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17/05/2011 | FRANCE | N°10/00378

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 mai 2011, 10/00378


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N BAP/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00378.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Janvier 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00005

ARRÊT DU 17 Mai 2011

APPELANTE : Société FASH et GIRLS 9 rue Maxime Normandin 49610 STE MELAINE SUR AUBANCE

représentée par Maître Monika PASQUINI, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE : Mademoiselle Olympe X...... 49100 ANGERS

(bénéficie d'une aide jurid

ictionnelle Partielle-40 %- numéro 10/ 003033 du 26/ 05/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N BAP/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00378.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Janvier 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00005

ARRÊT DU 17 Mai 2011

APPELANTE : Société FASH et GIRLS 9 rue Maxime Normandin 49610 STE MELAINE SUR AUBANCE

représentée par Maître Monika PASQUINI, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE : Mademoiselle Olympe X...... 49100 ANGERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle-40 %- numéro 10/ 003033 du 26/ 05/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
représentée par Maître Catherine RAIMBAULT, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT : prononcé le 17 Mai 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCEDURE

Mme Olympe X... a été engagée par la société Fash and girls, en qualité de vendeuse, catégorie 1, contre une rémunération mensuelle brute égale au SMIC, selon contrat de travail dit " nouvelles embauches " en date du 1er mars 2007.
La convention collective applicable est celle, nationale, du commerce de détail en habillement et articles de textile.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2008, distribuée à la société Fash and girls le lendemain, Mme Olympe X... a démissionné.
* * * *
Mme Olympe X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, qui par jugement en date du 11 janvier 2010, a :
- requalifié la démission en une rupture aux torts exclusifs de l'employeur,- condamné, en conséquence, la société Fash and girls à lui verser. 1 280 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,. 1 280 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 128 euros de congés payés afférents,. 1 900 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,. 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et les condamnations de nature indemnitaire à compter du présent,- ordonné la remise du certificat de travail, de l'attestation Assedic et du solde de tout compte rectifiés conformément au présent,- dit qu'il y a lieu d'assortir le présent de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,- condamné la société Fash and girls aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions en matière d'aide juridictionnelle.

La société Fash and girls a formé régulièrement appel de cette décision le 9 février 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 21 janvier 2011, reprises à l'audience, la société Fash and girls sollicite l'infirmation du jugement déféré et forme, par ailleurs, une demande nouvelle de condamnation de Mme Olympe X... à lui verser 1 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral. Elle sollicite, également, que Mme Olympe X... soit condamnée à lui verser 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et que cette dernière supporte les entiers dépens.

Elle soutient que Mme Olympe X... a bien démissionné et que celle-ci ne justifie pas non plus du préjudice moral qu'elle invoque puisque :
- il ne peut être question de faute de l'employeur,. qui n'a fait que porter plainte, acte qui est sans lien avec les obligations du susdit en matière d'exécution du contrat de travail,. même si la plainte pour vol a été classée sans suite, les faits qui la motivaient, soit des écarts de caisse, étaient réels,. ces écarts sont la conséquence d'une manipulation de caisse de Mme Olympe X... afin d'éviter que l'employeur ne s'aperçoive de retours injustifiés, c'est à dire sans ticket de caisse,. il s'agit là d'une faute professionnelle de Mme Olympe X...,. la démission Mme Olympe X... n'est de toute façon pas liée à cette plainte qu'elle ignorait au moment où elle a envoyé sa lettre,

- s'il y a faute, elle n'est pas imputable à l'employeur,. le prétendu harcèlement moral est le fait des autres salariés et c'est d'ailleurs Mme Z..., simple responsable vendeuse, qui est l'auteur du dépôt de plainte pour vol,. la plainte pour harcèlement moral de Mme Olympe X... a été classée sans suite,. l'inspection du travail, qui est intervenue, n'a pas plus relevé d'infraction,. Mme Olympe X... ne s'était jamais ouvert auprès de son employeur d'un quelconque climat difficile au travail,. Mme Olympe X... ne fournit pas, aujourd'hui, d'éléments qui accréditeraient sa thèse d'un harcèlement moral.

Elle ajoute que la fausse accusation de harcèlement moral portée par Mme Olympe X... n'a pas été sans préjudice pour l'entreprise du fait, et de la tension qui en est résultée, et de l'atteinte à son image.
* * * *
Par conclusions du 5 novembre 2010, reprises à l'audience, Mme Olympe X... sollicite la confirmation du jugement déféré, hormis à voir porter les dommages et intérêts alloués pour rupture abusive à la somme de 3 840 euros.
Elle demande, en outre, que :
- la remise qui avait été ordonnée du certificat de travail, de l'attestation Assedic et du solde de tout compte rectifiés, soit assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir,- il soit dit que l'ensemble des sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance et, qu'il soit fait application de l'article 1154 du code civil sur l'anatocisme,- la société Fash and girls soit condamnée à lui verser 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Elle réplique que :- ce sont les accusations quotidiennes et injustifiées de vol à son encontre qui ont abouti à une dégradation de ses conditions de travail et de son état psychologique,. le problème résidait dans le fait que : o la caisse délivrait un seul ticket, o comme la caisse était faite chaque jour, quand une cliente revenait et qu'il était procédé à un remboursement, cela se traduisait automatiquement par un écart de caisse, o le seul moyen pour la vendeuse de prouver sa bonne foi suite à l'opération était de laisser le ticket de caisse initial dans le tiroir-caisse,. il appartenait à l'employeur de prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin à ce problème (interdiction des retours d'articles, acquisition d'une autre caisse-enregistreuse...),. au lieu de cela, il a laissé s'installer une suspicion générale au sein de l'entreprise,. l'inspection du travail s'est émue de ce climat social difficile,. l'employeur ne peut dire qu'il n'a pas à en répondre, alors qu'il a l'obligation légale de prévenir le harcèlement moral et que, la personne qu'il rend responsable de la situation est sa salariée, donc sous sa subordination juridique, et de plus son épouse,

- cette exécution déloyale du contrat de travail, de même que le harcèlement moral commis, lui ont causé un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du dit contrat ; elle le décrit.
Elle signale sinon que, malgré l'exécution provisoire dont était assortie la décision de première instance, elle a été obligée de mettre en place une procédure d'exécution forcée qui ne lui a pas permis, néanmoins, d'obtenir ses documents de fin de contrat, de même que les dommages et intérêts accordés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture des relations contractuelles
La démission est un acte unilatéral, par lequel le salarié manifeste, de façon claire et non équivoque, sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Toutefois, si la volonté du salarié est bien de rompre son contrat de travail, mais en raison des manquements qu'il reproche à son employeur, cette " démission " doit s'analyser en une prise d'acte.
Cette prise d'acte produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués à l'appui la justifiaient, soit d'une démission dans le cas contraire.
Mme Olympe X... a écrit à la société Fash and girls le 11 janvier 2008 : " Je vous fais part via cette lettre de ma démission. En effet, depuis quelques temps vous m'accusez injustement de vol au sein de votre entreprise. Étant donné la situation, je ne peux plus psychologiquement poursuivre mon contrat, je pense que vous vouliez que je démissionne, alors c'est chose faite... ".

Ces termes sont sans ambiguïté ; l'on est en face d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur de la part de Mme Olympe X....
* * * *
Il faut, dès lors, reprendre les griefs avancés.
Le juge est tenu d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, et même si ceux-ci n'ont pas été énoncés dans le courrier adressé à l'employeur par lequel le salarié a pris acte de la rupture.
En cas de prise d'acte de la rupture, c'est en tout cas le salarié qui a la charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de son employeur.
Et, les faits doivent être suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Mme Olympe X... verse :
- l'attestation de son dépôt de plainte au commissariat, le 11 janvier 2008, contre Mme Y... A... épouse Z..., pour harcèlement moral et diffamation, faits qui auraient été commis entre son embauche et la date de la plainte,
- deux convocations au commissariat, datées des 11 et 31 janvier 2008 ; ces convocations font suite à la plainte déposée par la société Fash and girls pour vol,
- une ordonnance d'un médecin généraliste en date du 28 décembre 2007 qui lui prescrit du " Stresam : 1cp matin et soir pendant 15 jours ",
- une réponse du 18 mars 2009 du contrôleur du travail, Mme Géraldine B..., à sa propre demande ; il est écrit :
" Suite à votre demande, je confirme par ce courrier que l'inspection du travail a procédé à un contrôle des conditions de travail des salariés de la SARL " FASH et GIRLS ", gérée par Monsieur et Madame Z..., dans ses trois points de vente (sur Angers) le 19 décembre 2007. Un courrier d'observations sur les constats relevés a été envoyé ensuite au responsable de la société. Monsieur C... (contrôleur du travail) et moi-même, nous sommes ensuite entretenus avec Monsieur Z... Ayoub le 14 mars 2008 afin de faire le point sur les constats effectués en décembre d'une part et d'autre part sur le climat social difficile régnant dans la société dont nous avions connaissance. L'inspection du travail n'a pas relevé d'infractions par procès-verbal à l'issue de ces contrôles... ".

La société Fash and girls produit, de son côté, en dehors de certaines des pièces déjà citées :
- la copie de l'enquête menée par le commissariat à la suite de la plainte pour harcèlement moral et diffamation,
- le classement sans suite de cette plainte par le parquet d'Angers, le 3 juillet 2008, au motif que " l'infraction est insuffisamment caractérisée ".
* * * *
Dans le cadre de la plainte pour harcèlement moral et diffamation, Mme Olympe X... a été entendue le 11 janvier 2008, Mme Y... Z... le 29 janvier 2008, une confrontation ayant été réalisée entre les deux femmes le 31 janvier 2008.
La teneur des procès-verbaux est la suivante :- Mme Olympe X..., le 11 janvier 2008- "... Dès mon embauche, Madame Z..., lorsqu'elle était dans le magasin, rabaissait régulièrement devant les clients et mes collègues de travail, en me parlant comme un chien, par exemple en disant " c'est dur de trouver du bon personnel, vous allez tous pointer aux Assedic ", elle m'a parfois traitée de " nulle ". Madame Z... m'a souvent adressé la parole de façon directive et méprisante. Elle m'a accusé à deux reprises de vol sans en apporter la preuve. Mardi 26 décembre 2007, sans explication, Madame Z... m'a interdit de toucher à la caisse par l'intermédiaire d'une collègue. Enfin, j'ai pourtant beaucoup pris sur moi mais l'atmosphère et les conditions de travail sont devenues invivables. J'avais l'impression d'être en permanence surveillée par mes propres collègues de travail et fini par aller voir mon médecin qui m'a prescrit des anxiolytiques et arrêté plusieurs jours... ",

- Mme Y... Z..., le 29 janvier 2008- "... Je ne reconnais pas les faits qui me sont reprochés... La personne qui dépose contre moi était une vendeuse d'un magasin qui m'appartient... Je ne travaillais pas dans la même boutique qu'elle. Elle avait un poste assimilé à un poste de responsable. J'avais confiance en elle. J'ai déposé plainte contre mes trois salariées pour vol en décembre 2007. Il manquait de l'argent dans les caisses. La plainte est toujours en cours et les trois salariées ont été entendues. Olympe fait partie de ces trois salariées. Je pense qu'il s'agit d'une plainte en réponse à la plainte que j'ai moi-même déposée contre elle. Olympe travaillait dans ma boutique de puis mars 2007. Les faits dénoncés ne sont pas avérés. Je n'ai jamais tenu de tels propos. D'autres vendeuses présentes dans la boutique auraient pu témoigner de mes paroles à son égard, ce qui n'est pas le cas. Devant les clients, je ne me suis jamais adressée à elle en la rabaissant. Il est vrai que nous avons eu une explication au sujet du fait que je ne voulais pas qu'elle touche à la caisse. Cette conversation a débuté dans la boutique. Je m'apprêtais à partir lorsque Olympe a voulu des explications au sujet de la caisse. J'avais des suspicions sur le fait qu'elle me vole dans la caisse. Elle voulait savoir si j'avais déposé plainte. Je n'ai jamais tenu les propos qu'elle dénonce. J'ai peut-être dit qu'il était dur de trouver du bon personnel mais pas à son égard. Olympe a effectivement été en arrêt maladie du 07/ 01/ 08 au 12/ 01/ 08. Avant cette date, elle était en congé normal et ensuite elle s'est mise en arrêt maladie. J'avais effectivement demandé à ses collègues de travail pour qu'elle ne touche plus à la caisse. Le 12/ 01 Olympe m'a fait parvenir un courrier recommandé pour démissionner... ",

- Confrontation, le 31 janvier 2008- "... Mme X... : Je maintiens mes déclarations... Avez-vous des témoins des faits que vous avez avancés à l'égard de Mme Z... ? Oui j'ai des témoins au minimum trois. Je les ai contactés mais je ne suis pas parvenue à les voir. Je vais faire le maximum pour avoir des attestations que je vous ferai parvenir. Est-il exact que vous ayez démissionné ? Oui j'ai démissionné au 12/ 01/ 08 car moralement je ne pouvais plus supporter. Est-il exact que vous ayez été entendue pour des faits de vol dans la caisse de votre boutique ? Oui c'est exact. J'ai été entendue, l'enquête est toujours en cours. Nous étions trois mises en cause. Est-il exact que vous aviez un poste assimilé à un poste de responsable dans la boutique... ? Oui, mais je n'ai pas eu le statut de responsable. Le salaire n'était pas à la hauteur d'un statut de responsable. Je travaillais dans cette boutique seule avec une autre salariée ce qui permet à Mme Z... de dire que j'ai le statut de responsable et ce que depuis le mois d'octobre 2007. Les propos que vous avez dénoncés se sont-ils produits le jour où vous avez demandé des explications à Mme Z... ? Non pas forcément. Avez-vous quelque chose à ajouter ? Ma plainte a été déposée la veille de ma convocation au commissariat... Je ne savais pas qu'il y avait une plainte pour vol de déposée contre moi. Mme Z... m'avait dit qu'il y avait une plainte de déposée contre ma collègue mais je ne savais pas que j'étais concernée par la plainte. Je pensais que Mme Z... voulait que je démissionne mais je ne savais pas qu'elle avait déposée contre moi pour vol.

Mme Z... : Pourquoi n'avez-vous pas licencié Mme X... si vous la suspectiez de vol ? Lorsque je suis allée déposer plainte le policier m'a dit qu'il était préférable d'attendre la fin de l'enquête. Les trois salariées concernées sont embauchées en CNE. J'avais déposé dans un premier temps contre une seule salariée Ingrid. J'y suis retournée ensuite pour déposer contre les autres filles. Avez-vous des soucis avec les salariés des autres boutiques ? Non je n'ai pas de soucis avec les salariés des autres boutiques. Nous avons fait confiance à Olympe et je lui ai dit d'ailleurs. Elle m'a déçue. Comment expliquez-vous qu'il y aurait d'autres témoignages attestant de vos propos ? Je ne sais pas. Il s'agit certainement de copines à elle. Je ne sais pas d'où viennent ces témoignages.

Mme X... : Les témoignages viennent-ils de salariées de Mme Z... ? Oui.

Mme Z... : Il ne s'agit pas de copines mais bien de salariées ? Oui, mais disons ce sont de bonnes copines à elle. Je ne comprends pas les filles me racontaient leur soirée, leur vie privée et une complicité s'est installée. Je connais la vie d'Olympe. Constatons que ces propos sont confirmés par Mme X....

Mme Z... : Avez-vous autre chose à ajouter ?... Je ne suis pas d'accord avec les termes de harcèlement. Pour ce qui est de diffamation je suis d'accord car il était normal que les autres filles soient au courant. J'ai effectivement dit aux filles de m'informer de tout souci concernant Olympe. J'avais constaté un mauvais comportement de la part de Olympe à l'égard d'une autre vendeuse c'est pour cela que j'avais dit çà.

Mme X... : Confirmez-vous votre déposition ? Oui. Je n'ai rien d'autre à ajouter ".

Mme Olympe X... a contacté, à nouveau, les services de police le 7 février 2008. Il est noté au procès-verbal : " elle n'est pas en mesure de fournir des attestations ni aucun témoignage des autres salariées, ces dernières ne désirant pas que leurs noms apparaissent dans la procédure ".

L'enquête est clôturée le 8 février 2008.
* * * *
" Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " indique l'article L. 1152-1 du code du travail.
En cas de litige, les règles de preuve sont aménagées par l'article L. 1154-1 du code du travail qui précise :
"... le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".

Il est acquis que :
- Mme Olympe X... avait été embauchée par la société Fash and girls en tant que vendeuse et, occupait de fait, depuis le mois d'octobre 2007, le poste de responsable du magasin dans lequel elle travaillait,
- Mme Olympe X... a été accusée deux fois de vol par son supérieur hiérarchique, Mme Y... Z... responsable des ventes au sein de la société Fash and girls, sans que ne soit prise une quelconque mesure de mise à pied à titre conservatoire à son encontre et, sans qu'une plainte ne soit déposée,
- la plainte pour vol n'est intervenue que courant décembre 2007,
- Mme Y... Z... avait demandé aux autres salariées d'exercer une surveillance à l'endroit de Mme Olympe X...,
- Mme Y... Z... a interdit à Mme Olympe X... de " toucher à la caisse " le 26 décembre 2007, sans toujours que soit prise de mesure de mise à pied à titre conservatoire,
- l'inspection du travail avait été avertie de l'existence " d'un climat social difficile " au sein de la société Fash and girls, au point de s'y déplacer le 19 décembre 2007,
- Mme Olympe X... s'est vu délivrer, le 28 décembre 2007, un médicament de la famille des anxiolytiques par son médecin,
- Mme Olympe X... n'a pu reprendre son travail à l'issue de ses congés de fin d'année, ayant été l'objet d'un arrêt de travail du 7 au 12 janvier 2008,
- Mme Olympe X... a rédigé, le 11 janvier 2008, une lettre de démission à la société Fash and girls, dans laquelle elle faisait, entre autres, état de son incapacité, au plan psychologique, à poursuivre sa relation de travail,
- Mme Olympe X..., le même 11 janvier 2008, s'est rendue au commissariat, déposant plainte contre Mme Y... Z... des chefs de harcèlement moral et diffamation.
* * * *
Certes, la plainte de Mme Olympe X... a été classée sans suite.
Certes, l'inspection du travail, qui avait tout de même fait des observations écrites à l'issue de sa visite le 19 décembre 2007, n'a pas été plus loin après sa rencontre, le 14 mars 2008, avec le dirigeant de la société Fash and girls.
Certes, Mme Olympe X... reconnaît l'existence d'écarts de caisse, même si la plainte pour vol de la société Fash and girls (étant indifférent que ce soit sa responsable des ventes qui l'a déposée, s'étant présentée comme agissant au nom de son employeur) a été, elle aussi, classée sans suite.
Il n'en demeure pas moins que, Mme Y... Z..., supérieure hiérarchique de Mme Olympe X..., a accusé à deux reprises cette dernière de vol, allant jusqu'à lui interdire de toucher à son outil de travail, sans que, ainsi qu'on l'a dit, la société Fash and girls n'engage jamais de procédure conservatoire envers sa salariée.
Cela a même été plus loin puisque, Mme Y... Z... a demandé aux subordonnées de Mme Olympe X... de surveiller cette dernière, au point que Mme Olympe X... se sente épiée sur son lieu de travail.
De telles attitudes sont à l'origine d'une dégradation des conditions de travail et de l'état de santé de Mme Olympe X....
Et, la société Fash and girls ne peut opposer le classement sans suite de la plainte déposée par Mme Olympe X..., une telle décision n'ayant pas l'autorité de la chose jugée.
Pas plus, la société Fash and girls ne peut, afin d'échapper à ses responsabilités, se retrancher derrière des agissements dont ses salariées seraient l'auteur.
En effet, l'article L. 1152-4 du code du travail prévoit que :
" L'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ".
En outre, l'article L. 4121-1 du même code indique, de manière générale, que :
" L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1o Des actions de prévention des risques professionnels ; 2o Des actions d'information et de formation ; 3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés.
Et quand bien même, n'aurait-il pas commis de faute lui-même, l'employeur aurait à répondre du harcèlement moral commis par un ou ses salarié (s) sur un autre, voire des mêmes faits commis par un tiers sur un de ses salariés.
Ici, en plus d'être salariée de l'entreprise, Mme Y... Z... est l'épouse du dirigeant de la société Fash and girls.
La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme Olympe X... doit, dans ces conditions, produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

S'agissant d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme Olympe X... peut prétendre aux diverses indemnités de rupture.
* * * *
L'article L. 1235-5 du code du travail permet au salarié qui ne compte pas plus de deux ans d'ancienneté chez son employeur et qui a subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse d'obtenir une indemnité.
La dite indemnité est calculée en fonction du préjudice nécessairement subi, dont l'étendue est souverainement appréciée par les juges du fond.
Mme Olympe X... était âgée de 26 ans et avait dix mois et onze jours d'ancienneté lorsqu'elle a été dans l'obligation de quitter son emploi.
Elle est de nouveau employée en contrat de travail à durée indéterminée depuis le mois de décembre 2009 dans le télé-marketing, ne souhaitant plus, a t'elle dit à l'audience, travailler dans la vente. Elle n'a eu, antérieurement, à ce contrat à durée indéterminée, que des contrats précaires et, souligne que, son employeur ne lui ayant pas délivré son attestation pour le Pôle emploi, elle n'a pu faire valoir aucun droit à ce titre.
L'indemnité qui lui a été accordée par le conseil de prud'hommes sera portée à la somme de 3 500 euros.

* * * *

Il y a lieu de confirmer l'indemnité compensatrice de préavis comme les congés payés afférents alloués en première instance, soit respectivement 1 280 euros et 128 euros.

Sur le préjudice distinct

Mme Olympe X... ne peut se placer, à la fois, sur le terrain contractuel et sur le terrain délictuel pour obtenir l'indemnisation du même préjudice.
Il est certain que le harcèlement moral de la société Fash and girls à son égard, qui a été reconnu, lui a causé un préjudice autre que celui de la perte de son emploi.
En revanche, il n'y pas eu " neuf mois de reproches verbaux permanents ", de même que Mme Olympe X... ne justifie pas " des angoisses permanentes qui lui gâchent sa vie quotidienne, alors qu'auparavant elle était plutôt d'humeur joyeuse ", ainsi que cela a pu être écrit.
L'indemnité qui lui a été accordée par le conseil de prud'hommes sera ramenée à la somme de 800 euros.

Sur la demande reconventionnelle de la société

Étant dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme Olympe X... produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en lien avec le harcèlement moral subi, la société Fash and girls ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, suite au harcèlement moral dont elle a été accusée par son ex-salariée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME la décision déférée, hormis sur le montant des indemnisations pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice distinct,
Statuant à nouveau de ces derniers chefs,
CONDAMNE la société Fash and girls à verser à Mme Olympe X...,. 3 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 800 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société Fash and girls de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
ORDONNE à la société Fash and girls de remettre à Mme Olympe X... un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le mois suivant la notification de l'arrêt,
CONDAMNE la société Fash and girls à verser à Mme Olympe X... la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la société Fash and girls aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00378
Date de la décision : 17/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-05-17;10.00378 ?
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