COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
MBB/ MJ
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01410.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 10 Mai 2010, enregistrée sous le no 08/ 00315
ARRÊT DU 21 Juin 2011
APPELANTE :
S. A. R. L. ANPHI
Immeuble Léonis ZA du Chêne Ferré
Allée des Trois Continents
44120 VERTOU
représentée par Maître Bruno ROPARS, avocat au barreau d'Angers, substituant Maître Arnaud BARBE, avocat au barreau d'Angers
INTIMEE :
Mademoiselle Lyse X...
Chez Mme Z...Yvelise
...
...
comparant, assistée par Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau d'Angers
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 21 Juin 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame Lyse X...a été embauchée par la société Bressigny Diffusion par contrat de travail à durée indéterminée du 1er novembre 2007 en qualité de manager de salon, moyennant une rémunération mensuelle de 1 875 euros pour une durée de travail de 175 heures ; le contrat de travail a été transféré à la société ANPHI le 1er janvier 2008 par application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; par mettre du 29 février 2008 la société ANPHI a notifié son licenciement pour motif économique à madame Lyse X....
Le 15 mai 2008 madame Lyse X...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers d'une action tendant à faire juger le licenciement abusif et condamner la société ANPHI à lui payer la somme de 11 250 euros outre une indemnité de procédure de 1 500 euros.
Par jugement du 10 mai 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé que le licenciement avait un caractère abusif et a condamné la société ANPHI à payer à madame Lyse X...la somme de 9 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
la société ANPHI a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits, la société ANPHI demande à la cour de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de condamner madame Lyse X...à lui payer 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; à titre subsidiaire elle demande à la cour de réduire le montant de l'indemnité susceptible de lui être allouée en tenant compte de l'absence de tout préjudice démontré et de la faible ancienneté de la salariée dans l'entreprise.
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits, madame Lyse X...demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société ANPHI à lui payer 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Le contrat de travail du 1er novembre 2007, par lequel madame Lyse X...a été embauchée en qualité de manager de salon a été transféré à la société ANPHI le 1er janvier 2008 par suite de l'achat du fonds de commerce par cette société.
Le licenciement pour motif économique de madame Lyse X...est motivé par la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité.
Si la réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder la compétitivité n'implique pas l'existence de difficultés économiques actuelles et peut, légitimement, être mise en oeuvre dans le cadre d'une gestion prévisionnelle pour anticiper les risques de difficultés à venir, elle doit être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et s'inscrire dans la perspective des difficultés à venir, pour constituer un motif légitime de licenciement pour motif économique.
À défaut d'autres éléments versés aux débats il ressort des termes de l'acte de cession du 15 janvier 2008 que l'exploitation du fonds de commerce de coiffure a généré un chiffre d'affaires de 229 087 euros en 2004, 243 657 euros en 2005, 240 055 euros en 2006 et 217 100 euros en 2007 pour un bénéfice net de 12 270 euros en 2004, 18 807 euros en 2005 et 22 285 euros en 2006, le faible bénéfice de 5 000 euros en 2007 devant être replacé dans la perspective du départ de précédent propriétaire et tenu pour ne pas refléter le véritable potentiel de l'établissement, sans remettre en cause l'équilibre financier dont témoignent les résultats des années pécédentes.
Il ne ressort pas de ces éléments que la compétitivité de l'entreprise se trouvait menacée début 2008 lorsque la société ANPHI a pris les mesures de réorganisation dont est résulté la perte d'emploi de madame Lyse X....
La société ANPHI justifie les mesures de réorganisation qu'elle a prises lors de sa prise de possession du fonds de commerce par son souci d'augmenter sa rentabilité en exploitant son potentiel de manière plus rationnelle, notamment, par la mise en place d'un concept qu'elle a mis en oeuvre dans d'autres salons qui lui appartiennent : le concept " tchip " ; elle expose que ce concept qu'elle tient pour être un gage de réussite économique, imposait la disparition du poste de manager occupé par madame Lyse X...dont les attributions, autres que de coiffeuse, seraient reprises par un de ses gérants non salarié.
Elle justifie le bien fondé cette réorganisation par le fait que le chiffre d'affaires a très largement progressé au cours des années 2008 et 2009 qui les ont suivies.
Or, la progression favorable du chiffre d'affaires ne peut justifier la réorganisation de l'entreprise que si celle-ci se trouvait, à l'origine, fondée sur les menaces qui pesaient sur sa compétitivité, dans la perspective, démontrée, de difficultés économiques à venir et la nécessité de les anticiper pour la sauvegarder, ce qui n'est pas démontré par les données chiffrées qui figurent dans l'acte de cession.
Il s'en déduit que la réorganisation de l'entreprise, à laquelle a procédé la société ANPHI au détriment de l'emploi et des rémunérations, obéit à la volonté du chef d'entreprise d'exploiter le salon de coiffure selon le concept " tchip " et dans la soumission à des consignes d'organisation imposées par un franchiseur ; ce choix, qui relève du pouvoir de direction du chef d'entreprise, et sur lequel le juge n'a pas à se prononcer, ne constitue pas un motif économique de licenciement justifiant les incidences qu'il a eu sur l'emploi et notamment sur le poste qu'occupait madame Lyse X....
La cour relève par ailleurs que l'employeur a procédé à l'embauche de madame Lyse X...en novembre 2007 pour, 2 mois plus tard, et sans justifier d'une modification brutale de l'équilibre économique de l'entreprise, procéder à son licenciement au motif que son poste constituait une menace pour la compétitivité de celle-ci ou en compromettait la sauvegarde ; un tel comportement, même s'il émane, par l'effet du transfert du contrat de travail, consécutivement au transfert de l'entité économique, d'un employeur autre que la société ANPHI, témoigne d'une grande légèreté dans la conduite de la gestion du personnel de sorte que si l'embauche de madame Lyse X...était de nature à compromettre la compétitivité de l'entreprise, ce qui n'est pas démontré, la nécessaire suppression du poste ne pourrait rendre légitime un licenciement qui ne serait que la conséquence du comportement fautif de l'employeur.
C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement pour motif économique de madame Lyse X...par la société ANPHI s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Faisant application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail les premiers juges ont justement apprécié le montant nécessaire à la réparation du préjudice subi par madame Lyse X...en suite de ce licenciement qui l'a exposées, très peu de temps après la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, à la précarité d'un contrat de travail à durée déterminée.
La société ANPHI qui succombe en son appel en supportera les dépens et devra indemniser madame Lyse X...de ses frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société ANPHI à payer à madame Lyse X...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société ANPHI aux dépens d'appel.
l'Adjoint administratif assermenté, LE PRÉSIDENT,
Annick TIJOU Marie-Bernard BRETON