COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/00683.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 15 Février 2010, enregistrée sous le no 09/ 00386
ARRÊT DU 05 Juillet 2011
APPELANTE :
Madame Karell X......
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 10/ 005901 du 15/ 09/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)
représentée par Maître Sarah TORDJMAN, substituant Maître Lionel DESCAMPS (ACR), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
S. A. S. 8 SAISONS DISTRIBUTION 2 rue Sainte Elisabeth 75003 PARIS
représentée par Monsieur Y..., directeur commercial, assisté de Maître Marie-Aleth BERTAIL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 05 Juillet 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 20 juin 2008, la société 8 Saisons Distribution a embauché madame Karell X... en qualité d'attachée commerciale moyennant une rémunération de 1 600 euros à laquelle s'ajoutent 2 % du chiffre d'affaires facturés aux clients prospectés et suivis et une prime pour tout supermarché ou hypermarché nouvellement pris en clientèle.
Par lettre du 27 novembre 2008, la société 8 Saisons Distribution a notifié à madame Karell X... son licenciement pour faute grave motivé par le refus de fournir les plannings de travail et les rapports d'activité hebdomadaires, de nombreux abandons de poste et des absences intempestives, ainsi qu'une mauvaise gestion commerciale de la clientèle.
Le 6 mars 2009, madame Karell X... a contesté le caractère réel et sérieux de ce licenciement devant le conseil de prud'hommes d'Angers, sollicitant que soit prononcée la nullité du licenciement, une indemnité compensatrice de congés payés et des dommages et intérêts, ainsi qu'une indemnité de procédure.
Par jugement du 15 février 2010, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé que le licenciement repose sur une faute grave, et débouté madame Karell X... de ses demandes.
Madame Karell X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, sans ajouts ni retraits, madame Karell X... demande à la cour de juger que les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne constituent pas une faute grave, de prononcer la nullité du licenciement et de condamner la société 8 Saisons Distribution à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés de 2 158, 14 euros outre congés payés y afférents, des dommages et intérêts d'un montant de 25 897 euros et une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Elle prétend que les griefs développés par la société 8 Saisons Distribution ne sont pas sérieux, et que le véritable motif du licenciement est l'annonce de son état de grossesse.
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, sans ajouts ni retraits, la société 8 Saisons Distribution demande à la cour de confirmer le jugement, et de condamner madame Karell X... à lui payer 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail, que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, sauf s'il justifie d'une faute grave non liée à son état de grossesse ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à la grossesse.
Sur le motif du licenciement
L'état de grossesse de madame Karell X... a été médicalement constaté le 18 novembre 2008.
Madame Karell X..., qui a avisé son employeur de son état de grossesse par courrier rédigé le 19 novembre, c'est à dire le lendemain du jour où cet état a été médicalement constaté, n'apporte aucun élément qui serait de nature à démontrer que le licenciement intervenu le 27 novembre 2008 après une lettre de convocation à l'entretien préalable du 18 novembre, serait lié au fait qu'elle se trouvait enceinte.
Sur les motifs invoqués au soutien du licenciement
Il ressort de l'article 3 du contrat de travail, que la salariée a pour obligations particulières de rendre compte régulièrement, et faire parvenir au plus tard le mardi pour la semaine précédente, un rapport écrit synthétique de l'activité dont elle a la charge, ainsi que du déroulement de sa mission, et d'adresser à la direction un rapport écrit d'activité mensuel au plus tard dans les 8 jours du mois précédent qui fournira le détail des clients prospectés, des commandes reçues, du chiffre d'affaires réalisé, des perspectives de développement et de ses préconisations pour l'activité future.
Sans contester qu'elle n'a pas respecté ces obligations, madame Karell X... prétend que son employeur se serait satisfait de rapports par téléphone ; outre qu'une telle affirmation ne repose sur aucun élément de preuve de ce que la société 8 Saisons Distribution aurait laisser s'instituer un tel usage, il ressort des pièces versées (31), que l'employeur accusait réception des rapports qui lui étaient faits, et marquait à leur réception la satisfaction et le profit qu'il en tirait ; par message électronique du 2 novembre 2008, la société 8 Saisons Distribution relève que " cette semaine encore je n'ai rien reçu. Nouveau rappel concernant le planning et le rapport hebdomadaire... " ; il est ainsi démontré que le grief relatif aux rapports d'activité, hebdomadaire et mensuel, et aux plannings d'activité est établi.
Concernant les absences, un message électronique du 12 novembre 2008 reproche à madame Karell X... son absence du vendredi précédent ; sans réfuter la réalité des absences qui lui sont reprochées, madame Karell X... les qualifie de " contretemps courants dans une vie de travail ", évoquant des rendez-vous urgents chez le médecin, sans justifier ni de l'urgence ni même de la visite médicale effectuée ; le 30 septembre 2008, madame Karell X... adresse à son employeur un courrier par lequel elle reconnaît l'avoir laissé sans nouvelles pendant quelques jours, mais s'engage " à reprendre son secteur en main " et se dit consciente de l'urgence de la situation ; là encore le grief est établi, sans que la salariée puisse prétendre que les faits, qui se sont déroulés tout au long de son activité au sein de la société 8 Saisons Distribution et se sont répétés au moins jusqu'au 12 novembre 2008, sont couverts par la prescription.
S'agissant des relations de madame Karell X... avec les clients, il ressort des messages électroniques adressés par les clients à la société 8 Saisons Distribution que madame Karell X... n'assure pas le suivi de leur approvisionnement et les place en difficulté : " pas vu de représentant depuis un mois, rayon vide " le 13 novembre 2008 ; il est démontré (pièce 19), que cette situation a poussé certains clients à se tourner vers la concurrence, rompant les relations commerciales qu'ils entretenaient avec la société 8 Saisons Distribution ; il en résulte que ce grief est lui aussi établi, sans que puisse être invoquée la prescription des faits.
L'accumulation des fautes ainsi reprochées, à juste titre à madame Karell X..., constitue de la part de la salariée un comportement qui caractérise la faute grave, autorisant l'employeur à la licencier, nonobstant son état de grossesse.
Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.
Madame Karell X..., qui succombe en son appel, en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE madame Karell X... à payer à la société 8 Saisons Distribution la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE madame Karell X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON