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24/05/2011 | FRANCE | N°10/00848

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 mai 2011, 10/00848


ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00848.
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Sarthe, du 03 Mars 2010, enregistrée sous le no 19 831
ASSUREE : Dilek X... ARRÊT DU 24 Mai 2011

APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE (C. P. A. M.) 34 place Bonet 61012 ALENCON CEDEX

représentée par Monsieur Emmanuel Y..., muni d'un pouvoir spécial
INTIMEE :
SOCIETE CENTRE LECLERC SA ALENCON DISTRIBUTION Route du Mans Centre Commercial 72610 ARCONNAY

représentée par Maître SEILLER,

substituant Maître Valérie SCETBON (SCP) avocat au barreau de PARIS
A LA CAUSE :
Direction Régiona...

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00848.
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Sarthe, du 03 Mars 2010, enregistrée sous le no 19 831
ASSUREE : Dilek X... ARRÊT DU 24 Mai 2011

APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE (C. P. A. M.) 34 place Bonet 61012 ALENCON CEDEX

représentée par Monsieur Emmanuel Y..., muni d'un pouvoir spécial
INTIMEE :
SOCIETE CENTRE LECLERC SA ALENCON DISTRIBUTION Route du Mans Centre Commercial 72610 ARCONNAY

représentée par Maître SEILLER, substituant Maître Valérie SCETBON (SCP) avocat au barreau de PARIS
A LA CAUSE :
Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales des Pays de la Loire (DRASS) Rue René Viviani 44062 NANTES CEDEX

avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 24 Mai 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
Madame Dilek X..., employée par la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION comme hôtesse de caisse, a été victime le 3 février 2003 d'un accident.
Un certificat médical d'accident du travail a été délivré le 3 février 2003 pour " lombalgie post-traumatique ", et la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION a, le même jour, établi une déclaration d'accident du travail, indiquant que pendant son horaire de travail, soit à 12H15, alors qu'elle était employée de 10 h à 14 h, et en soulevant un pack d'eau, madame X... " avait eu une douleur dans le bas du dos ".
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne a, le 7 février 2003, notifié à madame X... la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
La caisse a établi la consolidation de l'état de madame X... au 31 octobre 2004, et lui a attribué un taux d'IPPde 3 %.
A réception de son compte employeur, le 19 mars 2007, la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION a demandé communication des pièces du dossier, ce qui lui a été refusé par lettre du 23 avril 2007, les textes ne le prescrivant pas.
La société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION a saisi la commission de recours amiable d'une demande d'inopposabilité de la décision qui a été rejetée par décision du 25 juillet 2007.
Elle a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans qui, par jugement avant dire droit du 10 juin 2009, a ordonné une expertise médicale ayant pour objet de déterminer si l'intégralité des arrêts de travail établis entre la date de l'accident, soit le 3 février 2003, et la date de consolidation, soit le 31 octobre 2004, était imputable à l'accident du travail.
L'expert a, dans son rapport du 28 septembre 2009, justifié les arrêts de travail du 3 février 2003 au 1ER juillet 2004.
Cependant, par jugement du 3 mars 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a rejeté la demande de nouvelle expertise formée par la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION, et dit les arrêts de travail de madame X... pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne postérieurement au 31 décembre 2003, inopposables à la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne a fait appel de la décision.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 3 mars 2010, de déclarer opposable à la société LECLERC SA ALENCON DISTRIBUTION l'ensemble des arrêts de travail consécutifs à l'accident du 3 février 2003, et de débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes.
Elle soutient, après avoir rappelé qu'en l'absence de toute réserve de l'employeur, elle a pris en charge l'accident d'emblée, et n'était donc pas tenue à l'obligation d'information visée à l'article R441-11 du code de la sécurité sociale, que :
- l'article L411-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, et la jurisprudence dit que cette présomption s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.
- l'employeur ne détruit pas la présomption d'imputabilité, puisqu'il n'apporte pas la preuve de l'existence d'un état pathologique antérieur au sinistre, ni de l'absence d'influence des conditions de travail sur l'apparition des lésions ; qu'une note du médecin conseil de la SA ALENCON DISTRIBUTION n'est pas un élément externe objectif.
- la seule durée des soins et des arrêts de travail n'est pas de nature à faire échec à la présomption ; qu'en conséquence, le tribunal aurait dû rejeter la demande d'expertise médicale formée par la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION, et déclarer opposable à l'employeur l'ensemble des arrêts de travail consécutifs à l'accident.
- le tribunal ne pouvait déduire du rapport d'expertise une absence totale de suivi médical de l'assurée, puisque les arrêts de travail ont été prescrits par un médecin.
- aucun état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte à compter du 31 décembre 2003 n'est établi, ni par l'expert, ni par l'employeur.
La société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 3 mars 2010 en ce qu'il a prononcé l'inopposabilité des arrêts et soins postérieurement au 31 décembre 2003, et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne à lui payer la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- le lien direct et certain devant exister entre l'accident du travail et l'arrêt de travail disparaît lorsqu'il est mis en évidence que l'état pathologique antérieur, révélé par l'accident du travail, n'évolue plus que pour son propre compte ; que le certificat médical initial a prescrit un arrêt de travail de 3 jours puis que madame X... a finalement été arrêtée 633 jours ; que les causes des lombalgies sont nombreuses et peuvent trouver leur origine en dehors de l'activité professionnelle ; que la note du docteur A..., médecin conseil de l'employeur, met en évidence l'existence d'un état pathologique indépendant de l'accident déclaré.
- la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne n'apporte aucun élément nouveau caractérisant la continuité des symptômes et des soins permettant d'établir la présomption d'imputabilité.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L 411-1 du code de la sécurité sociale dit qu'" est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ".
La jurisprudence a établi une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, pour les lésions qui en sont la conséquence, et également pour un état pathologique préexistant aggravé par l'accident du travail.
Cette présomption d'imputabilité, édictée dans l'intérêt du salarié, peut être opposée par la caisse d'assurance maladie à l'employeur et, s'agissant d'une présomption simple, l'employeur peut la détruire, en rapportant la preuve que les arrêts de travail délivrés à son salarié, assuré social, ont une cause totalement étrangère au travail et résultent d'un état pathologique pré-existant qui évolue pour son propre compte, en dehors de toute relation avec le travail.
La déclaration d'accident du travail dressée le 3 février 2003 par madame B..., responsable comptable de la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION, indique que le lieu de l'accident a été la " ligne de caisse ", qu'il est survenu à 12H15 alors que le service de madame X... finissait à 14 heures pour la matinée, que le siège des lésions a été le bas du dos, et leur nature, des douleurs, et, quant aux circonstances, que madame X... soulevait un pack d'eau quant elle a eu une douleur dans le bas du dos.
Il est encore acquis que madame X... a été transportée immédiatement aux urgences du centre hospitalier d'Alençon, où a été constatée le jour même de l'accident une " lombalgie post-traumatique ".
La matérialité de l'accident et son imputabilité au travail sont en conséquence établis du fait de la concordance des déclarations de l'employeur avec le constat médical immédiatement effectué.
Quant à l'imputabilité à l'accident du 3 février 2003, de la durée d'incapacité de travail précédant la consolidation du 31 octobre 2004, il est établi que :
- le docteur C..., expert ayant remplacé le docteur D..., initialement nommé pour effectuer l'expertise médicale, a indiqué dans son rapport qu'il existait un état antérieur, résultant de l'inégalité de longueur des membres inférieurs et que cet état, qui était silencieux, a été décompensé lors de l'accident du travail ; les conséquences de cette décompensation sont par conséquent imputables à l'accident du travail.
- l'expert relève, d'autre part, que madame X... n'a, au cours de l'année 2004, reçu aucun soin en rhumatologie, qu'aucune chirurgie orthopédique n'a été envisagée, ni aucune infiltration locale.
Il consigne néanmoins que : " les arrêts de travail ont été régulièrement poursuivis par le médecin traitant, le docteur E..., qui a pris sa retraite en mars 2004. Les arrêts ont été poursuivis par le médecin qui l'a remplacé, le docteur Vincente F... ".
Il relève encore que madame X... lui indique qu'elle avait alors des douleurs importantes, qu'elle s'en remettait à son médecin traitant et qu'elle portait une ceinture de soutien dès le début.
L'absence d'actes chirurgicaux ou de soins ne peut être confondue avec une absence de suivi médical, lequel a donc existé pour madame X..., jusqu'à la consolidation du 31 octobre 2004.
La présomption d'imputabilité s'étend par conséquent à tous les arrêts médicaux délivrés, sans interruption, de l'accident à la date de consolidation ; elle ne peut être détruite que par la démonstration d'un état pathologique pré-existant évoluant pour son propre compte, or l'expert judiciaire ne relève que l'existence d'une inégalité de longueur des membres inférieurs, et dit que cet état, resté silencieux jusqu'à l'accident a " décompensé " lors de l'accident du travail, ce qui interdit de le considérer comme évoluant pour son propre compte.
Le docteur A..., médecin conseil de l'employeur, ne démontre pas plus l'existence d'un état antérieur évoluant pour son propre compte, mais critique la pertinence médicale d'un arrêt de travail de plusieurs mois, les " bonnes pratiques médicales actuelles " ne retenant selon lui, dans ce genre de situation " que quelques jours, ou semaines, d'arrêt.
Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a dit les arrêts de travail de madame X... pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne postérieurement au 31 décembre 2003 inopposables à la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION, l'opposabilité s'étendant aux arrêts de travail pris en charge jusqu'au 31 octobre 2004.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION qui succombe à l'instance d'appel garde la charge de ses frais irrépétibles, et la demande formée à ce titre à l'égard de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, est rejetée.
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens, la procédure étant gratuite devant les juridictions chargées du contentieux des affaires de sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 3 mars 2010, sauf en ce qu'il a dit que les arrêts de travail de madame X... pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne jusqu'au 31 décembre 2003, sont opposables à la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION.
LE REFORMANT POUR LE SURPLUS,
DIT opposables à la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION les arrêts de travail de madame X... pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne du 1ER janvier 2004 au 31 octobre 2004, date de la consolidation.
REJETTE la demande formée par la société CENTRE LECLERC-SA ALENCON DISTRIBUTION en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLMarie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00848
Date de la décision : 24/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-05-24;10.00848 ?
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