COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00439.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 25 Janvier 2008, enregistrée sous le no 07/ 00297
ARRÊT DU 05 Juillet 2011
APPELANT :
Monsieur Bruno X......
représenté par Maître Gérard SULTAN (SCP), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
SOCIETE COMPTAFRANCE 10 rue Georges Pompidou 18000 BOURGES
SOCIETE COMPTAFRANCE LE MANS 301 Avenue Bollée 72000 LE MANS
représentées par Maître Bertrand CHEVALLIER (SELARL ISIS AVOCATS), avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 05 Juillet 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
FAITS ET PROCEDURE
M. Bruno X..., expert-comptable et commissaire aux comptes, était directeur de bureau salarié, au sein de la société Guerard Viala Pays de Loire, ce depuis le 1er janvier 1993. Il en était également actionnaire (une action).
Après avoir racheté à la société Guerard Viala les actions que celle-ci possédait dans la société Guerard Viala Pays de Loire, la société Comptafrance, dont le siège social est à Bourges, a procédé, le 30 avril 1996, à une opération de fusion-absorption de la société Guerard Viala Pays de Loire. M. Bruno X...est devenu, de ce fait, actionnaire de la société Comptafrance (huit actions).
Le 1er juillet 1996, la société Comptafrance a souscrit un contrat de travail à durée indéterminée avec M. Bruno X..., suivant lequel ce dernier a été engagé, à titre rétroactif, en tant qu'expert-comptable, niveau N1, indice 42, prenant la direction du deuxième cabinet d'expertise-comptable, dénommé Le Mans 2, exploité par la société Comptafrance sur la ville du Mans.
La convention collective applicable est celle, nationale, des cabinets d'experts-comptables et de commissaire aux comptes.
Une convention d'exclusivité, au profit de la société Comptafrance, a été conclue, le même jour, entre les parties.
M. Bruno X...a signé, le 18 décembre 1996, au même titre que les autres associés de la société Comptafrance, un document dit " charte des associés ".
La société Comptafrance a créé, le 1er mars 1999, la société Comptafrance holding, dont M. Bruno X...est devenu actionnaire (dix-sept actions en détention directe et onze-mille-deux-cent-soixante-quatorze dans le cadre d'un plan épargne entreprise).
M. Bruno X...a acquis, par la suite, cent-vingt-cinq parts dans la SCI foncière du Val d'Auron.
Le 25 septembre 2000, les associés du groupe Comptafrance (sociétés Comptafrance et Comptafrance holding) ont signé une nouvelle " charte des associés ", qui a été modifiée par avenant du 19 décembre 2002.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 décembre 2002, distribuée à son destinataire le 13 janvier 2003, M. Bruno X...a présenté sa démission de la société Comptafrance, à effet au 30 juin 2003.
M. Bruno X...a saisi, le 15 septembre 2003, le conseil de prud'hommes du Mans, dirigeant ses demandes contre la société Comptafrance en son siège social à Bourges et, en son établissement du Mans, aux fins que :
- lui soient versées les sommes ci-après :
. 129 350, 55 euros, sa démission étant analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,. 25 115, 24 euros, au titre des heures pour recherche d'emploi refusées,. 19 556, 86 euros, pour solde de congés payés,. 1 386 335 euros, en application de la clause de non-concurrence,. 85 081, 80 euros, au titre du solde d'intéressement sur salaires,. 175 517 euros, au titre du solde de participation,. 22 867 euros, en restitution de la renonciation partielle temporaire à rémunération ayant permis le remboursement d'un emprunt bancaire fait par le groupe Comptafrance,. 82 000 euros, d'honoraires correspondant à l'exécution des mandats de commissaire aux comptes exercés à titre personnel, du 31 décembre 2002 au 30 juin 2003,- ces sommes portent intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure en date du 23 juillet 2003,- l'exécution provisoire du présent soit ordonnée,- lui soient versés 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- la société Comptafrance soit condamnée aux entiers dépens.
Par jugement avant dire droit du 23 avril 2004, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- ordonné une mesure d'instruction, désignant en qualité d'expert M. Z..., avec la mission suivante :. calculer le taux horaire moyen du salaire de M. Bruno X...pour permettre à la juridiction de chiffrer le montant des heures pour recherche d'emploi,. certifier, au titre de l'intéressement, l'exactitude des éléments du tableau fourni par M. Bruno X..., conformément aux termes de son contrat de travail,. affirmer, au titre de la participation, la base de calcul retenue par M. Bruno X...et le montant réclamé,. plus généralement, justifier les sommes réellement dues à M. Bruno X...au titre de l'indemnité des heures pour recherche d'emploi, de l'intéressement et, de la participation,. concilier les parties si faire se peut.
L'expert commis a établi un pré-rapport le 13 janvier 2006 et, un rapport final le 26 décembre 2006.
Par jugement du 25 janvier 2008, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- homologué le rapport d'expertise,- dit que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en une démission,- condamné la société Comptafrance à verser à M. Bruno X.... 24 316 euros, à titre d'indemnisation des heures pour recherche d'emploi refusées,. 21 047, 12 euros, au titre du solde de congés payés,. 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. Bruno X...à verser à la société Comptafrance 8 841 euros au titre du trop-perçu sur l'intéressement et la participation,- dit qu'il sera procédé à une compensation entre les sommes dues par la société Comptafrance, soit 45 363, 12 euros et les 8 841 euros à rembourser par M. Bruno X...,- débouté M. Bruno X...du surplus de ses demandes,- débouté la société Comptafrance de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire du présent,- partagé par moitié les dépens entre les parties, y compris les frais d'expertise.
M. Bruno X...a formé régulièrement appel par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2008, des dispositions de cette décision lui faisant grief, notamment le rejet :
- du solde de rémunération,- de la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,- de l'indemnité pour maintien d'une clause de non-concurrence illicite,- des honoraires de commissaire aux comptes.
L'affaire a été radiée le 25 novembre 2008.
M. Bruno X...a souhaité son rétablissement le 12 février 2010.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 12 février 2010, reprises à l'audience, et y ajoutant, M. Bruno X...sollicite désormais, en sus de la condamnation de la société Comptafrance à lui verser la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et que, cette dernière supporte l'intégralité des dépens, y compris les frais d'expertise, que :
1. Sur la demande de rappel de rémunération
-le jugement soit annulé, en ce qu'il a prononcé sa condamnation au remboursement d'un trop-perçu au titre de l'intéressement et de la participation, condamnation qui n'était pas demandée par la société Comptafrance,- en tous les cas, que le même soit infirmé, en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Comptafrance la somme de 8 841 euros,- évoquant ou statuant à nouveau,. que la société Comptafrance soit condamnée à lui verser : o 50 774 euros à titre de solde d'intéressement jusqu'au 30 juin 2003, outre 5 077, 40 euros de congés payés afférents, o16 050 euros à titre de solde d'intéressement sur les encaissements postérieurs au 30 juin 2003, outre 1 605 euros de congés payés afférents, o 491 224 euros à titre de solde de participation, outre 49 122, 40 euros de congés payés afférents,. en tout état de cause, que la société Comptafrance soit condamnée à lui verser 427 718 euros à titre de solde de participation, outre 42 771, 80 euros de congés payés afférents,. en toute hypothèse, si la cour devait retenir les mêmes hypothèses de calcul que le conseil de prud'hommes, que les erreurs de chiffrage soient rectifiées et, que la société Comptafrance soit condamnée à lui verser 93 791 euros au titre du solde d'intéressement et de participation, outre 9 379, 10 euros de congés payés afférents,
2. Sur la demande au titre des heures de recherche d'emploi
-la société Comptafrance soit condamnée à lui verser la somme de 25 795 euros,- à défaut, le jugement déféré soit confirmé, en ce qu'il a condamné la société Comptafrance à lui verser 24 316 euros de ce chef,
3. Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés
le jugement déféré soit confirmé, en ce qu'il a condamné la société Comptafrance à lui verser 21 047, 12 euros de ce chef,
4. Sur la demande au titre de la clause de non-concurrence
-le jugement déféré soit infirmé,- qu'il soit dit et jugé que la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail est nulle et que, la société Comptafrance soit condamnée à lui verser la somme de 1 386 335 euros de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non-concurrence nulle,- en tout état de cause, à défaut d'annulation de la clause de non-concurrence, que la société Comptafrance soit condamnée à lui verser la somme de 155 140, 49 euros à titre d'indemnité compensatrice de non-concurrence, outre 15 514, 04 euros de congés payés afférents.
Il fait valoir que :
1. Sur le rappel d'intéressement et de participation
-le jugement est nul, pour non-respect des articles 4 et 5 du code de procédure civile, s'étant prononcé ultra petita,
- l'expert commis a, sinon, excédé son office, par des prises de positions juridiques sur les éléments devant, ou non, entrer dans le champ contractuel, à savoir la grille de calcul Comptafrance, la charte des associés, les contrats de travail d'autres salariés,. il conteste l'authenticité de la grille de calcul produite par Comptafrance qui serait signée de sa main ; la vérification d'écriture s'impose en conformité avec les articles 285, 287 à 299 du code de procédure civile,. la grille de calcul ne peut lui être opposée ; c'est à son employeur, qui prétend qu'elle était annexée à son contrat de travail d'en rapporter la preuve, dans les formes prescrites par les articles 1321 et suivants du code civil,. aucun élément intrinsèque ou extrinsèque au contrat de travail ne vient étayer cette position que cette grille serait un élément du dit contrat,. la charte des associés invoquée,
o n'a été signée que bien postérieurement à la conclusion du contrat de travail, o comme son nom l'indique, cette charte ne vise qu'à régir les relations entre associés et, la société Comptafrance, qui n'en est pas signataire, ne peut s'en recommander dans ses rapports avec son salarié, o les modalités de rémunération des associés, contrairement à ce qui a été indiqué, sont tout à fait disparates, o il ne peut, par ailleurs, y avoir de méthode universelle de détermination d'une rémunération, o ce qui a été accepté par l'un n'est pas, de ce seul fait, opposable à l'autre, o les associés n'avaient nul intérêt, dans le cadre de l'expertise, à faire état d'une quelconque contestation sur la rémunération, o l'argument qu'il n'aurait pas contesté l'application de cette grille, antérieurement à sa démission, est parfaitement inopérant,
- l'expert commis s'est trompé sur ce qui constitue son salaire fixe,. la ligne sur ses bulletins de paie, intitulée salaire mensuel, correspond bien à la partie fixe de sa rémunération prévue à son contrat de travail,. elle a un caractère de fixité, au fil des années,. au regard, comme il est mentionné un nombre d'heures de travail, c'est bien le temps de travail qui est rémunéré,. l'intéressement et la participation rémunèrent quant à eux un volume d'activité et, sont versés sous forme d'acompte avec une régularisation annuelle,. si l'employeur avait entendu verser un quelconque acompte sur le salaire, il n'aurait pas manqué d'établir une ligne distincte sur les bulletins de paie, de la même façon que pour les éléments variables du salaire dont l'acompte est spécifié,. de ce fait, le salaire mensuel n'intègre pas ces acomptes sur la partie variable de la rémunération,
- l'intéressement est défini à son contrat de travail et c'est cette seule définition qui doit servir de guide,. la base de calcul du dit intéressement ne peut être que mensuelle, la référence étant le journal de banque, document mensuel, de même que le versement d'acomptes mensuels étant prévus,. les articles 1162 et 1141 du code civil précisent que les clauses ambiguës s'interprètent en faveur de celui qui a contracté et, contre celui qui a stipulé, donc contre la société Comptafrance,. il n'a accepté l'abaissement de la partie fixe de sa rémunération, par rapport à ce qui avait été contractuellement convenu, que dans la perspective de gagner plus via son activité, qui a toujours été bénéficiaire,. aussi, l'intéressement ne peut qu'être calculé sur le chiffre d'affaires, soit les encaissements, et non sur les bénéfices,. dès lors, les frais à déduire ne peuvent correspondre qu'aux débours, à savoir les frais réellement réglés pour le compte du client, puis refacturés à ce denier,. ne peuvent, en conséquence, être pris en compte les frais tels qu'avancés par la société Comptafrance (chancellerie, bulletins de paie, informatiques, locations diverses, déplacements, fournitures), puisque s'agissant de frais généraux de l'entreprise qui, refacturés au client avec un bénéfice, constituent un produit pour la dite entreprise,. d'ailleurs, la société Comptafrance ne verse aucune facture à l'appui, qui aurait seule permise de relier les dits frais client par client et ainsi, d'appréhender les sommes réellement versées par l'entreprise pour chaque client,. et, le rapprochement des journaux de banque et des déclarations de TVA permet de constater que, dans les recettes encaissées figurant sur les livres de banque existent des sommes qui, n'ayant donné lieu à aucune remise en banque, sont des recettes fictives,. seuls les avoirs établis, contrairement aux factures et avoirs à établir et aux clients passés en perte, de plus non justifiés par la société Comptafrance, sont à déduire, conformément au contrat de travail,. du coup seule l'hypothèse E formulée par l'expert commis, prenant en compte l'ensemble des paramètres évoqués, doit être conservée,. le rapprochement des journaux de banque et des déclarations de TVA permet, de surcroît, de constater que manque le solde de créances clients, facturées avant son départ et depuis encaissées,. or, résultant de l'activité déployée avant son départ, il a droit à un intéressement sur ces encaissements postérieurs à son départ,. faute pour la société Comptafrance de fournir les éléments permettant le calcul de la partie variable de la rémunération, il a eu recours à un autre expert judiciaire, dont il convient d'adopter les calculs,
- la participation est également définie à son contrat de travail et, c'est aussi cette seule définition qui doit servir de guide,. aucune participation ne lui a été versée au cours de l'exercice de son contrat de travail, ainsi que la lecture de ses bulletins de salaire le démontre,. la base de calcul est le montant des bénéfices avant impôts,. sur ce point, bien qu'à partir de méthodes différentes, le montant figurant sur ses tableaux, dénommés Annexe 4, correspond finalement à celui auquel arrive l'expert commis, de même que la société Comptafrance,. les frais de siège que la société Comptafrance entend voir déduire, n'étant pas justifiés, doivent être réintégrés en totalité au bénéfice,. à défaut de cette réintégration en totalité, doit être réintégré au bénéfice le différentiel entre les frais de siège enregistrés au compte de résultats et le montant théorique obtenu par l'application d'un taux de 7 %, dans un souci de conciliation, la société Comptafrance donnant une fausse explication de l'application dans le compte de résultats d'un taux de charges de 13 %,. en tout cas, les calculs proposés par l'expert commis, comprenant la déduction de taux de charges fiscales et sociales, doivent être écartés, ces charges n'étant pas évoquées par le contrat de travail,. il a tenu compte, dans ses calculs, des acomptes sur intéressement reçus,. la liste de déduction des rémunérations visées en A et B établie par la société Comptafrance, ayant déjà été déduite avec l'ensemble des charges, ne peut, de nouveau, être déduite de la base de calcul de la participation,
- le conseil de prud'hommes a retenu, de ce qui était proposé par l'expert commis, les hypothèses les plus défavorables, se trompant de plus dans les chiffrages tels que l'expert les avait effectués ; si la cour retient les mêmes hypothèses, elle se doit de rectifier ces erreurs,
- au besoin, la cour pourra ordonner une autre expertise,
2. Sur les heures de recherche d'emploi
-la convention collective applicable prévoit des heures de recherche d'emploi, qui doivent être rémunérées,- or, la société Comptafrance a multiplié les obstacles à l'exercice de ce droit, alors qu'il l'avait informée, dès sa démission, de ce qu'il entendait prendre ces heures de recherche d'emploi,- la société Comptafrance ne démontre pas, comme elle en a la charge en application de l'article 1315 du code civil, que ces heures de recherche d'emploi auraient été inutiles,- dès lors, ayant été empêché par la société Comptafrance de bénéficier de la totalité des heures à laquelle il avait droit, heures qui doivent être calculées par rapport à la durée du préavis, il a le droit d'être indemnisé des heures qu'il n'a pas pu prendre,- l'indemnisation de ces heures ne peut être calculée que sur la base du taux horaire,. la part variable de la rémunération devant être intégrée,. pour 151 heures 67 de travail par mois et non 169 heures ainsi que mentionné sur les bulletins de paie, ceux-ci révélant qu'il n'a été réglé d'aucune heure supplémentaire,- à défaut de retenir ses prétentions, c'est au minimum l'hypothèse 3 de l'expert commis qui doit être validée.
3. Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
-la convention collective applicable est la stricte transposition des dispositions du code du travail quant aux droits à congés payés,- la société Comptafrance lui a décompté des congés payés, sur son bulletin de salaire du mois de mai 2003, alors qu'il n'a jamais,. posé de demandes de congés payés pour les dates visées,. ni pris de congés payés à ces dates,- c'est à la société Comptafrance de rapporter la preuve contraire,- or, les pièces que cette dernière produit démontrent qu'il n'était pas en congés aux dates indiquées,- de plus, conformément à l'article R. 143. 2. 14 du code du travail, les congés payés doivent être portés, au plus tard, sur le bulletin de paie du mois qui suit la date où ils ont été pris,- le fait que ce ne soit pas le cas vient renforcer le fait que l'imputation qu'a faite la société Comptafrance est mensongère,
- par ailleurs, la société Comptafrance a calculé l'indemnité compensatrice de congés payés en violation, tant des dispositions de son contrat de travail que de la convention collective applicable que du code du travail,. le calcul du nombre de jours de congé auxquels le salarié a droit étant effectué en jours ouvrables, la durée des congés pris doit, elle-même, être déterminée en jours ouvrables,. la période de référence pour le calcul de l'indemnité compensatrice au titre des jours de congés dus au titre du mois de juin 2003 n'est pas la bonne.
4. Sur la clause de non-concurrence
-la clause intitulée " respect de la clientèle ", incluse dans son contrat de travail, est bien une clause de non-concurrence,- il appartient au juge, conformément à l'article 12 du code de procédure civile, de restituer à la dite clause sa véritable qualification,- les règles applicables à une clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de travail sont d'ordre public et, dès lors, la société Comptafrance ne peut y déroger,- les statuts de salarié et d'associé sont autonomes et soumis à des règles différentes,- la charte d'associés du 25 septembre 2000, à laquelle la société Comptafrance n'est pas partie, ne peut être invoquée par cette dernière,- c'est une interdiction, bien moins contraignante, qui est mentionnée dans cette charte,- cette interdiction n'a, de toute façon, pas de contrepartie financière,
- cette clause de non-concurrence est nulle, comme ne comportant pas de contrepartie financière en sa faveur,- certes, la convention collective applicable peut y suppléer, mais son contrat de travail ne renvoie pas, sur ce point, aux dispositions conventionnelles,- aussi, aucun avenant n'est venu régulariser cette clause de non-concurrence, contrairement à ce qu'impose la convention collective applicable,
- le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite cause, nécessairement, à ce salarié un préjudice,- la société Comptafrance n'a jamais renoncé à l'application de cette clause de non-concurrence, bien au contraire,- il a, de son côté, respecté la dite clause de non-concurrence et, c'est à la société Comptafrance, si elle le discute, d'en apporter la preuve,- les dommages et intérêts qui lui sont dus, doivent être équivalents à la somme qui serait revenue à la société Comptafrance s'il avait enfreint cette clause de non-concurrence,- ici, ce serait le montant que la société Comptafrance aurait dû débourser afin d'acheter une clientèle identique,- doivent aussi être inclus les frais engendrés par son déménagement, directs et plus indirects (maison, perte de salaire...)- si la cour considérait que la clause de non-concurrence, contenue à son contrat de travail, était valable, en référence à la convention collective applicable, elle doit faire application de cette convention, sauf à retenir l'indemnité de 25 % prévue, et non celle de 10 %,. l'atteinte à la liberté du travail est la même, que le salarié ait été licencié ou ait démissionné,. une contrepartie, représentant 10 % seulement du salaire, est insuffisante.
* * * *
Par conclusions du 20 août 2010, reprises à l'audience, la société Comptafrance sollicite :
- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré que la rupture du contrat de travail de M. Bruno X...devait s'analyser en une démission,
- l'infirmation du même en ce qu'il l'a condamnée au titre de :. l'intéressement,. la participation,. les congés payés,. les heures de recherche d'emploi,
et, déboutant M. Bruno X...de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, que ce dernier soit condamné à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
1. Sur les demandes au titre de l'intéressement et de la participation
-la rémunération due à M. Bruno X...est définie par son contrat de travail et la grille de calcul qui y est annexée,- il s'agit d'une annexe et non d'une contre-lettre (article 1321 du code civil),- si M. Bruno X...conteste ce dernier document et prétend que sa signature, qui y figure, est un faux, il lui appartient de mettre en oeuvre la procédure de vérification d'écritures en matière d'actes sous seing privé, régie par les articles 287 à 295 du code de procédure civile,- en tout cas, elle ne s'oppose en rien à cette vérification (article 1324 du code civil),- le juge dispose, en l'espèce, de tous les éléments nécessaires afin de procéder à cette vérification, conformément à l'article 288 du code précité,- et, si le doute persistait sur la réalité de la signature de M. Bruno X..., il résulte des pièces produites aux débats que :. chaque année, M. Bruno X...a reçu cette grille remplie, comme a perçu son intéressement et sa participation sur cette base,. alors qu'il est lui-même expert-comptable et commissaire aux comptes, M. Bruno X...n'a jamais émis la moindre observation à ce propos,. il est d'autant plus étonnant qu'il ne se soit pas manifesté, lorsque l'on voit le montant de la somme qu'il réclame désormais de ces chefs,- le contrat de travail a bien été établi en deux exemplaires, chacune des parties en fournissant un et, si M. Bruno X..., ainsi qu'il le prétend, n'avait pas été en possession de la grille de calcul de la rémunération annexée, il n'aurait pas manqué, dans les six ans d'exercice de son contrat de travail, de faire valoir :. qu'il n'était pas lié par cette grille,. que sa rémunération devait être calculée selon les modalités qu'il revendique aujourd'hui,- elle justifie, en toute hypothèse, de la pratique qui était applicable à l'ensemble des salariés se trouvant dans la même situation que M. Bruno X..., conformément au principe de non-discrimination en la matière,- la volonté des parties était bien l'application de cette grille de calcul,. M. Bruno X...a signé, par deux fois, la charte d'associés, d'après laquelle chaque responsable de bureau associé dispose d'un même contrat de travail, appliqué de manière identique,. les différences dans les rémunérations des responsables de bureau associés, dont fait état M. Bruno X...n'en sont pas, s'expliquant par des raisons objectives, liées à une intégration récente des dits salariés à la suite du rachat d'un bureau ou, au fait qu'ils étaient nouvellement nommés aux fonctions de responsable de bureau ou, encore qu'ils ne sont pas responsables de bureau,. chacun des associés atteste de ces modalités de calcul communes, qui leur étaient soumises chaque année et, qui ont toujours recueilli leur accord,. M. Bruno X...a voté, année après année, en tant qu'associé, l'approbation des comptes de la société,. ce faisant, il a bien donné son accord sur les rémunérations salariales, portées en charges dans les dits comptes,- la définition que veut donner M. Bruno X...de la partie fixe de sa rémunération ne correspond pas aux dispositions contractuelles,. les bulletins de salaire permettent de voir que chaque responsable de bureau associé percevait mensuellement une somme, o cette somme n'était qu'un acompte sur la totalité de la rémunération annuelle à devoir, o elle incluait de fait, partie fixe et partie variable, o la régularisation, par versement du solde était effectuée après établissement des comptes, en début d'année suivante, o si le salaire mensuel mentionné ne correspond qu'au fixe, hors intéressement et participation, d'une part il ne peut quadrupler d'un mois sur l'autre, d'autre part la rémunération de M. Bruno X...serait, alors, totalement disproportionnée avec celle des autres salariés placés dans la même situation,
- le contrat de travail est parfaitement clair sur les bases de calcul de l'intéressement,. les chiffres parlent d'eux-mêmes, en ce qu'il ne peut qu'être visé un chiffre d'affaires annuel, sinon impossible à réaliser mensuellement,. sont à prendre en compte les encaissements, et non la facturation, après déductions des avoirs, des frais de déplacement, des frais informatiques et, de tous autres remboursements de frais tels qu'ils résultent du journal de banque,. la thèse de M. Bruno X...est en contradiction avec ces termes du contrat,. elle est aussi en contradiction avec la philosophie du calcul de la rémunération, l'objectif étant le retour au profit du salarié d'une partie de ce qu'il produit au plan de son travail intellectuel et non pas de ce qui est facturé, qui peut comporter un pourcentage conséquent de frais sans rapport avec la dite activité,. ces frais sont, d'ailleurs, parfaitement isolés des produits dans la comptabilité,. la seule réserve qui puisse être faite, c'est que le taux pour les encaissements au delà de quatre millions est passé de 3 % à 3, 5 % à compter de l'exercice 1998/ 1999, ce qui conduirait à un complément de rémunération au profit de M. Bruno X...de l'ordre de 10 000 euros,. en tout cas, M. Bruno X...ne peut réclamer un intéressement postérieurement à son départ, puisque, o justement, cet intéressement est calculé sur l'encaissement et non la facturation, o le calcul de l'intéressement à devoir a, bien entendu, été calculé sur la base de l'année précédente et, au prorata,- ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de ligne dédiée à la participation sur les bulletins de salaire, que cette dernière n'a pas été versée à M. Bruno X...,. elle se reporte à ses arguments précédents qui démontrent l'inclusion de la participation, o dans le salaire mensuel, o dans le solde versé en fin d'année,
- en tout cas, les calculs faits par l'expert judiciaire démontrent qu'elle a respecté ses obligations en la matière,- que si une somme de 8 841 euros reste due à M. Bruno X...au titre de l'intéressement et de la participation, c'est principalement en raison de la réévaluation évoquée supra, à compter de la grille 1998/ 1999,
2. Sur les heures pour recherche d'emploi
-elles sont prévues par l'article 6. 2. 2 de la convention collective applicable,- M. Bruno X...ne les a sollicitées qu'à partir du mois de mai, date où elles lui ont été accordées,- en conséquence, M. Bruno X...ne peut prétendre à être indemnisé pour la période antérieure,- si la création d'une entreprise doit être assimilée à une recherche d'emploi, M. Bruno X...a pu bénéficier de ses heures pour recherche d'emploi, ayant entière latitude pour s'organiser,- d'ailleurs, alors que M. Bruno X...affirme avoir été empêché d'y recourir, il en a quand même inscrit au mois d'avril 2003 dans le journal des temps,- autorisé à les prendre au mois de juin 2003, il manifeste, ce mois-là, le niveau le plus faible de l'année d'heures non facturables,
- et, sur une éventuelle valorisation d'heures pour recherche d'emploi non prises, celle-ci ne peut se faire à partir de l'application d'un taux horaire moyen, comprenant partie fixe et partie variable de la rémunération,- M. Bruno X...a été rempli de son intéressement et de sa participation jusqu'au terme de son préavis,- la demande ne peut être évaluée qu'en termes de préjudice de jouissance, car s'il avait pris ses heures pour recherche d'emploi, il n'aurait pu gagner plus que ce qui lui a été versé,- dès lors, faute d'apporter la preuve des difficultés rencontrées en lien, l'indemnisation ne peut dépasser la somme de 3 000 euros,
3. Sur les congés payés
-c'est M. Bruno X..., lui-même, qui indiquait ses congés payés au siège social de la société, pour l'élaboration des bulletins de salaire,- ayant pris quarante-quatre jours de congé au titre de l'année 2001/ 2002, alors qu'il n'en avait acquis que vingt-cinq, il ne lui restait plus au titre de l'année 2002/ 2003 que six jours à prendre, qui lui ont été réglés,
- certes M. Bruno X...n'avait pas posé de demande de congés en octobre et décembre 2002, comme en décembre 2003,- les pièces du dossier démontrent, toutefois, qu'il était bien en congés (absence de déplacement, fermeture du cabinet) et que les quinze jours qui lui ont été imputés au mois de mai 2003 ne l'ont pas été à tort,- s'il a pu noter quelques heures de travail cependant, cela relève de son organisation et non de la demande de son employeur, étant rappelé sa totale autonomie dans l'organisation de son temps de travail,- et, M. Bruno X...ne peut faire état du fait que ces congés n'ont pas été inscrits sur le bulletin de paie du mois suivant, alors que c'est lui qui, en ne transmettant pas les indications nécessaires au siège social, a mis son employeur dans l'illégalité,
4. Sur la clause de non-concurrence
-la décision du conseil de prud'hommes qui a rejeté la demande de M. Bruno X...au titre d'une clause de non-concurrence doit être confirmée,- si elle était infirmée et qu'il était jugé que le contrat de travail de M. Bruno X...comportait une clause de non-concurrence sur le département de la Sarthe, il n'y a pas lieu pour cela à indemnisation de M. Bruno X...,. la rédaction de cette clause est antérieure à la modification de la jurisprudence sur la contrepartie financière,. par ailleurs, M. Bruno X..., en sa qualité d'associé, était redevable d'une clause de non-concurrence, beaucoup plus contraignante,. aucune jurisprudence ne prévoit de contrepartie financière à la clause de non-concurrence en cas de cession d'actions,. il est établi que M. Bruno X...n'a, de toute façon, pas respecté la clause de non-concurrence, continuant à exercer son activité de commissaire aux comptes sur le secteur de la Sarthe et des départements limitrophes, ayant veillé à se faire confirmer à titre personnel dans les mandats afférents, alors qu'il devait transférer ces derniers en vertu de la charte d'associés,
- à supposer même que la clause de non-concurrence soit atteinte de nullité, tant au niveau du droit du travail que du droit des sociétés, M. Bruno X...ne peut prétendre avoir subi un préjudice conséquent,. il a obtenu la rémunération résultant des désignations, à titre individuel, en tant que commissaire aux comptes,. son choix de s'installer sur Paris était fait, avant même sa démission, qu'il n'a notifiée qu'après s'être assuré que ce choix était possible,. ses demandes, à cet égard, sont de toute façon sans aucune mesure.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le solde d'intéressement et de participation
Le conseil de prud'hommes a condamné M. Bruno X...à verser à la société Comptafrance 8 841 euros au titre du trop-perçu sur l'intéressement et la participation, disposition dont M. Bruno X...demande l'annulation, au motif que les premiers juges ont, ainsi, statué ultra petita.
Il produit, à l'appui, les conclusions soutenues à l'époque par la société Comptafrance qui, effectivement, ne font pas état d'une telle demande de remboursement.
Les articles 4 et 5 du code de procédure civile imposent au juge de se prononcer sur tout ce qui est demandé par les parties, mais seulement aussi sur ce qu'elles ont demandé.
Le non-respect de ces règles ne se traduit pas, toutefois, par une annulation de la décision rendue. La voie à emprunter est celle de l'action en retranchement de l'article 464 du code de procédure civile, qui renvoie à la procédure de l'omission de statuer définie par l'article 463 du même code.
La question n'a toutefois pas d'intérêt réel, du fait de l'effet dévolutif de l'appel formé qui " remet ", conformément à l'article 561 du code de procédure civile, " la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit ".
M. Bruno X...réfute le document intitulé " grille de calcul de l'intéressement de M... directeur du bureau de... au 30/ 09/... ", avancé comme base de calcul par la société Comptafrance de l'intéressement et de la participation prévus à son contrat de travail.
M. Bruno X...dit que ce document n'était pas annexé à son contrat de travail, alors que la société Comptafrance soutient le contraire, cette dernière arguant également que c'est, à partir de ce document, que l'intéressement et la participation de M. Bruno X...ont été calculés, soumis à son approbation et, lui ont été versés, sans qu'il élève d'objections et ce, tout le temps qu'a duré l'exécution de son contrat de travail.
Ce dernier argument est, cependant, sans portée. L'acceptation sans protestation ni réserve du bulletin de paie ne vaut pas renonciation du salarié au droit de formuler une réclamation ou une demande en rappel de salaire. Cette acceptation ne vaut pas non plus compte arrêté et réglé, c'est à dire compte discuté et approuvé dans des conditions qui impliquent l'intention des parties de fixer définitivement leur situation respective (article L. 3243-3 du code du travail).
La société Comptafrance ne peut pas plus faire valoir " la charte des associés " signée par M. Bruno X..., en ce que, en tant qu'entreprise elle n'est pas partie à cette charte et, sont régis, dans ce document, les rapports entre associés et non entre salarié et employeur.
M. Bruno X...se réfère afin de voir écarter cette " grille de calcul de l'intéressement " aux articles 285, 287 à 299 du code de procédure civile ainsi qu'aux articles 1321 et suivants du code civil, particulièrement 1321, 1324 et 1325.
L'article 1321 du code civil n'a pas lieu de s'appliquer, n'étant pas face à une contre-lettre.
Pour ce qui concerne l'article 1325 du code civil, le contrat de travail a bien été établi en deux exemplaires, M. Bruno X...de même que la société Comptafrance produisant le leur, outre pour la société Comptafrance, la grille litigieuse, que M. Bruno X...dit ne pas avoir, lui, en sa possession.
Et, le fait que chacun des exemplaires ne contienne pas la mention du nombre des originaux faits, " ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l'acte ", précise encore l'article 1325 précité. Il y a bien eu exécution de sa part du contrat par M. Bruno X....
Reste l'article 1324 du code civil selon lequel " dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature..., la vérification est ordonnée par justice ".
C'est la procédure dite de vérification d'écriture des articles 285 et suivants précités.
En l'espèce, s'agissant d'une grille, exempte de toutes annotations manuscrites, la seule contestation de M. Bruno X...ne peut être que de la signature, ou plutôt du paraphe qui y figure.
Le contrat de travail du 1er juillet 1996 a été conclu entre la société Comptafrance, représentée par M. Yvon Y..., son président, et M. Bruno X....
Ce contrat (no1 société) compte quatre pages, paraphées pour les trois premières et, signée pour la dernière, par les deux parties.
La grille querellée porte, au moins sur l'exemplaire figurant au dossier de la société Comptafrance (no1), la photocopie au dossier de M. Bruno X...étant quant à elle coupée dans le bas (cf la signature de M. Yvon Y..., tronquée sur le Y en sa partie basse), le paraphe de M. Bruno X..., qui consiste dans les lettres BC, en majuscules.
La société Comptafrance, pour justifier de la véracité de ce paraphe, fournit divers documents :
- le contrat de travail, qu'elle déclare avoir été signé au même moment que la grille, cette dernière lui étant annexée,- le procès-verbal de l'assemblée générale mixte de la société Guerard Viala Pays de Loire, en date du 17 janvier 1996, par laquelle a été autorisée la cession par la société Guerard Viala des parts que celle-ci détenait dans le capital de la société Guerard Viala Pays de Loire, assemblée présidée par M. Bruno X...(no133),- le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Guerard Viala Pays de Loire, en date du 15 février 1996, étape de l'opération de fusion-absorption par la société Comptafrance, assemblée présidée par M. Bruno X...(no134),- un fax de M. Bruno X...à la société Comptafrance du 8 octobre 1996, dans le cadre de la future charte des associés (no140),- la charte des associés Comptafrance du 18 décembre 1996, soussignée par M. Bruno X...(no138),- un courrier du 24 novembre 1998 de M. Bruno X...à Mme Marie-Jeanne A..., membre de la société Comptafrance (no142),- la charte des associés du groupe Comptafrance du 25 septembre 2000, soussignée par M. Bruno X...(no3),- les statuts de la société X...conseil en date du 23 juillet 2003 (no166).
Ce sont, ainsi, soixante-deux pages de comparaison avec le paraphe porté sur la grille en question dont la cour dispose afin de conduire la vérification d'écriture.
À l'issue, la cour conclura à l'identité entre ce paraphe et celui des pièces de comparaison. La forme des lettres, leur tracé, y compris la façon d'appuyer du signataire, sont identiques, ce qui est d'autant plus marquant que, un peu plus de sept ans et demi séparent le premier paraphe des derniers.
M. Bruno X...étant bien le signataire de cette " grille de calcul de l'intéressement ", il n'y a plus de raison de mettre en doute la parole de la société Comptafrance comme quoi la dite grille était annexée au contrat de travail de M. Bruno X.... Il y a d'autant moins de raisons d'en douter que :
- les mentions de cette grille ne font que reprendre les éléments de rémunération du contrat de travail, qui seront repris infra,- M. Bruno X...a, effectivement, vu sa participation et son intéressement calculés via cette grille, durant l'ensemble des années qui ont suivi (no170 à 174 société).
La dite grille a donc bien lieu d'être retenue.
* *
La rémunération de M. Bruno X...est définie à l'article 5 de son contrat de travail en ces termes :
" La société Comptafrance garantit une rémunération calculée comme suit :
A. Une indemnité fixe mensuelle de 5 000 francs..., valeur 1er janvier 1986 révisée en fonction de la variation du point de retraite des cadres (point AGIRC), dont la valeur est de 2, 303 francs au 1er juillet 1995.
B. Un intéressement sur les encaissements hors taxes obtenus sur le cabinet Le Mans 2. 5 % sur les encaissements hors taxes sous déductions des avoirs établis, hors frais de déplacement, informatique et autres remboursements de frais, tels qu'ils apparaissent sur le journal de banque, dans la limite d'une base d'encaissements de 4 000 000 francs. Ce pourcentage est ramené à 3 % pour les encaissements au-delà de 4 000 000 francs.
C. Une participation de 35 % au bénéfice du cabinet Le Mans 2 après déduction de l'ensemble des charges, produits et charges exceptionnels, etc..., frais de siège, de la rémunération visée en A et B ci-dessus. Cette participation (P) résultant de l'application de la formule ci-après : D = Bénéfice net comptable avant IS- (Dcn-Dcn-1) DC = montant hors taxes des dûs clients de plus de quatre vingt dix jours.
En cas de départ du cabinet, l'intéressement sur l'exercice n en cours sera calculé comme suit : Pn = Pn-1 x (nombre mois salariés sur n)/ 12.
Il est fait observer que la détermination des résultats est effectuée au niveau de l'ensemble des cabinets de la société, dans le cadre d'une procédure unique, en particulier, en ce qui concerne les travaux en cours, provisions et factures à établir.
Le calcul de l'intéressement ainsi défini sera effectué à chaque exercice comptable et sera versé le troisième mois suivant la clôture.
Le montant des acomptes mensuels sera déterminé à chaque début d'exercice d'un commun accord avec la Direction Centrale ".
Ce contrat de travail est à interpréter, également, au regard de la " grille de calcul de l'intéressement ", précitée.
Sera précisé que le rapport d'expertise, de même que les entiers bulletins de salaire de M. Bruno X...rapportés au contrat de travail et à la grille de calcul permettent d'affirmer que :
- la ligne " salaire mensuel " indiquée sur les bulletins de salaire de M. Bruno X...comprend la partie fixe de sa rémunération, ainsi que des acomptes sur la partie variable de cette rémunération,- lorsqu'il est question, toujours sur ses bulletins de salaire de M. Bruno X..., d'acompte sur intéressement ", de " solde intéressement ", la participation est incluse,- l'intéressement est calculé sur les encaissements, qui ne peuvent qu'être considérés que sur une base annuelle en lien avec le chiffre visé (4 millions et au dessus),- s'agissant d'encaissements et non de facturation, M. Bruno X...ne peut prétendre à percevoir un intéressement sur les sommes encaissées, postérieurement à son départ de la société Comptafrance.
Une fois ces différents éléments posés, il n'y a aucune raison d'écarter l'expertise judiciaire réalisée, dont les hypothèses suivantes seront validées.
Concernant le premier élément de la rémunération de M. Bruno X..., dit " indemnité fixe ", l'expertise montre que le calcul de la société Comptafrance est conforme au contrat de travail et, intègre l'évolution de l'indice de révision.
Quant au deuxième élément de la rémunération de M. Bruno X..., dit " intéressement ", sera retenu le cas intitulé par l'expert " application au montant des encaissements hors taxes des taux stipulés dans le contrat de travail " et son hypothèse 2 dénommée " honoraires calculés en intégrant les frais de chancellerie, honoraires relatifs aux bulletins de paie et les produits informatiques nets de charges ".
L'on est dans l'application du contrat de travail et, celui-ci n'exclut pas l'intégration de ces frais dans le calcul des honoraires, parlant de remboursements autres.
Relativement au troisième élément de la rémunération de M. Bruno X..., dit " participation aux bénéfices du cabinet ", le contrat de travail ne donne certes pas le détail du calcul de ce bénéfice, en particulier sur la prise en compte ou non des charges sociales. En revanche, la " grille de calcul de l'intéressement " intègre des charges dans l'évaluation de la participation. L'hypothèse 2 de l'expert dite " réintégration au bénéfice de l'écart sur frais de siège calculés sur la base du chiffre d'affaires avec application du taux de 7 % et intégration des charges sociales " sera conservée.
Ces hypothèses validées feront l'objet d'un tableau récapitulatif, ci-après (voir page suivante) :
30. 09. 98 30. 09. 99 30. 09. 00 30. 09. 01 30. 09. 02 30. 06. 03 total en euros indemnité fixe A 11 509 11 544 11 555 11 688 11 915 9 055 67 266 € intéressement B 31 675 37 178 48 348 52 858 55 064 41 298 266 421 € participation C 34 192 36 755 34 192 48 730 79 095 59 322 292 286 € total rémunération D dû A + B + C 77 376 85 477 94 095 113 276 146 074 109 675 625 973 € Montants versés E 84 600 65 580 73 980 91 098 96 958 175 585 587 801 € Solde intéressement 96/ 97 F 42 219 € Réduction CF G 7 622 € Audit 7 622 € Montant net H dû D + E + F + G-41 821 19 897 20 115 22 178 49 116-65 910 3 575 €
De fait, le jugement du conseil de prud'hommes ne pourra qu'être infirmé en ce qu'il a condamné M. Bruno X...à rembourser à la société Comptafrance un trop-perçu au titre de l'intéressement et de la participation.
Sur les heures pour recherche d'emploi
La convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes accorde au salarié, en cas de rupture du contrat de travail, la possibilité de s'absenter pour recherche d'emploi.
L'article 6. 2. 2 précise, dans sa version en vigueur lors des faits de la cause : " Pendant la période de délai-congé réciproque, et jusqu'au moment où un nouvel emploi aura été trouvé, les salariés seront autorisés à s'absenter deux heures par journée complète d'ouverture du cabinet pour rechercher ce nouvel emploi. Les deux heures pourront être prises un jour à la convenance de l'employeur, et le jour suivant à la convenance du salarié, ou suivant d'autres modalités d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. En cas de licenciement d'un salarié sans condition d'ancienneté ou en cas de démission d'un salarié comptant cinq ans d'ancienneté dans le cabinet, ces heures n'entraînent aucune diminution du salaire mensuel ".
M. Bruno X..., par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 décembre 2002, a notifié à la société Comptafrance sa démission.
Le préavis de M. Bruno X...était de six mois, conformément à l'article 8 de son contrat de travail. Ce préavis devait donc s'achever le 30 juin 2003, ce que M. Bruno X...rappelle à son employeur dans le même courrier.
M. Bruno X...pouvait, en conséquence, prétendre bénéficier, sur cette période, compte tenu des jours d'ouverture du cabinet, soit cent-vingt-trois jours, de deux-cent-quarante-six heures pour recherche d'emploi.
La société Comptafrance vient dire qu'elle n'avait pas à octroyer ces heures à M. Bruno X..., ces dernières étant inutiles.
À l'appui, la société Comptafrance, sur laquelle repose la charge de la preuve de cette inutilité, verse :
- le numéro de téléphone d'un cabinet d'expertise-comptable sur Paris,- le détail des appels du poste de M. Bruno X..., pour les mois d'octobre et novembre 2002, desquels il résulte que M. Bruno X...a appelé ce cabinet le 16 octobre 2002, à raison de deux minutes et huit secondes, le 18 octobre 2002, à raison de quarante-neuf secondes, le 18 octobre 2002 toujours, à raison de dix minutes et cinquante-quatre secondes, le 23 octobre 2002, à raison de quatre minutes et seize secondes, le 13 novembre 2002, à raison de trente-cinq secondes,- des attestations de neuf collaborateurs de M. Bruno X...(no 115 à 123) qui déclarent que :. " le... 6 janvier 2003, Bruno X...m'a informé de sa démission... Il m'a indiqué qu'il quittait COMPTAFRANCE pour s'installer en région parisienne ",. " le 2 janvier 2003,..., Monsieur Bruno X...m'a annoncé sa démission en date du 30 juin 2003 et qu'il avait trouvé une opportunité sur Paris ",. " Monsieur Bruno X...m'a annoncé sa démission le 2 janvier 2003,... ; il avait trouvé une opportunité sur Paris ",. " le 6 janvier 2003, Bruno X...m'a informé de sa décision de quitter la SA COMPTAFRANCE en raison d'une opportunité sur la région parisienne ",. " le 2 janvier 2003, Monsieur Bruno X...m'informait de sa démission au sein de la SA COMPTAFRANCE... au motif suivant : opportunité de carrière professionnelle sur Paris ",. " le 6 janvier 2003..., Monsieur X...m'a annoncé sa démission au 30/ 06/ 2003 pour une opportunité à PARIS ",. " Monsieur X...est venu... le 8 janvier 2003... afin de nous avertir de sa décision de quitter Comptafrance au 30 juin 2003... ",. " Monsieur X...Bruno nous a réuni le 8 janvier 2003 afin de nous faire part de sa décision de quitter la société COMPTAFRANCE et de reprendre un cabinet en région parisienne au 30 juin 2003 ",. " le 8 janvier 2003 Monsieur Bruno X...... nous a réuni... pour nous annoncer son départ de COMPTAFRANCE pour le 30 juin 2003. Il nous a précisé qu'il reprenait des parts dans un cabinet de la région parisienne... ".
Ces éléments sont, toutefois, à eux seuls, insuffisants à démontrer l'inutilité dont se prévaut la société Comptafrance.
L'on est en début de la période de préavis de M. Bruno X....
La démission intervient dans un contexte " houleux " entre M. Bruno X...et la société Comptafrance.
M. Bruno X...sait (cf infra) qu'il ne peut continuer à travailler sur le même bassin d'emploi.
Dès lors, que M. Bruno X...fasse des recherches du côté de la région parisienne est plus que certain ; que ces recherches se soient d'ores et déjà concrétisées ne l'est pas. Sur ce dernier point, les pièces produites par M. Bruno X...viennent, au contraire, illustrer que celui-ci a bien mené des recherches d'emploi, tous azymuts sur la région parisienne, dès avant le mois de mars 2003 (première réponse négative) et jusqu'au 13 octobre 2003, date à laquelle il a été, effectivement, engagé en qualité d'expert-comptable salarié (no 75, 66, 67, 76, 68 à 71, 77 à 80, 85, 53).
Et la société Comptafrance, elle-même, avait fourni (no 166 et 167) les statuts et l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés près le tribunal de commerce de Paris de la société créée par M. Bruno X..., sous la dénomination Bruno X...conseil, avec son siège au domicile de M. Bruno X...et, pour objet social l'exercice de la profession d'expert-comptable et de commissaire aux comptes. Or cette immatriculation n'est intervenue que le 3 octobre 2003, pour un commencement d'exploitation au 25 juillet 2003.
De ces développements, il peut être conclu que M. Bruno X...devait pouvoir prendre ses heures pour recherche d'emploi.
* * * *
Faute pour la convention collective applicable d'avoir prévu d'autres dispositions, ainsi qu'en l'espèce, le salarié qui n'a pas fait usage de ses heures pour recherche d'emploi ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice.
Il en est, toutefois, autrement si le salarié a été mis dans l'impossibilité de prendre ses heures pour recherche d'emploi du fait de son employeur ; au salarié, cette fois, de le démontrer.
Ni dans sa lettre de démission, ni dans les échanges de mail et de courriers postérieurs à cette démission avec la société Comptafrance (no6, 7, 143), M. Bruno X...ne formalisera de demande quant à la mise en place de ses heures pour recherche d'emploi. Le 11 avril 2003, il écrira (LRAR) seulement à la société Comptafrance (no8) :
" Afin d'éviter toute ambiguïté dans le planning de mon départ, je tiens à vous préciser par écrit les modalités que vous semblez retenir : 1/ Mon départ était prévu pour le 30 juin prochain et une réunion pour présenter mon successeur était programmé pour le 22 mai. Il semblerait que vous souhaitiez :. Que la réunion de présentation n'ait pas lieu.... Je prends acte de votre décision et vous laisse le soin d'en assumer les conséquences quant à l'information et au suivi de la clientèle.. Que mon départ se fasse suivant les modalités plus logiques de la convention collective, à l'issue de la période fiscale, soit le 5 mai, et ce dans le cadre du respect de la clientèle... ".
La société Comptafrance répondra (LRAR), le 16 avril 2003 (no9) :
"... Je suis surpris que vous annonciez la date de votre départ au 5 mai prochain. En effet votre préavis expire le 30 juin prochain. Si vous souhaitez partir le 5 mai 2003, vous voudrez bien me le confirmer, s'agissant alors d'une demande nouvelle de votre part... ".
C'est au tour de M. Bruno X...d'indiquer, le 30 avril 2003, (LRAR, no10) :
" J'ai pris bonne note qu'en définitive ma date de départ sera le 30 juin prochain et non plus le 5 mai. Je fais remarquer qu'il ne s'agissait pas d'une demande de ma part, mais de ce que vous sembliez souhaiter, compte tenu de la fin de la période fiscale au 5 mai............. En tant que salarié et afin de rechercher un nouvel emploi, je vous propose de prendre mes temps de recherche prévus par les textes de la manière suivante :. Pour le futur ; un jour par semaine. Pour la période de janvier à avril où je n'ai effectué aucune recherche du fait de mon départ présumé au 5 mai, je vous propose de les prendre au mois de juin... ".
C'est donc la première fois, ce 30 avril 2003, alors que sa démission remonte au 30 décembre 2002, que M. Bruno X...affirme sa volonté d'avoir recours à ses heures pour recherche d'emploi, avec définition d'un échéancier.
Le 15 mai 2003, visant une lettre de la société Comptafrance en date du 7 mai 2003, M. Bruno X...écrit à nouveau (LRAR, no12) :
"............ J'ai pris note de votre absence d'opposition à ma proposition concernant la planification de mon temps de recherche d'emploi selon les modalités précisées dans mon précédent courrier. Je vous indique à cet égard que je n'ai signé aucun contrat de travail et suis toujours à la recherche d'un nouvel emploi ; les pistes que j'avais espérées ne s'étant pas concrétisées. Dès lors, la période du 1er janvier au 30 juin, soit 122 jours donne droit à raison de 2 heures par jour à 244 heures soit 30, 5 jours. En regroupant ces jours en fin de préavis, je ne serai plus dans la société théoriquement le 16 mai prochain. Toutefois comme je l'avais initialement évoqué (réunion de présentation de mon successeur le 22 mai que vous avez décidé d'annuler), j'assurerai mes fonctions jusqu'au 23 mai, afin de ne pas perturber la bonne transmission de la clientèle... ".
Ce courrier est envoyé au président de la société Comptafrance.
La société Comptafrance, dans la personne d'un autre de ses représentants, fait néanmoins parvenir à M. Bruno X...la lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 12 mai 2003, ci-après (no13 société) :
".... je vous apporte la précision suivante concernant votre demande d'absence pour recherche d'emploi. Notre convention collective prévoit effectivement que, pendant la période de délai-congé, les salariés sont autorisés à s'absenter deux heures par journée, jusqu'au moment où un nouvel emploi aura été trouvé. Je suis surprise par votre demande car, lorsque vous avez annoncé votre démission, vous avez précisé que vous partiez exercer dans un cabinet en région parisienne. Il n'y a donc pas de recherche de nouvel emploi. Merci de bien vouloir me fixer sur ce point... ".
Et, le 20 mai 2003, le président de la société Comptafrance envoie à M. Bruno X...la missive suivante (LRAR, no34 X..., no81 société) :
" Je fais suite à votre courrier recommandé du 15 mai 2003 que je reçois ce jour............ Concernant vos temps de recherche d'emploi, je vous renvoie au courrier que Marie-Jeanine A...vous a adressé le 12 mai 2003. Je constate d'ailleurs que vous confirmez votre installation en région parisienne dans les lettres que vous avez transmises aux clients de commissariat aux comptes. En conséquence, les temps de recherche d'un nouvel emploi ne sont pas justifiés et n'ont donc aucune raison d'être. Le temps qui vous reste à accomplir au titre de votre préavis, du 23 mai au 30 juin, doit être mis à profit notamment pour finaliser la régularisation de tous les mandats de commissariat aux comptes... ".
La société Comptafrance demande qu'au moins, M. Bruno X...ne soit pas indemnisé de ses heures pour recherche d'emploi, en ce qui concerne la période antérieure à cette dernière lettre du 20 mai 2003.
La convention collective donne la possibilité au salarié de s'absenter " deux heures par journée complète d'ouverture du cabinet jusqu'au moment où un nouvel emploi aura été trouvé ", laissant aux parties le soin de définir " d'un commun accord " le planning des absences. À défaut d'accord, elle prévoit que " deux heures pourront être prises un jour à la convenance de l'employeur, et le jour suivant à la convenance du salarié ".
L'on peut en déduire, qu'en tout cas, l'employeur est redevable envers son salarié des dites heures pour recherche d'emploi.
On l'a dit dans les précédents développements, c'est à l'employeur de rapporter la preuve que les heures pour recherche d'emploi sont inutiles au salarié.
Par conséquent, sauf à renverser la charge de la preuve, la société Comptafrance ne peut s'exonérer de la mise en place, à l'égard de M. Bruno X..., des dites heures pour recherche d'emploi, au motif qu'elle les croyait inutiles.
L'on rappellera, tout de même, le manque de pertinence des éléments exposés par la société Comptafrance au soutien de sa position d'inutilité des dites heures.
Et, que M. Bruno X...n'ait pas sollicité, de suite, un calendrier à ce propos ne saurait, non plus, suffire à exonérer la société Comptafrance de ses obligations.
Ni la société Comptafrance, ni M. Bruno X...d'ailleurs, ne fournissent la lettre de la société Comptafrance, en date du 7 mai 2003, qui signe pour M. Bruno X...l'accord de son employeur sur la mise en place des heures pour recherche d'emploi, selon la proposition qu'il a émise. Même si cette pièce n'est pas produite, le courrier du 12 mai 2003, également de la société Comptafrance, bien que d'un interlocuteur différent, conduit à dire que le président de la société n'avait pas pris position sur les demandes de M. Bruno X....
Cette absence de réponse ne peut être assimilée à une réponse positive de la société Comptafrance, puisqu'il doit bien s'agir " d'un commun accord " entre le salarié et l'employeur.
Il n'en demeure, pas moins, que ce n'est pas à M. Bruno X...de pâtir du fait que la société Comptafrance a cru à l'inutilité de la mise en place des dites heures pour recherche d'emploi.
M. Bruno X...a d'autant moins à en être pénalisé que :
- tout cela s'inscrit dans un contexte plus que troublé avec son employeur, dans lequel ce dernier n'est visiblement pas disposé favorablement à l'endroit de son salarié,- il a pu, légitimement, se méprendre sur le souhait, ou non, du dit employeur de voir se prolonger leur collaboration jusqu'au terme du préavis (cf leur échange de courrier où la société Comptafrance présente un départ de M. Bruno X..., au 5 mai 2003, comme une demande nouvelle de sa part, ne démentant pas cependant les éléments relatés par M. Bruno X...comme ayant pu l'amener lui à une telle conclusion, supra).
M. Bruno X...n'avait pas, dans cette perspective d'un départ avant terme, de raison particulière d'interpeller la société Comptafrance pour la mise en place des heures pour recherche d'emploi.
Et, le dernier élément qui amène à penser que, la société Comptafrance n'était pas prête à remplir ses obligations en matière d'organisation des heures pour recherche d'emploi, est le refus catégorique qu'oppose le président de la société à M. Bruno X..., le 15 mai 2003, que ce dernier puisse bénéficier des dites heures, ne serait-ce que pour le temps de préavis restant à courir, entendant que M. Bruno X...se consacre aux tâches qu'il lui demande, soit de " rétrocéder " à l'entreprise les mandats de commissaire aux comptes sur lesquels celui-ci est nommé en qualité de titulaire et, la société Comptafrance comme simple suppléante.
Ce raisonnement ne sera pas modifié par la lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 5 juin 2003, que le président de la société Comptafrance fait parvenir, si l'on peut dire " en bout de course " à M. Bruno X...(no6), qui sera reprise ci-après :
" J'ai pris connaissance de votre courrier recommandé du 26 mai 2003. Concernant votre demande d'heures pour recherche d'emploi, vous nous aviez indiqué en son temps que vous vous installiez en région parisienne, dès lors les heures pour recherche d'emploi n'avaient pas lieu d'être. Je prends note, dans votre courrier du 26 mai 2003, que vous vous trouvez maintenant dans une situation de recherche d'emploi. Je vous confirme alors que, à compter du 2 juin 2003,...., vous bénéficiez des 2 heures journalières de recherche d'emploi que vous voudrez bien prendre chaque jour, à votre convenance personnelle, sans que ces heures ne puissent être cumulées de quelque manière que ce soit. Il est bien évident qu'aucune indemnité ne vous sera versée à ce titre en fin de contrat. En effet, les heures qui vous sont dues étant celles allant du 2 juin 2003 jusqu'au 30 juin 2003 auront été prises par vous suivant les modalités définies ci-dessus. Je suis au regret de devoir vous préciser qu'aucun accord n'est jamais intervenu entre nous prévoyant votre le 23 mai 2003... ".
Dès lors, il y a bien lieu à indemnisation de M. Bruno X...de ses heures pour recherche d'emploi.
* * * *
M. Bruno X...précise avoir pris ses deux heures quotidiennes pour recherche d'emploi, du 12 juin 2003, date où il a reçu le courrier précité du 5 juin 2003 et ce, jusqu'au 30 juin 2003, soit un total de vingt-six heures.
M. Bruno X...admet, encore, avoir usé de cinq heures supplémentaires.
M. Bruno X...ne demande plus, du coup, qu'une indemnisation portant sur deux-cent-quinze heures.
Celle-ci sera fixée à la somme de 5 356, 67 euros (salaire brut moyen sur les six mois de préavis, sur une base de 169 heures).
Sur les congés payés
L'article 7 du contrat de travail de M. Bruno X...stipule :
" Congés payés
Le droit est le même que celui des autres cadres du cabinet, tel qu'il est défini par le règlement intérieur. La période de congés est la période légale. Dans la mesure du possible, toutes dispositions devront être prises pour ne pas perturber la bonne marche du cabinet. L'indemnité de congés payés est réputée incluse dans la rémunération visée au 5o. L'indemnité compensatrice en cas de départ sera égale au dixième des rémunérations perçues pendant la période de référence ".
Le règlement intérieur (no73) précise, pour son compte, relativement aux " congés annuels " :
" Les périodes des congés étant définies conformément à la loi et à la convention collective, nul ne peut modifier les dates de départ sans autorisation préalable de la Direction. En outre, le fait de prolonger, sauf cas de force majeure, la durée prévue pour le congé, constitue une faute de caractère disciplinaire. Les dispositions ci-dessus valent aussi bien pour la période principale de congé que pour la période ou les périodes complémentaires ".
La convention collective des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, dans ses dispositions en vigueur lors des faits de la cause, prévoit en son article 7 :
" Conformément aux dispositions de l'article L. 223-2 du code du travail, la durée du congé est, pour douze mois de travail effectif, de trente jours ouvrables à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif ; la période de référence s'étend du 1er juin au 31 mai... La période au cours de laquelle le congé principal est pris s'étend du 1er mai au 31 octobre. Le congé principal est constitué de l'ensemble des droits acquis au cours de la période de référence dans la limite de vingt-quatre jours ouvrables. Il est pris en une fois, sauf en cas d'accord des deux parties pour le fractionnement d'une partie au moins de ce qui excède douze jours ouvrables pris entre deux jours de repos. La partie ainsi fractionnée peut être prise en dehors de la période légale. Les droits supérieurs à vingt-quatre jours ouvrables peuvent être fixés par la direction à une date différente du congé principal et, en principe, au-delà de la période légale du 1er mai au 31 octobre. Les congés ne peuvent être reportés au-delà du 31 janvier de l'année suivante. En cas de fermeture, ils sont obligatoirement attribués pendant cette période. Lorsque le cabinet ne ferme pas, ils sont attribués par roulement. Dans l'un et l'autre cas, les dates de départ pour le congé principal sont fixées au plus tard le 1er mars, en tenant compte dans la mesure du possible des dates de congés scolaires pour les salariés ayant des enfants en âge de scolarité... ".
M. Bruno X...se plaint que :
- la société Comptafrance lui ait imputé, à tort, sur son bulletin de salaire du mois de mai 2003, n'ayant ni posé ni pris de congés aux dates visées, les congés suivants :. quatre jours, du 28 au 31 octobre 2002,. six jours, du 23 au 31 décembre 2002,. cinq jours, du 3 au 7 mars 2003,
- la société Comptafrance ait calculé l'indemnité compensatrice de congés payés, en violation des dispositions légales et contractuelles,. il avait droit o au titre des congés 2003, la période de référence s'étendant du 1er juin 2002 au 30 mai 2003, à trente jours ouvrables, o au titre des congés 2004, la période de référence s'étendant du 1er juin 2003 au 30 mai 2004, à deux jours ouvrables et demi,. il lui restait, par ailleurs, au titre des congés 2002, la période de référence s'étendant du 1er juin 2001 au 30 mai 2002, six jours ouvrables,. le total s'élève, le demi étant arrondi à l'unité supérieure, à trente-neuf jours ouvrables,. l'indemnité compensatrice relative aux deux jours et demi, acquis au titre des congés 2004, doit être calculée sur la période de référence correspondante, soit en l'espèce sur le seul mois de juin 2003.
La société Comptafrance affirme, de son côté, que :
- certes, M. Bruno X...n'avait pas posé de congés du 28 au 31 octobre 2002, ni du 23 au 31 décembre 2002, ni non plus du 3 au 7 mars 2003. ses feuilles de temps et de déplacements confirment, néanmoins, qu'il n'a pas travaillé ces jours-là,. si, en décembre 2002, peuvent figurer sur les feuilles de temps quelques heures travaillées, ces heures n'ont pas été faites sur ses instructions, d'autant que le cabinet était fermé à ce moment-là et, relèvent donc de l'organisation personnelle de M. Bruno X...en tant que cadre autonome,. M. Bruno X...ne peut renvoyer que ses congés payés n'ont pas été portés sur ses bulletins de salaire le mois suivant, en contradiction avec les dispositions légales, alors que ce n'est que par son fait que cela n'a pas été possible à l'entreprise, puisque c'est lui qui indiquait au siège la date de ses congés, sans qu'un contrôle ne soit pratiqué,
- sur la période 2001-2002, alors qu'il avait acquis vingt-cinq jours de congés, il en a pris quarante-quatre si bien que, sur la période 2002-2003, sur les vingt-cinq jours de congés acquis, il ne pouvait plus prétendre bénéficier que de six jours,
- enfin, ayant acquis, sur la période 2003-2004, deux jours huit de congés, le total, quant à l'indemnité compensatrice à devoir, était de huit jours huit de congés.
* * * *
Quant aux quinze jours de congés, au titre des congés 2002, comptabilisés par la société Comptafrance sur le bulletin de salaire de mai 2003 de M. Bruno X..., l'entreprise s'appuie, pour ce faire, sur deux documents, à savoir :
- les dates d'intervention de M. Bruno X...(no125 X...)- l'état de remboursement des frais de déplacement du même (no126 X...).
Ces deux documents sont, en effet, suffisants à asseoir la thèse de la société Comptafrance d'une prise de congés de M. Bruno X..., non dénoncée à l'entreprise, du 28 au 31 octobre 2002, comme du 3 au 7 mars 2003, en l'absence-même de toute activité déclarée par M. Bruno X...les jours considérés.
Pour ce qui est de congés de M. Bruno X..., toujours non indiqués à l'entreprise, du 23 au 31 décembre 2002, les deux documents précités mentionnent, au contraire, une activité de M. Bruno X..., sur ce laps de temps.
Toutefois, M. Bruno X..., même s'il tente des explications, ne justifie pas que, le cabinet dont il avait la direction n'était effectivement pas fermé à cette période-là, du 23 au 31 décembre 2002.
Et, la convention collective impose, " en cas de fermeture, d'attribuer les congés pendant cette période ".
Si l'octroi au salarié des congés que celui-ci a acquis est une obligation pour l'employeur, corrélativement le salarié a l'obligation de prendre ses congés. Il en résulte que, si le salarié a travaillé au service de son employeur pendant la période de congés prévue, ce salarié ne peut réclamer d'indemnité.
Rappelons aussi, la qualité de cadre autonome de M. Bruno X..., qui allait jusqu'à ce que ce soit lui-même qui fixe ses congés et, en informe son employeur pour les besoins de l'établissement des bulletins de salaire.
C'est, par conséquent, à bon droit que la société Comptafrance a rajouté, sur le bulletin de salaire de mai 2003 de M. Bruno X..., au titre des congés 2002, quinze jours par rapport à ce qui lui avait été déclaré par le même Bruno X....
* * * *
La convention collective parle de congés en jours ouvrables et, non en jours ouvrés ainsi que la société Comptafrance les décompte. Cette méthode adoptée par la société Comptafrance, qui aboutit à ce que les salariés n'aient que vingt-cinq jours de congés, au lieu des trente auxquels ils ont droit, ne peut être retenue, puisqu'elle lèse les dits salariés.
* * * *
L'on reprendra l'ensemble des bulletins de salaire de M. Bruno X...sur les périodes, objet des réclamations.
Il sera constaté que M. Bruno X...a bénéficié :
- au titre des congés 2001, de vingt-neuf jours de congé,- au titre des congés 2002, de trente-neuf jours de congé.
Pour ce qui est du jour qui a manqué à M. Bruno X..., au titre des congés 2002, la convention collective ne permet pas de " report er les congés au-delà du 31 janvier de l'année suivante ".
M. Bruno X...devait, donc, prendre cette journée de congé avant le 31 janvier 2003, ce qu'il n'a pas fait. Ne justifiant pas de ce qu'il en ait été empêché pour maladie ou du fait de son employeur, il ne peut plus prétendre aujourd'hui à en être indemnisé.
Il ne restait plus à M. Bruno X..., par conséquent, que vingt-un jours de congés, au titre des congés 2003.
* * * *
Pour ce qui est des congés 2004, il n'est contesté de personne que M. Bruno X...avait acquis deux jours huit de congés, ainsi que le précise la société Comptafrance.
Le nombre de jours ouvrables obtenu n'étant pas un nombre entier, il sera arrondi au nombre supérieur (article L. 3141-7 du code du travail).
* * * *
M. Bruno X...ayant quitté l'entreprise le 30 juin 2003, à l'issue de son préavis, a droit à une indemnité compensatrice de congés payés quant à ses vingt-quatre jours de congés payés qu'il n'a pas pu prendre.
L'indemnité compensatrice (comme celle de congés payés) est, en principe, égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours la période de référence.
Ici, les périodes de référence courent du 1er juin 2002 au 31 mai 2003 et du 1er juin 2003 au 31 mai 2004.
Seul le mois de juin 2003 pourra, de fait, être envisagé sur cette seconde période.
Le salaire brut versé à M. Bruno X..., de juin 2002 à mai 2003 inclus, s'élève à 84 541, 46 euros (no44 société).
L'intéressement et la participation, dont le montant n'est pas affecté par la prise de congés, sont exclus de l'assiette de calcul de l'indemnité.
L'indemnité compensatrice de congés payés s'élève, donc, pour cette période à 5 917, 90 euros (pour vingt-un jours).
Le salaire brut versé à M. Bruno X..., en juin 2003, est de 3 890, 63 euros (no44, 45 société).
La somme de 134 462 euros, versée par ailleurs, correspond à un reliquat d'intéressement et de participation, qui n'a pas à être pris en compte (bulletin de salaire de juin 2003, no44, 45 société).
L'indemnité compensatrice de congés payés s'élève, donc, pour cette période à 1 167, 18 euros.
Compte tenu de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2 732, 55 euros, d'ores et déjà versée par la société Comptafrance à M. Bruno X..., cette dernière restera à lui devoir la somme de 4 352, 53 euros.
Sur la clause de non-concurrence
Le contrat de travail de M. Bruno X...stipule, en son article 9 :
" Respect de la clientèle
Les clients de la société d'expertise comptable COMPTAFRANCE pour lesquels Monsieur Bruno X...est appelé à travailler, à titre permanent ou occasionnel, sont des clients de la société. Les fonctions confiées à Monsieur Bruno X...lui font un devoir et une obligation de ne jamais tenter de les détourner à son profit ou au profit d'un tiers quelconque. En cas de départ, pour quelque cause que ce soit, Monsieur Bruno X...s'interdit : 1o) de conserver toutes pièces, documents ou correspondances appartenant soit au cabinet, soit à des clients, 2o) de s'intéresser d'une manière directe ou indirecte à la clientèle du cabinet, 3o) d'entrer au service d'un des clients de la société pour quelque fonction que ce soit, sans son autorisation expresse et écrite, 4o) d'exercer, directement ou indirectement par société ou par groupement interposé, la profession de conseil juridique ou fiscal ou social ou économique, expert comptable ou sous toute autre dénomination quelconque correspondant en fait à l'exercice de l'une des professions ou activités ci-dessus désignées dans le secteur de la SARTHE.
En cas de non respect de l'une des clauses ci-dessus pendant une période de trois années suivant le départ, outre le droit pour la société de faire cesser l'infraction, il devra être versé des dommages et intérêts évalués en fonction du préjudice direct ou indirect subi par la société ".
Cette clause dite de " respect de la clientèle ", en ce qu'elle interdit à M. Bruno X..., en cas de départ de sa part de la société Comptafrance,
- l'accès à une catégorie déterminée de clientèle,- via l'exercice, en personne ou de façon interposée, d'un certain nombre de professions, outre celle strictement d'expert-comptable,- sur un secteur géographique désigné,- sur une durée de temps définie,
s'analyse, sans conteste, par la limitation de la liberté de travail de M. Bruno X...qu'elle induit, en une clause de non-concurrence.
Cette clause de non-concurrence, ne comportant aucune contrepartie financière en faveur du salarié, est nulle.
Si la société Comptafrance fait valoir qu'il n'en est rien, cette clause ayant été souscrite à une époque, juillet 1996, où aucune contrepartie financière en faveur du salarié n'était imposée, le moyen ne peut être retenu.
En effet, le droit d'exercer une activité professionnelle est une liberté fondamentale et, l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence en faveur du salarié répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de cette liberté fondamentale. Dès lors, cette exigence ne peut être que d'application immédiate et, rien n'interdisait à la société Comptafrance de régulariser le contrat par la prise d'un avenant.
La société Comptafrance ne peut pas plus dire que, même si cette clause de non-concurrence est nulle, M. Bruno X...n'a subi aucun préjudice.
En effet, la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié.
Le reste relève de l'appréciation de l'étendue du dommage réparable et de la fixation du montant des dommages et intérêts dus.
Pour dire que M. Bruno X...n'a pas de préjudice, la société Comptafrance se réfère, tout d'abord, au pacte d'actionnaires, signé en cette dernière qualité par M. Bruno X..., en 1996, puis en 2000, qui lui impose une clause de non-concurrence, autrement plus contraignante que la clause contractuelle. Quant à cet argument, la société Comptafrance, n'étant pas partie à cette charte des actionnaires, ne peut s'en prévaloir.
Ensuite, la société Comptafrance invoquait la violation par M. Bruno X...de la clause de non-concurrence, l'on peut dire " générique ", M. Bruno X..., étant resté commissaire aux comptes sur des mandats qu'il aurait dû lui transférer et, ayant continué à percevoir des honoraires de ce chef.
La cour d'appel de Paris, ayant dans un arrêt du 11 mars 2010, débouté la société Comptafrance (notamment) de ses demandes, rappelant le principe de l'intuiti personnae en la matière et, le fait que " des manoeuvres " de M. Bruno X...afin de conserver les mandats ne sont pas démontrées, la société Comptafrance parle, maintenant, du préjudice réduit qui est celui de M. Bruno X..., puisqu'ayant continué à percevoir ses honoraires de commissaire aux comptes pour certains mandats.
Enfin, la société Comptafrance rappelle que, dès avant sa démission, M. Bruno X...avait fait le choix de s'installer sur Paris ou, sa région. L'on a vu, supra, que cet argument de la société Comptafrance n'était en rien justifié.
M. Bruno X...a, finalement, transféré sa vie personnelle et professionnelle sur Paris ; il y a acheté un appartement, dans le 16 ème arrondissement, sans d'ailleurs recourir à un prêt (no 74 société), y a créé sa propre société d'expertise-comptable et de commissariat aux comptes, avec un début d'exploitation le 25 juillet 2003 et, a été embauché, le 13 octobre 2003, en tant qu'expert-comptable, pour une rémunération annuelle fixé de 62 400 euros, à l'exclusion de tout intéressement et toute participation.
M. Bruno X...a, donc, bien respecté la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail.
M. Bruno X...demande, à ce titre, la somme de 1 386 355 euros de dommages et intérêts, qu'il décompose de la manière suivante :
- l'équivalent de la contrepartie prévue pour l'employeur, en cas de violation par le salarié de la clause de non-concurrence (" il devra être versé des dommages et intérêts évalués en fonction du préjudice direct ou indirect subi par la société " et, il y voit " le montant qu'aurait dû débourser la société Comptafrance afin d'acheter une clientèle identique ", qu'il évalue à 1 081 335 euros,- les frais en lien avec son déménagement (directs et plus indirects),- sa perte de rémunération, conséquente, n'ayant plus que son salaire mensuel.
Les conditions d'installation de M. Bruno X...qui viennent d'être décrites, avec, outre un salariat, la création d'une structure sociale, tout cela n'ayant, en définitive, duré que de la fin juin 2003 à la mi-octobre 2003, ne justifient pas une telle réclamation.
Il n'est pas non plus question de réparer un préjudice lié à une perte d'emploi, d'autant que M. Bruno X...ne remet plus en cause sa démission de chez Comptafrance, mais celui en rapport avec une clause de non-concurrence illicite.
M. Bruno X...demande, subsidiairement, que l'on en revienne, pour l'appréciation du préjudice, aux dispositions de la convention collective applicable.
L'article L. 2254-1 du code du travail indique, en effet, que lorsque l'employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrat de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables.
La clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de M. Bruno X...ne prévoit aucune contrepartie financière au profit du salarié. Si une telle contrepartie existe au plan conventionnel, celle-ci devra par conséquent être retenue.
M. Bruno X...a démissionné le 30 décembre 2002 et, conformément à l'article L. 1237-2 du code du travail, cet acte entraîne la rupture automatique et définitive du contrat de travail et, marque le point de départ du préavis.
Ce sont donc les dispositions de l'article 8. 5. 1. de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, dans leur version antérieure à l'avenant modificatif du 22 avril 2003, étendu par arrêté du 2 janvier 2004 publié au Journal officiel du 13 janvier 2004, qui sont applicables.
Toutefois, ces dernières ne donnent pas plus d'élément chiffré en faveur du salarié, que ce qui était déjà mentionné au contrat de travail :
"... la clause ne pouvant produire effet qu'en fonction d'un préjudice lié à la perte de clientèle. Par client au sens du présent article, il convient d'entendre toute personne, physique ou morale, ayant eu recours au service du cabinet-lequel a établi de ce fait une facture d'honoraires-, au cors des trois années précédant la date du départ, la qualité de clients est étendue aux filiales et sous-filiales des personnes directement clientes ".
Dès lors, en vertu du pouvoir d'appréciation souveraine des juges en la matière et, au regard des précédents développements, les dommages et intérêts accordés à M. Bruno X...de ce chef seront fixés à la somme de 30 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que la rupture du contrat de travail de M. Bruno X...était une démission,- condamné la société Comptafrance à verser à M. Bruno X...1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. Bruno X...et la société Comptafrance à payer les dépens par moitié, y compris les frais d'expertise,
LE RÉFORME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Vu l'expertise de M. Z...,
REJETTE l'exception de nullité soulevée par M. Bruno X...,
CONDAMNE la société Comptafrance à verser à M. Bruno X...:
-3 575 euros de solde d'intéressement et de participation,
-5 356, 67 euros pour les heures de recherche d'emploi non prises,
-4 352, 53 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,
-30 000 euros de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Comptafrance aux éventuels dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON