COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01601.
Jugement Conseil de Prud'hommes de LAVAL, du 28 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00113
ARRÊT DU 20 Septembre 2011
APPELANTE :
S. A. R. L. SOCAD 32 rue d'Anjou 53320 LOIRON
représentée par Maître Anne-Florence LE GOURIFF (société juridique du Maine), avocat au barreau de LAVAL
INTIMEE (incidemment appelante) :
Madame Isabelle X...... 53960 BONCHAMPS LES LAVAL
présente, assistée de Maître Renaud GISSELBRECHT, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame TIJOU
ARRÊT : prononcé le 20 Septembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame ARNAUD-PETIT pour le président empêché, et par Madame TIJOU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame Isabelle X... a été embauchée le 27 octobre 1997 en qualité d'employée de bureau par la société RA EXPANSION puis est devenue le 28 juin 2000 responsable du service paie.
En mars 2005, la société RA EXPANSION a cédé une partie de ses activités à la société SOCAD, société effectuant pour le compte de ses clients des prestations administratives et financières et la paie, ainsi que les démarches liées à celle-ci, soit les affiliations aux organismes de prévoyance, les relations avec l'URSSAF, l'AGIRC, l'ARRCO, et la médecine du travail.
Madame X... a conservé son ancienneté chez ce nouvel employeur.
Par avenants contractuels successifs, elle est devenu cadre, responsable paie niveau 7 de la convention collective des commerces de détail non alimentaires, avec une rémunération fixe brute mensuelle de 2300 euros pour 39 h par semaine, et une rémunération variable de 2100 euros annuels brut liée à la réalisation de trois objectifs :- un objectif qualitatif (satisfaction du client, non redressement à la suite d'un contrôle URSSAF) = 30 % de la prime,- objectif coût (maîtrise du coût unitaire d'un bulletin de prime) = 30 % de la prime,- objectif management : (animation, formation de l'équipe, polyvalence, contrôle, implication, organisation) = 40 % de la prime.
En 2007, la société SOCAD a porté le salaire fixe de madame Isabelle X... à 3000 euros mensuels sur proposition de son responsable hiérarchique ainsi motivée : " la réussite du projet Pandore et la grande autonomie d'Isabelle justifient son augmentation de rémunération ".
En juin 2008, la sarl SOCAD a missionné un cabinet d'audit, la société SOREGOR consultants, et l'a chargé de vérifier la bonne application de la législation sociale, à l'égard des entreprises dont elle réalisait la paie, de relever les éventuels problèmes et d'y apporter des solutions.
L'auditrice madame Katia E... a déposé son rapport le 26 décembre 2008.
La sarl SOCAD y a relevé des négligences et manquements directement imputables à madame Isabelle X..., qu'elle a convoquée le 8 janvier 2009 à un entretien préalable au licenciement, avec mise à pied conservatoire, puis licenciée pour faute grave par courrier du 26 janvier 2009.
Le 12 décembre 2008, un avertissement avait été notifié par la sarl SOCAD à madame Isabelle X... pour n'avoir pas refait les bulletins de salaire rectifiés que la société FUTURA PRODUCT, cliente de SOCAD, avait été condamnée à produire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, par jugement du conseil de prud'hommes de Laval du 13 juin 2008 et alors que FUTURA PRODUCT se trouvait de ce fait convoquée à nouveau le 18 novembre 2008 devant la juridiction prud'homale pour la liquidation de l'astreinte.
Madame Isabelle X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval pour voir dire son licenciement sans cause et obtenir paiement des indemnités afférentes, ainsi que paiement de 24, 50 heures supplémentaires et de ses frais irrépétibles.
Par jugement du 28 mai 2010, le conseil de prud'hommes de Laval a :- dit que le licenciement de madame Isabelle X... ne reposait pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,- condamné la sarl SOCAD à payer à madame Isabelle X... : • 7531, 53 euros à titre d'indemnité de licenciement, • 9349, 50 euros à titre de préavis, • 934, 95 euros à titre de congés payés afférents, • 1650, 89 euros à titre de salaire pour la période de mise à pied, • 165, 08 euros pour les congés payés afférents, • 18 100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, • 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.- condamné la sarl SOCAD à rembourser aux organismes concernés un mois d'indemnités de chômage,- rejeté la demande de madame Isabelle X... d'annulation de l'avertissement du 12 décembre 2008,- rejeté la demande de madame Isabelle X... en paiement d'heures supplémentaires et en dommages et intérêts pour ce non paiement,- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial dans la limite de 9 mois de salaire,- condamné la sarl SOCAD aux dépens.
La sarl SOCAD a fait appel de cette décision, et madame Isabelle X... a formé appel incident sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les heures supplémentaires, les dommages et intérêts pour non paiement des heures supplémentaires, et la condamnation de la sarl SOCAD en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La sarl SOCAD demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de madame Isabelle X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à madame Isabelle X... les sommes de 18 100 euros, 7531, 53 euros, 9349, 50 euros, 934, 95 euros, 1650, 89 euros, 165, 08 euros, 700 euros et en ce qu'il l'a condamnée à rembourser un mois d'indemnités de chômage ; de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire et de dommages et intérêts de madame Isabelle X... pour non paiement d'heures supplémentaires, et en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'avertissement du 12 décembre 2008.
La sarl SOCAD demande à la cour de dire que le licenciement de madame Isabelle X... repose sur une faute grave, de dire en conséquence les demandes de celle-ci infondées et de l'en débouter, de condamner madame Isabelle X... à lui payer la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner au paiement des dépens de l'instance.
La sarl SOCAD soutient :
- que l'avertissement délivré le 12 décembre 2008 était justifié et proportionné à la faute commise.
- que les fautes invoquées à l'appui du licenciement ne sont pas prescrites puis qu'elles ont été connues le 26 décembre 2008, et que la convocation à l'entretien préalable au licenciement a été notifiée le 8 janvier 2009, soit moins de deux mois après ; que si l'auditrice a tenu informée la direction de la sarl SOCAD de l'avancement de ses constatations celle-ci n'a pu connaître la teneur exacte et l'ampleur des anomalies constatées qu'à la lecture du rapport de synthèse.
- que madame Isabelle X... n'a manqué ni de moyens, ni de formation, pour accomplir ses fonctions.
- que le licenciement est fondé sur 8 griefs, qui ont été révélés par le rapport d'audit, et dont les conséquences n'ont été réduites que par les régularisations effectuées sur détection des anomalies par l'auditrice.
- qu'il n'existe pas d'autre cause aux dysfonctionnements relevés que les manquements de madame Isabelle X..., qui disposait de la documentation nécessaire, puisque le domaine de la paie est en constante mutation, et a été formée à l'utilisation du logiciel de paie PANDORE installé en mai 2007 ; qu'elle ne démontre pas la surcharge de travail invoquée.
- que madame Isabelle X... n'apporte aucun élément de nature à étayer la réalité d'heures supplémentaires, que son employeur ne lui pas demandé d'accomplir, même implicitement.
Madame Isabelle X... demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il lui a alloué les sommes de :
* 7531, 53 euros à titre d'indemnité de licenciement, * 9349, 50 euros à titre de préavis, * 934, 95 euros à titre de congés payés afférents, * 1650, 89 euros à titre de salaire pour la période de mise à pied, * 165, 08 euros pour les congés payés afférents.
et de l'infirmer pour le surplus en lui allouant les sommes de :
* 93 495 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 489, 27 euros en paiement d'heures supplémentaires avec intérêts au taux légal, * 300 euros à titre de dommages et intérêts pour non paiement des heures supplémentaires, * 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance.
Madame Isabelle X... demande à la cour d'annuler l'avertissement du 12 décembre 2008, de lui allouer la somme de 3000 euros en appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner la sarl SOCAD aux dépens de première instance et d'appel.
Madame Isabelle X... soutient :
- que l'avertissement du 12 décembre était injustifié, car elle était surchargée de travail et non pas négligente ; que la direction de la sarl SOCAD ne l'avait " pas particulièrement relancée " sur la tâche en cause.
- que le licenciement est intervenu après dix ans d'emploi sans incident et deux ans de " dévouement complet ", et que les fautes reprochées sont prescrites puisque l'auditrice en a informé l'employeur dans des points datés du 8 juillet 2008, 17 octobre 2008, 7 novembre 2008, soit plus de deux mois avant le 8 janvier 2009.
- que madame Isabelle X... a été formée à l'utilisation du logiciel PANDORE, mais non pas au droit social et au droit de la paie, qu'elle a dû enfin remplacer le DRH, licencié, comme chef de projet lors de la mise en place du logiciel.
En ce qui concerne les griefs invoqués dans la lettre de licenciement :
- que le grief retenu sur les défauts de mise à jour du document de versement de lieu unique URSSAF n'existe pas puisqu'il y a eu régularisation et absence de préjudice.
- qu'en ce qui concerne les visites médicales de deux salariés de la sarl STICAL il s'agissait d'une société basée à BONCHAMP alors que la SOCAD n'était en charge que des visites médicales de reprise pour les sociétés basées sur le site de LOIRON.
- que pour le non suivi des variations d'effectif de la société FUTURA FINANCES la situation a été régularisée à l'égard de l'URSSAF en mai et juin 2008, et que FUTURA n'a pas subi de préjudice.
- que pour les oublis d'affiliations à la Prévoyance, madame Isabelle X... ne se souvient pas d'avoir eu des avertissements en 2002 et 2008 à ce sujet, mais souligne que tout a été régularisé en août 2008, et qu'en réalité, toutes les sociétés en cause ont bien été affiliées à la Prévoyance GMF.
- que madame Isabelle X... n'était pas chargée du paramétrage du logiciel PANDORE, mais le vendeur dudit logiciel, et qu'on ne peut donc valablement lui reprocher les erreurs de paramétrage sur la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale résultant de la loi FILLON.
- que la régularisation de la base de calcul GMP (cotisation due sur les salaires des cadres et calculée sur une base forfaitaire revalorisée chaque année) a été faite en août 2008.
- que l'oubli de précompte CSG RDS sur la retraite complémentaire de salariés cadres de la société AGENCE BLEUE n'a concerné que la gérante de cette société, et que madame Isabelle X..., qui n'avait effectivement pas effectué ce précompte, a, le 2 décembre 2008, demandé l'autorisation de rectifier la situation du salarié, mais n'a pas eu de réponse à cette demande.
Madame Isabelle X... souligne qu'elle avait de l'ancienneté, et a fait preuve de dévouement, ce qui justifie des dommages et intérêts représentant deux années de salaire ; qu'elle a en effet retrouvé un emploi le 12 mars 2009, mais avec un différentiel de salaire à la baisse de 700 euros par mois et la perte du statut de cadre ; qu'elle a un remboursement immobilier mensuel de 780 euros et paie 356 euros pour l'achat de son véhicule ; elle ajoute qu'elle n'a pas perçu d'indemnités de la part de Pôle Emploi entre janvier et mars 2009.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'avertissement du 12 décembre 2008
Il est acquis que le conseil de prud'hommes de Laval a, par jugement du 13 juin 2008, condamné la société FUTURA PRODUCT, cliente de la sarl SOCAD, à remettre à monsieur Z... des bulletins de salaire rectifiés, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et que le tribunal, saisi par monsieur Z... le 18 novembre 2008, a, par jugement du 29 mai 2009, liquidé l'astreinte prononcée le 13 juin 2008, et condamné la société FUTURA PRODUCT à verser à monsieur Z... 1500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte et 700 euros au titre des frais irrépétibles.
Madame Isabelle X... ne conteste pas avoir été en charge de cette tâche qu'elle a mentionnée le 8 juillet 2008 dans la liste de ses tâches en cours, mais soutient avoir été surchargée de travail et n'avoir pas été alertée " par écrit " par l'employeur sur " les conséquences que la non élaboration de cette tâche aurait pu avoir pour la société FUTURA PRODUCT ".
Il est néanmoins établi :
- que son statut de cadre et le pouvoir d'organisation de son service, dont elle disposait par contrat, lui permettait de donner la priorité à cette tâche,- que pour rectifier les bulletins de salaire de manière conforme, il fallait qu'elle dispose de la décision prud'homale,- que son inertie a bien eu des conséquences pour la société FUTURA PRODUCT, puisque, cette dernière a subi une nouvelle procédure, une condamnation au paiement de l'astreinte et une condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société FUTURA PRODUCT a d'ailleurs indiqué au conseil de prud'hommes de Laval qu'elle avait fourni les bulletins de salaire à monsieur Z... " dès qu'elle les avait eus en sa possession, puisque ceux ci étaient établis par la société SOCAD qui avait tardé à exécuter sa mission ".
L'employeur qui dispose d'un pouvoir disciplinaire en a fait une utilisation justifiée et proportionnée à la faute commise ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes de Laval dont le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de madame Isabelle X... de voir annuler l'avertissement.
Sur le licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L1232-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé, et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Les faits invoqués par l'employeur doivent être exacts, précis, objectifs et revêtir une certaine gravité.
La lettre de licenciement, visée à l'article L1232-6 du code du travail, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, et ses termes fixent le litige.
Il appartient au juge de rechercher la cause du licenciement, et d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, au vu des éléments fournis par les parties.
La faute grave n'est pas définie par la loi, et les articles L1234- 1et L1234-9 du code du travail énoncent seulement les indemnités auxquelles le salarié a droit lorsque son licenciement " n'est pas motivé par une faute grave " : la jurisprudence a donc définie la faute grave comme étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La jurisprudence précise que si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas particulièrement sur l'employeur, il incombe en revanche à celui-ci d'établir la faute grave qu'il invoque à l'encontre du salarié.
Sur la prescription des faits
L'article L1332-4 du code du travail stipule qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, et la date de l'engagement des poursuites disciplinaires est la date de notification de la convocation à l'entretien préalable au licenciement.
Si l'auditrice de la société SOREGOR CONSULTANT a informé la direction de la sarl SOCAD de l'état d'avancement de ses travaux, il est indiqué par madame Isabelle X..., elle-même, dans ses écritures, que cette information a été " informelle " et que c'est la salariée qui a fait un point mensuel de ses activités, ce qui permet de dater les fautes reprochées et de les dire connues de l'employeur au 7 novembre 2008.
La relation par madame Isabelle X... des erreurs révélées par l'audit ne peut cependant avoir été suffisamment précise, complète, et impartiale pour avoir donné à la sarl SOCAD une juste vision de la gravité, de l'ampleur, et des conséquences des oublis constatés par l'auditrice madame E....
Seule la remise du rapport d'audit, qui comporte onze pages et fait la synthèse des constats réalisés, a donné à l'employeur une connaissance suffisamment précise et complète des faits lui permettant d'engager ou non des poursuites disciplinaires et de qualifier la nature du licenciement.
En convoquant madame Isabelle X... le 8 janvier 2009 pour l'entretien préalable au licenciement, la sarl SOCAD était dans le délai de prescription utile pour les faits décrits le 26 décembre 2008.
Il n'y a pas lieu de dire les faits reprochés prescrits.
Sur les griefs contenus dans la lettre de licenciement
La lettre de licenciement adressée le 26 janvier 2009 à madame Isabelle X... rappelle que la sarl SOCAD effectue notamment les paies pour ses clients, a tous pouvoirs pour exécuter les démarches administratives liées à la paie, et que madame Isabelle X... comme responsable du service paie doit :- veiller à la bonne exécution des paies,- gérer les démarches administratives liées à la paie de toutes les sociétés clientes,- animer, former et manager l'équipe,- participer à l'amélioration du service et être réactif face aux nouvelles évolutions afin de faire bénéficier les clients des nouvelles dispositions sociales.
La lettre relève ensuite que l'audit réalisé par la société SOREGOR et son rapport du 26 décembre 2008 ont constaté " bon nombre d'anomalies liées aux nombreuses négligences et manquements dont vous avez fait preuve dans l'exercice de vos fonctions. " ; elle énonce huit griefs, contenus dans le rapport d'audit et les qualifie de " fautes inacceptables ayant engendré de graves conséquences, notamment une importante perte financière pour l'ensemble de nos clients ".
L'employeur estime que ces agissements nuisent à la bonne marche et à l'image de son entreprise car elles préjudicient aux exigences de rigueur et de sérieux indispensables pour la satisfaction de sa clientèle.
Les griefs sont ainsi énoncés :
1o) le versement lieu unique de l'URSSAF n'a pas été mis à jour depuis 2006, ce qui a valu à la société SFN consulting le 14 janvier 2009 une contrainte URSSAF pour un total de 2157, 78 euros.
2o) deux salariés de la société STICAL, mesdames Charlotte A... et Maryline B... n'étaient pas à jour de leurs visites médicales de reprise, ce qui aurait pu avoir des conséquences pénales pour l'employeur, et les indemnités journalières de la sécurité sociale n'étaient pas introduites dans le bulletin de salaire, ce qui avait un impact fiscal pour le salarié, mais aussi entraînait un paiement de charges supplémentaires pour la société cliente.
3o) l'absence de suivi des effectifs des sociétés clientes a eu des conséquences en termes de trop payé de cotisations sociales pour la société FUTURA FINANCES dont l'effectif est passé de 45 à 6 salariés.
4o) la non affiliation à la Prévoyance des sociétés SFN CONSULTING FUTURA MARKETING GEFAC SFN MAT ILYCO VOYAGES TIRUPPUR TRADING, et le non versement des cotisations précomptées pour les sociétés RA EXPANSION, AJ PACKAGING FUTURA FINANCES, ce qui en cas de décès ou d'invalidité d'un membre du personnel aurait pu provoquer la condamnation de l'entreprise concernée à un minimum de trois plafonds annuels de la sécurité sociale soit à un montant de 99 828 euros pour 2008.
5o) de nombreuses erreurs de paramétrage du logiciel de paie concernant la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale résultant de la loi FILLON ont été commises, ce qui représente pour chacune des sociétés clientes une perte financière importante.
6o) le calcul de la GMP était erroné, la base forfaitaire utilisée étant restée à 199, 17 euros alors qu'elle est revalorisée chaque année et s'élevait pour 2008 à 300, 08 euros, ce qui rend une régularisation auprès des caisses nécessaire.
7o) les cadres salariés de la société AGENCE BLEUE bénéficiaient d'une retraite supplémentaire et leurs cotisations part patronale devaient être soumises à CSG-RDS ; cet oubli peut entraîner un redressement URSSAF.
8) des correspondances datant de mai 2008 se trouvaient encore dans le bureau de madame Isabelle X... le 13 janvier 2009, alors qu'elles concernaient les points retraite AGIRC et ARRCO, et des dossiers de garantie de Prévoyance des salariés de la sarl STICAL, et auraient dû être transmis à ceux ci.
En ce qui concerne le 1ER grief, il apparaît que madame Isabelle X... a, dans son point mensuel de décembre 2008, noté dans la liste des tâches à faire : " mise à jour de la VLU : rattachement des sociétés crées en 2007 et 2008. Elle n'a cependant pas réalisé cette mise à jour et la sarl SOCAD produit une contrainte adressée le 12 janvier 2009 à sa cliente la société SFN CONSULTING de ce fait.
Quant au 2ème grief, les mels produits par madame Isabelle X... elle-même confirment que cette tâche revenait au service paie et montrent aussi qu'elle avait bien à effectuer les prises de rendez-vous d'examens médicaux pour des salariés d'entreprises dont le siège social n'était pas à LOIRON ; en outre les deux salariées concernées par l'absence de visite de reprise travaillaient certes depuis 2007 à BONCHAMP LES LAVAL, mais leur entreprise avait toujours son siège social à LOIRON.
Les 3èME, 4èME, 5èME, 6èME et 7èME griefs résultent des constats opérés par l'auditrice, dans le cadre de son contrôle effectué à compter du 9 juin 2008, à raison de deux à trois jours par semaine et jusqu'au dépôt du rapport du 26 décembre 2008.
Madame Isabelle X... ne conteste pas la pertinence et la fiabilité de ce travail qu'elle a, au contraire, repris à son compte dans ses points mensuels pour des tâches oubliées ou mal effectuées, qu'elle a alors régularisées.
Ces régularisations ne peuvent cependant être mises qu'au seul bénéfice de madame E..., l'auditrice, qui indique même en ce qui concerne le défaut d'affiliation de certaines sociétés clientes à la Prévoyance et le non reversement des cotisations aux AGF pour certaines autres, cette fois affiliées, que :- une " telle négligence " faisait encourir aux sociétés concernées, pour 2008, un risque de redressement de 99 828 euros,- que madame Isabelle X... avait déjà été alertée de l'importance de ce risque en 2008 lors d'une mission comptable de SOREGOR, et en 2002, par le cabinet BAUDOT et associés,- qu'elle a, " compte tenu du risque encouru, personnellement pris en charge ces mises à jour ".
Madame E... indique également dans son rapport que les erreur sur la réduction loi FILLON sont " multiples " et ont " généré d'importantes pertes financières pour l'ensemble des sociétés pour lesquelles la sarl SOCAD est chargée de réaliser la paie " ; elle a relevé quant au suivi des effectifs des sociétés clientes que si l'impact financier des erreurs observées était presque nul cela provenait du fait que des erreurs avaient été commises dans les deux sens ; elle a noté enfin que l'erreur de base de calcul sur la GMP durait depuis " probablement plusieurs années ", qu'elle avait été corrigée pour 2008, mais que les caisses de retraite allaient " obligatoirement demander paiement des cotisations non payées " pour les années antérieures ", et que cela concernait environ 100 cadres.
Madame E... a, d'autre part, pointé dans son rapport que les salariées du service paie formaient une équipe " avec du potentiel, motivée " mais elle a insisté sur le fait que madame Isabelle X... ne les avait jamais incitées à déceler les anomalies lors du traitement des bulletins de paie, les cantonnant à un rôle de saisie et de production.
Madame E... a conclu son rapport en disant que ces salariées avaient été " limitées dans leurs fonctions par leur supérieure hiérarchique directe " c'est-à-dire madame Isabelle X... et qu'elles n'avaient jamais eu à leur disposition, avant le début de son intervention, de documentation leur permettant d'évoluer vers la qualité dans leur travail.
Pourtant il est consigné au rapport (page 6) que la documentation technique utile existait dans le service ; cependant madame E... indique que madame Isabelle X..., en se réservant personnellement toutes les activités de contrôle et d'application de la législation, s'est mise dans l'impossibilité de décerner les erreurs commises mais aussi de répondre dans les délais aux demandes diverses parvenant au service paie.
Madame Isabelle X... ne peut donc utilement invoquer une surcharge de travail, au demeurant limitée, puisqu'elle produit un unique mel à ce sujet et revendique le paiement de 24 heures supplémentaires uniquement, alors que lui revenait comme cadre le management du service et qu'elle avait une prime d'objectif de 40 % pour cela, plus importante que la prime de productivité de 30 %.
L'avenant contractuel qu'elle a signé en 2004 le dit expressément, et le relèvement de salaire à un fixe mensuel de 3000 euros était justifié par sa " grande autonomie ".
La mise en place du logiciel PANDORE, effectuée en 2007, ne peut pas non plus être invoquée par madame Isabelle X... comme une cause de dysfonctionnement l'exonérant de sa propre responsabilité, puisque l'installation remontait à une année, qu'elle l'avait assurée comme chef de projet en remplacement du DRH et avait été valorisée pour cela, sans avoir signalé de difficultés particulières, et puisqu'il est établi que l'employeur lui avait donné accès à plusieurs formations.
Il est également démontré par la sarl SOCAD, que le service paie est passé, outre madame Isabelle X..., de 4 à 6 personnes en 2006, c'est à dire avant la mise en place du nouveau logiciel.
L'attestation de monsieur C..., produite par madame Isabelle X..., est celle d'un salarié qui a quitté la société avant l'installation du logiciel, soit fin 2006, et monsieur D..., consultant de la société SAGES, qui a mis en place le logiciel n'énonce dans son attestation que des difficultés habituelles en la matière, tout en précisant que les erreurs de paramétrages ont été corrigées " au fur et à mesure ", et en observant qu'il y a eu un recrutement " massif " pour " amener de la stabilité dans le service ".
Le rapport d'audit du 26 décembre 2008, ne met en exergue aucune cause de dysfonctionnement extérieure à l'action de madame Isabelle X..., mais souligne au contraire que " tout l'aspect à valeur ajoutée, à savoir : paramétrage du logiciel, suivi des réformes, contrôle et suivi des effectifs, application du droit de la sécurité sociale, est sous le contrôle direct et exclusif de madame Isabelle X... " et que c'est le type d'organisation mis en place par madame X... qui a causé l'absence de maîtrise par le service de la tâche impartie par l'employeur.
Ce constat de madame E..., explique que l'employeur ait pu relever, en 8èME grief, que nombre de documents qui auraient dus être transmis aux salariés des sociétés clientes sont restés en attente dans le bureau de madame X....
L'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement est par conséquent établi : leur nombre, leurs conséquences financières et administratives pour les sociétés clientes de la sarl SOCAD, l'absence de cause autre que l'action de madame Isabelle X... caractérisent la responsabilité de celle-ci comme l'importance de ses manquements et justifient la notification d'un licenciement pour faute grave.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Laval est infirmé en ce qu'il a dit le licenciement de madame Isabelle X... sans faute grave ni cause réelle et sérieuse, et madame Isabelle X... doit être déboutée de ses demandes au titre du licenciement abusif.
Sur les heures supplémentaires
S'il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Madame Isabelle X... ne produit, pour justifier des heures supplémentaires invoquées, que quelques mels dont les heures d'envoi sont parfois tardives mais il est acquis aux débats qu'elle avait une grande autonomie dans l'organisation de son travail, qu'elle a pu les envoyer depuis son domicile, et enfin, que l'employeur ne lui a pas demandé un surcroît de travail, lequel n'a pu naître que du défaut d'organisation du service relevé par madame E....
Le jugement du conseil de prud'hommes de Laval est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de madame Isabelle X... à ce titre et en paiement de dommages et intérêts pour non paiement d'heures supplémentaires.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance ; le jugement du conseil de prud'hommes de Laval est infirmé en ce qu'il a condamné la sarl SOCAD à payer à madame Isabelle X... la somme de 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la sarl SOCAD aux dépens de première instance, qui incombent à madame Isabelle X..., comme ceux d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Laval du 28 mai 2010 en ce qu'il a :
- débouté madame Isabelle X... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 12 décembre 2008,
- débouté madame Isabelle X... de sa demande d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour non paiement d'heures supplémentaires.
- débouté la sarl SOCAD de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial dans la limite de 9 mois de salaire.
L'INFIRME pour le surplus, et statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de madame Isabelle X... repose sur une faute grave.
DEBOUTE madame Isabelle X... de toutes ses demandes pour licenciement abusif.
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laisse à chaque partie la charge des frais irrépétibles engagés en première instance
CONDAMNE madame Isabelle X... au paiement des dépens de première instance
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laisse à chaque partie la charge des frais irrépétibles engagés en appel.
CONDAMNE madame Isabelle X... au paiement des dépens d'appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Annick TIJOU Brigitte ARNAUD-PETIT