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21/06/2011 | FRANCE | N°09/02331

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 21 juin 2011, 09/02331


COUR D'APPEL

D'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

AD/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02331.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL, décision attaquée en date du 06 Octobre 2009, enregistrée sous le no 175

ARRÊT DU 21 Juin 2011

APPELANTE :

S.A.R.L. MULTITUDE TECHNOLOGIES

6 allée de la Goberie

53940 SAINT BERTHEVIN

représentée par Maître Sylvain LEBIGRE, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

C.P.A.M. DE LA MAYENNE

37 boul

evard Montmorency

53084 LAVAL CEDEX 9

représentée par Monsieur RENAULT, muni(e) d'un pouvoir spécial

en la cause :

DRASS DES PAYS DE LOIRE

Rue Ren...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

AD/SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02331.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL, décision attaquée en date du 06 Octobre 2009, enregistrée sous le no 175

ARRÊT DU 21 Juin 2011

APPELANTE :

S.A.R.L. MULTITUDE TECHNOLOGIES

6 allée de la Goberie

53940 SAINT BERTHEVIN

représentée par Maître Sylvain LEBIGRE, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

C.P.A.M. DE LA MAYENNE

37 boulevard Montmorency

53084 LAVAL CEDEX 9

représentée par Monsieur RENAULT, muni(e) d'un pouvoir spécial

en la cause :

DRASS DES PAYS DE LOIRE

Rue René Viviani

44062 NANTES CEDEX

absente, avisée, sans observations écrites

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Avril 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, président

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller

Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame TIJOU, adjoint administratif ff de greffier

ARRÊT :

prononcé le 21 Juin 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame BRETON, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE

Mademoiselle Catherine Y... , employée depuis le 3 mai 2004 comme opératrice sur presse par la sarl Multitude Technologies a, le 15 novembre 2007, adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne deux déclarations de maladie professionnelle par lesquelles elle disait être atteinte d'une part d'un asthme au styrène et d'autre part d'une rhino-conjonctivite.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne a, le 14 décembre 2007, informé la sarl Multitude Technologies du refus de prise en charge de l'asthme au titre des maladies professionnelles et lui a, le 7 mai 2008, adressé copie de l'écrit par lequel elle informait mademoiselle Y... que les éléments du dossier ne lui permettaient pas de statuer sur le caractère professionnel de la rhino-conjonctivite et qu'elle serait avisée dès qu'une décision serait prise.

Le 3 juin 2008 la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne a notifié à l'employeur qu'elle prendrait sa décision le 14 juin 2008 puis, à réception des observations faites par la sarl Multitude Technologies, a prolongé l'instruction du dossier.

Par courrier du 3 juillet 2008 reçu par la sarl Multitude Technologies le 8 juillet 2008, la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne a à nouveau informé cette dernière de la fin de l'instruction et de son intention de prendre sa décision le 15 juillet 2008.

La Caisse a finalement pris le 23 juillet 2008 une décision de prise en charge.

La sarl Multitude Technologies a saisi la commission de recours amiable d'une demande d'inopposabilité de cette prise en charge, demande qui a été rejetée par décision du 3 novembre 2008.

La sarl Multitude Technologies a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne pour que la décision de prise en charge de la maladie déclarée par mademoiselle Y... lui soit dite inopposable , au motif d'une part que la Caisse d'assurance maladie n'avait pas respecté à son égard le principe du contradictoire et au motif d'autre part que le caractère professionnel de la maladie n'était pas établi.

Par jugement du 6 octobre 2009 le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne a débouté la sarl Multitude Technologies de l'ensemble de ses demandes et dit opposable à celle-ci la prise en charge de la rhino-conjonctivite déclarée par mademoiselle Y....

La sarl Multitude Technologies a fait appel de la décision.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES

La sarl Multitude Technologies demande à la cour par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne, de dire que la décision de prise en charge du 23 juillet 2008 lui est inopposable, pour non respect du principe du contradictoire, et à défaut, de constater que les conditions du tableau no66 des maladies professionnelles n'étant pas réunies, le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi.

La sarl Multitude Technologies demande la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne à lui payer la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La sarl Multitude Technologies soutient:

-que la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne après l'avoir informée le 7 mai 2008 du refus de prise en charge de la rhino-conjonctivite, a omis de lui notifier l'ouverture d'une nouvelle mesure d'instruction ; que la sarl Multitude Technologies n'a découvert que par courrier du 3 juillet 2008 que la caisse avait poursuivi l'instruction du dossier de mademoiselle Y... après le 14 juin 2008, date qui avait été présentée à l'employeur comme devant être celle de la prise de décision définitive; que la caisse a méconnu les exigences des articles L441-10, L441-12 et L441-14 du code de la sécurité sociale.

-que la sarl Multitude Technologies a été informée à deux reprises de la clôture de l'instruction et n'a dans les deux cas disposé que d'un délai extrêmement court pour faire ses observations :

• un courrier du 3 juin 2008 reçu par courrier simple le 5 juin a d'abord indiqué à l'employeur que la décision serait prise le 14 juin 2008, ce qui a amené monsieur A..., gérant de la sarl Multitude Technologies à se déplacer, le 5 juin 2008, au siège de la Caisse pour consulter le dossier et en demander copie, laquelle lui a été adressée le 20 juin 2008,

• un second courrier du 3 juillet 2008 reçu par l'employeur le 8 juillet 2008 a invité celui-ci à prendre connaissance d'un courrier de la CRAM du 27 juin 2008 et lui a notifié une prise de décision pour le 15 juillet 2008.

-que ce délai de 3 jours utiles était bien trop court pour permettre à la sarl Multitude Technologies de s'organiser matériellement pour pouvoir se rendre au siège de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et faire ses observations, alors que le dossier contenait l'enquête administrative du 1er juillet 2008 et l'avis de l'ingénieur conseil du 27 juin 2008 ; qu'en conséquence la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne a méconnu à l'égard de la sarl Multitude Technologies les exigences de l'article L 441-11 du code de la sécurité sociale.

-que le tableau no66 des maladies professionnelles concerne les rhinites et asthmes professionnels alors que mademoiselle Y... souffrait d'une rhino-conjonctivite comme le démontrent tous ses certificats médicaux ; que l'inflammation de la conjonctive ne figurant pas dans le tableau, la présomption de maladie professionnelle ne pouvait être retenue et que la Caisse aurait dû prendre l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

-que les travaux visés par le tableau no66 sont les "travaux exposant à l'azodicarbonamide et au styrène .." alors que l'enquête de la Caisse a montré que la salariée était exposée au styrène mais pas à l'azodicarbonamide ; qu'il n'est donc pas établi par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne que l'affection soit la conséquence du travail habituel de mademoiselle Y....

La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne demande à la cour par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de débouter la sarl Multitude Technologies de toutes ses demandes et de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne du 6 octobre 2009 en toutes ses dispositions.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne soutient:

-qu'elle a respecté le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur dans l'instruction du dossier puisqu'elle a:

• adressé copie à la sarl Multitude Technologies de l'écrit du 7 mai 2008 par lequel elle indiquait à l'assurée que les éléments du dossier ne lui permettaient pas de statuer sur le caractère professionnel de la maladie et que la teneur de ce courrier disait clairement que l'instruction du dossier devait se poursuivre; que la décision du 7 mai 2008 avait un caractère provisoire, et qu'elle était envoyée seulement pour information à l'employeur à l'égard duquel elle n'était pas créatrice de droits ; qu'il n'y a pas eu ouverture d'une nouvelle instruction mais poursuite de l'instruction.

• que l'employeur a été associé à la procédure d'instruction après le 7 mai 2008 puisqu'un nouveau délai de consultation du dossier lui a été octroyé afin qu'il puisse prendre connaissance du courrier de l'ingénieur de la CRAM du 27 juin 2008 ;qu'à la différence de la première fois, l'employeur, alors que la Caisse interrogeait la CRAM eu égard à ses précédentes observations, ne "s'est pas empressé de venir consulter le dossier"; qu'il n'a donc pas été diligent dans le suivi de son dossier ;

• que la sarl Multitude Technologies a bénéficié d'un délai de 5 jours ouvrés pour consulter les pièces et faire ses observations, sachant d'une part que le siège de l'entreprise est à 6 km des bureaux de la Caisse et d'autre part que la décision définitive de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne est finalement intervenue le 23 juillet 2008.

-que le caractère professionnel de la maladie est établi puisque le médecin conseil de la Caisse a pris connaissance de l'ensemble des certificats médicaux produits par l'assurée et a émis un avis favorable impliquant que les conditions médicales réglementaires du tableau no66 étaient réunies ;que l'enquête administrative conduite par la Caisse a permis d'établir que toutes les conditions d'exposition au risque visées par le tableau no66 existaient, l'ingénieur conseil régional indiquant que mademoiselle Y... était amenée à utiliser des résines contenant du styrène, substance reprise dans le tableau no66 des maladies professionnelles.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR L'OPPOSABILITE DE LA DECISION DE PRISE EN CHARGE DE LA MALADIE PROFESSIONNELLE DE MADEMOISELLE Y... A LA SARL MULTITUDE TECHNOLOGIES

L 'article R 441-11 du code de la sécurité sociale stipule qu'en matière de

prise en charge par la Caisse d'Assurance maladie de la maladie professionnelle déclarée, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants-droits et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.

Cette disposition oblige la Caisse à l'organisation d'un débat contradictoire

avec l'employeur, qu'elle doit informer de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier, et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

La sanction de la méconnaissance par la caisse d'assurance maladie de cette obligation d'information et du respect du principe de la contradiction est l'inopposabilité de la prise en charge à l'employeur.

En application des dispositions de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie doit aussi informer la victime ou ses ayants droits et l'employeur, de l'ouverture d'un délai complémentaire d'instruction et la jurisprudence l'oblige, lorsque tel est le cas, à remplir à nouveau les obligations prévues à l'article R441-11.

Il est établi que la sarl Multitude Technologies a reçu le 8 juillet 2008, date de signature par elle de l'accusé réception de la lettre adressée en recommandé par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne le 3 juillet 2008, notification de la fin de l'instruction du dossier, et de la possibilité pour elle de venir consulter les pièces du dossier, "préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie qui interviendra le 15 juillet 2008."

Si l'on ne tient pas compte du jour de réception de l'écrit de notification, l'heure de remise restant inconnue, et tout délai expirant le dernier jour à 24 heures dans les termes de l'article 642 du code de procédure civile, la sarl Multitude Technologies a disposé d'un délai de 3 jours utiles pour consulter les pièces et faire ses observations puisque le 8 juillet 2008 était un mardi, soit des mercredi 9 juillet, jeudi 10 juillet et vendredi 11 juillet, le samedi étant un jour de fermeture des bureaux de la Caisse et le 14 juillet étant jour férié.

Le courrier de la Caisse indiquant que la décision "sera prise le 15 juillet 2008", il faut nécessairement en déduire que le délai de consultation et de dépôt d'observations finissait le vendredi 11 juillet 2008 à la fermeture des bureaux.

Il est indifférent que la décision ait été finalement prise par la Caisse le 23 juillet 2008 puisqu'elle n'a pas fait connaître à l'employeur l'allongement du délai, et que celui-ci n'a donc pas pu le penser utile à la formulation de ses observations.

Ce délai de 3 jours a été insuffisant pour permettre à l'employeur de s'organiser, de libérer au sein de l'entreprise la personne susceptible de prendre connaissance utilement des pièces du dossier et de faire toutes observations, ce d'autant plus que la période était une période de congés d'été.

L'information de l'employeur n'a pas été faite dans les termes de la loi et celui- ci n'a pas bénéficié du délai raisonnable de consultation permettant la réalité d'un débat contradictoire sur la prise en charge de la maladie de sa salariée au titre de la législation sur les maladies professionnelles : la décision de prise en charge doit lui être dite inopposable, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de l'absence de caractère professionnel de la maladie déclarée.

Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne est infirmé en ce qu'il a dit la décision de prise en charge du 23 juillet 2008 opposable à l'employeur.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la sarl Multitude Technologies les frais engagés dans l'instance d'appel ; la demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens, la procédure étant gratuite devant les juridictions des affaires de sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement rendu le 6 octobre 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge des frais engagés dans l'instance.

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que la décision du 23 juillet 2008 de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne de prendre en charge la maladie déclarée par mademoiselle Catherine Y... est inopposable à son employeur, la sarl Multitude Technologies.

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande formée par la sarl Multitude Technologies en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.

l'Adjoint administratif assermenté, LE PRÉSIDENT,

Annick TIJOU Marie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02331
Date de la décision : 21/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-06-21;09.02331 ?
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