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05/07/2011 | FRANCE | N°10/00910

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 juillet 2011, 10/00910


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N MBB/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00910.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 17 Mars 2010, enregistrée sous le no 09/ 00252

ARRÊT DU 05 Juillet 2011

APPELANTE :
Madame Martha X......
représentée par Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
S. N. C. T N T INTERNATIONAL Bat Renoir Paris Nord II 22 avenue Nations BP 82015 95931 ROISSY CHARLES DE GAULLE
représentée par Monsieur FERRA, assisté de Maître Christelle DA COSTA, substituant Maî

tre Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N MBB/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00910.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 17 Mars 2010, enregistrée sous le no 09/ 00252

ARRÊT DU 05 Juillet 2011

APPELANTE :
Madame Martha X......
représentée par Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
S. N. C. T N T INTERNATIONAL Bat Renoir Paris Nord II 22 avenue Nations BP 82015 95931 ROISSY CHARLES DE GAULLE
représentée par Monsieur FERRA, assisté de Maître Christelle DA COSTA, substituant Maître Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, et Madame Anne DUFAU, conseillers, chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 05 Juillet 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

EXPOSE DU LITIGE
La société TNT exploite une entreprise de transport routier et de fret de marchandises ; elle se trouve soumise à la convention collective nationale des transports routiers.
Madame Martha X..., salariée de la société TNT, était, jusqu'au mois de février 2009, déléguée syndicale CFDT, puis, à compter du 3 février 2009 déléguée syndicale CFTC.
Le 14 février 2009, elle a déposé plainte auprès des services de gendarmerie en faisant état d'un message téléphonique injurieux et menaçant émanant de monsieur D..., autre salarié de la société TNT.
Le 9 avril 2009, elle a saisi le conseil de prud'hommes du Mans d'une action tendant à faire juger que son employeur est responsable du préjudice que lui ont causé les agissements de harcèlement moral commis par monsieur D..., dont il aurait dû la préserver ; elle réclamait la condamnation de la société TNT à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts et 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 17 mars 2010, conseil de prud'hommes du Mans a débouté madame Martha X...de sa demande de dommages et intérêts et l'a condamnée à payer à la société TNT 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame Martha X...a relevé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience, sans ajouts ni retraits, madame Martha X...demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et reprend ses demandes de première instance.
Elle fait valoir qu'aux termes des dispositions de l'article 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes les mesures nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement moral ; elle reproche à la société TNT de n'avoir pris aucune mesure contre monsieur D..., alors qu'il a été averti dès le lendemain de leurs commissions, des faits commis par celui-ci ; elle relève que la sanction infligée à monsieur D...n'a pas été exécutée et prétend qu'elle n'était pas assez sévère.

Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits, la société TNT demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner madame Martha X...à lui payer 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet, une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article 1152-4 du même code ajoute à la charge de l'employeur l'obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Les faits invoqués par madame Martha X...consistent, de la part de monsieur D..., autre salarié de l'entreprise, à lui avoir adressé le 12 février 2009, un message vocal à 19 h 15 puis un message écrit à 21 h 30, rédigés en termes menaçants : " je te casse la gueule " pour le premier, " cela va très mal se passer " pour le second.
La matérialité des faits n'est pas discutée.
La société TNT prétend qu'il ne s'agit pas d'actes commis dans un cadre professionnel ; or il relève des circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés qu'il s'agit de rivalité syndicale née à l'occasion du changement d'appartenance syndicale de madame Martha X..., en qualité de déléguée du personnel, monsieur D...reprochant à madame Martha X...de vouloir " monter " une section syndicale CFDT à Moins, établissement de la société TNT ; il apparaît donc que les faits litigieux se situent dans un cadre professionnel.
La société TNT prétend encore qu'il ne s'agit pas d'agissements répétés ; or, un agissement isolé peut recevoir la qualification de harcèlement moral s'il est commis dans des circonstances qui permettent de le relier à une discrimination prohibée.
La discrimination, telle que définie par la loi du 27 mai 2008 est une pratique, neutre en apparence, susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes ; l'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance syndicale ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions ou adopter un comportement.
Il convient de relever que les termes des deux messages, l'un vocal, l'autre écrit, sont identiques quant à l'expression de la menace qu'ils véhiculent ; cette identité de termes, leur rapprochement dans le temps, et l'unité de circonstances dans lesquelles ils se situent autorisent à considérer qu'il s'agit d'un acte isolé, dont il n'est pas établi qu'il s'est répété dans une autre unité de temps et particulièrement, postérieurement à la sanction dont monsieur D...a fait l'objet de la part de l'employeur.
Si le caractère menaçant des termes utilisés par monsieur D...permet de considérer les messages comme suffisamment intimidants pour constituer un frein, sinon un obstacle, à la poursuite de l'activité syndicale de madame Martha X..., il apparaît que cet agissement ne peut être rattaché à une quelconque disparité de traitement de la part de l'employeur qui a, au contraire, prononcé une sanction à l'encontre de l'auteur des menaces et auquel il n'est reproché aucun agissement direct susceptible de constituer une entrave au droit syndical de madame Martha X....
S'agissant du traitement du problème par la société TNT, les circonstances dans lesquelles les agissements en cause se sont déroulés, telles qu'elles sont établies par les pièces versées au dossier, révèlent que l'employeur en a été avisé le 13 février 2009 par la fédération générale CFTC des transports qui a appelé l'attention de la société TNT sur la nécessité de prendre des mesures nécessaires et préventives en vue de protéger les salariés de toute agression ou harcèlement moral dont ils sont victimes, y compris en termes de sanctions disciplinaires ; par un second courrier du 17 février suivant, la fédération générale CFTC des transports réitère l'alerte relative au comportement " voyou " de monsieur D...; suit un échange de correspondances dont il ressort que l'employeur, informé par la fédération générale CFTC des transports des agissements de monsieur D...à l'encontre de madame Martha X...répond 10 jours plus tard, que madame Martha X...l'a informé de ceux-ci dès le 12 février 2009, et qu'il a réclamé la transmission des messages litigieux qu'il n'a pas encore obtenus ; il n'est par démontré que madame Martha X...lui a communiqué ces documents avant le 16 mars 2009 ; par ailleurs les références faites à des agissements de même nature qui auraient été précédemment commis par monsieur D...n'est fondée sur aucun élément de preuve.
Par lettre du 26 mars 2009, la société TNT a convoqué monsieur D...à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, et par courrier du 20 avril suivant, la société TNT a notifié à monsieur D...une mise à pied de 3 jours les 12, 13 et 14 mai 2009.
Il en ressort que l'employeur a, dans un délai raisonnable au regard de la prudence nécessaire dont il doit faire preuve lorsqu'il envisage de prendre une sanction à l'égard d'un salarié, s'agissant, de plus, d'un salarié chargé d'un mandat syndical, pris les dispositions nécessaires pour prévenir le renouvellement des agissements dont madame Martha X...a été victime et la préserver ainsi de toute entrave à l'exercice de ses droits syndicaux susceptible de caractériser un comportement discriminatoire.
Sans qu'il puisse être reproché à madame Martha X...de n'avoir effectué aucune démarche auprès de la cellule de prévention sociale qui existe au sein de l'entreprise depuis 2006, une telle initiative relevant de sa seule détermination, mais alors qu'il n'est pas démontré par la salariée que les faits qui lui sont préjudiciables et qui étaient de nature à constituer une entrave à son action syndicale au sein de l'entreprise, se sont renouvelés après l'administration de la sanction prononcée par l'employeur, madame Martha X...ne peut prétendre émettre un avis sur la nature de la sanction qui relève du seul pouvoir de celui-ci et dont le seul contrôle admissible porte sur son efficacité au regard du danger dont il convenait de la protéger.
Il se déduit de ce qui précède que la mise en cause de la responsabilité de la société TNT par madame Martha X...à raison d'agissements de harcèlement moral n'est pas fondée et que sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.
Madame Martha X...qui succombe en son appel, en supportera les dépens et devra indemniser la société TNT des frais de procédure qu'il a engendrés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
substituant ses motifs à ceux des premiers juges,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,
CONDAMNE madame Martha X...à payer à la société TNT la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE madame Martha X...aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00910
Date de la décision : 05/07/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-07-05;10.00910 ?
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