COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00294.
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Mayenne, du 15 Décembre 2009, enregistrée sous le no 319
ARRÊT DU 24 Mai 2011
APPELANTE :
Mademoiselle Stéphanie X... ... 53160 IZE
représentée par Monsieur Michel DESRUES, délégué syndical, muni d'un pouvoir spécial
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE (CPAM) 37 boulevard Montmorency 53084 LAVAL CEDEX 09
représentée par Mademoiselle Cécile LE LAY, munie d'un pouvoir spécial
A LA CAUSE :
Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales des Pays de la Loire (DRASS) Rue René Viviani 44062 NANTES CEDEX
avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 24 Mai 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Mme Stéphanie X... était salariée au sein de la société Aldi marché, lorsqu'elle a été placée en arrêt de travail, le 30 mai 2006.
Dans le cadre de la visite de reprise en deux examens, en date des 30 janvier et 20 février 2007, le médecin du travail l'a déclarée inapte définitivement " à tout poste debout et à tout poste de manutentions autres que très légères ".
Mme Stéphanie X... a été finalement licenciée, le 22 mars 2007.
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Par courrier du 15 janvier 2007, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Mayenne a notifié à Mme Stéphanie X... l'arrêt du versement des indemnités journalières au 3 décembre 2006.
Mme Stéphanie X... a saisi la commission de recours amiable de la dite caisse afin que ce versement soit repris.
Cette commission, par décision du 2 mai 2007, l'a déboutée de sa demande.
Mme Stéphanie X... a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laval qui, par jugement en date du 13 décembre 2007, a ordonné, en application de l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, une expertise à son endroit, mandatant à cette fin le docteur Z..., avec la mission suivante :
" dire... si l'état de santé actuel de Madame X... était compatible avec une reprise de son activité professionnelle après le 4 décembre 2006 ".
Par jugement en date du 20 novembre 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laval, mandatant à nouveau le docteur Z..., a ordonné un complément d'expertise, à savoir :
" si à la date du 4 décembre 2006, l'état de santé de Madame X... était compatible avec la reprise d'une activité professionnelle quelle qu'elle soit ".
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne, par jugement en date du 15 décembre 2009, a :
- débouté Mme Stéphanie X... de ses demandes. en nullité du rapport d'expertise complémentaire,
. de reprise du paiement des indemnités journalières à compter du 4 décembre 2006,. d'exécution provisoire,. de condamnation de la CPAM de la Mayenne à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,. de condamnation de la CPAM de la Mayenne aux dépens et frais d'exécution,
- confirmé la décision de la CPAM de la Mayenne de refus de paiement des indemnités journalières au-delà du 4 décembre 2006.
Mme Stéphanie X... a formé régulièrement appel, le 29 janvier 2010, de ce jugement, qui lui avait été notifié le 14 janvier 2010.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 15 mars 2011, reprises à l'audience, Mme Stéphanie X... sollicite l'infirmation de la décision déférée et que :
- au principal,. soit constatée la violation de ses droits en raison des irrégularités d'expertise,. soit pris en compte le certificat dressé le 2 mars 2007 par le docteur A...,. le paiement des indemnités journalières soit repris, et ce du 4 décembre 2006 au 24 février 2007,. la CPAM de la Mayenne soit condamnée à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,. la CPAM de la Mayenne soit condamnée aux dépens et frais d'exécution,
- subsidiairement, un expert soit désigné.
Elle se fonde, d'une part sur l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, d'autre part sur l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour dire que le docteur Z... :- ne l'a pas convoquée avant de procéder au complément d'expertise, ainsi qu'il en avait l'obligation,- a déposé son rapport très tardivement, tant pour l'expertise initiale que pour son complément.
Elle invoque, sinon, l'arrêt de travail qui lui a été délivré par le docteur A..., rhumatologue auprès du centre hospitalier de Rennes, pour la période allant du 24 novembre 2006 au 24 février 2007, qui justifie qu'elle était dans l'impossibilité de reprendre le travail, jusqu'à cette dernière date,.
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Par conclusions du 23 février 2011, reprises à l'audience, la CPAM de la Mayenne sollicite, au contraire, la confirmation de la décision déférée.
Elle reprend la motivation adoptée par le tribunal des affaires de sécurité sociale quant aux irrégularités soulevées.
Par ailleurs, elle renvoie aux conclusions en date du 5 décembre 2006 du docteur B..., médecin expert, mandaté dans le cadre de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale et, choisi par le médecin traitant de Mme Stéphanie X..., cette dernière contestant l'arrêt du versement des indemnités journalières, initialement opéré le 31 octobre 2006. Elle fait observer que :- le docteur Z..., dans le cadre de l'expertise judiciaire, est parvenue aux mêmes conclusions,- l'expertise judiciaire, avec le complément qui y a été apporté, est parfaitement claire,- Mme Stéphanie X... n'étant plus, au 4 décembre 2006, dans l'incapacité totale de se livrer à une activité professionnelle quelconque, ainsi que le requièrent les articles L. 321-1, 5o et L. 323-1 et suivants du code de la sécurité sociale, le versement des indemnités journalières ne pouvait se poursuivre.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'expertise ordonnée par la justice
Le docteur Z..., mandaté par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne, par jugement en date du 13 décembre 2007, devait déposer son rapport dans les trois mois à compter de sa saisine.
Il n'a examiné Mme Stéphanie X... que le 9 juin 2008, rédigeant son rapport le 10 juillet 2008 et, faisant parvenir ce dernier à la juridiction le 5 août 2008.
Si le tribunal avait ordonné cette expertise, c'est à la demande de Mme Stéphanie X..., celle-ci contestant celle réalisée, conformément à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, en amont, par le docteur B..., expert.
L'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale dispose effectivement :
" Quand l'avis technique de l'expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat auquel il est renvoyé à l'article L. 141-1, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Au vu de l'avis technique, le juge peut, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise ". Un complément d'expertise a été, ensuite, sollicité par le tribunal auprès du docteur Z..., par jugement en date du 20 novembre 2008.
Mme Stéphanie X... n'a élevé aucune critique relativement à l'expertise du docteur Z..., à l'occasion de l'audience qui a présidé à la prise de cette seconde décision. Il ressort du jugement qu'elle a demandé l'homologation du dit rapport.
Or, eu égard à la portée qui s'attache à l'avis de l'expert technique, la décision qui ordonne une expertise, une nouvelle expertise ou un complément d'expertise, tranche, par là même, une question touchant au fond du litige et peut, en conséquence, être immédiatement frappée d'appel ou de pourvoi.
Dès lors, Mme Stéphanie X... ne peut, aujourd'hui, en lien avec son appel du 29 janvier 2010, relatif toutefois au jugement du 15 décembre 2009 et non à celui du 20 novembre 2008, devenu définitif, soulever une quelconque irrégularité propre à l'expertise déposée le 5 août 2008.
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L'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale dispose en son deuxième alinéa : "... Le médecin expert ou le comité procède à l'examen du malade ou de la victime, dans les cinq jours suivant la réception du protocole mentionné ci-dessus, au cabinet de l'expert ou à la résidence du malade ou de la victime, si ceux-ci ne peuvent se déplacer... ".
Il est aussi indiqué, au dispositif de la décision du 20 novembre 2008 :
" Ordonne un complément d'expertise ; Désigne pour y procéder le docteur Z... et lui donne mission de dire, après avoir procédé à l'examen de Mme X... et recueilli toutes informations utiles si à la date du 4 décembre 2006, l'état de santé de Mme X... était compatible avec la reprise d'une activité professionnelle quelle qu'elle soit ".
Ce n'est pas pour cela que le docteur Z..., en ne convoquant pas Mme Stéphanie X... préalablement à la réalisation du complément d'expertise ordonné, a violé les droits de cette dernière.
En effet, l'expert, dans son rapport en date du 10 septembre 2009, transmis au tribunal le 23 suivant, mentionne :
" Dans l'expertise effectuée le 9 juin 2008 et dans le rapport daté du 10 juillet 2008, il est bien noté, à la date du 4 décembre 2006, " l'état de Mlle X... était incompatible avec une reprise de son activité professionnelle ". Il est également noté " le retentissement de cette maladie sur son activité professionnelle sont importantes puisque le médecin du travail, lui-même, le 20 février 2007, prononçait une inaptitude définitive à tout poste debout et tout poste de manutention autre que très légère. On ne peut que constater qu'à la date du 4 décembre 2006, l'état de santé de Madame X... était compatible avec la reprise d'une activité professionnelle pourvu que celle-ci élimine tout poste debout et tout poste de manutention autre que très légère ".
De fait, la demande de la justice à l'expert, le 20 novembre 2008, ne consistait qu'à lui faire préciser ses conclusions sur un point, qui était déjà en filigrane dans son rapport.
S'agissant pour l'expert d'expliciter totalement son premier avis, alors qu'il était en possession de l'ensemble des éléments nécessaires à la suite de l'examen de Mme Stéphanie X... qu'il avait effectué le 9 juin 2008, que cette dernière n'ait pas été de nouveau convoquée, ne peut porter, d'aucune manière, atteinte à ses droits.
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Le docteur Z... avait, selon le jugement du 20 novembre 2008, trois mois à compter de sa saisine afin de déposer son rapport. Il ne l'a fait, ainsi que cela a été dit, que le 23 septembre 2009.
Le dépôt tardif d'un rapport, hormis à ce que l'expert désigné soit relevé de sa mission par le juge chargé de son contrôle, n'est pas sanctionné par la loi.
Mme Stéphanie X... n'apporte pas, par ailleurs, la preuve que ce dépôt tardif lui ait causé un grief particulier dans la défense de ses intérêts.
L'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout cas, servir à asseoir une irrégularité de l'expertise, en ce que cet article se rapporte au fait que " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ".
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Dès lors, il y a lieu de rejeter l'ensemble des irrégularités de l'expertise invoquées par Mme Stéphanie X....
Sur la reprise des indemnités journalières
L'article L. 321-1, 5o du code de la sécurité sociale dispose :
" L'assurance maladie comporte :... 5o L'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique... de continuer ou de reprendre le travail... ".
En application de cet article, les indemnités journalières ne sont dues que si l'assuré, n'est pas seulement dans l'incapacité de reprendre son emploi, mais également dans celle d'exercer une quelconque activité.
Mme Stéphanie X... était bien inapte, pour ce qui était de retrouver son ancienne fonction au sein de la société Aldi marché.
Mme Stéphanie X... pouvait, toutefois travailler, sous condition qu'elle ne soit pas debout et, que si elle était appelée à accomplir des tâches de manutention, ces dernières soient très légères.
Et Mme Stéphanie X... a été capable de retravailler, dans le cadre ainsi défini, dès le 4 décembre 2006.
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Mme Stéphanie X... avance le certificat du 2 mars 2007 du docteur A..., qui viendrait selon elle contredire ces conclusions.
Néanmoins, il n'appartient pas au juge de trancher un différend d'ordre médical en écartant, au vu de cette pièce, les conclusions de l'expertise réalisée.
Celles-ci s'imposent à l'ensemble des parties, ainsi qu'il résulte des articles L. 141-2 et R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale (précités).
Il n'y a pas lieu, non plus, de recourir à une nouvelle expertise comme le sollicite Mme Stéphanie X....
Les conclusions de l'expertise judiciaire ordonnée sont, en effet, claires, précises et dénuées d'ambiguïté.
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Par conséquent, la décision déférée sera confirmée en son intégralité.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DÉBOUTE Mme Stéphanie X... de ses demandes relatives à l'irrégularité de l'expertise judiciaire,
CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Laval en date du 15 décembre 2009.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLMarie-Bernard BRETON