COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N AD/ MJ
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 00327.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Janvier 2009, enregistrée sous le no 07. 062
ARRÊT DU 01 Février 2011
APPELANTE :
S. A. R. L. FLOWERS OF THE WORLD ZA du Landreau 49610 MOZE SUR LOUET
représentée par Maître BARBE substituant Maître Bruno ROPARS, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
URSSAF DE MAINE ET LOIRE venant aux droits de l'URSSAF D'ANGERS 32 rue Louis Gain 49925 ANGERS CEDEX 9
représentée par M Benoît AUTRAN, muni d'un pouvoir
EN LA CAUSE :
DRASS DES PAYS DE LA LOIRE Maison de l'Administration Nouvelle BP 86218 44262 NANTES CEDEX 02
Avisée, absente, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 01 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Bruno X... directeur des opérations de la société FLOWERS OF THE WORLD a été licencié pour faute grave le 30 septembre 2003.
Il a 7 octobre 2003 signé avec cette société, représentée par son gérant monsieur Y... une transaction aux termes de laquelle
-d'une part, il recevait à titre de règlement transactionnel de toutes contestations nées ou à naître de son activité salariée, une indemnité en réparation du préjudice causé par la rupture de son contrat de travail, le remplissant de l'intégralité de ses droits, fixée de façon forfaitaire, transactionnelle et définitive à la somme de 55 500 euros,- d'autre part il acceptait de ne pas remettre en cause, d'une manière définitive, la qualification de licenciement pour faute grave retenue par la société pour procéder à la rupture de son contrat de travail et renonçait par conséquent à toute demande de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et à toute demande relative à des rappels de salaire ou indemnités à quelque titre que ce soit.
La sarl FLOWERS OF THE WORLD a fait l'objet le 29 mai 2006 d'un contrôle URSSAF à l'issue duquel l'inspecteur du recouvrement a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales cette indemnité transactionnelle pour la somme de 24 360 euros, n'acceptant une exonération que pour le montant de 31 140 euros, ce qui a entraîné une régularisation de cotisations de 5298 euros.
La sarl FLOWERS OF THE WORLDa contesté cette réintégration auprès de la commission de recours amiable de l'URSSAF qui a rejeté ce recours le 24 novembre 2006, au motif que l'inspecteur avait fait une exacte application des dispositions de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
La sarl FLOWERS OF THE WORLD a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers qui par jugement du 13 janvier 2009 a dit le recours de celle-ci mal fondé et a confirmé la décision de la commission de recours amiable.
La sarl FLOWERS OF THE WORLD a fait appel du jugement.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La sarl FLOWERS OF THE WORLD demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris la décision de la commission de recours amiable, et le redressement de cotisations sociales notifié par l'URSSAF. Elle demande la condamnation de l'URSSAF de Maine et Loire à lui payer la somme de1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
- que l'indemnité transactionnelle visée par la transaction du 7 octobre 2003 avait la nature de dommages-intérêts ; qu'en effet, monsieur X... étant licencié pour faute grave les sommes versées n'avaient la nature ni d'une indemnité de licenciement, ni d'une indemnité de préavis mais avaient la même nature que ceux alloués par les juridictions au titre des anciens articles L122-14-4 et L122-14-5 du code du travail,
- que par application des articles L242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 80 duodecies du code des impôts les sommes allouées pour réparer les préjudices d'un salarié consécutifs à un licenciement abusif ne sont ni imposables, ni soumises à cotisations sociales,
- que si les dommages-intérêts versés par application de la transaction devaient être considérés comme une indemnité de licenciement il fallait alors, dans le calcul du plafond d'exonération fixé par l'article 80 duodecies du code général des impôts, retenir au titre de la rémunération annuelle brute perçue par monsieur X..., l'ensemble des rémunérations perçues par celui-ci sur l'année civile 2002 auprès de ses différents employeurs, dont la sarl FLOWERS OF THE WORLD.
L'URSSAF de Maine et Loire demande à la cour de confirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers.
Elle observe que le moyen consistant à dire que la somme versée avait la nature de dommages-intérêts est un moyen nouveau et que le débat devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers n'a porté que sur les limites d'exonération applicables à l'indemnité versée à monsieur X... ; que la cour devra donc écarter ce moyen.
L'URSSAF soutient en tout état de cause :
- que l'indemnité transactionnelle versée à monsieur X... ne peut bénéficier de l'exonération prévue à l'article 80 duodecies du code général des impôts puisqu'elle n'a pas été versée dans le cadre d'une procédure de licenciement abusif mais dans le cadre d'un licenciement pour faute grave n'ouvrant droit à aucune indemnité de licenciement ni à indemnité de préavis ni à des dommages-intérêts.
- que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (loi du 30 décembre 1999) a posé le principe de l'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités versées aux salariés à l'occasion de la rupture du contrat de travail, pour la partie de ces indemnités assujettie à l'impôt sur le revenu, en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts et que cet article vise la notion de " rémunération brute annuelle " ; que cette notion est explicitée dans l'instruction fiscale du 31 mai 2000 comme étant la rémunération annuelle déclarée par l'employeur qui procède au licenciement, pour être soumise à l'impôt sur le revenu établi au nom de l'intéressé ; qu'il faut donc prendre en compte la rémunération de monsieur X... versée l'année précédant la rupture du contrat de travail, par la sarl FLOWERS OF THE WORLD puisque c'est l'employeur qui a effectivement procédé au licenciement.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LE MOYEN NOUVEAU DE LA SARL FLOWERS OF THE WORLD
L'article 563 du code de procédure civile dit que pour justifier des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux devant la cour d'appel.
La cour doit en conséquence répondre au moyen tendant à dire que l'indemnité transactionnelle versée à monsieur X... avait la nature de dommages-intérêts réparant le préjudice né du licenciement abusif, ce qui l'exonérait de cotisations sociales.
SUR LA NATURE DE L'INDEMNITE TRANSACTIONNELLE
Les juges ont en premier lieu à analyser les termes du protocole d'accord pour déterminer la nature juridique des sommes en cause.
La portée de la transaction nécessite l'interprétation de la volonté des signataires au regard des dispositions de l'article 2048 du code civil qui dit que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.
La transaction signée le 7 octobre 2003 indique qu'elle est destinée à régler, de façon globale forfaitaire et définitive, tous les litiges pouvant se rattacher au contrat de travail de monsieur Bruno X... et à la rupture de celui-ci.
Elle dit en son article 1 que : monsieur X... recevra à titre de règlement transactionnel de toutes contestations nées ou à naître du chef de son activité salariée, une indemnité en réparation du préjudice causé par la rupture de son contrat de travail et à son article 2 : qu'il accepte de ne pas remettre en cause la qualification de licenciement pour faute grave retenue par la société pour procéder à la rupture du contrat de travail.
Il apparaît donc clairement que monsieur X... a entendu renoncer à soulever le caractère abusif de son licenciement et que la somme reçue ne présente pas de caractère indemnitaire.
Il s'agit d'une indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et qui doit être, en application de L242-1 du code de la sécurité sociale, soumise à cotisations sociales à hauteur de la fraction de l'indemnité assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Cet article énumère une série d'indemnités, correspondant à des licenciements abusifs ou irréguliers, qui sont exonérées totalement de cotisations sociales ; l'indemnité transactionnelle n'apparaît pas dans cette liste limitative.
L'article 80 duodecies du code général des impôts dit encore que les autres indemnités de licenciement sont exonérées pour la fraction qui n'excède pas le montant légal ou conventionnel et lorsqu'elles excèdent le montant légal ou conventionnel, dans la limite de 50 % de l'indemnité perçue ou de deux fois la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail.
L'administration fiscale, dans son instruction du 31 mai 2000, fait entrer l'indemnité transactionnelle dans cette catégorie d'indemnités de licenciement exonérables pour partie, y compris dans le cas d'un licenciement pour faute grave.
L'article L 242-1 du code de la sécurité sociale opérant un renvoi vers l'article 80 duodecies du code général des impôts, la loi opère désormais un alignement de la réglementation sociale sur la réglementation fiscale.
L'URSSAF applique en conséquence à juste titre les règles de détermination de l'assiette des cotisations sociales à partir des dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Elle se réfère encore justement pour préciser la notion de rémunération brute annuelle visée par ce texte à l'interprétation fournie par l'administration fiscale dans son instruction fiscale du 31 mai 2000.
Il s'agit de la rémunération annuelle déclarée par l'employeur qui procède au licenciement et donc des sommes versées à monsieur X... l'année précédant la rupture du contrat de travail par la société FLOWERS OF THE WORLD, à l'exclusion de tout autre revenu.
Le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers doit être confirmé dans toutes ses dispositions.
La sarl FLOWERS OF THE WORLD conserve la charge des frais engagés dans l'instance.
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens, la procédure étant gratuite devant les juridictions des affaires de sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janvier 2009 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers.
REJETTE la demande de la sarl FLOWERS OF THE WORLD formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON