La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2009 | FRANCE | N°334

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre a, 13 octobre 2009, 334


COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE A
CLM/ IM
ARRET No 334

AFFAIRE No : 08/ 01427

Jugement du 03 Juin 2008
Tribunal de Grande Instance du MANS
no d'inscription au RG de première instance 06/ 02713

ARRET DU 13 OCTOBRE 2009

APPELANT :

Monsieur Basil X...
...-...- ATHENES (GRECE)

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
assisté de Me Patrick DE CHESSE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

LA S. A. R. L. D...
...-72530 YVRE L'EVEQUE

représentée par la SCP DUFOU

RGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour
assistée de Me Valérie RONDEAU-TREMBLAYE, avocat au barreau du MANS

INTIMEES SUR APPEL PROVOQUE :

L...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE A
CLM/ IM
ARRET No 334

AFFAIRE No : 08/ 01427

Jugement du 03 Juin 2008
Tribunal de Grande Instance du MANS
no d'inscription au RG de première instance 06/ 02713

ARRET DU 13 OCTOBRE 2009

APPELANT :

Monsieur Basil X...
...-...- ATHENES (GRECE)

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
assisté de Me Patrick DE CHESSE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

LA S. A. R. L. D...
...-72530 YVRE L'EVEQUE

représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour
assistée de Me Valérie RONDEAU-TREMBLAYE, avocat au barreau du MANS

INTIMEES SUR APPEL PROVOQUE :

LA SELARL A... ET E...
...-78610 LES BREVIAIRES

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
assistée de Me Véronique CLAVEL, avocat au barreau de PARIS

LA COMPAGNIE GENERALI ASSURANCES IARD
7 boulevard Haussmann-75456 PARIS CEDEX 09

représentée par Me Jacques VICART, avoué à la Cour
assistée de Me de FREMINVILLE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2009 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame VERDUN, conseiller faisant fonction de président en application de l'ordonnance du 7 septembre 2009, Madame RAULINE, conseiller, et Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller, ayant été entendue en son rapport,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 13 octobre 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame VERDUN, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

?
? ?

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 septembre 2004, M. Basil X..., cavalier amateur, a acquis auprès de la société D... une jument dénommée Kenya Galante, destinée à la compétition de sauts d'obstacles, et ce, moyennant le prix de 51 500 €.

Trois jours auparavant, M. D... avait fait procéder par le Dr Philippe E..., vétérinaire, membre de la société A...- E..., à une visite d'achat complète, à un bilan radiographique de niveau 1 et à une radiographie numérique. Le vétérinaire a conclu à un " bon examen clinique et locomoteur ce jour " et à un examen radiographique des pieds, des boulets antérieurs et des jarrets satisfaisant, en relevant " des défauts d'aplombs et de posé des antérieurs " ainsi qu'une " locomotion au trot et au galop assez commune ".

Après l'achat, la jument a été mise en pension au haras des Bouleries exploité par la société D.... Entre novembre 2004 et mai 2005, elle a été soignée pour des problèmes gastriques, puis lombaires, ensuite pour une boiterie qui a mis en évidence une fourbure.

Alors que son état s'était amélioré en mai 2005 tant sur le plan gastrique qu'orthopédique, début juillet 2005, à l'occasion d'un concours, elle a présenté une boiterie antérieure gauche. Un bilan locomoteur, pratiqué le 21 juillet au CIRALE, unité pédagogique de clinique équine de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort, a mis en évidence une amyotrophie dorsale générale et un défaut global de la région axiale.

En novembre 2005, l'animal a présenté une boiterie antérieure droite de niveau 3/ 5 qui a justifié son hospitalisation. Le 14 novembre 2005, la société A... et E... a diagnostiqué une maladie naviculaire et conclu que " le pronostic sportif était fortement réservé à défavorable à court, moyen et long terme ".

Un examen d'imagerie par résonnance magnétique réalisé par le Pr F... au CIRALE, le 18 janvier 2006, a confirmé l'existence de la maladie naviculaire, le praticien concluant que " les troubles à l'exploitation rencontrés depuis plusieurs mois s'expliquaient par la concomitance de lésions chroniques, dorsales d'origine constitutionnelle (diagnostiquées le 21 juillet 2005) et podales ".

Par acte du 8 mars 2006, M. Basil X... a fait assigner la société D... en annulation de la vente et remboursement du prix, et en paiement des sommes de 14 387, 51 € au titre des frais exposés et de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice sportif et de loisirs.

Par acte du 1er février 2007, cette dernière a fait appeler en garantie la société A... et E..., laquelle a appelé en cause son assureur, la société Generali Assurances IARD, par acte du 9 juillet 2007.

Par jugement du 3 juin 2008 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé, le tribunal de grande instance du Mans a :

- débouté M. X... de sa demande en annulation de la vente sur le fondement de l'erreur,
- déclaré sa demande en résolution de la vente pour vices cachés irrecevable comme prescrite au regard des dispositions des articles L 213-1 et suivants du code rural,
- débouté la société A... et E... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée contre la société D...,
- condamné M. X... aux dépens et à payer à la société D... une indemnité de procédure de 1 500 € ; débouté la société A... et E... et la société Generali Assurances IARD de ce chef de prétention.

Par déclaration du 18 juin 2008, M. Basil X... a relevé appel de cette décision à l'encontre de la société D....
Le 12 novembre 2008, il lui a fait signifier cette déclaration d'appel et délivrer assignation à comparaître devant la cour.

Par acte du 23 février 2009, la société D... a fait assigner la société A... et E... en appel provoqué, lequel a été dénoncé à M. X... par acte du 25 février suivant.

Par acte du 26 mars 2009, la société A... et E... a fait assigner la société Generali Assurances IARD devant la cour.

Les parties ont constitué avoué et conclu. La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 septembre 2009.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe par M. Basil X... le 23 juin 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile, et aux termes desquelles il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;
- à titre principal, de prononcer l'annulation de la vente sur le fondement de l'article 1110 du code civil pour erreur sur la substance, l'achat portant sur un cheval de compétition et cette qualité ne pouvant, selon lui, pas être reconnue à l'animal dont s'agit ;

- à titre subsidiaire, de prononcer la résolution de la vente pour vices cachés, en application des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil à l'exclusion de celles des articles L 231-1 et suivants du code rural, eu égard aux défauts, lésions tant dorsales que podales, que la jument a toujours présentés et qui la rendent impropre à sa destination de cheval de saut d'obstacles en compétition, et en raison de la convention tacite par laquelle les parties ont décidé de s'en remettre aux règles générales de la vente ;

- de condamner la société D... à lui payer les sommes suivantes :
¤ 51 500 € représentant le montant du prix, avec intérêts " de droit " à compter du jour de l'acquisition,
¤ 18 000 € correspondant au montant des frais de pension et accessoires,
¤ 5 000 € de dommages-intérêts pour préjudice sportif et de loisirs,
¤ 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X... demande en outre à la cour de dire que la société D... devra lui rembourser les frais ultérieurs sur présentation de factures ou de prévoir sur ce point le renvoi de l'affaire à la mise en état.

Il indique que, contre paiement de l'ensemble des sommes arbitrées en sa faveur, il restituera la carte de propriétaire régulièrement endossée.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe par la société D... le 1er juillet 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile, et aux termes desquelles elle demande à la cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, de condamner la société A... et E..., en application des dispositions de l'article 1382 du code civil, à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
- de condamner M. Basil X... à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 €.

Faisant observer qu'aucun dol n'est allégué contre elle, la venderesse oppose tout d'abord qu'en présence d'un vice rendant l'animal impropre à sa destination, l'action en nullité fondée sur l'erreur n'est pas ouverte à M. X....
Elle considère en outre que la qualité substantielle de cheval de compétition de la jument Kenya Galante n'est pas en cause dès lors qu'avant l'achat, l'animal avait, par divers gains, montré sa qualité de cheval de sauts d'obstacles.

Pour contester que les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil puissent trouver à s'appliquer, elle dénie l'existence d'une convention par laquelle les parties auraient décidé d'exclure les dispositions des articles L 213-1 et suivants du code rural.
Elle entend en conséquence voir déclarer l'action en résolution de la vente irrecevable comme prescrite, pour non-respect tant du délai de dix jours que des formes imparties à l'acheteur pour agir en application des règles du code rural.
Elle soutient que la jument n'était pas alors impropre à sa destination, soulignant que le diagnostic de maladie naviculaire n'a été posé que plus d'un an après la vente et que l'animal a continué à être exploité en concours de sauts d'obstacles.

A titre subsidiaire, sur le préjudice allégué, pour conclure que l'appelant ne peut pas prétendre à de plus amples sommes que la restitution du prix, elle se prévaut de sa bonne foi, arguant de ce qu'elle ignorait que le cheval était atteint d'une maladie naviculaire, de ce qu'elle a fait toutes diligences pour le soigner et éviter à l'acheteur tout préjudice sportif et de loisirs, et lui a même proposé un échange avec deux chevaux de qualités similaires. Elle estime que M. X... doit supporter les conséquences de son choix ayant consisté à s'entêter à soigner le cheval plutôt que d'accepter l'échange proposé.

A l'appui de son recours à l'encontre de la société A... et E..., la société D... fait valoir que le vétérinaire a commis une faute tenant en un défaut de diagnostic de la maladie naviculaire et en un manquement au devoir de conseil et d'information. Elle lui fait également grief d'avoir commis une faute, à l'origine de l'augmentation du préjudice, en s'entêtant dans de nombreux traitements mais sans mettre en oeuvre les mesures d'investigations nécessaires à la détermination précise des causes de la boiterie.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe par la société A... et E... le 27 août 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile, et aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris et de condamner chacun de M. Basil X... et de la société D... à lui payer 4 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- subsidiairement, de condamner la société Generali Assurances IARD à la garantir de toutes condamnations au motif que sa garantie lui est acquise tant pour les dommages immatériels que pour les dommages matériels.

Relevant également l'absence de dol allégué, le vétérinaire oppose qu'en présence d'un vice rendant l'animal impropre à sa destination, l'action en nullité pour erreur n'est pas ouverte à M. X.... Il conteste en outre que la jument Kenya Galante n'ait pas présenté, au moment de la vente, les qualités attendues par l'appelant puisqu'elle a participé à de nombreux concours de sauts d'obstacles pendant un an et demi.

Contestant l'existence d'une convention dérogatoire à l'application des dispositions des articles L 213-1 et suivants du code rural, la société A... et E... soutient que les articles 1641 et suivants du code civil ne trouvent pas à s'appliquer et elle soulève l'irrecevabilité de l'action en résolution pour non-respect du délai de dix jours imparti par le code rural pour agir.

Elle ajoute qu'au jour de l'achat, l'animal était parfaitement apte à l'usage sportif auquel il était destiné.

Pour s'opposer à la demande en garantie formée contre elle, elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute, ni quant au diagnostic de la maladie naviculaire, ni quant à son obligation d'information au moment de la visite d'achat, le vétérinaire n'ayant pas à conseiller l'acheteur quant à l'opportunité de procéder ou non à l'acquisition de l'animal.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées au greffe par la société Generali Assurances IARD le 3 septembre 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile, et aux termes desquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris au motif que l'action en nullité pour erreur n'est pas ouverte et que l'action en résolution de la vente pour vice caché, qui ne peut, en l'absence de convention dérogatoire, qu'être fondée sur les dispositions du code rural, est irrecevable comme prescrite.

A titre subsidiaire, déniant sa garantie, elle conclut au rejet de la demande formée contre elle de ce chef.

Elle sollicite la condamnation de M. Basil X... à lui payer la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en nullité de la vente pour erreur

Attendu que s'il n'est pas contesté que la jument Kenya Galante a été laissée au pré depuis son hospitalisation du 14 novembre 2005, il est également acquis aux débats qu'encore en 2004 et 2005, elle a été engagée en compétition respectivement à trente-huit et trente-trois reprises, et a été classée première sept fois en 2004 et une fois en 2005 ;

Attendu que les examens pratiqués par le Dr Philippe E... le 14 novembre 2005 et par le Pr F... les 21 juillet 2005 et 18 janvier 2006 ont mis en évidence que la jument était atteinte de lésions dorsales d'origine constitutionnelle et d'une maladie naviculaire ; que ce point n'est pas contesté ; attendu que le terme de " maladie naviculaire " désigne, chez le cheval, toutes les boiteries chroniques, le plus souvent des deux membres antérieurs, ayant pour origine l'os naviculaire ;

Attendu que le Pr F... conclut son examen en ces termes : " Les troubles à l'exploitation rencontrés depuis plusieurs mois s'expliquent par la concomitance de lésions chroniques, dorsales d'origine constitutionnelle (diagnostiquées le 21 juillet 2005) et podales " ;

Que le Dr E... a quant à lui indiqué : " Le pronostic sportif est fortement réservé à défavorable à court, moyen et long terme. Il peut s'éclaircir momentanément en fonction de la réponse à un traitement des bourses sachant que ces traitements doivent être limités et comportent des risques de complications. " ;

Attendu qu'il est ainsi mis en évidence que l'appelant a bien acheté un cheval de compétition pratiquant, et avec succès, le concours de saut d'obstacles, mais qu'il est apparu que cet animal présentait un défaut le rendant impropre à sa destination ;

Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu, qu'en présence d'un tel défaut, la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement possible de l'action exercée et qu'il n'y a dès lors pas lieu de rechercher si le consentement de l'appelant a été vicié pour erreur sur la substance de la chose vendue, l'action en nullité fondée sur une telle erreur ne lui étant pas ouverte ; que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point ;

Sur la demande en résolution de la vente

Attendu que l'action en garantie dans les ventes d'animaux domestiques est, à défaut de convention contraire, régie par les dispositions des articles L 213-1 et suivants du code rural ;

Attendu que pour déclarer M. X... irrecevable en sa demande en résolution de la vente litigieuse, le tribunal a retenu qu'en l'absence de convention contraire invoquée par celui-ci, seules les dispositions des articles L 213-1 et suivants du code rural étaient applicables et il a relevé que l'acheteur n'avait pas agi dans le délai, imparti par ces textes, de dix jours suivant la livraison de l'animal ;

Attendu que pour conclure à l'existence d'une convention tacite d'application des règles du droit commun de la vente, l'appelant argue de ce que le cheval vendu était destiné à la compétition et de ce qu'il était accueilli en pension et engagé en compétition par son propre vendeur ;

Attendu qu'il résulte expressément du compte-rendu de visite d'achat établi par le Dr E..., et qu'il est reconnu par les parties, que la jument Kenya Galante était destinée à la compétition de sauts d'obstacles, M. X... étant cavalier amateur ;

Attendu que la société D... expose d'ailleurs elle-même en page 2 de ses conclusions qu'elle a conseillé avec confiance à l'appelant d'acquérir cet animal en raison de ses performances régulières en concours de sauts d'obstacles ;

Attendu qu'il est également établi et acquis aux débats qu'après l'achat, l'animal est resté en pension (dépôt salarié) au haras des Bouleries, exploité par la société D..., laquelle a pour activité le commerce et l'élevage de chevaux de sport, et que cette dernière l'a elle-même entraîné et engagé en compétition ;

Attendu que les qualités et la valeur de l'animal vendu ainsi que sa destination à la compétition expressément convenue entre les parties, les considérations de performances antérieures qui ont guidé le choix de l'acheteur, l'implication du vendeur professionnel tant dans l'achat de l'animal, que dans les soins qui lui ont été apportés et dans son engagement en compétition constituent des circonstances qui établissent de façon claire l'intention des parties de déroger aux dispositions du code rural et de s'en remettre aux règles générales de la vente ; que M. X... est donc bien fondé à invoquer les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil et que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a déclaré son action irrecevable comme prescrite pour non-respect du délai de dix jours ;

Attendu que pour prospérer en son action en résolution de la vente, il incombe à M. X... d'établir que la jument Kenya Galante était, au jour de la vente, affectée de défauts cachés la rendant impropre à son usage de cheval de compétition en concours de sauts d'obstacles ou diminuant tellement cet usage qu'il ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Attendu qu'il résulte des éléments médicaux produits que la jument a été, à compter de novembre 2004, successivement soignée pour des problèmes gastriques, puis d'inflammation des régions thoraco-lombaire et lombaire, puis de fourbure et de dorsalgie ;

Attendu que les examens pratiqués les 21 juillet 2005, 14 novembre 2005 et 18 janvier 2006 par le Pr F... et le Dr E... ont mis en évidence que la jument Kenya Galante était atteinte d'une part de lésions chroniques dorsales d'origine constitutionnelle, d'autre part d'une maladie naviculaire, laquelle, incurable et irréversible, est la cause fréquente de boiterie intermittente (les " boiteries anciennes intermittentes " étant réputées vices rédhibitoires par le code rural) ;

Attendu qu'il résulte clairement des conclusions du Dr E... en date du 14 novembre 2005 que la jument est bien impropre à sa destination puisque le vétérinaire a conclu à un pronostic sportif " fortement réservé à défavorable à court, moyen et long terme " en précisant que les traitements devaient de toute façon être limités et qu'ils présentaient des risques de complication (calcification de la bourse, rupture du fléchisseur profond etc...) ;

Attendu que cette impossibilité pour la jument de poursuivre une carrière de sauts d'obstacles n'est d'ailleurs pas contestée, étant observé que ses scores en 2005 ont nettement chuté puisqu'elle n'a remporté qu'une compétition sur les 33 dans lesquelles elle a été engagée ;

Et attendu qu'il appert de l'examen réalisé le 18 janvier 2006 par le Pr F... que les problèmes de boiterie présentés par la jument Kenya Galante ont une double origine, à savoir les lésions dorsales qu'il qualifie de " constitutionnelles " et les lésions podales ;

Attendu que s'il n'est pas établi avec certitude en l'espèce que la maladie naviculaire préexistait à la vente, cette maladie ayant plusieurs causes possibles qui peuvent se conjuguer et ne sont pas toutes constitutionnelles, et n'ayant pas été diagnostiquée lors de l'examen du CIRALE du 21 juillet 2005 qui relevait l'absence d'image radiographique indicatrice de pathologie ostéo-articulaire, il résulte sans ambiguïté des conclusions du Pr F... qu'au moment de la vente, la jument était bien affectée des lésions dorsales constitutionnelles, muettes sur le plan symptomatologique, également à l'origine de son inaptitude à sa destination de compétiteur en concours de saut d'obstacles ;

Attendu que M. X... est donc bien fondé à soutenir qu'au moment de la vente, la jument Kenya Galante était affectée d'un vice la rendant impropre à sa destination ; attendu qu'un tel vice, qui a été mis en évidence au moyen de radiographies et d'une échographie, n'était pas décelable par ce cavalier amateur ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur ;

Attendu qu'en sa qualité de vendeur professionnel, la société D... est tenue de connaître les vices affectant la chose vendue ; qu'elle sera donc tout d'abord condamnée à payer à M. X... la somme de 51 500 €, représentant le montant du prix ; que les intérêts sur cette somme ne sont dus que du jour de la demande et non, comme le soutient l'appelant, du jour de la vente ; qu'en l'absence de sommation de payer ou de mise en demeure préalable, ils courront en l'espèce, au taux légal, à compter du 8 mars 2006, date de l'assignation délivrée à la société D... ;

Attendu que M. X... est fondé à solliciter, à titre de dommages-intérêts, le remboursement des frais de pension, de soins et de transports qu'il a engagés pour le compte de la jument Kenya Galante depuis la vente ; attendu qu'il sollicite de ce chef la somme de 18 000 € dont il indique, dans le corps de ses conclusions, qu'elle correspond aux frais arrêtés au 23 juin 2009 (date de signification de ses écritures), et dans le dispositif de ses conclusions, aux frais arrêtés au jour de l'assignation ;

Attendu qu'au regard des pièces communiquées no 2, 6 et 20, le préjudice subi de ce chef par l'acheteur est justifié à concurrence de la somme de 14 090, 51 € que la société D... sera condamnée à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, étant observé que l'acheteur ne justifie pas avoir effectivement honoré des frais de pension au-delà du mois de janvier 2006 inclus ;

Attendu qu'au regard des justificatifs ainsi produits, il n'y a lieu ni à condamnation de la société venderesse au remboursement d'éventuels frais ultérieurs sur présentation de factures, ni à renvoi de l'affaire à la mise en état pour permettre à M. X... de formuler une éventuelle demande de ce chef ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande pour préjudice sportif et de loisir, l'appelant fait valoir qu'il n'a pas pu faire venir le cheval en Grèce, où il est domicilié, pour l'utiliser, et qu'il a été privé des fruits possibles de son investissement ;

Attendu qu'il n'est pas justifié des gains remportés par la jument Kenya Galante antérieurement à 2004 ; qu'au cours de l'année 2004, leur montant ressort à 1 283, 73 € pour un coût d'engagements de 1 392, 55 € tandis qu'en 2005, les gains se sont élevés à 279, 07 € pour un montant d'engagements de 635 € ;

Attendu qu'au regard de ces éléments, la société D... sera condamnée à payer à M. X... la somme de 2 000 € en réparation du préjudice sportif et de loisir et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Sur les demandes en garantie formées à l'encontre de la société A... et E... et de la société Generali Assurances IARD

Attendu qu'à l'appui de son recours dirigé contre la société A... et E..., la société D... fait valoir :

- qu'au moment de la vente, le Dr E... a commis une faute, tenant en un défaut de diagnostic de la maladie naviculaire et en un manquement à son devoir de conseil et d'information, en ce qu'il a donné un avis favorable lors de la visite d'achat sans proposer d'examens complémentaires ni mettre l'acquéreur en garde en dépit des anomalies qu'il avait relevées quant à la locomotion de l'animal,

- qu'après la vente, il a commis une faute, à l'origine de l'augmentation du préjudice, en s'entêtant dans de nombreux traitements mais sans mettre en oeuvre les mesures d'investigations nécessaires à la détermination précise des causes de la boiterie ;

Mais attendu qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la maladie naviculaire était décelable par le vétérinaire au moment de la vente ou même antérieurement au 14 novembre 2005, dès lors que le Dr G..., vétérinaire du CIRALE, unité de clinique équine très spécialisée, ne l'a pas diagnostiquée lors de l'examen locomoteur auquel il a procédé le 21 juillet 2005, cet examen ayant porté sur les antérieurs (pieds et boulets) et ayant conclu à l'absence d'image indicatrice de pathologie ostéo-articulaire ;

Attendu que la société D... se contente également de faire grief au vétérinaire de n'avoir pas conseillé d'examen complémentaire sans préciser quels examens auraient été nécessaires ou utiles ni étayer son reproche par un quelconque élément ou avis médical ; que notamment, elle ne justifie pas de ce que l'observation de " défauts d'aplombs et de posé des antérieurs " et d'une " locomotion au trot et au galop assez commune " commandait de procéder à des radiographies du dos qui n'avaient pas été sollicitées ;

Attendu qu'il n'est pas plus établi que la société A... et E... aurait commis des erreurs dans les diagnostics qu'elle a successivement posés ou dans les soins qu'elle a prodigués ou les traitements qu'elle a prescrits ; que l'examen réalisé en mai 2005 note au contraire que l'état de la jument était bien amélioré tant sur le plan gastrique que sur le plan orthopédique ;

Attendu que la société A... et E... a été sollicitée pour procéder à une visite d'achat aux termes de laquelle le Dr E... a établi un compte-rendu clair et circonstancié, remplissant ainsi son obligation d'information relativement à l'état de l'animal au jour de l'examen et en considération du niveau d'investigation requis ; qu'il n'entrait dans sa mission ni de donner son avis sur l'opportunité de la transaction en cause, ni de conseiller l'acheteur et/ ou le vendeur de ce chef ;

Attendu que faute pour elle de rapporter la preuve de la faute invoquée à l'encontre de la société A... et E..., la société D... sera déboutée de sa demande en garantie ;

Et attendu, dès lors, qu'il n'y a pas lieu à examen de la demande en garantie formée par le vétérinaire à l'encontre de la société Generali Assurances IARD ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société A... et E...

Attendu que la société A... et E... sollicite des dommages-intérêts pour appel abusif ;

Attendu que cette demande est mal fondée en ce qu'elle est dirigée contre M. X..., lequel, d'une part, prospère amplement en son recours, d'autre part, n'a jamais élevé la moindre prétention contre le vétérinaire ;

Qu'en outre la société A... et E... ne démontre ni que la société D... aurait commis une faute dans l'exercice de son droit de former appel, ni qu'acheteur et vendeur se seraient, comme elle le soutient, ligués contre elle. Qu'enfin, elle ne justifie d'aucun préjudice en lien avec l'exercice de l'appel ;

Qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu, M. X... prospérant amplement en ses prétentions, que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens et à payer à la société D... une indemnité de procédure de 1 500 € ;

Que cette dernière sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à chacun de M. X... et de la société A... et E... la somme de 3 000 €, à la société Generali Assurances IARD celle de 1 500 € ;

Que la société D... conservera la charge des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. Basil X... irrecevable en sa demande en résolution de la vente conclue entre lui et la société D... le 16 septembre 2004, portant sur la jument Kenya Galante no 981 03824H et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Prononce la résolution de cette vente et condamne la société D... à payer à M. Basil X... les sommes suivantes :

-51 500 € (cinquante et un mille cinq cents euros) correspondant au prix payé et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2006,
-16 090, 51 € (seize mille quatre-vingt dix euros et cinquante et un centimes) à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute M. X... de sa demande en " paiement des frais ultérieurs sur présentation de factures " et dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire à la mise en état ;

Dit que, contre paiement de la somme représentant le prix de vente de la jument Kenya Galante et les intérêts y afférents, M. Basil X... devra restituer à la société D... la carte de propriétaire régulièrement endossée ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société D... de sa demande en garantie formée contre la société A... et E... et dit n'y avoir lieu à examen de la demande en garantie formée contre la société Generali Assurances IARD ;

Déboute la société A... et E... de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Condamne la société D... à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à chacun de M. Basil X... et de la société A... et E... la somme de 3 000 € (trois mille euros) et à la société Generali Assurances IARD, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) ;

Dit que la société D... conservera la charge de l'ensemble des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF F. VERDUN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 334
Date de la décision : 13/10/2009

Analyses

VENTE - Animaux domestiques - Garantie

Si les articles L. 213-1 et suivants du code rural prévoient que l'action en garantie dans les ventes d'animaux domestiques doit être mise en oeuvre dans les dix jours de la livraison de l'animal, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les parties entendent s'en remettre clairement aux règles générales de la vente dont les articles 1641 et suivants du code civil. Tel est le cas face aux circonstances suivantes : les qualités et la valeur de l'animal vendu ainsi que sa destination à la compétition expressément convenue entre les parties, les considérations de performances antérieures qui ont guidé le choix de l'acheteur, l'implication du vendeur professionnel tant dans l'achat de l'animal, que dans les soins qui lui ont été apportés et dans son engagement en compétition. Est alors infirmé le jugement qui a déclaré une telle action irrecevable comme prescrite pour non-respect du délai de dix jours


Références :

articles L. 213-1 et suivants du code rural

articles 1641 et suivants du code civil

Décision attaquée : Tribunal de grande instance du Mans, 03 juin 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2009-10-13;334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award