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08/02/2011 | FRANCE | N°09/02472

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 février 2011, 09/02472


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

MBB/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02472.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, en date du 05 Octobre 2009, enregistrée sous le no 08/00370
ARRÊT DU 08 Février 2011
APPELANT :
Monsieur Mohamed X......49240 AVRILLE(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (70%) numéro 10/003173 du 15/09/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
présent, assisté de Maître Corinne VALLEE, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
E.U.R.L. PACK'WESTRoute de Briollay49480 SAINT SYLVAIN D'

ANJOU
représentée par Maître Sarah TORDJMAN, substituant Maître Bruno ROPARS (A.C.R.), avoc...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

MBB/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02472.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, en date du 05 Octobre 2009, enregistrée sous le no 08/00370
ARRÊT DU 08 Février 2011
APPELANT :
Monsieur Mohamed X......49240 AVRILLE(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (70%) numéro 10/003173 du 15/09/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
présent, assisté de Maître Corinne VALLEE, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
E.U.R.L. PACK'WESTRoute de Briollay49480 SAINT SYLVAIN D'ANJOU
représentée par Maître Sarah TORDJMAN, substituant Maître Bruno ROPARS (A.C.R.), avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 08 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, soumis à la convention collective nationale du commerce de gros, qui faisait suite à deux contrats de travail à durée déterminée, du 5 octobre 2006 la société Pack'West a embauché monsieur Mohamed X... en qualité de gestionnaire de stocks, niveau 1, échelon 1, à effet au 5 octobre 2006, avec une période d'essai de 5 jours, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 600 euros ; le 23 avril 2008, monsieur Mohamed X... a donné sa démission à effet immédiat et sans préavis.
Monsieur Mohamed X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers d'une action tendant à voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 30 avril 2006 en contrat de travail à durée indéterminée, et obtenir paiement de 1 590,10 euros à titre de dommages et intérêts, juger que la rupture du contrat de travail est le fait de l'employeur, et la déclarer fautive, condamner la société Pack'West à lui payer 17 650 euros en conséquence de cette rupture, 2 944,88 euros d'indemnité compensatrice de congés payés, outre congés payés y afférents, et une indemnité de licenciement de 306,41 euros, 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral consécutif aux conditions de la rupture, 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 5 octobre 2009, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission, et débouté monsieur Mohamed X... de toutes ses demandes.
Monsieur Mohamed X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, monsieur Mohamed X... reprend l'ensemble des demandes qu'il avait présentées au conseil de prud'hommes.
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, la société Pack'West demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle ; elle demande la condamnation de monsieur Mohamed X... à lui payer 1 200 euros en réparation du préjudice consécutif à l'inexécution du préavis, 1 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, monsieur Mohamed X... allègue, sans en justifier, que le contrat de travail n'a été régularisé que le 31 juillet 2006 ; il ressort du contrat lui-même, qu'il a été signé par les deux parties le 30 avril 2006 ; c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de requalification et la demande de dommages et intérêts fondée sur l'irrégularité du contrat.
Sur la rupture du contrat de travail à durée indéterminée du 5 octobre 2006
la démission doit être l'expression d'une volonté libre et réfléchie ; elle doit résulter d'une manifestation claire et non équivoque de rompre le contrat de travail.
Monsieur Mohamed X..., qui a adressé à son employeur une lettre de démission dépourvue de motifs, prétend que sa démission repose sur des manquements de son employeur dans l'exécution du contrat de travail et doit être analysée comme une prise d'acte qui, fondée sur ces manquements, produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour apprécier si la prise d'acte est ou non justifiée, le juge n'est pas lié par les griefs énoncés dans la lettre qui la notifie, de sorte, qu'il doit être recherché, au delà des termes de la lettre du 23 avril 2008, si la démission repose sur des manquements de l'employeur et, dans ce cas, si ces manquements sont de nature à conférer à cette lettre la qualification de prise d'acte justifiée.
Il est relevé, que par courrier du 18 avril 2006, soit antérieurement à la lettre de démission, monsieur Mohamed X... dénonce des faits de harcèlement moral et relate l'événement du 17 avril précédent en termes de diffamation, dénonciation calomnieuse, discrimination, abus de pouvoir, harcèlement moral et non respect du code du travail.
Il est également relevé, que par courrier du 24 avril 2006, le lendemain du courrier de démission, monsieur Mohamed X... a évoqué les réflexions désobligeantes de son employeur, et indiqué ne pas être démissionnaire, mais prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Dans ces conditions, la lettre du 23 avril 2006 doit être analysée en une prise d'acte et non comme une démission.
Les griefs développés par monsieur Mohamed X... consistent à avoir été l'objet d'un comportement humiliant de la part de son employeur dans les circonstances suivantes : alors qu'il quittait son travail le 17 avril 2008 au soir, il a été interpellé par madame B..., son employeur, qui lui a demandé de sortir de son véhicule les documents qu'il venait d'y mettre, et de les lui restituer, en lui expliquant que certains documents appartenant à la société avaient disparu ; monsieur Mohamed X... a montré les documents qu'il venait de placer dans sa voiture, devant monsieur C..., son collègue, qui accompagnait l'employeur, et a demandé que la même vérification soit faite auprès de son collègue, ce qu'a refusé madame B... ; la vérification a permis de confirmer que les documents étaient des documents personnels à monsieur Mohamed X... ; elle s'est déroulée, grâce au sang froid de monsieur Mohamed X..., dans des conditions que les deux parties ont qualifiées de calmes.
La matérialité de ces faits n'est pas contestée par la société Pack'West, qui réfute cependant tout comportement discriminatoire et humiliant de sa part à l'égard de monsieur Mohamed X... dont elle dénonce la susceptibilité à fleur de peau.
Il ressort des circonstances dans lesquelles s'est effectuée la vérification des documents, sur la matérialité desquelles les parties s'accordent, qu'elle n'a visé que monsieur Mohamed X..., madame B... refusant de procéder à une autre vérification auprès d'un autre employé, et qu'elle révèle une suspicion de vol de la part de l'employeur qui, pourtant, le 5 mai 2008, écrit à son salarié "votre travail nous donnait entière satisfaction".
En ne procédant à une vérification qu'auprès de monsieur Mohamed X..., à l'exclusion de tout autre salarié, l'employeur le désigne, devant son collègue, comme ayant, potentiellement, commis un vol de documents à son préjudice, ce qui caractérise un comportement discriminant qui ne peut trouver justification dans le fait que monsieur Mohamed X... était seul à avoir été dénoncé, l'employeur restant taisant sur la source de sa suspicion.
En se livrant à cette vérification, à l'égard d'un salarié qui travaille dans l'entreprise depuis plusieurs années sans s'être attiré le moindre reproche, l'employeur adopte un comportement humiliant qui ne peut, lui non plus trouver une justification dans une dénonciation qui reste anonyme.
En procédant à une telle vérification dans les circonstances qui sont rapportées, l'employeur a commis un manquement à l'exécution loyale du contrat de travail, qui justifie la prise d'acte et conduit à analyser la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans observation du préavis.
La société Pack'West devra verser, en conséquence, à monsieur Mohamed X... une indemnité de préavis de 2 944,88 euros, outre congés payés y afférents, une indemnité de licenciement de 306,41 euros, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse estimée, en application de l'article L 1235-5, à la somme de 10 000 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
les faits de harcèlement moral, dénoncés par monsieur Mohamed X..., ne reposent que sur une attestation qui fait état de faits postérieurs à la démission et une attestation rédigée dans des termes trop vagues pour permettre la vérification des faits mentionnés ; la preuve n'en est pas rapportée.
Monsieur Mohamed X... invoque les événements du 17 avril 2008, et fait valoir qu'ils ont eu des conséquences sur sa santé psychologique ; il produit une prescription médicale du 23 avril, qui ne permet pas de connaître les raisons du traitement prescrit, et un certificat médical du 9 mars 2009, dans lequel médecin, fait état d'une consultation du 23 avril 2008, sans s'expliquer sur les raisons qui l'ont conduit à établir un lien entre le syndrome anxieux qu'il a constaté chez monsieur Mohamed X... et le conflit au travail ; il apparaît, cependant, que le comportement humiliant et discriminant de l'employeur à l'égard de son salarié a causé à ce dernier un préjudice moral, qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts.
Compte tenu de ce qui précède, la demande reconventionnelle de la société Pack'West sera rejetée en ses deux prétentions.
Il ne sera fait droit à la demande de remise de documents, que pour le certificat de travail, dont il n'est pas justifié de la remise.
La société Pack'West qui succombe à l'action, en supportera les dépens et devra indemniser monsieur Mohamed X... de ses frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
statuant à nouveau,
QUALIFIE la rupture du contrat de travail de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Pack'West à payer à monsieur Mohamed X... les sommes suivantes :
- 10 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 944, 88 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents,
- 306,41 euros d'indemnité de licenciement,
- 3 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
ORDONNE la remise du certificat de travail par la société Pack'West dans les 15 jours de la notification de l'arrêt,
REJETTE la demande reconventionnelle de la société Pack'West,
CONDAMNE la société Pack'West à payer à monsieur Mohamed X... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Pack'West aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02472
Date de la décision : 08/02/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-02-08;09.02472 ?
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