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05/07/2011 | FRANCE | N°10/01435

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 juillet 2011, 10/01435


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01435.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS du 17 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00688

ARRÊT DU 05 Juillet 2011
APPELANT :
Monsieur Bernard X......
représenté par Maître Catherine MENANTEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SOCIETE ONET SERVICES 36 boulevard de l'Océan CS 20280 13258 MARSEILLE CEDEX 09
représentée par Monsieur LECOQ, directeur, assisté de Maître Mathias WEBER, avocat au barreau de POITIERS
>COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01435.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS du 17 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00688

ARRÊT DU 05 Juillet 2011
APPELANT :
Monsieur Bernard X......
représenté par Maître Catherine MENANTEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SOCIETE ONET SERVICES 36 boulevard de l'Océan CS 20280 13258 MARSEILLE CEDEX 09
représentée par Monsieur LECOQ, directeur, assisté de Maître Mathias WEBER, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, et Madame Anne DUFAU, conseillers chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 05 Juillet 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Bernard X...a été embauché le 26 novembre 2006 par la sas ONET SERVICES en contrat à durée indéterminée en qualité d'agent qualifié de service échelon 2A de la convention collective des entreprises de propreté.
Il a été employé comme cariste sur le site SNCF FRET, puis par lettre recommandée du 4 mai 2009, la sas ONET SERVICES lui a notifié :
- un changement du lieu de travail, avec une affectation sur le site KEOLIS COTRA à saint Barthelemy d'Anjou,
- une modification d'horaire de travail, sur une plage de 16 heures à 23 heures du lundi au vendredi, au lieu de 8 H- 12Het 13H- 17H,
- une modification de fonction, avec une affectation au nettoyage du matériel roulant, bus simples et articulés.
Monsieur Bernard X...a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2009, refusé ces changements, considérant qu'ils s'analysaient en une modification du contrat de travail.
Le 12 juin 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers d'une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 29 juillet 2009, il a été licencié pour faute grave.
Au soutien de son action en résiliation du contrat de travail, il reproche à la sas ONET SERVICES de ne pas lui avoir fourni de travail du 29 mai au 7 juillet 2009, d'avoir voulu changer les conditions de travail, de ne pas l'avoir préservé du traitement dégradant que lui faisait subir son supérieur hiérarchique, et de ne pas lui avoir versé l'intégralité de son salaire.
Par jugement du 17 mai 2010, le conseil de prud'hommes d'Angers a rejeté la demande de résiliation du contrat de travail, jugé que le licenciement repose sur une faute grave, débouté monsieur X...de ses demandes et rejeté la demande formée par la sas ONET SERVICES en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Bernard X...a fait appel de la décision.
Monsieur Bernard X...demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, d'infirmer le jugement, à titre principal, de prononcer la résiliation du contrat de travail au 29 juillet 2009 aux torts de l'employeur, et à titre subsidiaire, de dire le licenciement pour absence injustifiée sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, de condamner la sas ONET SERVICES à lui payer :
-15 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du comportement du supérieur hiérarchique monsieur A..., de décembre 2007 à mai 2009,-2854, 56 euros d'indemnité de préavis, et les congés payés afférents de 285, 45 euros,-1405, 98 euros d'indemnité de congés payés,-888 euros à titre d'indemnité de licenciement,-819, 84 euros à titre d'indemnité relative au temps consacré à la recherche d'un emploi,-35 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par les circonstances vexatoires du licenciement,-4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Bernard X...demande enfin la rectification de l'attestation ASSEDIC, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.
Monsieur Bernard X...soutient :
- que sa fonction a été modifiée, alors que l'employeur peut changer les conditions de travail de son salarié à la condition que la nouvelle tâche demandée réponde à sa qualification, laquelle doit être appréciée in concreto au regard des fonctions réellement exercées ; qu'il était cariste, tâche classée AQS (agent qualifié de service niveau 2) déclinée en 18 points, et qui consiste à effectuer le chargement et la réception des camions, avec mise en place d'une démarche de prévention des risques, la nécessité de détenir une autorisation spéciale de conduite des chariots automateurs, et l'allocation d'une prime mensuelle de 75 euros alors que le nettoyage des matériels roulants est classée AS (agent de service), et ne suppose ni la même technicité ni la même responsabilité ; que la prime de 75 euros était, dès lors, supprimée et qu'il s'agissait par conséquent d'un déclassement.
- qu'il est passé d'un horaire de jour à un horaire partiel de nuit, ce, le 4 mai 2009, sur une plage de 16 heures à 23 heures du lundi au vendredi puis le 11 mai 2009, sur la tranche de 14 heures à 21 heures du lundi au vendredi ; que son horaire est, d'autre part, devenu continu alors qu'il était discontinu ; que ces deux éléments constituent une modification du contrat de travail.
- qu'il a subi depuis 2007 des faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, monsieur A..., s'exprimant par des insultes, des attitudes dégradantes, humiliantes et dévalorisantes, répétées et devant témoins ; qu'il en a informé son employeur, notamment par lettre recommandée du 26 mai 2009, a consulté à plusieurs reprises, en 2008 et 2009, la médecine du travail, et a subi, de ce fait, des arrêts de travail et une hospitalisation en clinique psychiatrique du 12 juin au 2 juillet 2008.
- que les congés payés ont été payés le 19 octobre 2009 avec 3 mois et demi de retard, et que ce retard existait bien au moment de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angers, soit le 12 juin 2009 ; que la prime mensuelle de 75 euros n'a plus été réglée à partir de juillet 2009, alors que la modification du contrat de travail avait été unilatérale.
La sas ONET SERVICES demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de confirmer le jugement, de débouter Monsieur Bernard X...de toutes ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 2500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La sas ONET SERVICES soutient :
- que l'article 4 du contrat de travail de Monsieur Bernard X...mentionnait comme lieu de travail le chantier de SNCF FRET, mais stipulait aussi " toutefois, en raison de la mobilité qu'impose la profession, le salarié signataire pourra être affecté à tout autre chantier situé dans le ressort de l'établissement d'ANGERS " ; que Saint Barthelemy d'Anjou se trouve à quelques kilomètres d'Angers.
- que l'affectation d'un salarié à une tâche différente de celle qu'il exerçait antérieurement est possible, si elle s'effectue sans perte d'avantages salariaux ; qu'une réduction du temps de travail n'est pas possible sans l'accord du salarié, mais que l'employeur peut fixer une nouvelle répartition des horaires de travail au sein de la journée ou de la semaine ; qu'en l'espèce, l'employeur en affectant Monsieur Bernard X...sur le site de KEOLIS COTRA n'a pas omis de lui fournir du travail, mais que c'est Monsieur Bernard X...qui n'a pas occupé le poste qui était pourtant mis à sa disposition ; qu'il s'est présenté contre toute logique à partir du 4 juin 2009 sur un site fermé (SNCF FRET) et a persisté malgré mise en demeure du 7 juillet 2009 à ne pas se présenter à son poste de travail.
- que l'annexe " définition des classifications d'emploi " de la convention collective des entreprises de propreté classe en catégorie A tous les salariés qui soit exercent exclusivement une activité de propreté soit exercent exclusivement des activités de prestations dites " associées " autres que la propreté et classe en catégorie B tous les salariés qui exercent une activité hybride (propreté plus prestations associées) ; que Monsieur Bernard X...n'a pas exercé d'activité hybride, que ce soit sur le site SNCF FRET ou sur le site KEOLIS COTRA ; que seules ses conditions de travail ont changé, sur le site KEOLIS COTRA.
- que Monsieur Bernard X...n'est pas passé à un horaire de nuit en travaillant sur la plage horaire de 16 heures à 23 heures, puisque l'article 1 de l'accord du 23 janvier 2002 relatif au travail de nuit stipule que le travailleur de nuit est celui qui accomplit au moins deux fois par semaine, selon son horaire habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien de 21 heures à 6 heures ; qu'en outre, Monsieur Bernard X...n'a jamais effectué cet horaire, puisqu'il n'a pas rejoint son poste et qu'il a ensuite été mis en demeure de reprendre le travail selon un horaire compris entre 14 heures et 21 heures ; qu'enfin aucun horaire précis n'était contractualisé.
- qu'avant la lettre du 26 mai 2010, Monsieur Bernard X...n'a jamais saisi l'employeur de faits de harcèlement moral dont il aurait été victime ; que messieurs B...et Sans, qui témoignent pour lui, sont inconnus de la sas ONET SERVICES qui ne les a jamais eus comme salariés ; qu'il n'est pas démontré que les visites médicales aient eu un lien avec le travail et qu'après son arrêt pour maladie Monsieur Bernard X...a été déclaré apte à la reprise ; qu'il n'a saisi ni l'inspecteur du travail, ni les représentants du personnel, ni le comité d'hygiène et de sécurité.
- qu'il n'y a eu aucun retard imputable à l'employeur pour le paiement des congés payés, Monsieur Bernard X...ayant de manière aberrante exigé q'on lui règle au 26 mai 2009 les congés payés pour la période du 1ER juin 2008 au 31 mai 2009 ; qu'au surplus, Monsieur Bernard X...a perçu l'ensemble de ses droits à congés payés bien avant que le juge prud'homal ne statue sur sa demande.
- que la prime mensuelle de75 euros était une prime de qualité, et que Monsieur Bernard X...ne pouvait pas la percevoir à compter de juillet 2009, puisqu'il n'a plus fourni de prestation de travail.
- que Monsieur Bernard X...a bien commis une faute grave en refusant de prendre ses fonctions, le 13 mai 2009, puis le 20 mai 2009, sur le site de KEOLIS COTRA, et ensuite malgré mise en demeure du 7 juillet 2009 ; que l'absence injustifiée est caractérisée depuis le 9 juillet 2009.
- que les 2 heures d'absence pour recherche de travail, prévues par l'article 9-08 de la convention collective de la propreté ne s'appliquent que si le salarié bénéficie d'un préavis ce qui n'est pas le cas pour Monsieur Bernard X...qui a fait l'objet d'une faute grave.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la rupture du contrat de travail
M. X...ayant saisi le conseil d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 12 juin 2009, antérieurement à la rupture intervenue par lettre de licenciement du 29 juillet 2009, il convient de statuer en premier lieu sur la demande de résiliation et ensuite, pour le cas où cette demande ne serait pas fondée, sur la mesure de licenciement.
Il est constant que dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur a la possibilité de modifier les conditions de travail du salarié, et le refus du salarié d'accepter cette modification est constitutif d'une faute justifiant un licenciement.
Toutefois, ce pouvoir de direction ne permet pas à l'employeur de modifier le contrat de travail, en vertu du principe de l'immutabilité des conventions résultant de l'article 1134 du code civil ; toute modification du contrat de travail implique l'accord préalable du salarié et le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail ne saurait être constitutif d'une faute.
La jurisprudence établit qu'une baisse de la rémunération constitue une modification du contrat de travail ainsi que le passage, même partiel, d'un horaire de jour à un horaire de nuit, ou d'un horaire discontinu à un horaire continu.
L'article L3122-29 du code du travail stipule que " tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit " tandis que l'article L3122-31 décrit le " travailleur de nuit " comme étant le salarié qui accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période définie à l'article L3122-29.
Le contrat de travail de monsieur X...comporte une clause de mobilité sur le ressort de l'établissement d'Angers de la sas ONET SERVICES, et il ne pouvait donc s'opposer à une modification du lieu de travail déplaçant celui-ci de la zone SNCF FRET d'Angers à Saint Barthélémy d'Anjou, lieu situé à quelques kilomètres seulement d'Angers.
En se présentant, malgré la modification énoncée par l'employeur de cette condition de travail, sur le site de la zone SNCF FRET qui avait été fermé, et en refusant de se présenter sur le nouveau site, il ne permet pas à la sas ONET SERVICES de lui fournir du travail et ne peut donc pas utilement lui faire le grief de ne pas l'employer malgré sa mise à disposition.
Il n'en demeure pas moins que la modification de la fonction exercée, et la modification de l'horaire de travail, ne sont quant à elles pas de simples modifications des conditions de travail, mais portent sur le contrat de travail lui-même, en ses éléments essentiels.
La fonction de cariste est en effet une fonction nécessitant la possession d'un diplôme qualifiant ; elle implique la prise en compte par le salarié de règles de sécurité, et se décompose en 18 points précisés sur la fiche de poste ; elle est classée dans la convention collective AQS, c'est-à-dire agent qualifié de service niveau 2, avec des critères d'autonomie et de responsabilité ; elle est valorisée par le versement d'une prime mensuelle dite de qualité de 75 euros, et d'un montant par conséquent non négligeable pour le salarié.
La fonction de nettoyeur du matériel roulant est quant à elle classée AS soit agent de service ; elle est décrite comme une fonction de pure exécution dans la convention collective, sans autonomie ni responsabilité ; aucune prime de qualité ne lui est attachée.
Il est par conséquent établi que la modification de la fonction du salarié de cariste à nettoyeur de car est une modification du contrat de travail, en ce qu'elle le déclasse sur le plan fonctionnel, et en ce qu'elle diminue sa rémunération.
Au surplus, la modification de l'horaire de travail, en ce qu'il passe de discontinu, avec une coupure méridienne, à continu, constitue aussi une modification du contrat de travail ; il y a enfin bien travail de nuit au delà de 21 heures, première modification énoncée par l'employeur, peu important que monsieur X...remplisse ou non les conditions afférentes au statut de travailleur de nuit.
En affirmant qu'elle n'effectuait que de simples modifications des conditions de travail de son salarié, et en ne tenant pas compte des refus exprimés les 5 et 13 mai 2009, par monsieur X..., la sas ONET SERVICES a commis une faute dans l'exécution du contrat de travail, dont la gravité est suffisante pour justifier la résiliation de celui-ci à ses torts, à la date du licenciement ensuite notifié par elle et sans qu'il soit donc besoin d'examiner la cause du licenciement.
Le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est infirmé en ce qu'il a dit que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'était pas justifiée, et dit que le licenciement de monsieur X...était justifié par une faute grave.
La résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la sas ONET SERVICES est en conséquence condamnée à verser à monsieur X...les sommes suivantes :
-2854, 56 euros à titre d'indemnité de préavis et 285, 45 euros à titre de congés payés afférents,
-1405, 98 euros à titre de congés payés,
-888 euros à titre d'indemnité de licenciement.
Aux termes de l'article L1235-3 du contrat de travail, monsieur X...qui a plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés, doit également recevoir paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à au moins six mois de salaire.
Son ancienneté reste relative, puisqu'elle a été de 2 ans et 8 mois. Après son licenciement monsieur X...a effectué des emplois de cariste en interim, et a, depuis le 4 janvier 2010, un contrat à durée indéterminée à temps plein de cariste 1ER degré pour un salaire mensuel brut de 1343, 80 euros et une prime journalière de 4, 15 euros ; la sas ONET SERVICES est en conséquence condamnée à lui payer à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 14 000 euros qui correspond à 10 mois de salaire.
En application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, la cour ordonne le remboursement par la sas ONET SERVICES à pole emploi des indemnités de chômage versées à monsieur X..., du 29 juillet 2009 au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d'indemnité.
L'article 9. 08. 1 de la convention nationale collective de la propreté dit que " pendant la période de préavis le salarié a droit à 2 heures d'absence par jour pour rechercher un nouvel emploi ", et que " ce temps d'absence est rémunéré dans le seul cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ".
La rupture du contrat de travail intervenant par prononcé judiciaire, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, et la demande en paiement de la somme de 819, 84 euros formée par monsieur X...est rejetée ; le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers étant sur ce point confirmé.
Sur la demande en paiement de la prime de 75 euros
Monsieur X...ne peut légitimement revendiquer paiement de la prime liée à ses fonctions de cariste, en juillet 2009, alors qu'il ne s'est pas présenté sur le site de Saint Barthelemy d'Anjou, et n'a pas mis l'employeur en situation de devoir lui fournir du travail.
Sa demande est rejetée et le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est confirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral et l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur
Au sens de l'article L 1152-1 du code du travail, constituent des faits de harcèlement moral, " les agissements répétés de harcèlement moral subis par un salarié qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
Il incombe au salarié d'étayer ses allégations par des éléments de fait précis permettant de présumer l'existence du harcèlement allégué ; ensuite, l'employeur doit rapporter la preuve de ce que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.
Aux termes de l'article L1152-4 du code du travail, l'employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Monsieur X...énonce que la situation de l'espèce " si elle ne répond pas aux conditions posées par la loi pour être qualifiée de harcèlement moral, n'en relève pas moins d'une situation caractérisée de stress au travail, dont il est rapporté la preuve, à la fois par voie d'attestations, de certificats médicaux et d'une mise en demeure restée sans effet ".
Monsieur X...décrit cependant, et de façon contradictoire avec le cadre juridique invoqué de stress au travail et de manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, une situation persistante de 2007 à 2009 de " traitements dégradants " de la part de son supérieur hiérarchique monsieur A..., chef du service caristes ; monsieur X...précise qu'il s'agissait " d'insultes, d'attitudes dégradantes et dévalorisantes devant témoins et qui se sont renouvelées à plusieurs reprises " ; il produit une attestation formellement régulière du 13 juin 2009 de monsieur B..., conducteur des cars Berger, qui expose que monsieur A...interpellait régulièrement grossièrement monsieur X...et lui a dit un soir " allez casse-toi connard " en guise d'au revoir.
L'écrit de monsieur C..., d'autre part, produit par le salarié, n'est pas une attestation établie pour être produite en justice, mais une lettre du 1ER juillet 2007 dans laquelle monsieur C...affirme que monsieur A...humilie monsieur X...devant ses collègues, le " persécute " en lui demandant plus de tâches à effectuer et lui disant d'aller plus vite ; il ajoute que monsieur A..." savait monsieur X...fragile et voulait le pousser à la dépression, et donc à la démission ".
Ce document est daté en cohérence avec les certificats médicaux produits par monsieur X..., qui attestent de consultations régulières depuis octobre 2007.
Or, le docteur D..., psychiatre, atteste que lors des consultations médicales régulières de monsieur X...depuis le 7 décembre 2007 " reviennent fréquemment dans ses propos des difficultés liées au travail " et que monsieur X...lui déclare notamment " j'ai eu des problèmes avec mon chef qui me reprochait ma lenteur au travail et ma façon de travailler. "
Le docteur E..., médecin traitant de monsieur X..., atteste dans les mêmes termes pour les consultations des 18 octobre et 21 novembre 2007, 11 février et 29 août 2008, 19 janvier et 11 février 2009.
Le SMIA certifie aussi avoir reçu monsieur X...les 6 décembre 2007, 30 juillet 2008, 4 et 7 mai 2009, pour " des problèmes de santé rencontrés lors de son travail ".
Si monsieur X...s'est plaint directement à l'employeur de cette situation seulement le 26 mai 2009, l'écrit de monsieur C...date de juillet 2007 et dénonçait le comportement de monsieur A....
La sas ONET SERVICES, argumentant uniquement sur le fait que monsieur X...ne l'a pas informée directement des faits, ne démontre pas avoir cherché à vérifier les allégations de monsieur C..., ni agi pour protéger ses salariés après la démarche de celui-ci, qui a été licencié.
Le harcèlement moral est établi et le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers infirmé, en ce qu'il a rejeté les demandes formées par monsieur X...à ce titre.
La sas ONET SERVICES est condamnée à payer à monsieur X...à titre de dommages et intérêts, compte tenu de la durée des agissements et de leurs conséquences sur la santé du salarié, la somme de 8 000 euros.
Sur le préjudice moral résultant des conditions vexatoires du licenciement
Monsieur X...n'apporte aucun élément à l'appui de cette demande, qui est en conséquence rejetée ; le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est confirmé sur ce point.
Sur les documents de fin de contrat La sas ONET SERVICES est condamnée à délivrer à monsieur X...une attestation ASSEDIC rectifiée ; la demande d'astreinte est rejetée, monsieur X...n'établissant pas qu'une opposition de l'employeur à effectuer cette diligence soit à craindre.

Sur les frais irrépetibles et les dépens
Il parait inéquitable de laisser à la charge de monsieur X...les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens ; La sas ONET SERVICES est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser, et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 600 euros pour les frais de première instance, le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers étant infirmé sur ce point, et la somme de 1200 euros pour les frais d'appel.
La sas ONET SERVICES, qui perd le procès, est condamnée aux dépens de première instance, le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers étant infirmé sur ce point, et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 17 mai 2010 par le conseil de prud'hommes d'Angers, sauf en ce qu'il a rejeté :
- la demande de monsieur X...en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances vexatoires entourant la rupture du contrat de travail,
- la demande de monsieur X...en paiement de la prime de 75 euros en juillet 2009,
- la demande de monsieur X...en paiement de la somme de 819, 84 euros à titre d'indemnité relative à la recherche d'un emploi,
- la demande de la sas ONET SERVICES en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau pour le surplus,
PRONONCE au 29 juillet 2009 aux torts de la sas ONET SERVICES la résiliation du contrat de travail du 26 novembre 2006,
CONDAMNE la sas ONET SERVICES à payer à monsieur X...les sommes de :
-2854, 56 euros à titre d'indemnité de préavis et 285, 45 euros pour les congés payés afférents,
-1405, 98 euros à titre d'indemnité de congés payés,
-888 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-14 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-8000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais de première instance
-1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel.

CONDAMNE la sas ONET SERVICES à rembourser à Pole Emploi les indemnités de chômage versées à monsieur X..., dans la limite de trois mois d'indemnités.
CONDAMNE la sas ONET SERVICES à délivrer à monsieur X...une attestation ASSEDIC rectifiée.
REJETTE la demande d'astreinte.
CONDAMNE la sas ONET SERVICES aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01435
Date de la décision : 05/07/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-07-05;10.01435 ?
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