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08/02/2011 | FRANCE | N°09/02374

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 février 2011, 09/02374


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02374.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, en date du 25 Septembre 2009, enregistrée sous le no 08/ 00568

ARRÊT DU 08 Février 2011

APPELANTE :
Madame Anne X...... 37220 CROUZILLES
représentée par Maître Ludovic ABOUGA, substituant Maître Louis PALHETA (SCP), avocat au barreau de TOURS

INTIMEE :
S. A. S. GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR, venant aux droits de la SAS SICAMEN Chemin de la P

ointe 72440 VOLNAY
représentée par Maître Bruno ROPARS (A. C. R.), avocat au barreau d'ANGERS

C...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02374.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, en date du 25 Septembre 2009, enregistrée sous le no 08/ 00568

ARRÊT DU 08 Février 2011

APPELANTE :
Madame Anne X...... 37220 CROUZILLES
représentée par Maître Ludovic ABOUGA, substituant Maître Louis PALHETA (SCP), avocat au barreau de TOURS

INTIMEE :
S. A. S. GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR, venant aux droits de la SAS SICAMEN Chemin de la Pointe 72440 VOLNAY
représentée par Maître Bruno ROPARS (A. C. R.), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2010, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 08 Février 2011 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

EXPOSE DU LITIGE
Madame X... a été engagée en contrat à durée indéterminée le 1er mars 2007, comme directrice de production par la SAS SICAMEN, avec un salaire brut annuel de 43 000 euros porté à 49 500 euros au 1er juin 2007, puis à 54 108, 60 euros à compter du 1er juillet 2007.
Le 30 novembre 2007, la SAS SICAMEN a été rachetée par la SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR, société appartenant au groupe GRELIER, spécialisé dans l'accouvage et la production de volailles, avec un effectif 2007 pour le groupe de 1414 salariés.
Le 29 avril 2008, Madame X... a été informée de la suppression de son poste, et il lui a été proposé dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise, un poste de technicien d'élevage basé en région Bretagne, avec un statut de technicien assimilé cadre et un salaire brut de 2400 euros par mois.
Madame X... a, par écrit du 29 mai 2008, demandé des informations complémentaires sur le poste proposé.
Elle a été convoquée à l'entretien préalable le 3 juin 2008, et le 7 juillet 2008, licenciée pour motif économique.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes du MANS le 10 novembre 2008, qui par jugement du 25 septembre 2009, a dit que le licenciement pour motif économique de madame X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté madame X... de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame X... a fait appel de la décision.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Madame X... demande à la cour de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS SICAMEN à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 5000 euros pour préjudice moral, et 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
- que son licenciement économique n'est pas justifié au regard des critères de l'article L1233-3 du code du travail, l'employeur ne démontrant pas l'existence d'une menace sur sa compétitivité constituant un péril imminent et justifiant le licenciement ; que les tableaux et graphiques produits par la SAS GRELIER ne sont pas suffisants pour établir la situation invoquée.
- que la lettre de licenciement n'est pas motivée, puisqu'elle ne fait pas référence à la conséquence des difficultés économiques évoquées sur l'emploi de la salariée.
- que l'employeur n'a pas respecté l'obligation de recherche de reclassement, puisque la proposition d'emploi qu'il a faite était une modification du contrat de travail, qui ne l'exonérait pas de la recherche d'un reclassement, après refus de la salariée ; qu'il a fait une offre d'emploi dans le même temps (le 22 janvier 2008) pour un poste de contrôleur de gestion auquel Madame X... était apte.
- que le licenciement a eu pour elle d'importantes conséquences, puisqu'elle a trouvé un emploi, mais avec un différentiel annuel de 12 000 euros compte-tenu de frais d'hôtel ; qu'elle avait démissionné de son précédent emploi pour venir chez SICAMEN, et a désormais des contraintes de déplacement plus lourdes.
Elle soulève devant la cour un moyen nouveau, soit la nullité du licenciement effectué dans une société par actions simplifiée par un directeur n'ayant pas délégation de pouvoirs en ce sens, prévue par les statuts, et mentionnée sur l'extrait Kbis de la société.
La SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR demande à la cour de confirmer le jugement, de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, de débouter madame X... de ses demandes et de la condamner à lui payer 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
- que le rachat de SICAMEN par GRELIER a entraîné le dénoncé par les éleveurs de 5 contrats d'élevage de poussins et de 11 contrats d'élevage de dindes ; que le marché, très concurrentiel, a obligé au regroupement des activités de production sur 2 sites, et donc à la suppression du poste de madame X....
- que le motif économique du licenciement est établi, puisque l'entreprise a dû opérer une réorganisation pour assurer le maintien de sa compétitivité alors qu'elle subissait :
¤ la survenance de crises sanitaires (grippe aviaire), la concurrence de pays comme le Brésil et la Thailande, la chute de la production française de moitié en 8 ans, tout ceci ayant entraîné un plan de restructuration début 2009 avec la suppression de 57 postes.
¤ l'existence d'un résultat d'exploitation déficitaire de 1 860 000 euros au 31 décembre 2008, le résultat net du groupe étant passé de 4 947 000 euros en 2007 à-1 802 000 euros en 2008.
- que la lettre de licenciement est motivée et que le poste de madame X... a bien été supprimé, son contenu ayant été réparti entre deux salariés de l'entreprise.
- qu'il y a eu proposition de reclassement, clairement refusée, madame X... n'ayant demandé des précisions sur le poste proposé qu'après l'expiration du délai de réflexion de 30 jours qui lui avait été laissé ; qu'elle n'avait d'autre part, pas les diplômes exigés, ni l'expérience professionnelle attendue, pour le poste de contrôleur de gestion, sa formation en matière financière ayant été de 3 jours et consistant en une " initiation à l'analyse financière ".
- que les conséquences du licenciement ne sont pas celles dites par madame X..., puisqu'elle a retrouvé du travail, et exploite avec son mari un élevage de bovins et de buffles à Crouzilles, en Indre et Loire ; qu'elle n'a pas démissionné de son précédent poste pour venir travailler chez SICAMEN, mais a voulu en réalité se rapprocher de l'élevage qu'elle et son mari avaient créé en 2006.
La SAS GRELIER répond au moyen sur la nullité du licenciement, en faisant état de la décision de la Cour de Cassation du 19 novembre 2010, qui a tranché ce point de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement
La procédure de licenciement réalisée par la SAS GRELIER a été effectuée par monsieur Y..., directeur opérationnel, qui a adressé la lettre de convocation à l'entretien préalable, et par monsieur Z..., directeur général devenu depuis président de la SAS, qui a signé la lettre de notification de licenciement.
En tout état de cause, la jurisprudence est fixée depuis le 19 novembre 2010, la Cour de Cassation ayant dit que les règles de représentation d'une SAS, telles qu'énoncées par l'article L227-6 du code de commerce, n'excluaient pas la possibilité pour ses représentants légaux de déléguer, même verbalement, le pouvoir d'engager ou licencier les salariés de l'entrepris.
Le licenciement de madame X... est régulier.

Sur le motif économique du licenciement
L'article L 1233-3 du code du travail stipule que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La jurisprudence a ajouté à la liste légale non exhaustive, des motifs économiques, la réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité.
Les articles L1233-2 et L1233-16 du code du travail précisent que tout licenciement économique est justifié par une cause réelle et sérieuse, et que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur.
L'article L1233-4 du code du travail dit enfin, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
La lettre de licenciement fixe le litige.
La lettre adressée le 7 juillet 2008 à madame X... est ainsi libellée :
Par la présente, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement. Les motifs économiques de cette décision, nous vous le rappelons, sont les suivants : Le rachat de la société SICAMEN par le groupe GRELIER, le 30 novembre 2007, a été réalisé dans un contexte économique particulièrement tendu pour la filière avicole : volume des mises en place hebdomadaires de dindonneaux pour le marché français, passé de 2, 2 millions en 2002 à un niveau de 1, 1 million actuellement. En conséquence, nous constatons une dégradation régulière des marges réalisées par nos entreprises, difficulté amplifiée par l'érosion des résultats techniques que nous subissons depuis plusieurs années. En conséquence, pour préserver notre compétitivité face à l'émergence d'une concurrence étrangère qui progresse rapidement, maintenir nos moyens de production et les emplois associés, nous devons procéder à une réorganisation de fond de l'ensemble des filiales.- regroupement des plannings de production, en filière dinde et poule, sur les sites de La Bohardière (49) et de Pommerit Jaudy (22)- centralisation de plusieurs fonctions au siège du groupe : achats, relations avec les sélectionneurs, suivi sanitaire des élevages, relations avec les services vétérinaires et achats de vaccins et produits de pharmacie vétérinaire-organisation par région des filières du fait des pertes de surfaces de production d'AOC et regroupement des élevages restant, avec les élevages des Pays de Loire pour la production dinde et avec les élevages de Bretagne et de Pays de Loire pour la production poule.
Cette lettre, si elle énonce la nécessité d'une réorganisation des sociétés du groupe GRELIER destinée à maintenir la compétitivité de l'entreprise, et précise que dans ce cadre, la production des dindes et des poules est regroupée sur deux sites, La Bohardière, en Maine et Loire et Pommerit Jauny en Bretagne, ne fait pas mention de la suppression du poste de la salariée, poste de directrice de production localisé à Volnay dans la Sarthe.
Elle n'explicite, par conséquent, pas, les conséquences de la réorganisation sur l'emploi de la salariée.
La SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS ne le conteste d'ailleurs pas, mais invoque le fait que des échanges précédents, de différentes natures, avaient permis à madame X... de savoir que son poste était supprimé.
A défaut de motivation précise dans la lettre de licenciement, qui fixe les contours du litige, le licenciement est cependant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 25 septembre 2009 est infirmé, en ce qu'il a dit le licenciement économique de madame X... causé.
Madame X... avait 15 mois d'ancienneté, et peut prétendre, en application des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail, le licenciement étant abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Il apparaît, sur ce point, que madame X... a retrouvé aussitôt, dès juillet 2008, un emploi dans son secteur de compétences, auprès de la société BASF.
Elle invoque en termes de préjudice un différentiel de salaire de 431 euros par mois et des frais de déplacement.
Il est cependant acquis que son emploi chez SICAMEN en générait aussi.
Madame X..., d'autre part, participe bien depuis 2006 à la gestion d'une exploitation familiale d'élevage de bovins et buffles, dont elle ne donne pas les résultats économiques.
Elle ne dit pas non plus combien de temps elle consacre à cette activité, et si son nouvel emploi la lui facilite ou non.
Dans ces conditions, son préjudice sera justement évalué à 19 000 euros, montant correspondant à 4 mois de salaire.
Le préjudice moral invoqué n'est pas démontré, la soudaineté de l'annonce du licenciement étant uniquement avancée, quoique la procédure ait été respectée dans ses formes et délais.
La demande faite à ce titre est rejetée.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de madame X... les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens : la SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS est condamnée à lui verser, pour l'en indemniser, la somme de 800 euros.
La SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS est condamnée aux dépens, comme succombant à l'instance.

PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 septembre 2009 par le conseil de prud'hommes d'Angers,
Statuant à nouveau,
DIT le licenciement de madame X... régulier,
DIT le licenciement pour motif économique de madame X... sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS à payer à madame X... la somme de 19 000 euros en réparation du préjudice subi,
REJETTE la demande de madame X... au titre de son préjudice moral,
CONDAMNE la SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS à payer à madame X... la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS GRELIER POUSSINS ACCOUVEURS aux dépens


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02374
Date de la décision : 08/02/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-02-08;09.02374 ?
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