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31/05/2011 | FRANCE | N°09/02332

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 31 mai 2011, 09/02332


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ MJ

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02332.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Décembre 2008, enregistrée sous le no 08/ 00058

ARRÊT DU 31 Mai 2011

APPELANTE :

Madame Jacqueline X...
...
49610 MURS ERIGNE

comparante, assistée par Maître Aude SOULARD, avocat au barreau d'Angers, substituant Maître Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
>ASSOCIATION FOYER DE L'ESVIERE
2bis rue de l'Esvière
49100 ANGERS

représentée par Maître Christine BONY, avocat au barreau d...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
BAP/ MJ

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02332.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Décembre 2008, enregistrée sous le no 08/ 00058

ARRÊT DU 31 Mai 2011

APPELANTE :

Madame Jacqueline X...
...
49610 MURS ERIGNE

comparante, assistée par Maître Aude SOULARD, avocat au barreau d'Angers, substituant Maître Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

ASSOCIATION FOYER DE L'ESVIERE
2bis rue de l'Esvière
49100 ANGERS

représentée par Maître Christine BONY, avocat au barreau de NANTES, substituant Maître LENOIR, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :
prononcé le 31 Mai 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

Madame Jacqueline X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins d'obtenir que l'association du Foyer de l'Esvière soit condamnée, l'exécution provisoire de la décision à intervenir étant ordonnée :

à lui verser

3 621 euros de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2007,

500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

aux entiers dépens.

Par jugement du 8 décembre 2008, le conseil de prud'hommes d'Angers a débouté madame Jacqueline X... de l'ensemble de ses demandes, de même pour l'association du Foyer de l'Esvière du chef de l'article 700 du code de procédure civile et, a condamné madame Jacqueline X... aux éventuels dépens.

Madame Jacqueline X... a formé régulièrement appel de cette décision, le 12 janvier 2009.

****

L'affaire a été radiée, par ordonnance du 5 octobre 2009.

Madame Jacqueline X... a demandé son rétablissement, le 20 octobre 2009.

L'audience s'est tenue le 18 mai 2010 et a été mise en délibéré, délibéré qui a par la suite, été prorogé.

Les débats ont été ouverts à l'audience du 21 mars 2011, suivant décision par mention au dossier en date du 19 octobre 2010, prise conformément à l'article 444 alinéa 2 du code de procédure civile.

****

Suite à l'audience du 21 mars 2011, il a été demandé à l'association du Foyer de l'Esvière de fournir les statuts des associations dont il était question, ce dont elle s'est acquittée le 4 avril 2011.

Madame Jacqueline X..., qui avait été autorisée à répondre, a formulée des observations dans une note du 6 avril 2011.

L'association du Foyer de l'Esvière a complété sa première production en conséquence, le 29 avril 2011.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 14 mai 2010, reprises à l'audience, madame Jacqueline X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et formule, dans le même temps, de nouvelles demandes, à savoir que, l'association du Foyer de l'Esvière

-étant jugé que son ancienneté au sein de la structure remonte au 1er janvier 1977,

- soit condamnée à lui verser

3 621 euros de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2007,

500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

- soit condamnée

à rectifier l'ancienneté portée sur le certificat de travail,

au règlement des cotisations dues sur le rappel de salaire auprès,
tant de la caisse régionale d'assurance maladie que de la caisse complémentaire,

à lui verser 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- ses bulletins de salaire mentionnent tous une date d'embauche au 1er janvier 1997, et ce jusqu'au mois de janvier 2006, où cette date d'embauche passe au 2 janvier 1990, date qui restera en l'état et sera celle du certificat de travail qui lui a été délivré, lors de son départ de l'association en mai 2009,

- c'est ce même mois de janvier 2006, que son employeur a décidé d'intégrer la prime d'ancienneté distincte, dont elle bénéficiait jusqu'alors, à son salaire de base,

- les termes du courrier en date du 22 juillet 2005 qui lui sont opposés, sont sans ambiguïté sur le fait qu'une telle intégration n'a jamais été dans ses intentions,

- la prime d'ancienneté, lui ayant été octroyée pendant plusieurs années, est un avantage individuel acquis que l'employeur ne peut lui ôter ainsi,

- elle a subi, de fait, un manque à gagner,

elle est certes payée au minimum conventionnel, mais prime d'ancienneté incluse,

elle aurait dû être payée au minimum conventionnel, la prime d'ancienneté venant en plus,

- le fait, qu'en raison de l'intégration de la prime d'ancienneté à son salaire de base, elle ait changé d'échelon, ne change rien à son préjudice, puisque si elle était restée à l'ancien, prime d'ancienneté réglée en sus du salaire de base, elle gagnerait plus que ce qui lui a été alloué en fonction du nouvel échelon,

- en agissant de la sorte, l'employeur à au surplus, méconnu l'article 1. 6 de la convention collective nationale des maisons de l'étudiant du 27 mai 1992 applicable,

- elle n'a pu obtenir que l'employeur entende raison, malgré le courrier recommandé qu'elle lui a adressé le 8 octobre 2007, dans lequel elle réclamait le montant total des primes d'ancienneté qui auraient dû lui être versées depuis le mois de juillet 2005, étant obligée, du coup, de porter l'affaire en justice,

- une telle attitude est également une négation des années " de bons et loyaux services " qu'elle a passées chez le même employeur.

Dans sa note en délibéré du 6 avril 2011, madame Jacqueline X... fait remarquer que les statuts des associations qui ont été versés ne suffisent pas à expliquer comment elle a pu passer :

- de l'association du Foyer de l'Esvière à l'association de L'esvière en 1977,
- puis, en janvier 1990, à son retour de congé parental,

- elle s'était absentée initialement en 1987-. à l'association du Foyer de l'Esvière.

****

Par conclusions du 18 mai 2010, reprises à l'audience, l'association du Foyer de l'Esvière sollicite, au contraire, la confirmation du jugement déféré et que, madame Jacqueline X... soit condamnée à lui verser 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Elle affirme que :

- si madame Jacqueline X... a effectué deux remplacements en son sein, en 1977, elle n'en était pas moins à cette date et jusqu'en 1987, salariée d'une association juridiquement distincte, soit celle de L'Esvière,

- ce n'est qu'en janvier 1990 qu'elle-même a embauché madame Jacqueline X...,

- si la date du 1er janvier 1977 a bien figuré un temps sur les bulletins de salaire de madame Jacqueline X..., au titre de l'ancienneté, il s'agit d'une simple erreur liée à la proximité de fait des deux associations,

- la prime d'ancienneté que percevait madame Jacqueline X... ne résultait ni d'une convention collective, ni d'un accord d'entreprise,

il n'y a donc pu y avoir dénonciation de dispositions conventionnelles inexistantes,

il n'y a pas plus avantage individuel acquis,

- c'est madame Jacqueline X... qui a souhaité, le 22 juillet 2005, que sa prime d'ancienneté soit intégrée à son salaire de base et, cette demande, bien qu'il n'en connaisse pas les raisons, étant sans conséquence pour l'employeur, celui-ci s'est exécuté,

- par cette intégration, le nouveau salaire de base de madame Jacqueline X... correspondait à l'échelon 5 de la catégorie 2 de la convention collective nationale des maisons de l'étudiant du 27 mai 1992 applicable, auquel elle a été reclassée, venant de l'échelon 1,

- il ne peut être fait référence à l'article 6-1 de la convention collective, puisque l'on n'est pas en face de l'application d'une nouvelle grille de salaire, mais d'une demande de la salariée,

- la réclamation au titre d'un rappel de salaire n'est pas fondée, madame Jacqueline X... ayant d'ores et déjà été réglée de la prime d'ancienneté à laquelle elle prétend, cette dernière faisant partie du salaire versé,

- elle a toujours suivi, dans le paiement de son salaire à madame Jacqueline X..., les dispositions conventionnelles relatives au salaire minimum,

- la convention collective ne prévoit pas de dispositif particulier de prise en compte de l'ancienneté du salarié.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'ancienneté

Ce sont les services continus chez un même employeur qui sont pris en compte pour le calcul de l''ancienneté, sauf dispositions conventionnelles plus favorables au salarié.

****

Les statuts versés aux débats confirment l'existence de deux associations, à savoir :

- l'association de l'Esvière, constituée le 16 juillet 1960, au 2 rue de l'Esvière à Angers, dans le " but de créer, entretenir et développer des oeuvres sociales et charitables, telles qu'établissements d'enseignement, maisons de repos, cercles d'études, oeuvres de jeunesse, etc... ",

- l'association du Foyer de l'Esvière, constituée le 5 septembre 1972, d'abord au 2 rue de l'Esvière à Angers puis, à compter du 23 juin 1980, au 2 bis rue de l'Esvière à Angers, dans le " but de loger, héberger, nourrir et prendre en pension les jeunes filles étudiantes et plus généralement d'entretenir et de développer à cet égard toutes les oeuvres sociales et charitables " et pour, à partir du 4 septembre 1996, " dans le cadre de la pastorale étudiante et selon l'esprit de l'association propriétaire des lieux et de la Congrégation des Franciscaines de Sainte Marie des Anges..., gérer un foyer en proposant à des étudiants (es) et à des jeunes travailleurs (ses) un hébergement complet dans le cadre d'un établissement utile à leur épanouissement et pourvoir à l'entretien et au développement de toutes les oeuvres sociales et charitables conformes à l'esprit ci-dessus rappelé ".

Les registres d'entrées et sorties du personnel produits, en copie en ce qui concerne l'association de l'Esvière (C), et en original pour l'association du Foyer de l'Esvière (B et D), précisent que madame Jacqueline X... a été salariée de :

- l'association de l'Esvière, du 14 septembre 1977 au 17 juin 1987, en tant que femme de ménage ; la date de sortie est annotée de la mention " Maternité ",

- l'association du Foyer de l'Esvière, du 2 janvier 1990 au 31 mai 2009, en tant qu'agent de service/ femme de ménage.

Deux attestations viennent compléter ces registres :

- de madame Marie-Thérèse C..., ancienne directrice du foyer de l'Esvière de septembre 1972 à décembre 1985, qui indique que " la femme de ménage du Foyer était à cette époque Madame Yvonne D... " et, madame Yvonne D... figure bien sur le registre d'entrées et sorties du personnel de l'association du Foyer de l'Esvière comme femme de ménage, du 3 octobre 1977 au 30 octobre 1898 (D),

- de madame Christiane E..., ancienne trésorière de l'association du Foyer de l'Esvière, selon laquelle " Mme X... a été salariée de l'Association du Foyer de l'Esvière depuis le 2/ 01/ 1990 ".

Il n'empêche que, rapportés aux autres pièces du dossier, devant les incohérences qui se révèlent alors, les dits registres d'entrées et sorties du personnel ne peuvent avoir une quelconque force probante et, du coup, il en est de même des attestations précitées.

Madame Jacqueline X... fournit, notamment, trois bulletins de salaire originaux. Les deux premiers, sur lesquels elle est employée comme aide de cuisine, des 14 au 30 septembre 1977, puis des 1er au 12 octobre 1977, sont établis par l'association du Foyer de l'Esvière. Le troisième, en tant que femme de ménage, des 13 au 31 octobre 1977, est quant à lui émis par l'association de l'Esvière.

Si l'association du Foyer de l'Esvière, pour justifier ce fait, évoque un remplacement de l'aide de cuisine, elle ne précise pas les modalités de ce remplacement, alors que, à cette période, madame Jacqueline X... est censée être salariée, à temps plein, de l'association de l'Esvière (cf le registre d'entrée et sortie du personnel de cette dernière association).

Également, l'association de l'Esvière verse copie de bulletins de salaire de madame Jacqueline X..., mais simplement pour les mois ci-après et, sans aucune explication à cette production partielle :

- 1er au 31 août 1980,

- 1er au 30 juin 1981,

- 1er au 31 août 1982,

- 1er au 30 septembre 1983,

- 1er au 30 septembre 1984,

- 1er au 30 septembre 1985,

- 1er au 30 septembre 1986.

Par ailleurs, sur les bulletins de salaire édités par l'association du Foyer de l'Esvière, fournis en original par madame Jacqueline X..., et qui vont du 1er avril 2003 au 1er avril 2007, l'ancienneté mentionnée remonte :

- du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, deux ans et neuf mois donc, au 1er janvier 1977,

- à compter du 1er janvier 2006, il n'est plus question que du 2 janvier 1990.

Bien plus, madame Jacqueline X..., du 1er janvier 1977 au 14 septembre 1977, n'est portée sur aucun des registres d'entrées et sorties du personnel, que ce soit celui de l'association de l'Esvière, ou celui de l'association du Foyer de l'Esvière.

Et face à tout cela, aucun contrat de travail écrit (même si l'écrit n'est pas une obligation en la matière) n'est versé.

Pourtant, un tel contrat de travail écrit existe, mais avec l'association du Foyer de l'Esvière et non l'association de l'Esvière, ainsi qu'il résulte de l'avenant signé le 31 décembre 2001 entre l'association du Foyer de l'Esvière et madame Jacqueline X.... Celui-ci stipule :

"... dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord de branche sur la réduction et l'aménagement du temps de travail de la convention collective des maisons d'étudiants... ", " avenant au contrat de travail conclu le 1er novembre 1977 destiné à préciser les nouvelles conditions d'emploi de Mme Jacqueline X...... ".

Or, au 1er novembre 1977, il n'y a aucune trace de sortie et/ ou d'entrée de madame Jacqueline X... dans les registres d'entrées et sorties du personnel des deux associations.

****

C'est, en principe, à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. De même, en présence d'un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.

Il n'est pas contesté que :

- madame Jacqueline X... a fourni une prestation de travail à compter du 1er janvier 1977,

- pour cette prestation, elle a été rémunérée.

Le problème reste de savoir, et c'est déterminant, sous la subordination de qui madame Jacqueline X... se trouvait-elle lors de l'exécution de cette prestation de travail salariée.

Ce n'est pas à madame Jacqueline X... de pâtir de la confusion qui a pu exister entre l'association du Foyer de l'Esvière et l'association de l'Esvière, favorisée effectivement, ainsi que l'association du Foyer de l'Esvière l'a admis, par leur proximité dans les faits.

Par conséquent, il sera considéré que l'association du Foyer de l'Esvière et l'association de l'Esvière ont le statut de co-employeurs à l'endroit de madame Jacqueline X... et, c'est donc bien une ancienneté au 1er janvier 1977 qui sera retenue dans les rapports entre madame Jacqueline X... et l'association du Foyer de l'Esvière.

Sur la demande de rappel de salaire

Aucune disposition légale n'oblige l'employeur à accorder à son personnel une majoration de rémunération en raison de l'ancienneté. La prime d'ancienneté résulte, en général, des conventions ou accords collectifs de travail.

****

Des seuls bulletins de salaire dont l'on dispose, il peut être conclu que c'est entre le 31 août 1980 et le 1er juin 1981 que l'association du Foyer de l'Esvière a accordé à madame Jacqueline X... le bénéfice d'une prime d'ancienneté.

Cette prime d'ancienneté était un complément du salaire de base, comme figurant sur une ligne distincte de celui-ci sur la fiche de paie.

Cette prime d'ancienneté s'est maintenue, sans changement, jusqu'au mois de juin 2005 inclus.

C'est à partir du mois de juillet 2005 qu'elle a été intégrée au salaire de base, avec un passage consécutif de madame Jacqueline X... de l'échelon1, catégorie 2, à l'échelon 5, catégorie 2.

****

Il n'est pas discuté que la convention collective applicable est celle, nationale, des maisons d'étudiants (cf avenant du 31 décembre 2001 et bulletins de paie postérieurs).

Cette convention collective date du 27 mai 1992 et a été étendue par arrêté du 20 août 1993, arrêté publié au Journal officiel du 29 septembre 1993.

L'on rappellera ce qui est entendu par extension, à savoir que cette mesure a pour effet de rendre obligatoire l'application d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs entrant dans leur champ d'application professionnel et territorial, sans considération d'appartenance à des organisations signataires ou adhérentes (article L. 2261-15 du code du travail).

L'association du Foyer de l'Esvière se devait donc de suivre les prescriptions de la convention collective des maisons d'étudiants à compter du 30 septembre 1993.

****

Par ailleurs, en application de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, celles-ci s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables.

La convention collective des maisons d'étudiants s'est conformée à cette règle, dans son titre I " Dispositions générales ", à son article 1. 6 qui stipule :

" La présente convention remplace les autres conventions collectives ou statuts particuliers qui lui seraient antérieurs. Toutefois, les avantages dont les salariés auraient déjà bénéficié restent acquis pour le personnel en fonction à la date d'effet de la présente convention.
Dans le cas où l'application des nouvelles grilles de salaire incluant l'ancienneté aboutit à un traitement inférieur au traitement déjà acquis à titre individuel dans l'organisme, ce dernier traitement restera acquis.
La différence en francs entre le nouveau traitement de référence et son traitement acquis antérieurement constitue un droit acquis, définitif et réévaluable ".

S'il est permis de s'interroger sur le membre de phrase de cet article 1. 6, " Dans le cas où l'application des nouvelles grilles de salaire incluant l'ancienneté... ", il faut, pour le comprendre, se reporter à la suite des dispositions conventionnelles, soit son titre IX " Classifications et salaires ", article 9. 6, et son annexe I " Classification ", paragraphe 4.

L'article 9. 6, intitulé " Prime d'ancienneté " prévoit que :

" Pour bénéficier de la prime d'ancienneté, le salarié doit justifier de 3 ans d'ancienneté. L'ancienneté donne droit annuellement à un nombre déterminé de points (cf. tableau « Prime d'ancienneté »).

La prime est payée mensuellement.

Elle doit apparaître sur le bulletin de salaire de façon distincte de la rémunération mensuelle de base (calculée selon l'article 9. 1 de la convention collective).

Le montant mensuel de la prime d'ancienneté est égal au nombre de points acquis au titre de l'ancienneté multiplié par la valeur annuelle du point de la fonction publique divisé par 12.

Prime d'ancienneté (mensuelle) = (nombre de points d'ancienneté × valeur annuelle du point de la fonction publique) divisé par 12 mois.
Le nombre de points évolue tous les 3 ans.

La prime d'ancienneté ne peut pas être proratisée en fonction du nombre d'années ou du nombre de mois.

Le salarié à temps partiel bénéficie du même rythme d'acquisition d'années d'ancienneté qu'un salarié à temps plein ".

Le paragraphe 4 de l'annexe I explicite encore cette prime d'ancienneté :

" 4. Coefficients et introduction d'une prime d'ancienneté.

Les échelons ne s'acquièrent plus après 2 ou 3 ans de travail dans la même catégorie.

Le changement de classe et/ ou de catégorie dépend de l'autonomie, des responsabilités que le salarié acquiert. Ce changement se négocie de gré à gré lors de l'entretien annuel.

L'ancienne version de l'article 9. 5 de la convention collective des maisons d'étudiants n'est plus applicable. L'article 9. 5 est modifié. L'article 9. 6 relatif à une prime d'ancienneté a été ajouté.

Pour avoir droit à la prime d'ancienneté, un salarié doit avoir 3 ans d'ancienneté.

L'ancienneté donne droit à un nombre déterminé de points.

La prime est payée mensuellement.

Le nombre de points évolue tous les 3 ans.

La prime ne peut pas être proratisée en fonction du nombre d'années ou du nombre de mois.

Le salarié à temps partiel bénéficie du même rythme d'acquisition d'années d'ancienneté qu'un salarié à temps plein.

Pour le salarié dont l'employeur a déjà mis en place une prime d'ancienneté, le salarié garde cette prime si elle est supérieure à la prime conventionnelle (cela doit donc être vérifié chaque année) mais elle ne se cumule pas avec la prime conventionnelle. Si la prime d'ancienneté du salarié est inférieure à la prime conventionnelle, le salarié se voit alors appliquer la prime conventionnelle en lieu et place de la prime d'entreprise ".

****

Par conséquent, ce qui peut être conclu de ces textes est que :

- madame Jacqueline X... était en droit de conserver la prime d'ancienneté qui lui avait été allouée, si cette dernière était d'un montant supérieur à la prime conventionnelle nouvellement instaurée,

- la prime d'ancienneté ne pouvait, de toute façon, être intégrée au salaire de base, mais devait figurer sur une ligne séparée.

L'article L. 2262-4 du code du travail dispose :
" Les organisations de salariés et les organisations ou groupements d'employeurs, ou les employeurs pris individuellement, liés par une convention ou un accord, sont tenus de ne rien faire qui soit de nature à en compromettre l'exécution loyale. Ils ne sont garants de cette exécution que dans la mesure déterminée par la convention ou l'accord ".

En application de ces dispositions, l'employeur ne peut restreindre les droits que les salariés tiennent des textes conventionnels.

L'employeur ne peut pas plus se prévaloir d'une renonciation du salarié aux droits que celui-ci tient des conventions collectives pour échapper à ses obligations, que renonciation cette soit expresse ou tacite.

Le principe, ci-dessus énoncé, a une portée absolue et, le salarié peut réclamer le bénéfice de la convention collective après avoir donné son accord pour qu'il y soit dérogé.

Dès lors, que madame Jacqueline X... ait ou non sollicité l'intégration de sa prime d'ancienneté à son salaire de base, dans un courrier du 22 juillet 2005 où elle écrivait " je vous prie de bien vouloir noter que je considère que ma prime d'ancienneté fait partie de mon salaire de base et qu'elle soit définitivement incorporée à celui-ci pour l'avenir ", n'est d'aucun intérêt.

Il sera fait droit à la demande de rappel de prime d'ancienneté telle que formulée par madame Jacqueline X..., à raison de 3 621 euros.

Cette somme, s'agissant d'une créance salariale, sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'association du Foyer de l'Esvière devant le conseil de prud'hommes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

L'employeur qui méconnaît ses obligations en matière de salaire peut être condamné, conformément à l'article 1153 du code civil, à verser des réparations civiles au salarié :

- intérêts moratoires,

- dommages et intérêts en cas de préjudice distinct de celui résultant du retard dans le versement du salaire et de mauvaise foi de l'employeur.

Faute de prouver le préjudice dont elle se prévaut, madame Jacqueline X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

DIT que l'ancienneté de madame Jacqueline X... au sein de l'association du Foyer de l'Esvière remonte au 1er janvier 1997,

ORDONNE à l'association du Foyer de l'Esvière de délivrer à madame Jacqueline X... un certificat de travail portant la mention d'une ancienneté conforme au présent arrêt,

CONDAMNE l'association du Foyer de l'Esvière à verser à madame Jacqueline X... la somme de 3 621 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,

DIT que cette somme, s'agissant d'une créance salariale, sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'association du Foyer de l'Esvière devant le conseil de prud'hommes,

DIT que l'association du Foyer de l'Esvière devra s'acquitter des cotisations dues auprès de la caisse régionale d'assurance maladie et de la caisse complémentaire,

DEBOUTE madame Jacqueline X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

CONDAMNE l'association du Foyer de l'Esvière à verser à madame Jacqueline X... la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association du Foyer de l'Esvière aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLMarie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02332
Date de la décision : 31/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-05-31;09.02332 ?
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