COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N
AD/ CJ
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02831.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 02 Décembre 2009, enregistrée sous le no 19 728
Assuré : Didier X...
ARRÊT DU 05 Avril 2011
APPELANTE :
Madame Ifrah Y..., divorcée X..., agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure Alizée X..., née le 21 mars 2002
...
...
Présente, assistée de Maître Alain IFRAH, avocat au barreau du MANS
INTIMEES :
SOCIETE ROGER PAPIN
Le Perquoi
72560 CHANGE
Représentée par Maître VERDIER, avocat au barreau du MANS
C. P. A. M DE LA SARTHE
178, avenue Bollée
72033 LE MANS CEDEX 9
Représentée par Madame LOHEAC, munie d'un pouvoir spécial
EN LA CAUSE
DRASS DES PAYS DE LOIRE
Rue René Viviani
44062 NANTES CEDEX
Absente, avisée, sans observations
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : contradictoire
prononcé le 05 Avril 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Didier X..., salarié de la société ROGER PAPIN, a été victime le 13 mai 2004 d'un accident mortel du travail, alors qu'il était affecté à la réalisation de travaux de terrassement, comme conducteur de camion, sur un chantier sis au Mans.
Une enquête de police a été effectuée, qui a donné lieu à un classement sans suite.
La Caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe a le 12 juillet 2004 pris en charge l'accident au titre de la législation sur les accidents du travail et assuré le versement d'une rente à l'enfant de monsieur X..., Alizée X....
Madame Ifrah Y..., divorcée X..., agissant en son nom personnel et en celui de sa fille Alizée, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, la société ROGER PAPIN.
Madame Ifrah Y..., a en cours de débats, renoncé à toute demande en son nom propre et maintenu ses demandes au nom de sa fille mineure, soit :
- la majoration de la rente accident du travail au taux maximum,
-50 000 euros à titre de préjudice moral,
-2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 2 décembre 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :
- donné acte à Madame Ifrah Y...de ce qu'elle renonçait à toute demande à titre personnel,
- constaté que l'action de Madame Ifrah Y...au nom de sa fille mineure n'était pas prescrite,
- dit que l'accident du travail dont avait été victime le 13 mai 2004 monsieur Didier X... n'était pas dû à la faute inexcusable de l'employeur, la société ROGER PAPIN,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- constaté l'absence de dépens.
Madame Ifrah Y...a interjeté appel le 15 décembre 2009.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Madame Ifrah Y...demande à la cour d'infirmer le jugement et en conséquence de :
- constater la majoration de la rente accident du travail au taux maximum à son profit, es qualité d'administratrice de la personne et des biens de son enfant Alizée X..., issue des relations avec feu monsieur X...,
- allouer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral de l'enfant, âgée de 2 ans au moment des faits,
- allouer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe,
- condamner la société ROGER PAPIN aux dépens.
Madame Ifrah Y...soutient :
- que l'enquête de police établit que monsieur C..., ouvrier employé sur le chantier en même temps que monsieur X..., a fait faire une brusque marche arrière à la pelle hydraulique avec laquelle il extrayait de la terre qu'il déversait ensuite dans le camion de monsieur X... et que son engin a ainsi heurté à la tête monsieur X..., qui passait à pied entre son camion et la pelle pour rejoindre sa cabine de conduite,
- que la pelle n'avait ni avertisseur sonore, ni rétroviseur en état, n'avait pas eu de contrôle semestriel, et que le conducteur ne s'est pas retourné pour manoeuvrer : que l'employeur n'a donc pas respecté l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur lui et a commis une faute inexcusable,
- qu'il n'y a pas identité entre la faute pénale et la faute civile et que celle-ci peut exister indépendamment de l'absence de poursuites devant la juridiction pénale,
La société ROGER PAPIN demande quant, à elle, à la cour de confirmer le jugement entrepris, de dire qu'il n'y a pas lieu de constater l'existence d'une faute inexcusable contre elle, de débouter Madame Ifrah Y...de toutes ses demandes présentées es qualités au nom de la mineure Alizée X..., de dire l'arrêt à intervenir commun et opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, de condamner Madame Ifrah Y...à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
La société ROGER PAPIN soutient :
- que la faute du conducteur de la pelle n'a pas été retenue par l'inspection du travail et que l'accident a pu être causé non par un recul de l'engin mais par une rotation de la tourelle,
- que les règlements n'exigent pas la présence d'un dispositif sonore de recul, ni le port du casque pour la victime, dès lors qu'elle n'était pas affectée au montage, démontage ou levage de charpentes et d'armatures,
- que la vérification réglementaire de la pelle était annuelle et non semestrielle et que cela avait été fait,
- que l'employeur avait respecté les obligations de sécurité et que l'administration du travail n'avait retenu aucune infraction à son encontre,
- que l'accident était dû à un cumul de fautes de la victime, pourtant salarié expérimenté connaissant les dangers de circulation sur un chantier mais qui avait ce jour là, sans casque, avec un taux d'alcoolémie positif dans le sang, pris un risque " énorme " en passant entre l'arrière de son camion et la pelleteuse qui évoluait à moins de 50 cm,
La Caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe s'en est remis à justice sur l'existence d'une faute inexcusable.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la faute inexcusable de l'employeur
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'accident du travail subi par monsieur X... a donné lieu à une enquête de police dans le cadre de laquelle le Procureur de la République du Mans a sollicité par deux fois l'avis de l'inspection du travail, qui lui a indiqué n'avoir relevé aucune infraction à l'encontre de l'employeur.
Il est apparu après recherches de cette administration qu'aucun règlement n'exigeait que la pelleteuse soit équipée d'un dispositif sonore automatique et qu'une vérification annelle des engins est exigée par l'article R233-1 du code du travail et l'arrêté du 5 mars 1003 mais non pas une vérification semestrielle.
Il a été, d'autre part, constaté que même en utilisant un rétroviseur, monsieur C...n'aurait pas pu voir que monsieur X... se trouvait derrière la pelle.
Il est encore apparu que le port du casque n'était pas obligatoire pour la tâche qu'accomplissait monsieur X..., que, d'autre part, lui-même comme monsieur C...avaient été formés à la conduite d'une pelle hydraulique.
Enfin, l'enquête a démontré que l'entreprise ROGER PAPIN avait établi un plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) prévoyant en sa page 5 pour : les risques au cours de la démolition et du terrassement, les moyens de protection suivants :
Ne pas laisser circuler ou stationner des tiers dans le volume d'intervention de l'engin.
Ces consignes étaient connues de monsieur X..., d'autre part formé à la conduite d'une pelle hydraulique puisqu'il disposait d'une autorisation de conduite délivrée le 5 janvier 1999 et renouvelée le 1er janvier 2002.
Les photos prises par les enquêteurs permettent enfin de mesurer combien l'espace était exigu entre l'arrière du camion, disposé pour recueillir les gravats déversés par la pelle, et la tourelle de celle-ci, de plus rotative.
Passer entre les deux engins pour revenir vers la cabine de son camion était de la part de monsieur X... non seulement contraire au PPSPS mais extrêmement risqué, alors que son collègue de travail ne pouvait, aurait-il eu le regard dans ses rétroviseurs à ce moment là, discerner sa présence.
L'enquête aurait-elle d'autre part, ce qui n'est pas le cas, démontré que monsieur C...avait, à ce moment-là, fait reculer sa pelle pour dégager le godet d'un ruban de signalisation du trou creusé, cette donnée serait sans influence sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur auquel aucune infraction aux règles de sécurité applicable sur le chantier n'a été reprochée par l'administration du travail après examen des faits et de la législation.
Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 2 décembre 2009 est confirmé en toutes ses dispositions.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais engagés dans l'instance d'appel et non compris dans les dépens.
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens, la procédure étant gratuite devant les juridictions chargées du contentieux des affaires de sécurité sociale
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 2 décembre 2009,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLMarie-Bernard BRETON