La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2011 | FRANCE | N°10/01508

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 juillet 2011, 10/01508


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01508.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 26 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00539

ARRÊT DU 05 Juillet 2011

APPELANTE :
Madame Christelle X......
présente, assistée de Maître Thierry PAVET, avocat au barreau du MANS

INTIMEE : (incidemment appelante)
Madame Martine Z......
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 11/ 002704 du 14/ 04/ 201

1 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)
présente, assistée de Maître Philippe GRUNBE...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01508.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 26 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00539

ARRÊT DU 05 Juillet 2011

APPELANTE :
Madame Christelle X......
présente, assistée de Maître Thierry PAVET, avocat au barreau du MANS

INTIMEE : (incidemment appelante)
Madame Martine Z......
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 11/ 002704 du 14/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)
présente, assistée de Maître Philippe GRUNBERG, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 05 Juillet 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

EXPOSE DU LITIGE
Madame Martine Z...a été embauchée comme vendeuse en charcuterie le 23 mars 1985 par monsieur Guy C..., dont le fond a ensuite été repris par madame Christelle X..., laquelle a signé le 27 juillet 2007 avec madame Z...un contrat à durée indéterminée pour un emploi comme vendeuse, au coefficient 190, à plein temps, et pour un salaire mensuel brut de 1392, 33 euros.
Madame Z...a été convoquée par courrier du 12 mai 2009 à un entretien préalable au licenciement, fixé d'abord au 18 mai, puis repoussé, par courrier du 13 mai de madame X..., au 22 mai 2009 ; le courrier notifiait une mise à pied conservatoire.
Par courrier recommandé du 23 mai 2009, madame X...a notifié à sa salariée son licenciement pour faute grave, au motif que celle-ci avait " volé ", le vendredi 1er mai 2009, en faisant le ménage de la charcuterie, un ticket de caisse récapitulatif des ventes réalisées sur les trois mois précédents.
Madame Z...a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir en conséquence paiement des sommes suivantes :
-613, 14 euros au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents,
-2921, 16 euros à titre d'indemnité de préavis et les congés payés afférents,
-9800, 49 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-29 211, 60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-7300 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-1461 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,
-1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 mai 2010, le conseil de prud'hommes du Mans après avoir dans ses motifs écarté la faute grave et déclaré le licenciement de madame Z...sans cause réelle et sérieuse, a condamné madame X...à payer à madame Z...les sommes de :
-613, 14 euros au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents,
-2921, 16 euros à titre d'indemnité de préavis et les congés payés afférents,
-9800, 49 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-7300 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-22 211, 60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-350 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes du Mans a débouté madame Z...de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, débouté madame X...de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire et condamné madame X...aux dépens.
Madame X...a fait appel de la décision et madame Z...a formé appel incident sur l'indemnité pour procédure irrégulière.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Madame X...demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de dire le licenciement de madame Z...fondé sur une faute grave et de la débouter de toutes ses demandes indemnitaires, très subsidiairement, de dire que le licenciement a eu une cause réelle et sérieuse et que madame Z...ne peut prétendre à réparation d'un préjudice moral, de condamner madame Z...à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux dépens.
Madame X...soutient que le document soustrait par madame Z...n'était nullement une simple bande de caisse, mais un document comptable récapitulatif sur plusieurs mois de l'activité du commerce ; que madame Z...l'a pris délibérément, et a dans un premier temps dissimulé son geste à son employeur ; que s'agissant d'un fonds de commerce de petite taille, il ne pouvait plus, dès lors, exister de confiance entre l'employeur et sa salariée, et que celle-ci ne pouvait plus être laissée livrée à elle même dans le commerce, ce qui rendait la poursuite du contrat de travail impossible ; que madame Z...n'a subi aucun préjudice moral, la réalité des faits n'étant pas contestée.
Madame Z...demande à la cour par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de confirmer le jugement entrepris, de dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, et de condamner madame tribote à lui payer, outre les sommes fixées par le conseil de prud'hommes du Mans, la somme de 1461euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure, et celle de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame Z...soutient qu'en emportant la bande de caisse récapitulative que madame X...avait laissée chiffonnée sur le billot, la destinant ainsi à la poubelle, elle n'a pas commis d'ingérence dans la gestion du fonds de commerce, et n'a causé aucun préjudice puisque cette bande pouvait être rééditée ; qu'elle n'a pas commis de faute grave ni même aucune faute pouvant causer son licenciement.
Elle précise, qu'après 25 ans de présence dans le magasin, être licenciée pour " vol ", a été particulièrement vexatoire, et a engendré chez elle un syndrôme dépressif ; que son préjudice moral est réel ; qu'elle n'a en outre pas retrouvé d'emploi.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l'article L1232-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé, et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les faits invoqués par l'employeur doivent être exacts, précis, objectifs et revêtir une certaine gravité.
La lettre de licenciement, visée à l'article L1232-6 du code du travail, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, et ses termes fixent le litige.
Il appartient au juge de rechercher la cause du licenciement, et d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, au vu des éléments fournis par les parties.
La faute grave n'est pas définie par la loi, et les articles L1234- 1et L1234-9 du code du travail énoncent seulement les indemnités auxquelles le salarié a droit lorsque son licenciement " n'est pas motivé par une faute grave " : la jurisprudence a donc défini la faute grave comme étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La jurisprudence précise, que si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas particulièrement sur l'employeur, il incombe en revanche à celui-ci d'établir la faute grave qu'il invoque à l'encontre du salarié.
Madame X...énonce dans la lettre de licenciement du 23 mai 2009 qu'elle a, le vendredi 1ER mai 2009, à la fin du service du matin, édité, " en se trompant de code ", son " ticket de chiffre d'affaires ", et qu'elle a ensuite laissé ce ticket " légèrement chiffonné sur le billot de la boutique ". Elle fait grief à madame Z..., chargée de faire le ménage du magasin avec une autre salariée, d'avoir emporté ce ticket, et d'avoir dans un premier temps menti en disant qu'elle ne l'avait pas vu, deux griefs qui ont causé la perte de confiance de l'employeur et constituent une faute grave.
Il est établi, en effet, que le 1ER mai 2009, après la fermeture du magasin, madame X...a édité par mégarde, en tapant sur la mauvaise touche de sa caisse, non pas une bande de caisse pour les ventes de la matinée, mais une bande récapitulative des ventes des trois mois écoulés, et que, s'apercevant de son erreur, elle a froissé ce document et l'a abandonné sur le billot de la charcuterie, dont le ménage devait ensuite être fait par les deux salariées de ce commerce, dont madame Z....
Madame X...soutient s'être ensuite aperçue qu'elle avait besoin de ce cumul pour le bilan de juin, et qu'il s'agit là d'un " document comptable " dont l'appréhension volontaire par madame Z...constitue une immixion dans la gestion du commerce, ainsi qu'un vole et entraîne une perte de confiance de l'employeur rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail.
Il est pourtant acquis, d'une part, que cette bande de caisse est rééditable, et qu'elle n'a donc pas fait défaut à madame X...pour l'établissement de son bilan, et d'autre part, qu'au moment où madame Z...l'a prise, il s'agissait d'un papier froissé, laissé sur le billot, parce que les poubelles avaient été momentanément enlevées ; ce papier était, par conséquent, clairement voué au rebus.
Les choses abandonnées n'ont plus de propriétaire, et ne sont plus de ce fait, susceptibles de vol ; leur appréhension n'est ni illégale, ni fautive.
En tout état de cause, madame Z...a été animée uniquement par une compréhensible curiosité, alors qu'on lui avait annoncé antérieurement que les affaires marchaient mal, et qu'il faudrait sans doute se séparer d'elle, en se saisissant de ce papier froissé, mais sur lequel on pouvait lire un montant récapitulatif de chiffre d'affaires.
Ce geste n'a eu aucune incidence sur l'exécution de ses obligations contractuelles ; il ne s'agit aucunement d'une immixion dans la gestion du commerce, le chiffre d'affaires sur trois mois ne signifiant rien s'il n'est pas comparé aux périodes précédentes et rapporté aux charges ; en outre, il s'agissait de la seule lecture d'un document, sans intervention ni action relative à la conduite du commerce.
Aucune perte de confiance ne peut non plus se fonder sur l'appréhension d'un document visiblement " à jeter ", et que le travail de ménage du magasin effectué par madame Z...l'a naturellement amenée à manipuler.
Le " mensonge " initial de madame Z...s'explique aisément par la crainte des conséquences d'un geste qu'elle pensait non critiquable.
Les faits reprochés ne constituent ni une faute grave ni même une cause sérieuse de licenciement.
Le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est, par conséquent, confirmé, en ce qu'il a écarté l'existence d'une faute grave comme d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, ainsi que dans les montants de sommes qu'il a mis à la charge de madame X...au titre du paiement de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sont, quant à ces derniers, justifiés par l'ancienneté de la salariée et le fait qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi.
Le préjudice moral de madame Z..., licenciée pour faute grave et au motif d'un " vol " après 25 ans d'emploi dans le même magasin sans avoir connu aucun incident disciplinaire, est tout à fait caractérisé ; les circonstances entourant le licenciement ont eu sur son état psychologique des conséquences démontrées.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné madame X...à payer à madame Z...la somme de 7300 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice moral.
Sur le non respect de la procédure de licenciement
L'article L1232-2 du code du travail stipule que : l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en mains propres de la lettre de convocation.
L'article L1232-4 ajoute, que lors de son audition le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, ou par un conseiller choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.
La lettre de convocation doit, aux termes de l'article L1232-4 du code du travail, obligatoirement mentionner l'adresse des services où la liste des conseillers est tenue à la disposition des salariés, c'est-à-dire la Direction Départementale de l'Emploi et la Mairie.
Enfin l'article L1232-6 du code du travail exige un délai d'au moins deux jours entre l'entretien préalable et l'envoi de la lettre de licenciement.
Il est établi que la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée à madame Z...ne contenait pas l'adresse de la Direction Départementale de l'Emploi ni celle de la Mairie, et que le délai de deux jours minimum entre l'entretien préalable et l'envoi de la lettre de licenciement n'a pas été respecté.
L'article L1235-2 du code du travail dit encore, que si le licenciement a lieu sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Cette dernière disposition s'applique, aux termes du dernier alinéa de l'article L1235-5 du code du travail, au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, si l'irrégularité est relative aux exigences de l'article L1232-4 du code du travail, ce qui est le cas pour la convocation adressée à madame Z....
La jurisprudence en fait également application, lorsque l'ancienneté est inférieure à deux ans ou quand l'effectif est inférieur à onze salariés, si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il est acquis que si madame Z...avait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, celle-ci comporte moins de 11 salariés.
La procédure légale de convocation à l'entretien préalable au licenciement n'a pas été respectée et une indemnité égale à un mois de salaire est dûe à la salariée, que le licenciement ait une cause réelle et sérieuse ou non.
Le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est réformé sur ce point et madame X...est condamnée à payer à madame Z...la somme de 1461 euros à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il parait inéquitable de laisser à la charge de madame Z...les frais engagés dans l'instance d'appel et non compris dans les dépens ; madame X...est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser, et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 600 euros.
La demande formée par madame X...à ce titre est rejetée.
Madame X...qui succombe à l'instance d'appel en paiera les dépens.

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mai 2010 par le conseil de prud'hommes d'Angers, sauf en ce qu'il a débouté madame Z...de sa demande en paiement d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
LE RÉFORMANT sur ce seul point :
CONDAMNE madame X...à payer à madame Z...la somme de 1461 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
Y ajoutant,
CONDAMNE madame X...à payer à madame Z...la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE la demande formée à ce titre par madame X....
CONDAMNE madame X...aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01508
Date de la décision : 05/07/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-07-05;10.01508 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award