COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N AD/ MJ/ slg
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00933.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 23 Mars 2010, enregistrée sous le no 08. 215
Assuré : Jean-Pierre X... ARRÊT DU 24 Mai 2011 APPELANTE :
C. P. A. M. DU MAINE ET LOIRE 32 rue Louis Gain 49937 ANGERS CEDEX 09
représentée par monsieur Emmanuel Y..., muni d'un pouvoir
INTIMEES :
SOCIETE ALCAN AVIATUBE 15 rue de Grande Bretagne 44471 CARQUEFOU
SOCIETE ALCAN AVIATUBE 6 rue Pierre et Marie Curie 49460 MONTREUIL JUIGNE
représentées par Maïtre Bertrand CREN (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS
EN LA CAUSE :
DRASS DES PAYS DE LOIRE Rue René Viviani 44062 NANTES CEDEX
Avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 24 Mai 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X... a été engagé le 1ERaoût 1980 par la société ALCAN AVIATUBE qui exerce une activité de transformation d'aluminium et a occupé depuis 2002 un poste polyvalent sur différents outils de filage et traitement des produits en aluminium.
Le 10 octobre 2007 il a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome du canal carpien bilatéral, maladie inscrite au tableau no57 des maladies professionnelles.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a notifié le 18 décembre 2007 sa décision de prise en charge à l'employeur qui l'a contestée devant la commission de recours amiable.
Le recours de la société ALCAN AVIATUBE a été rejeté le 21 février 2008 par cette instance et l'employeur a, le 24 avril 2008, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers d'une demande d'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge.
Par jugement du 23 mars 2010 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers a déclaré recevable le recours de la société ALCAN AVIATUBE et inopposable à son égard la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers de prendre en charge au titre des risques professionnels le syndrome carpien bilatéral de monsieur X..., au motif que la demande du salarié était prescrite à la date du dépôt de la déclaration.
La caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire a fait appel de cette décision.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire demande à la Cour par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures d'infirmer le jugement déféré et en conséquence de confirmer la décision de la commission de recours amiable ; à titre subsidiaire, si la Cour estimait que les conditions du tableau no57 ne sont pas remplies, d'enjoindre à la caisse de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et de condamner la société ALCAN AVIATUBE à payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire soutient :
- que la demande de prise en charge de monsieur X... n'était pas prescrite ; qu'en effet si celui-ci a écrit sur la déclaration de maladie professionnelle que " la date de la première constatation médicale de la maladie professionnelle " était le 13 mai 2005, cela ne démontre pas qu'il ait connu à ce moment là le lien entre la pathologie constatée et son activité professionnelle ; que le tribunal a donc à tort associé cette date du 13 mai 2005 avec la connaissance par l'assuré de ce lien, relevant dès lors sa demande comme prescrite par application du code de la sécurité sociale qui énonce une prescription de deux ans à partir de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa pathologie et son travail.
- que la date de la première constatation du lien entre la pathologie et l'activité professionnelle est celle du certificat du 20 septembre 2007 et qu'il n'y a donc pas prescription de la demande de prise en charge.
- que les conditions d'exposition aux risques visées par le tableau no57 sont réunies, monsieur X... n'ayant pas seulement à surveiller visuellement la ligne de production mais aussi à exercer une activité manuelle nécessitant les gestes du tableau no57 lors des opérations de polissage et de changement d'outillages, cette dernière opération nécessitant le port de charges à deux personnes.
- que la présomption d'imputabilité de la maladie déclarée a l'activité professionnelle, visée par les articles L461-1 et L461-2 du code de la sécurité sociale est donc acquise et que l'employeur ne la combat pas efficacement en affirmant, sans le démontrer que monsieur X... se livrait à d'importants travaux de rénovation dans sa maison, et en prouvant moins encore que ces travaux seraient la cause exclusive de la maladie déclarée.
- que la Cour devrait, si elle estimait que les conditions du tableau No57 ne sont pas réunies, enjoindre à la caisse de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
La société ALCAN AVIATUBE demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de confirmer le jugement entrepris, de déclarer que lui est inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle du syndrôme du canal carpien bilatéral de monsieur X... et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Maine et Loire à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ALCAN AVIATUBE soutient :
- que monsieur X... a bien écrit sur sa déclaration de maladie professionnelle que la " date de la 1ère constatation médicale ou éventuellement de l'arrêt de travail " était le 13 mai 2005, ce qu'a lui aussi écrit son médecin traitant le docteur Z... sur le certificat médical-accident du travail-maladie professionnelle du 20 septembre 2007 ; que le 13 mai 2005 a donc été non pas la date à laquelle la maladie a été constatée mais la date à laquelle la maladie professionnelle a été mise en évidence : que la demande de prise en charge du 25 octobre 2007 est donc prescrite.
- que les conditions du tableau no57 ne sont pas réunies car monsieur X... n'effectuait pas " de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extention du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main. " ; que la seule activité invoquée par monsieur X... à l'appui de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle est l'activité de vissage et que dans les 30 jours précédant la première constatation médicale, les gestes invoqués représentent moins de 10 minutes de travail.
- qu'un collègue de travail de monsieur X..., monsieur A..., atteste qu'il enchaînait les rénovations de maison ; qu'il est dans ces conditions choquant que monsieur X... impute sa maladie à son activité professionnelle.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
L'article L431-2 du code de la sécurité sociale dit que les droits de la victime se prescrivent par deux ans à compter du jour de l'accident et l'article L461-1 du même code dit qu'en ce qui concerne les maladie professionnelles, " la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident. "
Il est acquis que monsieur X... a écrit sur sa déclaration de maladie professionnelle que la " date de la première constatation médicale " était le 13 mai 2005 et que le docteur Z..., son médecin traitant a, quant à lui écrit sur le certificat médical de maladie professionnelle qu'il a établi le 20 septembre 2007 que la " date de la 1ère constatation médicale de la maladie professionnelle " était également le 13 mai 2005.
Il est donc établi que le certificat de maladie professionnelle, visant l'article L465-5 du code de la sécurité sociale, qui dit que " toute maladie professionnelle dont la réparation est demandée en vertu du présent livre doit être, par les soins de la victime, déclarée à la caisse primaire dans un délai déterminé " et encore que " le praticien établit en triple exemplaire et remet à la victime un certificat indiquant la nature de la maladie " a été daté par le docteur Z... du 20 septembre 2007 ;
L'unique certificat médical établissant le lien entre la pathologie constatée et l'activité professionnelle figurant au dossier est celui du 20 septembre 2007 ;
La date du 13 mai 2005 est mentionnée sur ce certificat comme étant celle de 1ère constatation médicale de la maladie mais aucun certificat médical visant le code de la sécurité sociale et valant certificat médical de maladie professionnelle n'a été dressé le 13 mai 2005.
La prescription n'a par conséquent couru qu'à compter du 20 septembre 2007, date du certificat médical établissant le lien entre la pathologie et l'activité professionnelle, et la demande de prise en charge formée le 25 octobre 2007 par monsieur X... l'a été moins de deux ans plus tard.
Le premier juge a confondu une date mentionnée comme étant celle de première constatation d'une pathologie et la date de la pièce médicale visée par l'article L461-5 du code de la sécurité sociale comme établissant le caractère professionnel de la maladie de l'assuré et lui permettant d'en faire déclaration à la caisse primaire.
Le jugement du 23 mars 2010 est infirmé en ce qu'il a dit la demande de prise en charge de monsieur X... prescrite et de ce fait inopposable a l'employeur la société ALCAN AVIATUBE.
Sur les conditions du tableau no57 des maladie professionnelles :
Le tableau no57 C des maladies professionnelles dit que le syndrôme du canal carpien est provoqué par " des travaux comportant de façon habituelle des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main ".
Cette liste de travaux est dite par le texte " limitative ".
Il résulte de la déclaration de monsieur X... qu'outre des opérations de surveillance visuelle de la production il effectuait " 2 a 5 fois par 12 heures " une opération de filage l'amenant à procéder à des vissages d'aiguilles métalliques d'un poids variable de 7 a 85 kilos.
Selon les déclarations de son employeur monsieur X... disposait de l'aide d'un autre salarié et le temps consacré à cette opération n'a pu représenter que quelques dizaines de minutes au cours des 30 jours " du délai de prise en charge ".
Il est acquis en effet que monsieur X... a travaillé uniquement les 18 et 19 août 2007, 1ER et 2 septembre 2007.
La notion de délai de prise en charge, qui fait référence à la date à laquelle l'exposition au risque à cessé n'est en l'espèce pas pertinente puisque le certificat du 20 septembre 2007 ne vise que des soins et aucun arrêt de travail ; monsieur X... a donc continué à exécuter les travaux susceptibles d'avoir causé la maladie professionnelle.
La caisse primaire observe qu'il n'existe pas de seuil minimum d'exposition au risque et qu'il faut entendre par " travaux comportant de façon habituelle " des travaux qui se répètent, quelle que soit leur durée, qui reste indifférente.
Si cependant la durée d'exécution des travaux correspondant à la définition du tableau no57 C est très courte sur l'ensemble du temps de travail du salarié, il n'est plus possible de raisonner en termes d'habitude et de fréquence, ces notions perdant leur support d'existence.
Le geste de vissage effectué par monsieur X... n'est d'autre part pas précisément décrit : il ne peut dans ces conditions être acquis que celui-ci entraîne des mouvements d'extension du poignet, de préhension de la main, un appui carpien ou une pression sur le talon de la main.
En outre, alors que monsieur X... insiste sur les poids manipulés, l'employeur soutient que les salariés utilisaient un palan électrique, et n'avaient donc pas d'effort physique à faire. Il produit des photos du poste de travail en ce sens.
L'article L461-1 du code de la sécurité sociale dit que si la condition tenant à la liste limitative des travaux n'est pas remplie, " la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie, après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. "
La Caisse a cependant, malgré la date ancienne de première constatation médicale de la maladie déclarée, pris une décision de prise en charge sans diligenter d'instruction et sans saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Il n'appartient pas à la Cour, dans ces conditions, alors que l'organisme social n'a pas instruit la demande conformément à ses obligations, de se substituer à celui-ci.
L'injonction judiciaire que sollicite la Caisse et qui consisterait à la renvoyer à la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avant de statuer sur l'opposabilité de la prise en charge à l'employeur serait de plus sans objet en l'espèce, la difficulté d'appréciation portant sur l'imprécision de la description des travaux effectués par monsieur X... ; or le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne pourrait apporter plus de précisions sur ce point, puisque seule une instruction du dossier, à laquelle la Caisse a définitivement renoncé, aurait été de nature à le faire.
La condition tenant à la réalisation de travaux limitativement énoncés par le tableau no57C n'est pas réalisée et la décision de prise en charge de la maladie déclarée par monsieur X... est par conséquent inopposable à la société ALCAN AVIATUBE pour ce motif.
Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit la prise en charge de la maladie déclarée par monsieur X... inopposable à la société ALCAN AVIATUBE, la cour substituant cependant au motif de la prescription de la demande du salarié celui de la non réalisation de la condition tenant à la liste limitative des travaux énoncés par le tableau no57C des maladies professionnelles.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Il ne parait pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais non compris dans les dépens.
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens, la procédure étant gratuite devant les juridictions chargées des affaires de sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers du 23 mars 2010 en ce qu'il a dit la prise en charge de la maladie déclarée par monsieur X... inopposable à la société ALCAN AVIATUBE substituant au motif de la prescription de la demande de monsieur X... celui de la non-réalisation de la condition tenant à la liste limitative des travaux énoncée par le tableau no57 des maladies professionnelles.
Y ajoutant,
LAISSE à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLMarie-Bernard BRETON