COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N MBB/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01518.
Jugement Conseil de Prud'hommes-de LAVAL, en date du 12 Juin 2009, enregistrée sous le no 08/ 00074
ARRÊT DU 08 Février 2011
APPELANTE :
SOCIETE ZIEGLER FRANCE 1 avenue Konrad Adenauer 59223 RONCQ
représentée par Maître Thierry MONOD, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur Franck X...... 53000 LAVAL
présent, assisté de Maître Michel DELATOUCHE, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 08 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Embauché en qualité d'attaché commercial par la société Transports Drouin selon contrat de travail à durée indéterminée du 5 avril 19898, monsieur Franck X... s'est vu confier les fonctions de chef d'agence à Laval à compter du 1er mai 1993, son contrat de travail se trouvant transféré à la société Ziegler France en juin 1997.
Le 20 février 2008, la société Ziegler France a notifié à monsieur Franck X... sa mise à pied conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable à son licenciement ; par lettre du 11 mars 2008, la société Ziegler France a notifié à monsieur Franck X... son licenciement pour faute grave, en motivant celui-ci par des agissements caractérisant le harcèlement sexuel, favoritisme envers les membres de sa famille, prélèvements injustifiés dans la caisse, confusion entre les intérêts de la société et ses intérêts personnels et pressions sur l'employeur.
Monsieur Franck X... a contesté son licenciement devant conseil de prud'hommes de Laval et réclamé les indemnités de fin de contrat, des rappels de salaires et de congés payés et des dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière et moral.
Par jugement du 12 juin 2009, le conseil de prud'hommes de Laval a jugé que les faits reprochés à monsieur Franck X... ne caractérisaient pas une faute grave, mais qu'ils constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement et condamné la société Ziegler France à payer à monsieur Franck X... 13 056, 00 euros à titre de l'indemnité de préavis, outre congés payés y afférents, 2 645, 23 euros au titre de la mise à pied conservatoire, outre congés payés y afférents, 34 975, 00 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Ziegler France a formé appel contre ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, la société Ziegler France demande à la cour, réformant le jugement de juger que le licenciement repose sur une faute grave et de rejeter la demande de dommages et intérêts de monsieur Franck X... en réparation du préjudice moral, de la condamner à lui payer 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions oralement soutenues à l'audience monsieur Franck X..., formant appel incident, demande à la cour de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, abusif, vexatoire et injustifié ; il reprend devant la cour les demandes chiffrées qu'il avait présentées au conseil de prud'hommes et réclame 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Le licenciement est fondé sur quatre griefs dont l'employeur considère qu'ils constituent une faute grave.
Il est d'abord reproché à monsieur Franck X... " des agissements " ressentis comme de nature à caractériser un harcèlement sexuel.
La société Ziegler France a prétendu rapporter la preuve de ces agissements par la production de courriers émanant de ses employées, anciennes ou actuelles ; ces courriers, adressés à la société Ziegler France sont datés du 16 et du 25 février 2008 ; ils font état d'attouchements physiques : épaules, dos, hanches et cuisses, de regards et de propos, de la part de monsieur Franck X... à l'égard de jeunes employées de l'agence qu'il dirigeait, qui les ont placées dans une situation de malaise, leur ont déplu et ont été vécus comme une violation de leur intimité physique et mentale par leur supérieur hiérarchique dans des circonstances où elles ne pouvaient s'y soustraire.
Le harcèlement sexuel est caractérisé par " tout agissement " à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de gréer un environnement hostile, humiliant ou offensant.
Les termes utilisés par Charlotte Y..., Sonia Z..., Marine A... et Audrey B... évoquent un comportement déplacé de monsieur Franck X... à leur égard, qui les mettait mal à l'aise et a pu les choquer, venant d'un homme plus âgé qu'elles et leur supérieur hiérarchique, sans que la connotation sexuelle soit mise en évidence et sans qu'il soit jamais fait allusion à des faveurs que monsieur Franck X... aurait cherchées à obtenir d'elles ; l'enquête, à laquelle se sont livrés les conseillers du conseil de prud'hommes de Laval, confirme que le ressenti de ces jeunes femmes est plus un malaise relevant de l'ambiguïté des situations que créaient monsieur Franck X... dans leurs relations avec lui, et de la gêne qu'occasionnait pour elle un comportement trop familier, qu'une pression exercée sur elles par l'employeur en vue de les amener à faire preuve à son égard d'une familiarité à connotation sexuelle ; il en résulte, que si un tel comportement de la part d'un employeur ne caractérise pas un harcèlement sexuel, il constitue envers les personnes placées sous son autorité un comportement déplacé, et à l'égard de l'employeur qui lui a confié la mission de gérer une agence et la responsabilité des employés qui y travaillent, une exécution fautive du contrat de travail qui justifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Il ressort, par ailleurs de l'attestation de madame C..., de celle de monsieur D..., de celle de madame E... et de celle de madame F..., que monsieur Franck X... exerçait, au sein de l'agence, une gestion du personnel inégalitaire, favorisant les membres de sa famille au détriment des autres agents, ce qui avait pour conséquence de leur faire perdre leur motivation au travail et était donc préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise.
C'est donc, au terme d'une exacte appréciation des éléments de fait qui lui étaient soumis, que le conseil de prud'hommes de Laval a jugé que la faute grave retenue contre monsieur Franck X... au soutien du licenciement n'était pas établie, mais que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Le licenciement d'un salarié, même justifié par une cause réelle et sérieuse, ne doit pas être mis en oeuvre par l'employeur de manière brutale et vexatoire ; alors que monsieur Franck X... démontre, par les nombreuses attestations qu'il verse aux débats, qu'il remplissait les fonctions techniques qui lui étaient confiées, avec savoir faire et compétence depuis de nombreuses années, la procédure de licenciement a été mise en oeuvre sans aucun entretien préliminaire, le directeur régional et le directeur des ressources humaines de l'entreprise se présentant à l'agence pour en faire l'inspection sans aucune garantie de discrétion et exigeant de monsieur Franck X... la remise des clefs immédiate ; cette brutalité, qui ne trouve aucune justification dans le passé professionnel de monsieur Franck X... et cette absence de discrétion, constituent un abus dans l'exercice du droit de licencier ; il en est résulté pour monsieur Franck X... un préjudice moral caractérisé par le certificat médical du 9 février 2010, qui justifie l'octroi de dommages et intérêts d'un montant que le conseil de prud'hommes a justement estimé à 30 000 euros.
La société Ziegler France qui succombe en son appel en supportera les dépens et devra indemniser monsieur Franck X... de ses frais de procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
CONDAMNE la société Ziegler France à payer à monsieur Franck X... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Ziegler France aux dépens d'appel.