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20/01/2009 | FRANCE | N°23

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 20 janvier 2009, 23


COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE AFV / IM
ARRET N 23

AFFAIRE N : 06 / 02009

Jugement du 25 Juillet 2006
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
no d'inscription au RG de première instance 05 / 0972

ARRET DU 20 JANVIER 2009

APPELANTE :

LA S. C. I. LA JAMETRIE
" La Jametrie "-49123 CHAMPTOCE S / LOIRE

représentée par la SCP DELTOMBE ET NOTTE, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques MONIER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Monsieur Claude Y...
...

Madame Aline Z... épouse Y...
...



Monsieur Hervé Y...
...

Mademoiselle Elisabeth Y...
...

Mademoiselle Sophie Y...
...

représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE AFV / IM
ARRET N 23

AFFAIRE N : 06 / 02009

Jugement du 25 Juillet 2006
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
no d'inscription au RG de première instance 05 / 0972

ARRET DU 20 JANVIER 2009

APPELANTE :

LA S. C. I. LA JAMETRIE
" La Jametrie "-49123 CHAMPTOCE S / LOIRE

représentée par la SCP DELTOMBE ET NOTTE, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques MONIER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Monsieur Claude Y...
...

Madame Aline Z... épouse Y...
...

Monsieur Hervé Y...
...

Mademoiselle Elisabeth Y...
...

Mademoiselle Sophie Y...
...

représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
assistés de Me Catherine MENANTEAU, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame VERDUN, conseiller faisant fonction de président vu l'empêchement de Madame la présidente de la 1ère chambre A et en application de l'ordonnance du 8 septembre 2008, ayant été entendue en son rapport, Monsieur MARECHAL, conseiller, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 20 janvier 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame VERDUN, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing-privé du 21 mai 1999, les époux Y...- Z... ont vendu à la SCI LA JAMETRIE, en cours de formation, une fermette, avec hangars, écuries et jardin, située à CHAMPTOCE SUR LOIRE (Maine et Loire), lieudit « La Jamétrie », pour le prix principal de 295 000 francs (44 972, 46 euros). La vente était conclue sous diverses conditions suspensives dont celle d'obtention d'un prêt de 280 000 francs, remboursable sur 12 ans, auprès de la Caisse d'Epargne, dont l'acquéreur s'engageait à faire la demande dans les 10 jours de la signature de l'acte. La régularisation authentique de la vente était fixée au 21 juin 1999.

Les 23 novembre et 22 décembre 1999, les époux Y...- Z... ont consenti :

- à Mylène D..., associée de la SCI, un bail d'habitation de 3 ans portant sur la fermette,
- à la SARL « Garage de la Loire », dont Mylène D... est la gérante, un bail précaire d'une durée de 23 mois, portant sur des hangars, objets de cette vente.

Le 5 juillet 2001, la SCI LA JAMETRIE a obtenu du CIO un accord de principe pour la mise en place du prêt immobilier couvrant le prix d'acquisition convenu le 21 mai 1999 et accepté l'offre de prêt le 25 septembre suivant.

Malgré une sommation du même jour, elle n'a pu obtenir la régularisation de l'acte authentique, les époux Y...- Z... ayant, par acte notarié du 25 septembre 2000, publié le 13 octobre suivant, consenti à leurs enfants une donation-partage de leurs biens immobiliers, portant notamment sur la propriété de CHAMPTOCE SUR LOIRE.

Un premier litige a opposé les époux Y...- Z... à la SARL « Garage de la Loire » qui, par un arrêt de cette cour du 13 décembre 2004, s'est vu reconnaître un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux sur le bâtiment à usage professionnel, en application de l'article L. 145-5 du Code de commerce.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 mai 2005, la SCI a fait assigner les époux Y...- Z..., ainsi que leurs trois enfants Hervé, Elisabeth et Sophie Y..., en réalisation forcée de la vente, et en annulation de la donation partage consentie le 25 septembre 2000, en fraude de ses droits, et subsidiairement, en dommages-intérêts.

Sur l'appel d'un jugement du tribunal de grande instance d'ANGERS du 25 juillet 2006, ayant débouté la SCI de l'intégralité de ses demandes, et condamnée à payer aux époux Y...- Z... la somme de 1 000 euros en réparation de l'immobilisation de leur bien, cette cour a, par un arrêt avant-dire droit du 23 octobre 2007, invité les parties à s'expliquer contradictoirement sur les effets, sur la solution du litige :

- de la clause de prorogation de plein droit, applicable en cas de retard dans la remise du ou des éventuels dossiers de prêt et non limitée dans le temps, stipulée au 3ème paragraphe de la clause " REGULARISATION " de l'acte de vente du 21 mai 1999,

- de la sanction du délai de dépôt de la demande de prêt que prévoit le contrat.

Les parties ont conclu sur les effets et la portée de ces clauses. La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 octobre 2008.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions déposées par la SCI LA JAMETRIE le 8 octobre 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande à la cour :

• d'infirmer le jugement entrepris,
• de constater que la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt n'était pas acquise lorsqu'ils ont obtenu le concours financier du CIO, les parties ayant implicitement convenu d'un report du délai initialement convenu pour sa levée comme le révèle la conclusion ultérieure des baux d'habitation et professionnels, la transmission par le notaire de l'attestation nécessaire à l'obtention du concours du CIO et comme l'autorisait la clause de prorogation de plein droit du délai de régularisation authentique figurant dans l'acte, de sorte qu'il appartenait aux époux Y...- Z... de mettre la SCI en demeure de l'accepter dans un délai déterminé au-delà duquel la condition serait réputée défaillie ce qu'ils se sont abstenus de faire,
• de déclarer parfaite la vente conclue le 21 mai 1999, la condition suspensive ayant été levée avant que la promesse synallagmatique ne devienne caduque,
• de juger nul et de nul effet à l'égard de la SCI la donation-partage consentie par les vendeurs par acte du 25 septembre 2000 reçu par Maître A..., notaire à CHALONNES SUR LOIRE,
• d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir comme valant titre de propriété,
• de condamner les consorts Y... à payer à la SCI la totalité des loyers indûment perçus, et ce jusqu'à la date du jugement, et d'ordonner la compensation de ces sommes avec le prix de vente,
• de condamner les consorts Y... à lui payer la somme de 7 600 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
• subsidiairement, de les condamner à lui payer la somme de 44 972, 46 euros pour non exécution de la promesse de vente,
• de les condamner à une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions déposées par les consorts Y... le 20 octobre 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles ils sollicitent :

• le débouté de l'appel, pour les motifs adoptés du tribunal et propres, pris de ce que la promesse de vente ne pouvait être perpétuelle et devait se réaliser dans un délai raisonnable, faute d'une quelconque clause d'indexation du prix,
• l'augmentation de la clause pénale, sanctionnant l'immobilisation indue de leur bien, à la somme de 5 000 euros, correspondant aux préjudices financier et moraux qu'ils ont réellement subis,
• l'octroi d'une somme de 3 000 euros pour procédure abusive et téméraire et d'une indemnité du même montant par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
• la condamnation de La SCI LA JAMETRIE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que, pour débouter la SCI LA JAMETRIE de sa demande en exécution forcée de la vente, le tribunal a retenu que la condition suspensive d'obtention du prêt devait être réputée défaillie du fait :

- d'abord, du non respect, par l'acquéreur, de son obligation de justifier de sa demande de prêt dans les 10 jours de la signature de la promesse synallagmatique de vente,

- ensuite, du refus de prêt opposé par la Caisse d'Epargne le 5 octobre 1999, refus que la SCI a omis de leur communiquer et dont les vendeurs n'ont eu connaissance que le 17 mars 2000 ;

Que le tribunal a ajouté que cette défaillance avait entraîné la caducité du contrat, libérant les parties de leurs engagements réciproques de vente et d'achat à compter du 17 mars 2000 ;

Mais attendu que si la demande de prêt et la réitération authentique de l'acte étaient effectivement enfermées dans des délais précis, de 10 jours à compter du 21 mai 1999 pour la première, et d'un mois à compter de la levée de la condition suspensive, sans pouvoir excéder le 21 juin 1999, pour la seconde, force est de constater que la condition d'obtention du prêt n'était assortie d'aucun terme express ; que la date limite de sa réalisation ne se déduisait que du terme fixé pour la signature de l'acte authentique, qui devait intervenir un mois après la levée de la condition suspensive ;

Qu'il se déduit, en premier lieu, du rapprochement de ces clauses que la date de réitération était impossible puisque fixée un mois jour pour jour après la date de signature de la vente, elle ne permettait pas à l'acquéreur de disposer du délai de 10 jours accordé pour le dépôt de sa demande de prêt et impliquait une acceptation immédiate de l'organisme de prêt ;

Qu'en second lieu, l'acte de vente stipule aussi qu'au cas où le notaire chargé d'instrumenter la vente n'aurait pas, à la date du 21 juin, reçu le ou les éventuels dossiers de prêts, la durée du compromis « serait prorogée de 15 jours après la réception par le notaire de la dernière des pièces nécessaires à la passation de l'acte » ; que cette clause de prorogation de plein droit n'a été assortie d'aucun terme, les parties n'ayant pas fixé de date butoir que la prorogation ne pourrait excéder ;

Qu'en l'état de ces éléments, et alors que le non respect du délai de dépôt de la demande de prêt n'est sanctionné, aux termes du dernier paragraphe de la clause « prêt-protection de l'emprunteur », que par la présomption édictée par l'article 1178 du Code civil, qui répute la condition accomplie et non défaillie, les vendeurs se trouvaient nécessairement tenus par leur offre de vente jusqu'à une période postérieure à la levée d'option ; qu'ils ne pouvaient, par conséquent, s'en libérer sans avoir mis l'acquéreur en demeure de l'accepter dans un délai déterminé, sauf renonciation de ces derniers à poursuivre la vente ;

Qu'en consentant sur une partie des biens que la SCI se proposait d'acquérir des baux à Mylène D..., qui avait la double qualité d'associée de la SCI et de gérante de la SARL " Garage de la Loire ", les époux Y...- Z... ont manifesté clairement leur intention de maintenir leur offre de vente pendant toute la durée des baux, et d'immobiliser leur bien en faveur de la SCI, en contre-partie du versement de loyers ; qu'au demeurant, la nouvelle demande de prêt instruite auprès du CIO pendant la durée des baux a nécessité la délivrance d'une attestation notariée actualisée, datant du 17 janvier 2000 et démontrant qu'à cette date, la commune intention des parties était de maintenir leurs engagements réciproques, nonobstant le refus de prêt opposé par la Caisse d'Epargne, seul établissement de crédit visé dans l'acte du 21 mai 1999 ;

Qu'il s'ensuit que l'obtention effective du prêt ayant eu lieu pendant la durée de validité des baux initiaux, sans que les vendeurs ne rétractent leur offre de vente et ne mettent en demeure la SCI de lever la condition suspensive dans un délai plus court, a opéré levée de la condition suspensive, rendant la vente parfaite ;

Que la SCI est donc fondée à en obtenir la réalisation forcée dans les conditions prévues au dispositif, l'acte de donation-partage du 25 septembre 2001, réalisé alors que les vendeurs étaient informés que les acquéreurs avaient obtenu leur financement et qu'ils entendaient poursuivre la vente dans les conditions convenues, ayant été manifestement passé en fraude de leurs droits ; qu'il leur est donc inopposable ;

Attendu, en revanche, que le paiement des loyers constituant la contre-partie de l'immobilisation des biens objets de la promesse synallagmatique de vente, pendant plus de deux ans au profit de la SCI, participe de l'équilibre économique de cette convention et ne saurait donner lieu à restitution ; que la SCI sera donc déboutée de sa demande sur ce point ;

Que le caractère manifestement frauduleux de l'acte de donation-partage concomitant à l'obtention des concours financiers dont la SCI, dont l'associée occupait les lieux en vertu de baux en cours de validité, interdit aux consorts Y... de se prétendre de bonne foi ; que l'emploi de ce procédé déloyal, pour tenter d'échapper à leurs obligations contractuelles et qui a contraint la SCI à recourir à la justice pour obtenir la réalisation forcée de la vente, caractérise une résistance abusive justifiant l'octroi de dommages-intérêts qui, eu égard à la durée de la procédure, ne sauraient être inférieurs à 5 000 € ;

Attendu qu'enfin, il n'existe aucun motif d'équité qui permette de dispenser les consorts Y... de contribuer aux frais irrépétibles qu'ont dû exposer leur adversaire pour obtenir la reconnaissance de leurs droits ; qu'il leur sera fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

CONSTATE la levée des conditions suspensives assortissant la vente de la ferme de la Jamétrie consentie par les époux Y...- Z... à la SCI " La Jamétrie " par acte sous-seing privé du 21 mai 1999 ;

DECLARE inopposable à la SCI " La Jamétrie " l'acte de donation-partage des biens immobiliers appartenant aux époux Y...- Z..., reçu par Maître A..., notaire à CHALONNES SUR LOIRE, le 25 septembre 2000 ;

DIT que le présent arrêt vaut réitération authentique de la vente consentie le 21 mai 1999, au prix de 44 972, 46 €, aux conditions fixées par le projet d'acte établi par Maître D..., notaire à ANGERS, dont les frais resteront à la charge de l'acquéreur, et portant sur les immeubles dont la désignation suit :

- un ensemble immobilier sis à CHAMPTOCE SUR LOIRE (Maine et Loire), au lieudit " La Jamétrie ", comprenant une fermette, un hangar à l'arrière de la maison, des écuries en côté, un autre hangar séparé, avec terrain, puits, boère et jardin, le tout cadastré section ZC no 62 pour une contenance de 97 a 16 ca, et section ZC no 65 pour une contenance de 0 a 87 ca ;

ORDONNE la publication du présent arrêt au bureau des hypothèques d'ANGERS comme valant titre de propriété ;

DEBOUTE la SCI de sa demande en restitution des loyers perçus des preneurs occupant les lieux ;

CONDAMNE in solidum les consorts Y... à payer à la SCI " La Jamétrie " une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Les CONDAMNE in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF F. VERDUN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 23
Date de la décision : 20/01/2009

Références :

ARRET du 09 février 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 février 2010, 09-11.972, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers, 25 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2009-01-20;23 ?
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