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22/02/2011 | FRANCE | N°09/00532

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 22 février 2011, 09/00532


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 00532.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 16 Février 2009, enregistrée sous le no 08/ 00469

ARRÊT DU 22 Février 2011
APPELANTES :
LA S. A. R. L. FINANCIERE CONSEIL 11 rue des Arènes 49100 ANGERS

représentée par Monsieur Jean-Pierre X..., gérant, assisté de Maître Yves-Marie HERROU, avocat au barreau d'ANGERS


LA S. A. R. L. IMMOBILIERE CONSEIL 11 rue des Arènes 49100 ANGERS

représentée par Maître Yves-Marie ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 00532.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 16 Février 2009, enregistrée sous le no 08/ 00469

ARRÊT DU 22 Février 2011
APPELANTES :
LA S. A. R. L. FINANCIERE CONSEIL 11 rue des Arènes 49100 ANGERS

représentée par Monsieur Jean-Pierre X..., gérant, assisté de Maître Yves-Marie HERROU, avocat au barreau d'ANGERS

LA S. A. R. L. IMMOBILIERE CONSEIL 11 rue des Arènes 49100 ANGERS

représentée par Maître Yves-Marie HERROU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Pascal Y...... 61100 AUBUSSON

représenté par Maître Corentin CRIQUET, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 22 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
Les sarl FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL, sises à Angers, sont des sociétés de conseil en gestion de patrimoine, et ont pour gérant monsieur Jean-Paul X...
Monsieur Pascal Y... a été engagé comme consultant financier, en contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2003 par la sarl FINANCIERE CONSEIL, puis, le 1ER avril 2004, par la société IMMOBILIERE CONSEIL.
Ces emplois le mettaient au contact direct avec les clients de son employeur.
Monsieur Y... a démissionné de ces deux postes le 6 septembre 2005, et a effectué un préavis jusqu'au 7 novembre 2005 inclus.
De façon fortuite, après son départ, les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL ont découvert qu'une société CIFIMO CONSEIL, ayant pour activité principale le conseil en gestion de patrimoine, avait été créée le 7 juillet 2005 par l'épouse de monsieur Y..., madame Isabelle Y..., née Z..., et le père de celle-ci, monsieur René Z....
Monsieur Y... avait, d'autre part, créé le 10 novembre 2005 une activité d'agence immobilière, qu'il exploitait lui-même à BAUNE, en Maine et Loire puis à CHOLET.
Les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL ont, dans le cadre d'une action en concurrence déloyale, saisi Madame la Présidente du tribunal de grande instance d'Angers, qui a désigné maître Marc A..., huissier de justice, avec pour mission de se rendre au domicile de monsieur et madame Y..., de se faire communiquer tous documents et de recueillir toutes déclarations permettant d'établir un détournement de clientèle et une concurrence déloyale à l'égard des sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL.
Après avoir vainement proposé la recherche d'un accord transactionnel, les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL ont saisi le tribunal de commerce d'Angers par assignation du 29 octobre 2007.
Par jugement du 30 juillet 2008 le tribunal de commerce s'est :
- déclaré incompétent pour avoir à connaître des demandes formulées à l'encontre de monsieur Pascal Y... sur le fondement de l'article L511-1 du code du travail, et au motif que les faits reprochés à monsieur Y... se seraient produits pendant l'execution du contrat de travail, pendant l'exécution du préavis, puis postérieurement, mais en tout état de cause constituaient un différend né à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, a :
- renvoyé les sociétés demanderesses à se pourvoir devant le conseil de prud'hommes d'Angers,
- sursis à statuer sur les demandes formées à l'encontre de madame Z... et de la société CIFIMO.
Par arrêt du 13 janvier 2009, la chambre commerciale de la cour d'appel d'Angers a confirmé le sursis à statuer jusqu'à ce que l'action prud'homale exercée contre Pascal Y... ait été jugée.
Les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL ont, le 4 août 2008, saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, auquel elles ont demandé de :
- ordonner à monsieur Y... la cessation immédiate de tout acte de concurrence déloyale à leur égard et celle de toute relations d'affaires avec les clients avec lesquels il avait pu être en contact lorsqu'il était salarié des deux sociétés, et ce, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée,
- condamner monsieur Y... à payer à la société FINANCIERE CONSEIL la somme de 250 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts,
- ordonner une expertise ayant pour objet, après obtention des comptes 2005 à 2007 de la société CIFIMO et de ceux de l'agence immobilière de monsieur Y..., d'établir le préjudice subi du fait des détournement de clientèle commis par monsieur Y...,
- condamner monsieur Y... à payer à la société IMMOBILIERE CONSEIL une somme de 14 043, 92 euros à titre de trop perçu sur avance de commissions,
- condamner monsieur Y... à payer à la société FINANCIERE CONSEIL une somme de 6828, 10 euros à titre de trop perçu sur avance de commissions,
- ordonner à monsieur Y... de restituer les pièces ou copies de pièces appartenant aux sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL et encore en sa possession, et ce, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard,
- condamner monsieur Y... à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 février 2009, le conseil de prud'hommes d'Angers, après s'être déclaré incompétent pour connaître des faits postérieurs au 7 novembre 2005, a :
- condamné monsieur Y... à payer la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société FINANCIERE CONSEIL,
- condamné la société IMMOBILIERE CONSEIL à payer à monsieur Y... la somme de 15 727, 79 euros à titre de rappel de commissions, outre 1572, 77 euros à titre de congés payés.
Par procès-verbal du 17 avril 2009, la sarl FINANCIERE CONSEIL a fait procéder à une saisie conservatoire de 16 000 euros entre les mains de monsieur X..., ès qualités de gérant de la sarl IMMOBILIERE CONSEIL, procédure dont monsieur Y... a contesté la validité par assignation devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance de CHOLET du 27 janvier 2010.
Par courrier reçu au greffe de la cour d'appel le 13 mars 2009, les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL ont fait appel du jugement du conseil de prud'hommes d'Angers.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, et ce faisant, de :
- se déclarer compétent pour statuer sur les faits postérieurs au 7 novembre 2005.
- ordonner à monsieur Y... de cesser immédiatement tout acte de concurrence déloyale et toutes relations d'affaires avec les clients avec lesquels il avait pu être en contact lorsqu'il était leur salarié, et ce, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée.
- condamner monsieur Y... à payer à la société FINANCIERE CONSEIL la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts.
- ordonner une expertise, après remise des comptes de la société CIFIMO, de 2005 à 2007 inclus, et des comptes de l'agence immobilière de monsieur Y..., ayant pour objet d'établir le préjudice présent et à venir, subi par les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL du fait des détournements de monsieur Y....
- déduire des sommes réclamées par monsieur Y... à la société IMMOBILIERE CONSEIL la somme de 8839, 41 euros perçue en avances sur commissions.
- condamner monsieur Y... à payer à la société FINANCIERE CONSEIL la somme de 6828, 10 euros à titre de trop perçu sur avances sur commissions.
- ordonner à monsieur Y... de restituer aux sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL l'intégralité des pièces ou copies de pièces leur appartenant et encore en sa possession, et ce, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard.
- condamner monsieur Y... à verser aux sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL la somme de 10 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL soutiennent :
- que le conseil de prud'hommes d'Angers était compétent pour statuer sur les actes déloyaux de monsieur Y..., commis pendant l'exécution du contrat de travail, mais aussi après la rupture de celui-ci, ainsi que cela a été jugé de nombreuses fois.
- que monsieur Y... a, sur la période du 1ER juillet 2005 au 7 novembre 2005, alors qu'il était salarié de la société FINANCIERE CONSEIL et donc rémunéré par elle, négocié avec au moins 21 clients ou prospects de son employeur des contrats d'assurance-vie ou Madelin, au profit de la société CIFIMO CONSEIL, ce qui caractérise des actes de concurrence déloyale, et a causé un préjudice d'au moins 50 108, 86 euros à la société FINANCIERE CONSEIL,
- que sur la période allant du 8 novembre 2005 au 31 décembre 2005 le détournement des contrats assurance-vie et Madelin, des clients et des prospects, représente pour la société FINANCIERE CONSEIL la somme de 197 355, 38 euros de préjudice au moins.
- que la société IMMOBILIERE CONSEIL a nécessairement subi un préjudice, mais que seule une expertise pourra établir celui-ci, les contrats n'ayant pu être identifiés par l'huissier de justice le 18 avril 2007,
- que monsieur Y... est redevable d'un trop perçu sur avances sur commissions et qu'il détient des pièces appartenant à la société FINANCIERE CONSEIL, notamment, des bilans patrimoniaux tel celui de monsieur C....
Monsieur Y... demande à titre principal à la cour de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'action engagée devant le juge de l'exécution aux fins de nullité et main-levée de la saisie conservatoire du 17 avril 2009.
A titre subsidiaire monsieur Y... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de rejeter les demandes des sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL, de condamner la société IMMOBILIERE CONSEIL à lui payer la somme de 18 810, 44 euros à titre de rappel de commissions, outre 1881, 04 euros à titre de congés payés, et de condamner les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL à lui payer la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Y... soutient :
- que la saisie conservatoire du 17 avril 2009 a pour seul objet d'empêcher l'exécution provisoire de la condamnation de la société IMMOBILIERE CONSEIL à lui payer la somme de 15 727, 79 euros, alors qu'en application des dispositions de l'article L3252-7 du code du travail, la saisie conservatoire des rémunérations est prohibée.
- qu'il n'a pas eu un comportement déloyal pendant l'exécution du contrat de travail et que les clients qui ont voulu continuer à être personnellement suivi par lui ont pris l'initiative de le contacter
-qu'après la fin du préavis, monsieur Y... doit bénéficier du principe de la liberté du commerce et de la libre concurrence et que les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL ne démontrent pas qu'il y ait eu démarchage systématique de leurs clients, la proximité chronologique des conclusions de contrats par CIFIMO CONSEIL et de la fin du préavis, seul argument avancé par elles, étant insuffisant pour caractériser une concurrence déloyale.
- que la demande d'expertise est irrecevable parce que portant sur les comptes de la société CIFIMO, qui n'est pas à la cause ; qu'au demeurant le préjudice doit s'apprécier au regard des pertes qu'auraient subies les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL et non au regard des rémunérations perçues par CIFIMO. ; que la société IMMOBILIERE CONSEIL ne fonde sa demande sur aucun motif légitime, l'huissier instrumentaire qui avait pourtant pleins pouvoirs n'ayant identifié aucune pièce matérielle permettant de corroborer des soupçons de concurrence déloyale.
- que la demande de cessation immédiate de relations d'affaires avec les clients des sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL avec lesquels monsieur Y... avait pu être en contact quant il était leur salarié se heurte au principe constitutionnel de la libre concurrence.
- que les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL admettent lui devoir la somme de 15 727, 79 euros somme établie par elles le 28 juin 2006, tandis que les avances sur commissions invoquées ne sont corroborées par aucune des pièces versées aux débats ; qu'au demeurant, c'est une somme TTC de 18 810, 44 qui reste dûe.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur les faits de concurrence déloyale allégués et postérieurs a la rupture du contrat de travail
L'article 1221-1 énonce que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Les faits reprochés à monsieur Y... par les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL sont en lien direct avec les contrats de travail des 1ER octobre 2003 et 1ER avril 2004 le liant à ces deux sociétés, qu'ils aient eu lieu pendant le cours du contrat, pendant le préavis ou après la rupture contractuelle.
Le conseil de prud'hommes d'Angers s'est par conséquent dit à tort incompétent pour connaître des faits postérieurs au 7 novembre 2005, et le jugement du 16 février 2009 doit être infirmé sur ce point.
La cour, juridiction d'appel du conseil de prud'hommes, la décision attaquée étant susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions, statuera par application de l'effet dévolutif de l'appel énoncé à l'article 79 alinéa 1 du code de procédure civile, sur l'ensemble du litige soumis aux premiers juges.
Sur la demande de sursis à statuer
La saisie conservatoire effectuée à la demande de monsieur X... ès qualités de représentant légal de la société FINANCIERE CONSEIL, entre ses propres mains comme gérant de la société IMMOBILIERE CONSEIL, ne peut être que critiquée par la cour comme ayant pour effet d'empêcher l'exécution provisoire de la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes d'Angers.
Elle est cependant sans incidence sur le litige qui lui est soumis, lequel perdure depuis quatre années.
La demande de sursis à statuer est rejetée.
Sur les faits de concurrence déloyale reprochés à monsieur Y...
L'article L1221-1 du code du travail énonce que le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun.
Les contrats de travail signés les 1er octobre 2003 et 1ER avril 2004 entre monsieur Y... et les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL comportaient, parce que la fonction du salarié le conduisait à avoir des contacts avec la clientèle, un engagement de non concurrence lui faisant obligation pendant deux ans de ne pas établir de relation occasionnelle ou permanente susceptible de concurrencer l'employeur avec tout client que le salarié déclarait bien connaître, les parties convenant que cette obligation donnait lieu à contrepartie financière.
Il était encore stipulé qu'en cas de violation de la clause de non concurrence aucune contrepartie ne serait due.
Cette obligation contractuelle n'a cependant vocation à entrer en application qu'après la rupture du contrat de travail, la jurisprudence affirmant que le salarié, pendant la durée du contrat de travail, est tenu d'autre part d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur, découlant du contrat de travail lui-même, et lui interdisant d'exercer une activité concurrente de celle de son employeur.
Il est établi que le 7 juillet 2005, madame Isabelle Z..., épouse de monsieur Y... et monsieur René Z..., son beau-pére, ont constitué entre eux la sarl CIFIMO CONSEIL, au capital de 10 000 euros et ayant pour objet social le conseil en gestion de patrimoine et négoce de tous produits liés, le courtage et l'audit d'assurances de personnes.
Par constat d'huissier du 18 avril 2007, effectué sur ordonnance du 20 mars 2007 de madame le Président du tribunal de grande instance d'Angers, rendue sur requête, les sociétés FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL établissent que madame Z..., de son propre aveu, ne montait ni ne suivait aucun dossier technique, mais assurait le secrétariat de la société, en étant d'autre part enseignante, tandis que monsieur Z..., porteur d'une part sociale, pour 10 euros, n'y exerçait aucun rôle.
Monsieur Pascal Y... n'a pas contesté devant l'huissier s'occuper de la partie technique et commerciale notamment la relation clientèle et a précisé être mandataire de la société CIFIMO depuis le 8 février 2006.
Il a communiqué d'ailleurs à l'huissier instrumentaire la liste des clients de CIFIMO, en se connectant sur le site des compagnies d'assurance et placement ayant signé des conventions avec la société, et ce, au moyen de codes d'accès dont il disposait, pour ce qui est de celui attribué par les assurances GENERALI sous le libellé ..., depuis le 12 septembre 2005, date à laquelle son préavis était en cours d'exécution.
Il est encore acquis que sur cette période du 1er juillet au 7 novembre 2005 monsieur Y... a négocié pour CIFIMO CONSEIL 21 contrats d'assurance vie ou Madelin avec des clients de la société FINANCIERE CONSEIL.
L'un d'eux, monsieur B..., a précisé que le contrat avait été rédigé dans les locaux de FINANCIERE CONSEIL avec monsieur Y... et qu'il n'avait pas réalisé qu'il était souscrit avec une autre société que FINANCIERE CONSEIL.
La création d'une société concurrente de la société FINANCIERE CONSEIL, et la signature de contrats CIFIMO avec les clients de celle-ci, pendant la période d'exécution du contrat de travail et du préavis, constituent un manquement grave à l'obligation de loyauté due à l'employeur.
La décision des premiers juges, qui ont fait les observations pertinentes sur ce point, est confirmée.
Aucune exécution déloyale du contrat de travail n'est établie à l'égard de la société IMMOBILIERE CONSEIL, l'huissier instrumentaire n'ayant trouvé au domicile de monsieur et madame Y... aucun contrat signé par un client de cette société avec CIFIMO, et la société exposant elle-même qu'elle n'a pas d'éléments pour établir son préjudice, une expertise étant selon elle nécessaire pour le connaître à travers l'examen des comptes 2005-2007 de CIFIMO.
Sur le préjudice de la société financière conseil
La société FINANCIERE CONSEIL a obtenu, par exécution de l'ordonnance de madame le Président du tribunal de grande instance d'Angers, remise photocopiée de toutes les pièces litigieuses découvertes au domicile de monsieur Y....
L'expertise, mesure d'instruction, ne peut, en application des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, alors que celle-ci dispose déjà de toutes les pièces utiles.
La comptabilité de la société CIFIMO, au surplus, ne pourrait être remise à l'expert alors que CIFIMO n'est pas partie au présent litige ; enfin, le préjudice de la société FINANCIERE CONSEIL consiste en une perte de marge, à calculer par rapport aux contrats découverts chez monsieur Y... mais non en un profit qui apparaîtrait dans les comptes de CIFIMO, en conséquence de pratiques commerciales différentes.
La demande d'expertise est rejetée.
Le préjudice de la société FINANCIERE CONSEIL sera donc calculé selon les tableaux dits production réalisée sur clients et prospects assurances vie et Madelin, établis par la société elle même, pour la période allant jusqu'au 8 novembre 2005.
Néanmoins, ainsi que l'ont pertinemment rappelé les premiers juges, les contrats ne sont pas pérennes, et peuvent être rachetés, transférés, clôturés.
La clientèle est libre de changer de société de placement, elle est aussi mobile.
Le préjudice, pour être certain, doit donc être calculé sur une période maximale de trois ans.
Il s'établit dès lors ainsi :
- clients assurance vie : 6095, 53 euros + 3998, 63 euros = 9091, 42 euros-prospects assurance vie : 4724, 52 euros + 877, 38 euros x 3 = 7356, 66 euros-clients Madelin : 1708, 73 euros x 3 = 5126, 19 euros-prospects Madelin : 965 euros x 3 : 2895 euros

Total : 24 469, 27 euros
Sur les avances sur commissions
Les bulletins de salaire remis à monsieur Y... tant pour FINANCIERE CONSEIL que pour IMMOBILIERE CONSEIL sont conformes aux dispositions figurant dans les contrats de travail stipulant qu'un acompte mensuel brut est versé au salarié à valoir sur les commissions à venir, et que, lorsque le montant des commissions, un mois donné, n'aura pas atteint le montant de l'acompte, la différence sera compensable sur les commissions à venir sous réserve de respecter le minimum garanti par la convention collective.
Des soldes de tout compte ont d'autre part été remis par l'une et l'autre société à monsieur Y... à son départ et la société FINANCIERE CONSEIL lui a adressé le 28 juin 2006 un tableau détaillé de ses commissions restant à règler qui porte un total de 15 727, 79 euros.
Aucune diminution de cette somme par imputations d'avances n'est justifiée : le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est confirmé en ce qu'il a débouté la société FINANCIERE CONSEIL de sa demande en remboursement de trop perçu de commissions.
Le solde de commissions restant à verser à monsieur Y... ne doit pas non plus être porté à 18 810, 44 euros, après un calcul TTC et non plus HT, alors que le contrat de travail dit que l'assiette des commissions est le montant hors taxe ou toutes taxes comprises des opérations réalisées par le salarié,..... certaines opérations commerciales supportant la taxe sur la valeur ajoutée alors que d'autres n'ont aucune taxe.
Or, monsieur Y... ne justifie pas que les opérations qu'il calcule en TTC aient dû supporter la TVA.
La société FINANCIERE CONSEIL est condamnée à payer à monsieur Y... la somme de 15727, 79 euros à titre de commissions, outre les congés payés en découlant, et le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers est confirmé sur ce point.
Sur la restitution des pièces appartenant a financière conseil et la cessation de toutes relations d'affaires avec ses clients
L'huissier instrumentaire a découvert chez monsieur Y... le bilan patrimonial de monsieur C..., client de FINANCIERE CONSEIL, lequel, quelles que soient les explications fournies par monsieur Y..., est une pièce appartenant à FINANCIERE CONSEIL et devra lui être restitué, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt et pendant un mois.
Il ne peut, en revanche, être enjoint à monsieur Y..., sans méconnaître le principe de la libre concurrence, de cesser toutes relations d'affaires avec d'anciens clients de la société FINANCIERE CONSEIL.
La demande est rejetée.
Sur les frais irrépetibles et les dépens
Il parait équitable de laisser à chaque partie la charge des frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens.
Les demandes formées à ce titre sont rejetées.
Chaque partie conserve la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 16 février 2009 en ce qu'il a :
- condamné la société IMMOBILIERE CONSEIL à payer à monsieur Y... la somme de 15 727, 79 euros à titre de commissions et celle de 1572, 77 euros au titre des congés payés,
- débouté la société FINANCIERE CONSEIL de sa demande en trop perçu de commissions,
Le réformant pour le surplus, et évoquant le fond du litige,
DECLARE que monsieur Y... s'est rendu coupable d'exécution déloyale du contrat de travail,
DIT n'y avoir lieu à sursis à statuer
DIT n'y avoir lieu à expertise
CONDAMNE monsieur Y... à payer à la société FINANCIERE CONSEIL la somme de 24 469, 27 euros à titre de dommages-intérêts.
REJETTE la demande de dommages et intérêts formée pour exécution déloyale du contrat par la société IMMOBILIERE CONSEIL.
DIT n'y avoir lieu pour monsieur Y... à cessation de relations d'affaires avec les clients de FINANCIERE CONSEIL et IMMOBILIERE CONSEIL
ORDONNE à monsieur Y... de restituer à la société FINANCIERE CONSEIL le bilan patrimonial de monsieur C..., sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt et pendant un mois.
REJETTE la demande de la société IMMOBILIERE CONSEIL en déduction d'avances sur commissions des sommes réclamées à ce titre par monsieur Y....
REJETTE la demande de monsieur Y... en paiement de la somme de 18 810, 44 euros correspondant à un calcul TTC des commissions qui lui restaient dûes
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/00532
Date de la décision : 22/02/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-02-22;09.00532 ?
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