMNE la sas Plan ornemental à payer à M. X... la somme de 24 317, 22 euros à titre de rappels sur indemnités conventionnelles de licenciement ;
CONDAMNE la sas Plan ornemental à payer à M. X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la sas Plan ornemental à payer à M. X... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la sas Plan ornemental aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00514
Date de la décision : 08/11/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-11-08;10.00514 ?
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