COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N MBB/MJ
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/00300.
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceJugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 20 Janvier 2010, enregistrée sous le no 08/00365
ARRÊT DU 31 Mai 2011
APPELANT :
Monsieur Gilles X......72100 LE MANS
représenté par Me Jean-Luc JACQUET, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur Frédéric Y......72000 LE MANS
représenté par la SCP FOUGERAY-GROUAS (ME MOTAME), avocats au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 29 Mars 2011, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseurMadame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT :du 31 Mai 2011 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 4 décembre 2006 monsieur Frédéric Y... a été embauché par monsieur Gilles X... en qualité de barman-serveur, pour une durée de travail hebdomadaire de 20 heures, sans qu'un contrat écrit ne soit formalisé ; monsieur Frédéric Y... a été placé en arrêt de maladie du 15 octobre 2007 au 15 janvier 2008 ; il a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 15 janvier 2008 et par lettre du 8 février 2008 monsieur Gilles X... lui a notifié son licenciement pour abandon de poste.
Monsieur Frédéric Y... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans d'une action tendant à voir juger que la rupture du contrat de travail résulte des manquements de l'employeur à ses obligations, la qualifier de licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner monsieur Gilles X... à lui payer des rappels de salaires, outre congés payés y afférents, des rappels de congés payés, des dommages et intérêts pour le retard dans le paiement des sommes dues, des dommages et intérêts pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis outre congés payés y afférents et des dommages et intérêts pour remise de documents dont les mentions ne sont pas exactes.
Par jugement du 20 janvier 2010 le conseil de prud'hommes du Mans, retenant que les faits de harcèlement moral sont établis et qualifiant la prise d'acte de licenciement sans cause réelle et sérieuse a condamné monsieur Gilles X... à payer à monsieur Frédéric Y... les sommes suivantes :
- 23 643,90 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 4 décembre 2006 au 13 octobre 2007 outre congés payés y afférents
- 15 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- 10 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 3 600,05 euros à titre d'indemnité de préavis outre congés payés y afférents
- 350 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
le conseil de prud'hommes a débouté monsieur Frédéric Y... de sa demande de rappel de salaires pour le 1er septembre 2007 et de ses demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé et remise de documents erronés, et débouté monsieur Gilles X... de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en le condamnant aux dépens.
Monsieur Gilles X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans retrait ni ajout, monsieur Gilles X... demande à la cour, infirmant le jugement, de débouter monsieur Frédéric Y... de ses demandes , de la condamner à lui payer 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien il réfute l'allégation d'heures supplémentaires accomplies par monsieur Frédéric Y... dont la durée de travail était calquée sur celle de son collègue, il prétend que le harcèlement moral ne ressort pas démontré des attestations versées aux débats par monsieur Frédéric Y... et qu'en conséquence aucun manquement ne peut lui être reproché à l'égard de monsieur Frédéric Y..., la prise d'acte de rupture devant, dès lors s'analyser en une démission.
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans retrait ni ajout, monsieur Frédéric Y... demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes mais de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté et de condamner monsieur Gilles X... à lui payer 13 8 46 euros au titre du salaire du 1er septembre 2007, 500 euros de dommages et intérêts pour retard dans le paiement, 21 600, 30 euros pour travail dissimulé, 500 euros de dommages et intérêts pour remise de documents erronés et 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel.
Au soutien il fait valoir que la convention collective "hôtels-cafés-restaurants" à laquelle se trouve soumise la relation de travail et l'article L. 3123-14 du code du travail exigent qu'un écrit soit formalisé s'agissant d'un contrat de travail à temps partiel et qu'à défaut le contrat de travail est un contrat de travail à temps complet ; il prétend démontrer qu'il accomplissait des heures de travail quotidien conformes aux heures d'ouverture de l'établissement et que son employeur ne rapporte aucun élément contraire qui serait de nature à définir les heures de travail effectivement effectuées par son salarié ; il conteste avoir pris une journée de congé le 1er septembre et prétend que monsieur Gilles X... ne démontre pas qu'il se trouvait en congé le 1er octobre 2007 ; il fait valoir que le défaut de paiement des heures de travail lui a causé un préjudice financier qui doit être réparé la résistance de monsieur Gilles X... au paiement étant abusive et injustifiée ; il revendique l'application de l'article L. 8221-5 du code du travail et de l'article L. 8223-1 du même code pour réclamer, au titre de la dissimilation d'emploi une somme de 21 600,30 euros correspondant à 6 mois de salaires.
MOTIFS DE LA DECISION
Les parties n'ayant pas signé de contrat de travail écrit le contrat de travail qui les lie est présumé être un contrat de travail à temps plein sauf, pour l'employeur à faire la preuve du contraire ; le registre du personnel est un document établi de manière unilatérale par l'employeur et ne peut constituer une telle preuve ; la déclaration unique d'embauche ne comporte aucune mention à cet égard ; le planning des heures de travail que monsieur Gilles X... a élaboré dans le but de rapporter une telle preuve s'étant révélé être un faux il apparaît que l'employeur n'apporte aucun élément de preuve susceptible de combattre la présomption de contrat de travail à temps complet établie par l'article L. 3123-14 du code du travail ; il s'en déduit que le contrat de travail qui lie monsieur Gilles X... à monsieur Frédéric Y... est un contrat de travail à temps plein.
Aux termes des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; en relevant que monsieur Gilles X... ne fournit aucun élément qui serait de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par monsieur Frédéric Y... la cour retient, que ces horaires étaient déterminés par les heures d'ouverture et de fermeture de l'établissement, monsieur Gilles X... ne démontrant pas que monsieur Frédéric Y... ne se trouvait pas dans le bar à ces deux moments.
Il apparaît également que dans sa correspondance adressée à monsieur Gilles X... le 23 novembre 2007, soit antérieurement à tout litige, monsieur Frédéric Y... mentionnait les horaires de travail qu'il revendique aujourd'hui et que monsieur Gilles X... n'a émis, à l'époque aucune observation sur cette affirmation.
Il ressort par ailleurs des attestations versées aux débats par monsieur Frédéric Y... qu'il se trouvait dans l'établissement à l'heure de l'ouverture et à l'heure de la fermeture.
Dans ces conditions la demande de monsieur Frédéric Y... au titre du rappel de salaire est bien fondée.
Sur les faits de harcèlement moral ,
il ressort des attestations émanant des clients du bar que monsieur Frédéric Y... a été victime de la part de son collègue, Xavier E..., d'un comportement emprunt d'hostilité, d'ostracisme et de mépris qui, par sa répétition, voire sa constance, a eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, en faisant de lui le subordonné de fait de son collègue et en lui imposant l'accomplissement des tâches les plus ingrates dont se dispensait l'autre, et de porter atteinte à sa dignité dans la mesure où ces faits se déroulaient devant la clientèle qui en a d'ailleurs témoigné.
Monsieur Gilles X... qui fait état dans sa correspondance avec monsieur Frédéric Y... de la tension qu'il avait constatée régner entre ses deux employés et qui évoque les démarches qu'il a tenté pour mettre fin à celle-ci, ne peut sérieusement prétendre n'en n'avoir pas été avisé par la victime ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que les faits de harcèlement moral était établis et ont alloué à monsieur Frédéric Y... la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Sur la rupture du contrat,
les motifs invoqués par monsieur Frédéric Y... au soutien de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur reposent sur les faits de harcèlement moral dont monsieur Gilles X... n'a pas su le préserver de la part de son collègue et le non paiement des heures de travail accomplies ; il ressort de ce qui précède que ces griefs développés contre l'employeur sont démontrés ; les manquements ainsi établis justifient la prise d'acte de la rupture à laquelle elle donne les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; les dommages et intérêts alloués à monsieur Frédéric Y... ce chef ont été justement estimés par les premiers juges.
Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas critiqué.
S'agissant de la demande présentée par monsieur Frédéric Y... au titre du rappel de congés payés il est établi par les pièces versées aux débats que la somme de 138,46 euros a été retenue au titre des congés alors que l'erreur prétendue de l'employeur ne peut pas porter sur la journée du 20 octobre 2007 puisqu'à cette date monsieur Frédéric Y... se trouvait en arrêt de maladie ; la somme ainsi prélevée est dûe.
L'absence de perception, par la salarié, de la juste contrepartie de sa prestation de travail, alors qu'il ressort des échanges de correspondances entre monsieur Gilles X... et monsieur Frédéric Y... que le premier savait se montrer convainquant pour obtenir du second l'aide et l'assistance dont il avait besoin pour assurer le fonctionnement de son commerce, occasionne au salarié un préjudice d'ordre patrimonial caractérisé par la perte de droits sociaux ; il doit être fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par monsieur Frédéric Y... de ce chef, à hauteur de la somme de 500 euros.
Aux termes des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail le fait de mentionner sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue un travail dissimulé ; monsieur Gilles X... ne peut prétendre avoir de bonne foi fait apparaître un nombre d'heures de travail inférieur à celui qu'accomplissait monsieur Frédéric Y... dans son établissement puisqu'il ressort de ce qui précède qu'il a mis en oeuvre une stratégie de conviction amicale auprès de monsieur Frédéric Y... afin d'obtenir de lui qu'il assure l'ouverture et l'animation du commerce, ainsi qu'il ressort des attestations des clients du bar, jusqu'à se fermeture, dans des conditions de charges les moins onéreuses possibles pour l'entreprise , y compris en abusant de l'engagement et du professionnalisme de son salarié ; dans ces conditions il sera fait application de l'article L. 8223-1 du code vu travail qui énonce que en cas de rupture du contrat le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.
Il n'est pas démontré que la rédaction inexacte de l'attestation assedic a été cause de préjudice pour monsieur Frédéric Y....
monsieur Gilles X... qui succombe en appel en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
JUGE que le contrat de travail qui lie monsieur Gilles X... à monsieur Frédéric Y... est un contrat de travail à temps plein,
QUALIFIE la rupture du contrat de travail de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONFIRME le jugement en ses dispositions relatives au rappel de salaires et congés payés y afférents, aux dommages et intérêts pour harcèlement moral, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, à la remise des documents, aux intérêts sur les sommes dues, au rejet des dommages et intérêts pour établissement d'une attestation comportant des mentions inexactes, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
le réformant pour le surplus,
CONDAMNE monsieur Gilles X... à payer à monsieur Frédéric Y... les sommes suivantes :
- 138,46 euros au titre du rappel de salaire
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour retrd dans le paiement des salaires
- 21 600, 30 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
y ajoutant,
DIT que les intérêts au taux légal seront dus à compter de la demande pour les créances de nature salariale et à compter du présent arrêt pour les autres créances,
CONDAMNE monsieur Gilles X... à payer à monsieur Frédéric Y... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande présentée de ce chef par monsieur Gilles X...,
CONDAMNE monsieur Gilles X... aux dépens d'appel.