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19/04/2011 | FRANCE | N°09/01823

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 avril 2011, 09/01823


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01823.
Jugement Conseil de Prud'hommes de SAUMUR, en date du 30 Juillet 2009, enregistrée sous le no F 08/ 00116

ARRÊT DU 19 Avril 2011

APPELANTE :
Madame Christiane X...... 49100 ANGERS
représentée par Maître Nathalie ROUXEL CHEVROLLIER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
S. A. S. CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE EXPLOITANT CARREFOUR ANGERS ST SERGE 3 Boulevard Gaston Ramon 49000 ANGERS
représentée par Maître Gérard SULTAN (

SCP) avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Février 2011...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01823.
Jugement Conseil de Prud'hommes de SAUMUR, en date du 30 Juillet 2009, enregistrée sous le no F 08/ 00116

ARRÊT DU 19 Avril 2011

APPELANTE :
Madame Christiane X...... 49100 ANGERS
représentée par Maître Nathalie ROUXEL CHEVROLLIER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
S. A. S. CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE EXPLOITANT CARREFOUR ANGERS ST SERGE 3 Boulevard Gaston Ramon 49000 ANGERS
représentée par Maître Gérard SULTAN (SCP) avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Février 2011, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 19 Avril 2011 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

EXPOSE DU LITIGE
Madame Christine X... a été embauchée en contrat à durée déterminée le 1ER octobre 1972, en qualité d'employée aux écritures par la sas CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE, puis le 1ER avril comme employée administrative, en contrat à durée indéterminée ce au sein du magasin CARREFOUR d'Angers Saint Serge.
Elle connu une progression de carrière régulière et occupait le 23 août 2003 dans le même magasin un emploi de conseillère administrative comptable niveau III de la convention collective du commerce de détail lorsqu'elle a subi, du fait d'une lourde pathologie, un arrêt de travail qui s'est déroulé jusqu'au 16 mai 2004, date à laquelle elle a repris le travail à mi-temps thérapeutique, puis à temps complet, le 17 octobre 2004.
L'avis d'aptitude à la reprise du 19 octobre 2004 comportait des réserves consistant en la contre-indication au port de charges, à un poste de manutention habituelle et à la station debout prolongée.
Pendant l'absence de madame X..., avait commencé la mise en place d'une réorganisation des services comptables et administratifs de la société CARREFOUR, qui tendait, sous l'appellation de " projet BACH " à une harmonisation au sein de l'entreprise des règles de gestion.
Le 5 juillet 2004, la société CARREFOUR signait dans ce cadre avec les partenaires sociaux, un accord interentreprises de méthode, aux termes duquel elle s'engageait à ne procéder à aucun licenciement économique lié à la mise en oeuvre de la réorganisation comptable et à effectuer le reclassement des salariés affectés par cette réorganisation.
Madame X... assistait, en conséquence, le 27 septembre 2004 à une réunion du Comité d'Etablissement sur le projet en cours, faisait l'objet d'un entretien le 20 octobre 2004, le 2 décembre 2004, de trois propositions de postes de reclassement, et en janvier 2005, d'un bilan de compétences.
Du 8 mars 2005 au 17 juillet 2005, madame X... était en arrêt maladie pour des suites réparatrices de sa pathologie, et le médecin du travail la disait apte à la reprise du travail le 25 août 2005, avec une contre-indication au port de charges de plus de trois kilos.
Elle était reconnue par la Cotorep travailleur handicapé classé catégorie B.
En décembre 2005, par l'entremise de son conseil, madame X... interpellait la société CARREFOUR sur sa situation de travail, qu'elle vivait difficilement, se plaignant de " placardisation ", " indifférence et incompréhension " de la direction ; elle critiquait la nature des propositions de reclassement qui lui avaient été faites, leur reprochant de la laisser inoccupée une partie de la journée, de ne pas respecter les restrictions médicales posées par le médecin du travail, et réitérait ces critiques au long de l'année 2006.
Madame X... était en arrêt de travail au cours de l'année 2006, du 25 février au 5 mars, du 16 au 30 juin, du 7 au 20 août, du 20 au 21 septembre, du 27 septembre au 4 octobre puis du 12 décembre 2006 au 21 janvier 2007, à chaque fois pour " syndrome anxio-dépressif ".
Le 12 décembre 2006, l'inspecteur du travail alerté par le conseil de madame X..., se déplaçait dans l'entreprise et interpellait l'employeur sur le contenu du poste de travail de madame X... ; la société CARREFOUR faisait, en conséquence, le 16 janvier 2007, à madame X... une nouvelle proposition de poste de reclassement consistant en des tâches administratives, dont madame X... convenait qu'elles étaient conformes à sa qualification professionnelle et aux restrictions énoncées par la médecine du travail, mais dont elle restait insatisfaite, car elle chiffrait leur durée journalière à 3 heures.
Madame X... saisissait le 26 janvier 2007 le conseil de prud'hommes d'Angers pour voir son l'employeur condamné à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral, puis en cours d'instance, sollicitait la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et le versement d'indemnités pour un montant global de 225 000 euros.
La société CARREFOUR, constatant que monsieur Y..., salarié comme madame X... du service comptable du magasin d'Angers Saint Serge, présidait le conseil de prud'hommes d'Angers et faisait partie de la section commerce saisie par madame X..., sollicitait le dépaysement du dossier au profit du conseil de prud'hommes de Saumur, ce que refusait le conseil de prud'hommes d'Angers, mais qu'ordonnait la cour d'appel d'Angers par arrêt du 1ER juillet 2008.
A partir du 7 mai 2007, madame X... faisait l'objet d'arrêts de travail renouvelés pour syndrome anxio-dépressif et présentait une demande de reconnaissance de maladie professionnelle que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers rejetait le 20 mai 2008.
Madame X... était reconnue apte à la reprise du travail à compter du 1ER juin 2008 en mi-temps thérapeutique, et la société CARREFOUR lui proposait lors d'un entretien tenu le 22 juillet 2008, un poste de reclassement au service administratif du magasin, proposition qui lui était confirmée par un écrit du 28 juillet 2008.
Dans leur dernière formulation, les demandes faites par madame X... devant le conseil de prud'hommes de Saumur étaient de :
- voir prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE,- voir celle-ci condamnée à lui payer :
• 3927, 50 euros pour indemnité compensatrice de préavis, • 1089, 55 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, • 22 681, 84 euros à titre d'indemnité de licenciement, • 141 390 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice découlant de la rupture du contrat de travail, • 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Madame X... demandait également l'exécution provisoire de la décision à intervenir, la remise de son attestation ASSEDIC et de son certificat de travail, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées, à compter de la date de la demande et avec application des dispositions de l'article 1154 du code civil, et la condamnation de la société CARREFOUR à lui payer la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 juillet 2009 le conseil de prud'hommes de Saumur a :- rejeté la demande principale de madame X... aux fins de rupture de son contrat de travail aux torts de la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE,- rejeté les demandes de madame X... accessoires à la demande principale en rupture du contrat de travail,- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par madame X... à l'encontre de la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE au titre de l'article 1382 du code civil,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné madame X... aux dépens.
Madame X... a fait appel de cette décision.
L'affaire a été appelée à l'audience du 26 octobre 2010, puis renvoyée au 24 février 2011.
Le 22 octobre 2010, madame X... a fait l'objet d'un avis d'inaptitude au travail, à tous postes de l'entreprise, le médecin du travail visant le " risque grave et imminent " et une " contre-indication totale à tout contact avec l'entreprise ".
Après entretien préalable en vue d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, madame X... a été licenciée le 18 janvier 2011.
Elle a modifié en conséquence ses demandes devant la cour.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Madame X... demande à la cour par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, au visa des articles 1147, 1184, 1382 du code civil, L1152-1, L1235-2, L1226-10 et suivants du code du travail de :- requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement abusif, en raison des graves manquements commis par l'employeur, à l'origine de son état de santé, rendant impossible la poursuite de son contrat de travail.- condamner la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE au paiement des indemnités suivantes : • 4291, 74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, • 429, 17 euros à titre de congés payés, • 23 480, 03 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, • 142 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice découlant, de la rupture du contrat de travail, • 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral, • 2145, 87 euros à titre de dommages et intérêts au titre du droit individuel à la formation, • 28 648, 92 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de reclassement et absence de consultation des délégués du personnel.- ordonner la remise à la salariée de son attestation destinée à pôle emploi, de son certificat de travail, de son dernier bulletin de salaire, de son solde de tout compte, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,- ordonner à la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE de communiquer tous les éléments permettant de calculer l'intéressement et la participation de madame X... au titre de l'exercice 2010,- condamner la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE à verser à madame X... l'intéressement et la participation au titre de l'exercice 2010,- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et ordonner la capitalisation par application des dispositions de l'article 1154 du code civil,- condamner la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE à payer à madame X... une indemnité au titre des frais irrépétibles de 5000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE aux dépens.
Madame X... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et résulte exclusivement de l'attitude fautive de l'employeur et de ses graves manquements, tant à ses obligations contractuelles, qu'à son obligation générale de sécurité de résultat.
Elle reproche à son employeur d'avoir fait une exécution déloyale et de mauvaise foi de l'obligation de reclassement qui résultait de l'accord interentreprises du 5 juillet 2004 pour les salariés concernés par la suppression de leurs tâches.
Elle relève sur ce point :
- que la société CARREFOUR a attendu cinq mois après son retour de maladie pour l'interroger sur ses souhaits, et lui a fait seulement le 2 décembre 2004 une unique proposition de reclassement, incompatible avec son état de santé ; qu'en effet, il s'agissait de trois postes de conseillère de vente niveau 3 aux rayons fruits et légumes, ménage et parfumerie, ce qui ne constitue pas les " trois postes différents " visés par l'article 6 de l'accord de méthode ; qu'en outre, ces tâches supposaient le port de charges et la station debout prolongée, contrairement aux réserves de l'avis d'aptitude de reprise du travail ; que l'offre suivante est intervenue le 22 février 2006, soit 15 mois plus tard, et que cette proposition de conseillère administrative pour la gestion et le développement des bons d'achat auprès des entreprises était " factice " puisque madame X... remplissait déjà la plupart des attributions que comportait ce poste, à l'exception des deux premières tâches (développer les ventes de bons d'achat aux entreprises et démarcher les comités d'entreprise téléphoniquement ou sur rendez-vous), de nature commerciale, qu'elle se sentait dans l'incapacité de remplir, pour des raisons tant médicales (elles impliquaient une station debout prolongée) que professionnelles (l'aspect commercial était sans rapport avec ses aptitudes professionnelles et elle ne conduisait pas, ce qu'elle avait rappelé à l'employeur).- qu'elle a pourtant fait un essai en juillet 2006 au rayon culture, et est tombée malade, ce poste l'obligeant à lever les bras et porter des charges.- qu'elle a donc eu exclusivement des propositions incompatibles avec son état de santé ne constituant en outre pas un temps plein, et lui donnant un sentiment de " placardisation " ; que ces postes ne correspondaient pas non plus à sa qualification professionnelle, alors que la société CARREFOUR a proposé, en application de l'accord, des postes comptables à mesdames Z... et A..., pourtant à son avis, moins aptes qu'elle même à les occuper.- que la fourniture de travail est bien une obligation essentielle de l'employeur, et qu'il y a eu de la part de la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE exécution fautive du contrat de travail, ce défaut d'activité réelle des postes occupés ayant été constaté en décembre 2006 par l'inspecteur du travail ; qu'en 2010, avant son dernier arrêt de travail, elle n'était plus occupée " que quelques heures à effectuer des tâches subalternes au PAM " (pool administratif du magasin), s'agissant de " scanner des étiquettes ".- qu'un horaire de nuit a même pu lui être proposé, en contradiction avec les contre-indications de la médecine du travail.- qu'ainsi " faisant office de bouche trou ", elle a dû par ailleurs " subir les humiliations et vexations en tous genres de certaines de ses collègues de travail ".
Madame X... soutient également qu'elle a été victime de harcèlement moral au sens de l'article L1152-1 du code du travail, la mise à l'écart, les accusations injurieuses, puisque l'employeur l'a accusée dans ses écrits de chercher à se faire licencier, le " mépris et l'indifférence " de celui-ci, ayant gravement altéré sa santé et compromis son avenir professionnel.
Elle affirme qu'il n'existe aucune autre raison à l'inaptitude médicalement constatée, que le comportement fautif de l'employeur, les médecins ayant dit son état dépressif sans lien avec sa pathologie initiale, dont elle s'est bien rétablie, mais causé par sa situation au travail.
Madame X... soutient aussi, qu'après l'avis d'inaptitude, la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE s'est abstenue de toute tentative de reclassement préalable au licenciement ; qu'en outre, les délégués du personnel n'ont pas été consultés.
Madame X... rappelle enfin qu'elle a 58 ans, et comptait au moment de son licenciement 41 ans d'ancienneté dans l'entreprise, ce qui justifie le montant de ses demandes ; qu'elle avait toujours fait preuve d'un grand investissement dans son travail et avait le souhait de poursuivre sa carrière au sein de la société CARREFOUR mais non d'être licenciée.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE demande à la cour, par observations orales reprises sans ajout ni retrait dans ses écritures, de confirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement de madame X... procède d'une cause réelle et sérieuse, de la débouter de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme qu'elle réclame au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient avoir offert à madame X... des postes de reclassement conformes à ses qualifications professionnelles et, malgré ses refus successifs, poursuivi ses recherches en l'informant des tâches confiées, sur lesquelles l'inspection du travail n'a pas émis de réserves ; que sa rémunération a été constamment maintenue.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE rappelle, qu'en conséquence, du souhait émis le 3 novembre 2004 par madame X... celle-ci a pu bénéficier d'un bilan de compétence en début d'année 2005, mais n'a pas donné suite à la proposition de conseillère de vente dans le domaine floral ; que le poste de conseillère administrative pour la gestion et le développement des bons d'achat auprès des entreprises ressortait bien de sa qualification professionnelle et ne constituait qu'un simple changement de ses conditions de travail ; qu'un plan de formation, découverte du rayon culture, lui a été remis en juillet 2006, mais qu'un arrêt de travail s'en est suivi, enfin, qu'elle respecté " à la lettre " dès le 21 décembre 2006 les recommandations faites le 12 de ce mois par l'inspecteur du travail sur la nécessaire augmentation de la durée journalière du temps de travail de madame X....
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE observe que l'inspecteur du travail n'a émis aucune réserves sur la proposition de poste du 16 janvier 2007, constituée de tâches administratives, et issue des échanges de décembre 2006, dont madame X... ne conteste pas qu'elle ait correspondu à sa qualification professionnelle, ainsi qu'aux préconisations de la médecine du travail ; que le poste proposé le 28 juillet 2008 au pool administratif du magasin répondait également aux attentes de madame X... et aux restrictions posées par le médecin du travail.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE récuse l'accusation de harcèlement moral et relève que lors d'une réunion tenue le 22 juillet 2008 en présence du directeur du magasin d'Angers saint Serge, du manager du pool administratif du magasin, du médecin du travail, madame X... avait exprimé ses " remerciements " pour cet échange.
Elle soutient que le conseil de madame X... a instrumentalisé le litige en intervenant auprès de l'inspection du travail, qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de la dépression subie par madame X..., qui n'a pas été reconnue comme maladie professionnelle, et que les certificats médicaux versés au débat par la salariée ne sont que le reflet de ses allégations sur l'origine de son état de santé.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE soutient, quant au licenciement de madame X..., n'avoir pas eu l'obligation de consulter les délégués du personnel, puisque l'inaptitude n'intervenait pas " à l'issue de périodes de suspensions du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident professionnel " ainsi qu'il est énoncé à l'article L1226-10 du code du travail ; qu'elle justifie avoir interrogé madame X... sur ses souhaits, puis le médecin du travail qui a répondu " si j'estimais qu'un poste aurait pu lui convenir, je n'aurais pas manqué de vous en aviser ", et enfin et néanmoins avoir questionné toutes les composantes du groupe CARREFOUR, ce en vain.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE indique enfin que dès que les comptes 2010 seront arrêtés et les calculs de l'intéressement et de la participation effectués, les sommes revenant à madame X... lui seront versées ; que son droit au D. I. F. lui a été notifié dans la lettre de licenciement et qu'il lui appartient de dire si elle entend ou non en bénéficier.

MOTIFS DE LA DECISION
Devant la cour, madame X... ne reprend pas sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, rejetée par le conseil de prud'hommes.
Sur la cause du licenciement
Madame X... soutient devant la cour que son licenciement pour inaptitude, et donc cette inaptitude, résulte exclusivement des graves manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de sa salariée, en développant des moyens et arguments qui sont les mêmes que ceux qu'elle a présentés devant le premier juge à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.
La cour se livrera en conséquence au même examen que celui auquel a procédé le premier juge sur les conditions du reclassement de madame X... du fait de l'accord interentreprises du 5 juillet 2004, sur les conditions d'exécution de son contrat de travail, au regard de l'obligation de loyauté et de bonne foi de l'employeur, sur l'obligation de sécurité de résultat de celui-ci, sur le respect des avis médicaux d'aptitude émis avec réserves, et sur le harcèlement moral.
Il est établi que la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE a, dans le cadre d'une centralisation de ses services administratifs et comptables, d'une informatisation et d'une automatisation de certaines tâches, commencée en 2004 et poursuivie en 2005 et 2006, dû réaffecter à d'autres postes les salariés concernés par la disparition de leurs activités initiales.
L'employeur ayant signé avec les partenaires sociaux le 5 juillet 2004 un accord mettant en place des mesures d'accompagnement social, accord prolongé au 31 mars 2006, c'est dans ce cadre qu'ont été faites à madame X... des propositions successives de reclassement puisque ses tâches de comptable disparaissaient.
Madame X... qui était revenue au travail en mai 2004 à mi-temps thérapeutique puis à temps complet en octobre 2004 a été reçue en entretien le 20 octobre 2004 et a le 3 novembre 2004 émis le souhait de bénéficier d'un bilan de compétences, de conserver un demi-poste de comptabilité, et a dit que sa préférence en termes de formation concernerait l'art floral.
Il est acquis qu'elle a réalisé ce bilan de compétence en janvier 2005, tandis que la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE lui avait, le 2 décembre 2004, proposé trois postes de conseillère de vente niveau III aux rayons fruits et légumes, ménage et parfumerie.
La fiche de poste était annexée à la proposition et consistait à :- développer la vente des produits par le contrôle de la qualité et leur mise en valeur,- faciliter l'achat des clients et maîtriser la gestion des flux de marchandises-approvisionner les linéaires en magasin,- accueillir, orienter, conseiller les clients et proposer les produits,- proposer des actions de théâtralisation des marchandises,- suivre l'évolution des sous-familles de produits, suggérer des améliorations pour optimiser la présentation du rayon et développer les ventes,- suivre les ventes, les stocks, la démarque ; proposer des quantités d'achats,- analyser des relevés de prix et proposer des mesures correctives,- valider des commandes d'approvisionnement ; éventuellement enregistrer et encaisser les ventes,- préparer et suivre les commandes des clients.

Ces postes devaient tenir compte des réserves médicales portées sur l'avis d'aptitude au travail du 17 octobre 2004, qui interdisait le port de charges, la manutention habituelle, et la station debout prolongée.
La cour constate comme l'a fait le premier juge qu'il s'agissait de produits très différents, ce qui impliquait bien des connaissances et des conditions de travail différentes, et qu'il n'apparaît pas, à l'examen détaillé de la fiche de poste, que ces postes aient entraîné une " manutention habituelle ", une " station debout prolongée " ou " le port de charges ", au moins aux rayons ménage et parfumerie ; que l'employeur a donc fait à la reprise à temps complet de madame X... des propositions conformes à l'accord interentreprises et qui tenaient compte des restrictions médicales imposées.
Il apparaît aussi que madame X... avait subordonné sa réponse sur un poste de conseillère de vente fleurs et compositions florales à la réalisation de son bilan de compétence, qui a eu lieu, mais qu'elle n'a pas donné suite à ce projet.
La proposition suivante est intervenue en février 2006, ce que madame X... juge tardif, mais il faut rappeler cependant qu'elle a été arrêtée du 8 mars au 17 juillet 2005 et a été dite apte au travail le 25 août 2005, avec une contre-indication au port de charges de plus de trois kilos.
L'employeur lui a, à ce moment là, fait une proposition, après entretien, de poste de conseillère administrative pour la gestion et le développement des ventes de bons d'achats aux entreprises.
Ainsi que l'énonce pertinemment le premier juge, ce poste, comme le relève madame X... elle-même, reprenait pour une large part des activités qu'elle effectuait déjà et y ajoutait deux missions d'ordre commercial, le tout n'étant pas en contradiction avec l'avis d'aptitude au travail du 25 août 2005.
Madame X... a objecté, d'une part, qu'elle se sentait incapable d'avoir des activités commerciales car elle n'avait aucune compétence en la matière, mais il apparaît qu'elle pouvait prétendre à une formation, et d'autre part, qu'elle ne conduisait pas, mais la fiche de poste stipule que le démarchage des entreprises pouvait être téléphonique.
Le 23 février 2006, une formation en " suivi des achats fournisseurs " a été proposée à madame X... mais a été empêchée par un arrêt de travail du 25 février, et à l'issue d'un entretien du 13 juillet 2006, un poste au rayon culture lui a été proposé, selon son souhait, et avec un plan de formation découverte, mais madame X... a été arrêtée le 7 août 2006.
C'est donc à juste titre que le premier juge en a, ainsi que le montrent les écrits de madame X..., déduit que la salariée restait dans le désir de conserver son poste initial au service comptabilité.
Il relève encore justement que si l'inspection du travail a formulé des critiques sur les postes proposés en février et juillet 2006, et a également interpellé l'employeur le 12 décembre 2006 sur la durée journalière de temps de travail de madame X..., trouvée insuffisante, celui-ci a immédiatement fait de nouvelles propositions de reclassement, formalisées le 16 janvier 2007, que l'inspection du travail n'a pas récusées ; qu'il s'agissait, comme pour la proposition de février 2006, d'un poste administratif correspondant à la qualification de madame X... et aux restrictions médicales.
On ne peut en effet souscrire au commentaire fait par madame X... sur ce dernier poste qu'elle dit dans ses pièces " vide de substance ", car " son énoncé correspond seulement aux tâches du logiciel ", alors que le document qui lui a été soumis porte sa signature, avec la mention " sous réserve d'une formation adéquate ".
Il n'est pas plus démontré par madame X... que le poste de nature administrative qu'elle a eu en 2009 et 2010 au pool administratif du magasin ne l'ait pas occupée suffisamment, et si un horaire d'embauche à 5 heures du matin apparaît sur le planning de février 2009 il est modifié à 8 heures le 3 mars 2009.
Le premier juge a, par conséquent, au terme d'un examen minutieux des faits, des pièces médicales et contractuelles, et par des motifs que la cour adopte, justement constaté que les manquements de l'employeur à l'obligation d'exécution loyale du contrat, et à l'obligation de reclassement dans le respect des prescriptions médicales, n'étaient pas démontrés.
L'inaptitude constatée le 22 octobre 2010 est liée à un syndrôme dépressif, et si les pièces médicales produites par madame X... établissent que cet état ne fait pas suite à sa pathologie initiale, bien surmontée, elles relèvent l'existence d'un lien avec la situation de travail qui reste dans l'ordre du subjectif mais ne résulte pas de la commission de fautes par l'employeur.
Le docteur B..., du CHU d'Angers a ainsi écrit le 22 novembre 2010 que :
Madame X... décrit une dégradation progressive de sa situation professionnelle en termes de :- menace sur son poste, dans un contexte de restructuration,- propositions de postes incompatibles avec son état de santé-diminution progressive des tâches confiées, sans lien avec sa qualification et son expérience jusqu'à une sous-charge trés mal vécue (sentiment d'inutilité, de discalification de placardisation, " toujours la personne en trop ")- dégradation des relations de travail tant avec sa hiérarchie qu'avec ses collègues (vécu de perte des coopérations, de mise en concurrence, dans un contexte de perte d'emploi). La dégradation du rapport subjectif au travail apparaît comme un facteur essentiel de la décompensation dépressive.
Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ne peut donc pas non plus être retenu.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 30 juillet 2009 est confirmé en ce qu'il a dit non fondées les demandes formées par madame X... pour comportement fautif de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Sur le harcèlement moral
L'article L1152-1 du code du travail stipule qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé mentale ou physique ou de compromettre son avenir professionnel.
Le salarié doit aux termes de l'article L1154-1 du code du travail établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le premier juge a justement rappelé sur ce plan que madame X... ne démontrait pas à l'encontre de son l'employeur qu'il n'ait pas cherché sérieusement à la reclasser mais l'ait " placardisée ".
Le juge a pertinemment observé que la sous-activité mal vécue par madame X... avait été aussi subie par d'autres salariés, que la restructuration du service comptable ne s'étant pas faite sans difficultés et que l'employeur avait tenu compte des observations de l'inspection du travail.
Il a pu, en examinant les faits, dire que le contexte de restructuration avec un changement de taches consécutif, s'est ajouté à un état de santé fragilisé de la salariée ; que des formulations de courriers jugées blessantes, l'attente insatisfaite de madame X... de conserver son activité de départ, ont créé un climat d'incompréhension mutuelle, mais que les faits invoqués ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur.
Le contenu du compte-rendu de réunion du 22 juillet 2008, relatant l'échange intervenu entre madame D..., membre du CHSCT, madame C..., manager du pool administratif du magasin, monsieur E..., directeur du magasin de Saint Serge, madame X... et monsieur F..., médecin du travail, et qui a eu pour objet, après sa reprise du travail le 2 juin 2008, en mi-temps thérapeutique, le " suivi du reclassement de madame X... ", permet de lire que madame X... avait dans un premier temps refusé de se trouver dans le même bureau que d'anciennes collègues, qu'elle se plaignait dans ses nouvelles activités, de n'avoir " qu'à cliquer " et qu'il lui a été exposé que le poste ne se résumait pas à cela et était en cours d'évolution ; qu'elle a demandé une formation et qu'il lui a été dit que celle-ci serait fournie.
Cet écrit dit aussi : " madame X... nous explique longuement ses difficultés à intégrer le service, n'arrivant pas à oublier le passé, et précise que l'ambiance du service n'est pas bonne " et encore : " Madame D..., le docteur F..., et monsieur E... précisent à madame X... qu'il lui sera très difficile, tant sur le plan personnel que professionnel, de retrouver un équilibre si elle ne s'efforce pas à se tourner définitivement vers le futur, l'avenir ; et de ranger les vieilles rancoeurs, et que tout le monde doit y mettre du sien..... Après les remerciements de madame X... pour cet entretien, il a été décidé de se revoir fin septembre pour effectuer un second point. "
La cour, par conséquent, adoptant là encore les motifs du premier juge, confirme le jugement du 30 juillet 2009 en ce qu'il n'a pas retenu l'existence de faits de harcèlement moral imputables à l'employeur et a rejeté la demande indemnitaire de madame X... à ce titre.
Sur le reclassement après inaptitude
Il est établi que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a rejeté la demande de madame X... de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur la maladie professionnelle, et les dispositions de l'article L1226-10 du code du travail obligeant l'employeur à consulter les délégués du personnel sur un emploi approprié aux capacités du salarié déclaré inapte n'ont, par conséquent, pas à s'appliquer.
Il est également acquis que la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE a interrogé le médecin du travail sur la nature d'un poste proposable à la salarié, et a reçu une réponse négative.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE justifie, d'autre part, avoir questionné madame X..., puis les nombreuses composantes du groupe, par l'envoi de couriels comportant la nature de son poste et la mention de l'avis d'inaptitude avec ses prescriptions, ce en veillant à obtenir une réponse en retour.
La sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE a donc procédé à la recherche de reclassement dans les termes de l'article L1226-2 du code du travail.
Le licenciement de madame X... a eu une cause réelle et sérieuse et ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour absence de recherche de reclassement et non consultation des délégués du personnel, sont rejetées.
Sur l'indemnite de préavis
Le salarié déclaré physiquement inapte à son emploi peut prétendre au versement d'une indemnité si l'inaptitude est consécutive à une maladie professionnelle, ou due au comportement fautif de l'employeur, ou lorsqu'il a été licencié sans que l'employeur respecte son obligation de reclassement.
Aucune de ces conditions n'étant établie, la demande de madame X... doit être rejetée.
Sur l'indemnité de licenciement, l'intéressement et la participation, et le droit individuel à la formation (dif)
Le contrat de travail cesse ses effets à l'issue du préavis, même si celui-ci n'est pas effectué, et la sas CARREFOUR HYPERMARCHES DE FRANCE versera à madame X... à compter du 19 mars 2011 l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui est due, avec remise des documents de fin de contrat ; les sommes dues au titre de l'intéressement et de la participation seront versées dès qu'elles auront été arrêtées ; madame X... fera connaître à l'employeur ses intentions d'utilisation du DIF qui lui a été notifié.
Ces points ne paraissent pas litigieux et les demandes de madame X..., qui sont sans objet, doivent être rejetées.
Sur les frais irrepétibles et les dépens
Madame X... qui succombe à l'instance d'appel, devra en supporter les dépens.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS
LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 30 juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de Saumur en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement formées par madame X... au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de congés payés, au titre de son préjudice moral, et au titre du comportement fautif de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Y ajoutant,
DIT que le licenciement de madame X... a eu une cause réelle et sérieuse.
REJETTE les demandes formées par madame X... en dommages et intérêts pour absence de recherche de reclassement et non consultation des délégués du personnel dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude.
REJETTE les demandes formées par madame X... au titre de la participation et de l'intéressement, et au titre du droit individuel à la formation.
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE madame X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01823
Date de la décision : 19/04/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-04-19;09.01823 ?
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