COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N MBB/ CG
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01851. Ordonnance Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 04 Août 2009, enregistrée sous le no R 09/ 00112
ARRÊT DU 01 Février 2011
APPELANT :
Maître Franklin X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL COURTINVEST...... 49102 ANGERS CEDEX O2
représenté par Maître Jean albert FUHRER, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE INCIDEMMENT APPELANTE :
Madame Marie-Thérèse Y... épouse Z... ... 49300 CHOLET
représentée par Maître Séverine COULON, substituant Maître Hervé QUINIOU, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
L'AGS CGEA DE RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Bertrand CREN, substituant Maître Andre FOLLEN, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 01 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Courtinvest, qui exerce une activité de courtage financier et de courtage d'assurances, et dont le gérant est monsieur François Z..., a embauché madame Marie-Thérèse Y..., épouse Z..., en qualité de directrice administrative par contrat de travail à durée indéterminée du 2 décembre 1991 ; elle est placée en redressement judiciaire par jugement du 25 juillet 2007 puis en liquidation judiciaire par jugement du 28 novembre 2007 maître X... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 23 juillet 2007, le juge commissaire a autorisé le licenciement de 7 salariés dont madame Marie-Thérèse Y... ; le 28 août 2007, madame Marie-Thérèse Y... a été licenciée pour motif économique.
Le 30 janvier 2007, madame Marie-Thérèse Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers d'une action aux termes de laquelle elle conteste le caractère réel et sérieux du motif de son licenciement et réclame le paiement d'un rappel de commissions sur ventes.
Au motif qu'elle a réclamé en vain, dans le cadre de cette procédure, la production par maître X..., ès qualités, de certaines pièces, madame Marie-Thérèse Y... a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes pour obtenir la remise sous astreinte des documents suivants : les lettres de licenciement des 6 autres salariées licenciées avec elle et les accusés de réception et les factures de ventes établies par la société Courtinvest entre le 1er février 2003 et le 30 janvier 2008.
Par décision du 4 août 2009, la formation des référés a ordonné la remise par maître X..., ès qualités, des documents réclamés par madame Marie-Thérèse Y... avant le 31 août 2009.
Maître X..., ès qualités, a formé appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, maître X... soulève l'exception d'incompétence de la formation de référé pour fixer une créance au passif de la procédure collective sur le fondement de l'article L 625-5 du code de commerce, en faisant valoir que la condamnation sous astreinte conduirait à cela ;
Il soulève l'irrecevabilité de la demande pour fraude, prétendant qu'il existe une collusion frauduleuse entre le gérant de la société Courtinvest, monsieur François Z..., et la demanderesse, madame Marie-Thérèse Y..., en faisant valoir que monsieur François Z... aurait volontairement omis de viser l'ordonnance du juge commissaire dans la lettre de licenciement de son épouse afin de l'invalider ; il expose que la formation de référé du conseil de prud'hommes n'est pas compétente pour ordonner les mesures réclamées, aucune urgence n'étant établie, et les mesures se heurtant à une contestation sérieuse puisqu'elles sont infondées ; il fait valoir que c'est à lui de démonter la fraude et que madame Marie-Thérèse Y... n'a pas à s'immiscer dans l'administration de cette preuve, que les mesures réclamées sont de nature à palier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, que la liquidation judiciaire est dans l'impossibilité matérielle de produire ces pièces ne disposant ni des lettres de licenciement des autres salariées ni des factures, qu'il existe une contestation sérieuse sur le principe même du droit à commission de madame Marie-Thérèse Y... qui n'est prévu dans aucun document, alors que le protocole transactionnel signé le 12 février 2007, en période suspecte est flou et requiert une interprétation de ses termes par le juge du fond, que la production des factures serait très onéreuse.
Il réclame 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le rejet des demandes de madame Marie-Thérèse Y... et sa condamnation aux dépens.
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, madame Marie-Thérèse Y... oppose à l'exception d'incompétence le fait qu'elle ne réclame pas la liquidation de l'astreinte ; elle fait valoir que la production des lettres qu'elle réclame est destinée à combattre l'allégation de fraude développée par maître X..., ès qualités, dans l'instance au fond et que la production des factures est destinée à permettre le calcul de sa rémunération, laquelle dépend des sommes facturées aux clients par la société Courtinvest alors qu'elle travaillait à la prospection de la clientèle ; elle demande la confirmation de l'ordonnance et, formant appel incident, demande à la cour de condamner maître X... à remettre les documents réclamés sous astreinte de 50 euros par jour de retard, réclamant la condamnation, in solidum, de la société Courtinvest et de maître X... à lui payer 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, l'association pour la gestion du régime de garantie des créance demande que soit prononcée sa mise hors de cause dans une instance où il ne lui est rien demandé et où la formation de référé serait incompétente pour prononcer quelle que condamnation que ce soit susceptible d'engager sa garantie.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception d'incompétence,
L'article L 625-5 du code de commerce énonce que les litiges soumis au conseil de prud'hommes en application des articles L 621-125 et L 621-127 sont portés directement devant le bureau de jugement ; la demande de production de pièces et l'astreinte sollicitée, qui pourrait être prononcée, n'entre pas dans le champ d'application des articles L 621-125 et L 621-127 du code de commerce ; cette disposition du code de commerce est impropre à fonder l'incompétence de la formation de référé dans le cadre des demandes dont elle est saisie par madame Marie-Thérèse Y....
Sur l'irrecevabilité de l'action,
L'appréciation de l'existence d'une fraude, alléguée par maître X..., relève des juges du fond ; elle n'est pas de nature à faire obstacle à une demande de production de pièces.
La nature de la demande, s'agissant de la production de documents, exclut qu'elle soit subordonnée à la constatation de l'urgence.
Il n'y a contestation sérieuse que lorsque l'examen de la demande appelle nécessairement une appréciation sur l'existence des droits invoqués ; tel n'est pas le cas de la demande présentée par madame Marie-Thérèse Y... qui réclame la production de documents, seuls les moyens opposés à la demande par maître X... abordant le fond du litige.
La production de documents que seule la société Courtinvest est susceptible de détenir en vu de répondre au moyen fondé sur l'allégation de fraude et en vu de disposer les éléments de calculs des commissions, réclamée par madame Marie-Thérèse Y... n'est pas de nature à palier sa carence dans l'administration de la preuve qui lui incombe.
Sur la demande de production,
puisque maître X... affirme ne pas détenir les lettres dont la communication est demandée, lui ordonner de les produire est dépourvu de toute efficience ; il appartiendra au juge du fond d'apprécier la pertinence du moyen qu'il développe au regard de cette carence à pouvoir produire de tels documents.
S'agissant des factures, maître X... ne peut opposer à la salariée les difficultés qu'il rencontrerait pour se les procurer, dès lors que leur production constitue un élément nécessaire à l'appréciation du bien fondé de la demande en paiement présentée par madame Marie-Thérèse Y... au juge du fond ; il doit être fait droit à cette demande.
La résistance opposée par maître X..., ès qualités, à la communication sollicitée par madame Marie-Thérèse Y... conduit à ordonner la production des factures sous astreinte.
La mise en cause de l'association pour la gestion du régime de garantie des créance n'est justifiée par aucun élément du dossier, la mise en oeuvre de la liquidation de créance n'étant pas de nature à relever de sa garantie ; il doit être fait droit à sa demande de mise hors de cause.
La société Courtinvest est régulièrement représentée à l'instance par le mandataire liquidateur, n'est pas intimée et ne peut donc être condamnée in solidum avec le liquidateur.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront supportés par la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire,
REJETTE l'exception d'incompétence,
REJETTE l'exception d'irrecevabilité,
CONFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la remise des factures réclamées par maître X..., ès qualités, à madame Marie-Thérèse Y... ainsi qu'en sa disposition sur les dépens,
le réformant pour le surplus,
CONDAMNE maître X... à remettre les factures à madame Marie-Thérèse Y... dans les deux mois de la notification de l'arrêt,
LE CONDAMNE, ès qualités, à défaut de le faire dans ce délai et ledit délai expiré, à payer une astreinte de 30 euros par jour de retard durant un délai de 3 mois passé lequel il sera à nouveau statué,
REJETTE, en l'état de l'incapacité de maître X..., ès qualités, à le faire, la demande de remise des lettres de licenciement des autres salariées,
PRONONCE la mise hors de cause de l'association pour la gestion du régime de garantie des créance,
REJETTE les demandes dirigées contre la société Courtinvest,
REJETTE les demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.