La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2011 | FRANCE | N°09/01852

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 février 2011, 09/01852


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N MBB/ CG

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01852.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Juillet 2009, enregistrée sous le no F 07/ A159

ARRÊT DU 01 Février 2011

APPELANTE :

LA S. A. S. PARVIMOINE 65 Boulevard Delhumeau Plessis 49300 CHOLET

représentée par Maître Myriam MARIE, avocat au barreau de COUTANCES

INTIME :

Monsieur Fabric

e X...... 44100 NANTES

comparant en personne, assisté de Maître Philippe HEURTON, avocat au barreau d'ANGERS

COMP...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N MBB/ CG

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01852.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Juillet 2009, enregistrée sous le no F 07/ A159

ARRÊT DU 01 Février 2011

APPELANTE :

LA S. A. S. PARVIMOINE 65 Boulevard Delhumeau Plessis 49300 CHOLET

représentée par Maître Myriam MARIE, avocat au barreau de COUTANCES

INTIME :

Monsieur Fabrice X...... 44100 NANTES

comparant en personne, assisté de Maître Philippe HEURTON, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
Prononcé le 01 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE

Selon convention du 26 février 2007, monsieur Fabrice X... a été embauché en qualité de directeur de magasin par la société Parvimoine, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée de 6 mois, ce recrutement étant motivé par un surcroît d'activité lié à l'agrandissement du magasin ; la rémunération mensuelle brute est de 2 800 euros pour 39 heures de travail hebdomadaire effectif ; les fonctions confiées à monsieur Fabrice X... figurent sur une fiche de poste annexée au contrat.
Par courrier du 24 avril 2007, monsieur Fabrice X... dénonce auprès de son employeur les faits suivants :- signature du contrat de travail une semaine après l'embauche dans les termes d'un contrat à durée déterminée alors qu'il était convenu qu'il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée,- mauvaises conditions matérielles de travail,- remise en cause de son pouvoir hiérarchique auprès des employés,- impossibilité de remplir sa mission,- consignes de travail inhumaines,- incitation à la démission.

Au terme de ce courrier, monsieur Fabrice X... déclare que les mesures vexatoires, injustes et inappropriées, dont il est l'objet, rendent le maintien du contrat de travail impossible et qu'il exerce son droit de retrait à compter du 24 mai 2007 afin de préserver son intégrité psychologique et physique.
Par courrier du 4 mai 2007, la société Parvimoine a pris acte de cette situation et mis monsieur Fabrice X... en demeure de reprendre son poste sous peine de sanction disciplinaire.
Par courrier du 11 mai 2007, monsieur Fabrice X..., excipant d'un certificat médical en date du 9 mai 2007, a mis son employeur en demeure de lui régler son salaire du mois d'avril 2007.
Le 25 août 2007, la société Parvimoine a mis fin au contrat de travail arrivé à son terme.
Monsieur Fabrice X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 16 octobre 2007 d'une demande tendant à voir requalifier le contrat en contrat à durée indéterminée, juger le licenciement abusif et condamner la société Parvimoine à lui payer une indemnité de requalification, une indemnité compensatrice de préavis, ses salaires du 25 avril au 25 août 2007 outre congés payés, des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, pour harcèlement moral, pour licenciement abusif et pour remise tardive des documents de fin de contrat.
Par jugement du 8 juillet 2009 le conseil de prud'hommes d'ANGERS a condamné la société Parvimoine à payer à monsieur Fabrice X... les sommes suivantes :-2 800 euros à titre d'indemnité de requalification,-8 400 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-2 800 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement,-11 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,-11 200, 48 euros au titre des salaires,-1 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,-2 000 euros pour remise tardive des documents,-1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Parvimoine a formé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, la société Parvimoine demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de monsieur Fabrice X... et de le condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir que le contrat de travail porte la date à laquelle monsieur Fabrice X... est entré en fonction de sorte qu'il n'est pas établi qu'il aurait été transmis au salarié tardivement.
Elle expose que le surcroît d'activité qui a motivé le recours au contrat à durée déterminée est justifié par l'accroissement du chiffre d'affaires de janvier à avril 2007et par les travaux d'agrandissement du magasin non achevés à la date d'embauche.
Elle rappelle que monsieur Fabrice X... a moins de 6 mois d'ancienneté et ne peut percevoir plus de dommages et intérêts que ce qu'il a perçu au cours de sa période de travail.
Elle conteste la légitimité du retrait de monsieur Fabrice X... et s'oppose en conséquence au paiement des salaires portant sur la période où il n'a pas travaillé.
Elle réfute le harcèlement moral et prétend que la preuve n'en est pas rapportée.
Par conclusions, oralement soutenues à l'audience, monsieur Fabrice X... demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société Parvimoine à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que le contrat de travail ne lui a été transmis qu'une semaine après sa prise de fonction ; il prétend que les travaux d'agrandissement du magasin étaient terminés lors de son embauche et ne peuvent justifier le recours à un contrat à durée déterminée.
MOTIFS DE LA DECISION
Le contrat de travail à durée déterminée doit être transmis au salarié au plus tard dans les 2 jours suivant son embauche.
Dans son courrier du 24 avril 2007, monsieur Fabrice X... se plaint de ce que son contrat ne lui a été transmis qu'une semaine après son embauche et qu'il est rédigé dans des termes différents de ceux qui étaient convenus ; dans son courrier en réponse, du 26 avril, la société Parvimoine proteste quant à la modification des termes convenus mais n'émet aucune contestation sur le délai de remise ce qui conduit à présumer de sa réalité ; la société Parvimoine ne rapporte, par ailleurs, aucun élément démontrant que la remise du contrat de travail à monsieur Fabrice X... s'est faite dans les 2 jours qui ont suivi son embauche.
La transmission tardive pour signature équivaut à une absence d'écrit qui entraîne requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat et accordé à monsieur Fabrice X... une indemnité de 2 800 euros.
La demande en rappel de salaires porte sur la période au cours de laquelle monsieur Fabrice X... n'a pas fourni la prestation de travail en raison de l'exercice de son droit de retrait.
L'article L 4131-1 du code du travail énonce : " Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ".
Au soutien de son retrait, monsieur Fabrice X... invoque le danger que lui faisait courir le comportement de son employeur sur le plan de sa santé psychologique et de sa santé physique.
La lettre écrite par monsieur Fabrice X... le 24 avril 2007 émane de monsieur Fabrice X... lui-même et ne peut constituer une preuve des faits qu'il décrit.
Les termes du courrier adressé le 2 mai 2007 à la société Parvimoine par l'inspecteur du travail après deux rencontres, l'une dans l'établissement et l'autre à l ‘ inspection du travail, ont été, à juste titre, retenus par le conseil de prud'hommes en ce qu'ils démontrent que l'employeur ne met pas son employé en mesure d'exercer sa mission, telle qu'elle ressort de la fiche de poste annexée au contrat, dans des conditions normales, que madame Y... s'adresse à monsieur Fabrice X... dans des termes extrêmement vifs, que monsieur et madame Y... interviennent dans ses choix managériaux plaçant ainsi en faux l'autorité qu'il est censé exercée, ainsi qu'en attestent les termes de l'attestation de madame Z... qui critique vivement les mesures prises par monsieur Fabrice X... dans le cadre de ses fonctions managériales et déclare avoir obtenu de l'employeur qu'il y remédie en sa faveur, ainsi que celle de monsieur A... qui annonce d'emblée que monsieur Fabrice X... avait été recruté pour seconder ses patrons et émet des avis critiques sur la manière dont il s'acquittait de cette mission en déclarant qu'il " attendait de monsieur Fabrice X... un management tout autre que celui qu'il a pratiqué ; ces deux témoignages démontrent que, par la manière dont il a traité son directeur de magasin, monsieur Y..., gérant de la société Parvimoine, a placé certains de ses salariés en position critique, voire hostile, à son égard, légitimant par avance leur insubordination et les conduisant à ne tenir aucun compte des consignes qui leur étaient données ; monsieur Y... a d'ailleurs convenu qu'il lui était difficile de ne pas continuer, nonobstant la présence de son directeur de magasin, à intervenir dans le fonctionnement quotidien ; il en est résulté pour monsieur Fabrice X... une situation où il lui est devenu impossible d'accomplir correctement sa mission par le fait de ceux-là mêmes auprès desquels il devait en rendre compte ;
L'inspecteur du travail relève également, comme n'étant pas contesté par monsieur Y..., le fait que monsieur Fabrice X... accomplissait un nombre d'heures de travail beaucoup plus important que celui qui était convenu et pour lequel il était rémunéré, que nonobstant cet engagement professionnel l'employeur lui a imposé l'obligation nouvelle de se présenter au travail tous les matins à 6 heures alors qu'il lui était imposé par son contrat de travail d'être présent à la fermeture du magasin à 19 h 30 ; il en est résulté pour monsieur Fabrice X..., qui s'y est conformé, une amplitude de travail journalier telle qu'elle a mis en péril sa santé physique.
L'absence de moyens matériels mis à la disposition de monsieur Fabrice X... pour accomplir sa tâche est également relevée par l'inspecteur du travail et non contestée par monsieur Y....
Les faits ainsi établis, générateurs d'un état anxieux réactionnel, médicalement constaté les 24 avril et 9 mai 2007, justifient le droit au retrait exercé par monsieur Fabrice X... le 24 avril 2007 ; il en ressort qu'aucune retenue sur salaire ne peut être effectuée à son encontre ; il n'est pas démontré que la situation de danger ainsi mise en évidence a disparu avant le 25 août date de la fin du contrat de travail ; la décision du conseil de prud'hommes de faire droit à la demande de rappel de salaires doit être confirmée.
L'article 1152-2 du code du travail énonce : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
Les faits qui viennent d'être relevés à l'encontre de la société Parvimoine ont été répétés en ce qu'ils relèvent du comportement quotidien de l'employeur durant plusieurs semaines ; ils ont généré une dégradation des conditions de travail de monsieur Fabrice X... qui, après s'être vu gratifié la première semaine pour l'excellent travail qu'il fournissait (le chiffre d'affaire de l'entreprise a augmenté de 41, 64 % en février 2007 et de 51, 40 % en mars 2007 par rapport aux chiffres de l'année 206) s'est vu privé des avantages de sa position de directeur (bureau, ordinateur, liberté d'horaires) et ont porté atteinte à sa dignité en ce qu'il a été placé par son employeur en situation de devoir se justifier devant ses subordonnés et a vu ses décisions remises en cause devant eux ; ils ont eu pour conséquence une dégradation de sa santé ainsi qu'en attestent les deux certificats médicaux versés aux débats.
Les faits de harcèlement moral sont ainsi établis ; la décision du conseil de prud'hommes d'Angers sera également confirmée sur ce point.
L'article L 1245-2 du code du travail énonce : " Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine. Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée ".
La décision du conseil de prud'hommes d'Angers sera confirmée sur les indemnités de rupture, de requalification et sur les dommages et intérêts qu'elle a alloués à monsieur Fabrice X....
La remise des documents sociaux a été effectuée tardivement occasionnant à monsieur Fabrice X... un dommage qui a été justement estimé par le conseil de prud'hommes.
La société Parvimoine, appelant, qui succombe en son appel, en supportera les dépens et devra indemniser monsieur Fabrice X... de ses frais de procédure.

PAR CES MOTIFS :

STATUANT publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Parvimoine à payer à monsieur Fabrice X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Parvimoine aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01852
Date de la décision : 01/02/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2011-02-01;09.01852 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award