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09/12/2008 | FRANCE | N°617

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 09 décembre 2008, 617


Chambre Sociale

ARRÊT N CLM / AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00279.
type de la décision déférée à la Cour, juridiction d'origine, date de la décision déférée, numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL, décision attaquée en date du 10 Janvier 2008, enregistrée sous le no 291

ARRÊT DU 09 Décembre 2008
APPELANTE :
S. N. C. LACTALIS GESTION LAIT 10 à 20 rue Adolphe Beck 53089 LAVAL CEDEX 9 r>représentée par Maître Alain PHILIPPART, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE :
CAISSE NATIONALE ...

Chambre Sociale

ARRÊT N CLM / AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00279.
type de la décision déférée à la Cour, juridiction d'origine, date de la décision déférée, numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL, décision attaquée en date du 10 Janvier 2008, enregistrée sous le no 291

ARRÊT DU 09 Décembre 2008
APPELANTE :
S. N. C. LACTALIS GESTION LAIT 10 à 20 rue Adolphe Beck 53089 LAVAL CEDEX 9
représentée par Maître Alain PHILIPPART, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE :
CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS (R. S. I.) 480 route des Dolines 06913 SOPHIA ANTIPOLIS CEDEX
représentée par Maître Régis WAQUET, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE,
EN LA CAUSE :
DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DES PAYS DE LA LOIRE (D. R. A. S. S.) (sans observations écrites)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2008, en audience publique, devant la cour, composée de :
Monsieur Philippe BOTHOREL, président Madame Brigitte ANDRE, assesseur Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur
qui ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :
prononcé le 09 Décembre 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SNC LACTALIS GESTION LAIT a acquitté, du chef de la contribution sociale de solidarité (ci-après : C3S) instituée par la loi no 70-13 du 3 janvier 1970 (art. L 651-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale), au titre des années 2004, 2005 et 2006, et de la contribution additionnelle instituée par l'article 75-1 de la loi no 2004-810 du 13 août 2004, au titre des années 2005 et 2006, la somme totale de 12 875 €.
Par courrier du 23 janvier 2007, elle a saisi la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants (Caisse Nationale RSI) d'une demande tendant à obtenir le remboursement de ces sommes motif pris de ce que la C3S serait constitutive d'une taxe cumulative à cascade interdite par la première directive 67 / / 227 / CEE du Conseil du 11 avril 1967 (dite première directive TVA).
Elle est régulièrement appelante d'un jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL du 10 janvier 2008, qui, confirmant la décision de rejet de la Caisse en date du 26 mars 2007, l'a déboutée tant de sa demande tendant à voir poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes que de sa demande en remboursement des sommes acquittées.

La SNC LACTALIS GESTION LAIT demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et,
à titre principal, de condamner la Caisse Nationale R. S. I :
- à lui rembourser la somme de 12 875 € représentant le montant de la C3S et de la contribution additionnelle indûment versées du chef des années 2004, 2005 et 2006,
- à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 €,
à titre subsidiaire :
- sur le fondement des dispositions de l'article 234 du Traité CE, d'interroger la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la portée juridique de l'arrêt X... Y... du 27 novembre 1985 et sur la question de savoir si l'article 1er de la directive no 67 / 227 / CEE du Conseil, en date du 11 avril 1967 s'oppose au maintien et à l'introduction d'une taxe sur le chiffre d'affaires affectée au financement de régimes sociaux, assise sur un chiffre d'affaires annuel, qui grève les coûts d'un même bien ou service, d'un montant variable en fonction du nombre de transactions intervenues au cours du cycle de production et de distribution, soit avec les tiers, soit entre sociétés d'un même groupe et, par conséquent de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour à ces questions qui pourraient être les suivantes :
1) « L'arrêt X... Y... du 27 novembre 1985 doit-il être interprété en ce sens que la contribution sociale de solidarité n'entre pas dans les prévisions de l'article 1er de la directive 67 / 227 / CEE du 11 avril 1967 ?
2o) La directive 67 / 227 / CEE du Conseil du 11 avril 1967 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, en vigueur au 31 décembre 2006, et notamment l'alinéa 1er de l'article 1er de cette directive prévoyant l'élimination et le remplacement des taxes cumulatives à cascade par le système commun de TVA défini à l'article 2, doit-il être interprété, au vu des considérants de la directive et des objectifs définis aux articles 3 CE et 93 CE du Traité, comme s'opposant au maintien, par un Etat membre, postérieurement au 1er janvier 1972, de contributions telles que la Contribution sociale de solidarité et la Contribution additionnelle, affectées au financement de divers régimes sociaux, assises sur le chiffre d'affaires global déclaré par les sociétés à l'administration fiscale au cours de l'année civile précédente, et grevant le coût des biens et des services d'un montant variable en fonction du nombre de transactions intervenues, au cours du cycle de production et de distribution, tant avec les tiers qu'avec les sociétés appartenant à un même groupe ? » ;
- en conséquence, de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse à intervenir de la CJCE,
- en tout état de cause, de condamner la Caisse Nationale R. S. I aux entiers dépens.
La société appelante soutient que la C3S et la contribution additionnelle ne sont pas conformes à l'article 1er de la première directive 67 / 227 / CEE du 11 avril 1967 en ce que, contrairement à l'interdiction posée par ce texte, elles constituent des taxes cumulatives à cascade en ce qu'elles frappent en cascade la totalité du chiffre d'affaires sans mécanisme de déduction de la contribution supportée au stade antérieur, de sorte que, la charge fiscale variant en fonction du nombre de transactions intervenues jusqu'au consommateur final, la concurrence est faussée.
Elle fait valoir que l'article 33 de la directive 77 / 388 / CEE du 17 mai 1977 permet seulement aux Etats membres de percevoir des taxes ne présentant pas les caractéristiques essentielles de la TVA mais ne leur permet pas de maintenir et d'introduire des taxes cumulatives à cascade, notamment pour financer des dépenses sociales.
Elle estime, que, si aux termes de l'arrêt X... Y... du 27 / 11 / 1985, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit que la C3S était une taxe sur le chiffre d'affaires autorisée par l'article 33 de la sixième directive 77 / 388 / CEE du Conseil du 17 mai 1977 en ce qu'elle ne frappe pas les transactions de façon comparable à la TVA, la cour ne s'est prononcée, à propos de la C3S, ni sur le champ d'application de l'article 1er de la première directive TVA, ni sur la notion de taxe sur le chiffre d'affaires au sens de cet article. Elle conteste également que la cour ait alors jugé que la C3S n'entrait pas dans les prévisions de la directive 77 / 388 du 17 mai 1977 en raison de son caractère de cotisation sociale, de son affectation au financement de dépenses sociales et du fait qu'elle est assise sur le chiffre d'affaires annuel global.
Elle soutient qu'en droit communautaire, la notion de taxe sur le chiffre d'affaires n'est pas unique et que la C3S et la contribution additionnelle présentent toutes les caractéristiques des taxes cumulatives à cascade en ce qu'elles sont assises sur le chiffre d'affaires brut, lequel correspond à l'ensemble des transactions commerciales intervenues au cours d'une période donnée, sans déduction possible de taxes payées en amont, de sorte qu'elles aboutissent à taxer un même produit et ses composants autant de fois qu'il y a de mutations jusqu'au consommateur final ; que cette taxation, qui varie en fonction du nombre de transactions intervenues jusqu'au consommateur final, fausse la concurrence.

La Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la SNC LACTALIS GESTION LAIT à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que selon une jurisprudence constante, au regard de son affectation exclusive au financement de régimes de sécurité sociale, le C3S revêt la nature juridique d'une cotisation sociale, son recouvrement étant d'ailleurs assuré par un organisme de sécurité sociale,
- que le champ d'application des " directives TVA " (directives du conseil 67 / 227 / CEE du 11 avril 1967 et 77 / 388 / CEE du 17 mai 1977), aujourd'hui abrogées et refondues dans la directive 2006 / 112 / CE du 28 novembre 2006, est limité à « l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires » et vise à préserver le fonctionnement du système commun de TVA mis en place,
- que les droits et taxes interdits par les directives TVA avaient tous pour caractéristiques d'être des impôts sur la dépense dont le fait générateur était la réalisation d'une transaction déterminée,
- que contrairement à ce que soutient l'appelante, la notion de taxe sur le chiffre d'affaires est donc bien marquée par son unicité et que les taxes visées par les directives TVA relèvent nécessairement et exclusivement de la catégorie générique des taxes sur le chiffre d'affaires, qui ont pour caractéristique d'être un impôt sur la dépense ou sur la consommation, calculé en pourcentage du prix des produits et des services imposés, dont le fait générateur est constitué par la livraison d'un bien ou la réalisation d'une prestation de services et dont la caractéristique est ainsi de frapper chaque transaction,
- que l'article 33 de la 6ème directive ne permet le maintien ou l'introduction, par un Etat membre, d'impôts, de taxes et de droits frappant les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations que s'ils n'ont pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires,
- qu'il résulte tant de la jurisprudence communautaire que de la jurisprudence nationale qu'eu égard à leurs caractéristiques, la C3S et la contribution additionnelle, qui ne sont pas des impôts sur la dépense, n'entrent pas dans le champ d'application des directives TVA et ne constituent pas des taxes cumulatives à cascade interdites par les dispositions communautaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que la C3S, aujourd'hui régie par les articles L 651-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, a été instituée par la loi no 70-13 du 3 janvier 1970 pour compenser les pertes de ressources des régimes de protection sociale des membres des professions non salariées non agricoles ; Que l'article L 651-1 énonce qu'" il est institué au profit du régime social des indépendants mentionné à l'article L 611-1, ainsi qu'au profit du Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L 135-1 et du Fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L 135-6, une contribution de solidarité... " ;

Attendu que cette contribution est à la charge des sociétés et organismes énumérés à l'article L 651-1 du Code de la Sécurité Sociale mais n'est pas perçue lorsque le chiffre d'affaires annuel de la société est inférieur à 760 000 € ;
Attendu que s'ajoute depuis 2005 à la C3S la contribution additionnelle instituée par l'article 75- I de la loi no 2004-810 du 13 août 2004 ;
Attendu que les entreprises individuelles ne sont pas soumises à ces contributions ;
Attendu que la C3S et la contribution additionnelle sont assises sur le montant du chiffre d'affaires global annuel déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, sous réserve de certaines sommes supplémentaires s'agissant des sociétés et entreprises se livrant au commerce de l'argent et des sociétés d'assurance et de capitalisation et des sociétés de réassurances et sous réserve de certaines déductions ; Qu'est appliqué à cette assiette un taux de contribution global de 0, 16 % ;
Attendu que la première directive TVA, no 67 / 277 / CEE du 11 avril 1967, a expressément pour objet l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ; Attendu que, comme l'a rappelé la C. J. C. E dans son arrêt Banca popolare di Cremona du 3 octobre 2006, l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires avait pour but l'établissement d'un marché commun comportant une concurrence non faussée et ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur, en éliminant les différences d'imposition fiscale susceptibles de fausser la concurrence et d'entraver les échanges ;
Attendu que les considérants de la première directive TVA énoncent clairement que la mise en place de cette harmonisation passe par l'élimination des taxes cumulatives à cascade, taxes sur le chiffre d'affaires alors en vigueur dans la plupart des Etats membres, et par l'adoption par ces derniers d'un système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Attendu que l'article 1er de la première directive énonce : « Les Etats membres remplacent leur système actuel de taxe sur le chiffre d'affaires par le système commun de taxe sur la valeur ajoutée défini à l'article 2 » ;
Attendu qu'en vertu de l'article 2 de la première directive, le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée consiste à appliquer aux biens et aux services, jusqu'au stade du commerce de détail, " un impôt général sur la consommation " exactement proportionnel au prix des biens et des services quel que soit le nombre de transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition ; Attendu que ce même article 2 énonce que ce système implique qu'à chaque transaction, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, soit exigible déduction faite du montant de la TVA qui a antérieurement grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix ;
Attendu qu'il suit de là que les Etats membres ont donc décidé de remplacer les taxes sur le chiffre d'affaires, ayant pour fait générateur la dépense ou la consommation, parmi lesquelles les taxes cumulatives à cascade, par " un impôt général sur la consommation " consistant en un système commun de taxe sur la valeur ajoutée comportant un mécanisme de déduction assurant une neutralité fiscale et concurrentielle ;

Attendu que la sixième directive no 77 / 388 / CEE du 17 mai 1977, prise en application de la première directive TVA, est venue préciser les modalités d'application de ce système commun de TVA ;
Attendu que l'article 33 de cette sixième directive énonce que ses dispositions ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre d'impôts, droits et taxes frappant les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations à condition qu'ils n'aient pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires ;
Attendu que la directive 2006 / 112 / CE du Conseil en date du 28 novembre 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, établit le système commun de taxe sur la valeur ajoutée en opérant une refonte de la directive du 17 mai 1977 et en reprenant les dispositions encore applicables de la première directive 67 / 227 / CEE du Conseil du 11 avril 1967 ;
Attendu que l'article 401 de la directive de 2006 reprend les dispositions de l'article 33 de la deuxième directive TVA du 17 mai 1977 ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les articles 1 et 2 de la première directive et l'article 33 de la sixième directive n'ont pas un objet différent et qu'ils doivent être lus ensemble ; Attendu que la première directive avait pour objet l'instauration d'un système harmonisé en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et que les taxes sur le chiffre d'affaires visées à l'article 1er de la première directive ne relèvent pas d'un champ d'application distinct de celles visées par l'article 2 de cette même directive et par l'article 33 de la sixième directive ;
Que d'ailleurs tant dans l'arrêt Banca popolare di cremona du 3 octobre 2006 (points 18 à 21) que dans l'arrêt Rousseau Wilmot du 27 novembre 1985 (points 13 à 15), la CJCE a dit que l'article 33 de la 6ème directive devait être interprété en le situant dans son contexte législatif de processus d'harmonisation des taxes sur le chiffre d'affaires engagé par la première directive de 1967 ;
Que les taxes cumulatives à cascade visées par la 1ère directive du 11 avril 1967 s'entendent donc bien de taxes sur le chiffre d'affaires ; et attendu que les taxes sur le chiffre d'affaires ont, qu'il s'agisse des anciennes taxes cumulatives à cascade ou de la taxe sur la valeur ajoutée, pour caractéristiques communes de constituer un impôt sur la consommation dont le fait générateur est exclusivement la réalisation d'une transaction déterminée sur un bien ou sur un service ;
Attendu, le champ d'application des directives TVA (première et sixième) étant strictement limité à l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires que le maintien ou l'introduction dans la législation d'un Etat membre d'un impôt, d'un droit ou d'une taxe ne peut être sanctionné au motif qu'il serait contraire à ces directives qu'à la condition qu'il entre dans la catégorie générique des « taxes sur le chiffre d'affaires » ;
Or attendu que la C3S et la contribution additionnelle ne présentent pas les caractéristiques d'une taxe sur le chiffre d'affaires en ce :
- qu'elles sont assises sur l'activité annuelle globale des entreprises assujetties et non sur le prix de chaque transaction imposable portant sur un bien ou un service,

- qu'il est impossible de déterminer si elles ont une incidence sur le consommateur et, à supposer qu'elles en aient une, quelle elle est précisément,
- qu'elles n'ont donc pas pour objet de taxer la consommation mais l'activité annuelle globale de la société assujettie ;
Et attendu que, du fait de leur affectation exclusive au financement de divers régimes de sécurité sociale, la C3S et la contribution additionnelle ont la nature d'une cotisation sociale ;
Attendu que, selon une jurisprudence assurée de la CJCE, les droits ou taxes dont l'assiette est ainsi constituée par le chiffre d'affaires global des entreprises assujetties ne s'appliquent pas aux transactions elles-mêmes mais constituent des taxes « sur l'activité des entreprises » qui ne peuvent pas être répercutées distinctement sur le consommateur final (notamment, CJCE, 8 juin 1999, aff. jointes C-338 / 97, C-344 / 97 et C-390 / 97, Erna Z..., points 22 à 26 ; CJCE, 3 octobre 2006, C-475 / 03, Banca Popolare di Cremona, points 33 et 34) ; que l'arrêt Rousseau Wilmot a bien rangé la contribution sociale de solidarité dans la catégorie de ces taxes sur l'activité des entreprises ;
Attendu qu'aux termes de cet arrêt, la Cour de Justice des Communautés Européennes s'est bien interrogée sur le point de savoir si la C3S constituait une taxe sur le chiffre d'affaires au sens des directives TVA et pas seulement au sens de l'article 33 de la 6ème directive dont elle a rappelé qu'il devait être interprété à la lumière du processus législatif global engagé en 1967 ;
Et attendu qu'elle a jugé que les directives européennes, qui ont pour but d'empêcher que le fonctionnement du système commun de TVA mis en place soit compromis, n'ont pas pour objet d'interdire aux Etats membres le maintien ou l'introduction de droits et taxes qui n'ont pas un caractère fiscal mais sont institués spécifiquement pour alimenter des fonds sociaux et qui sont assis sur l'activité des entreprises ou de certaines catégories d'entreprises, et calculés sur la base du chiffre d'affaires annuel global « sans toucher directement le prix des biens et des services » ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, n'étant pas constitutives d'une taxe sur le chiffre d'affaires et ayant la nature de cotisation de sécurité sociale, la C3S et la contribution additionnelle ne relèvent pas du champ d'application des dispositions des directives 67 / 227 / CEE du 11 avril 1967, notamment de son article 1er, et 77 / 388 / CEE du 17 mai 1977 ;
Attendu en conséquence qu'elles ne sauraient être sanctionnées pour défaut de conformité à ces directives et notamment aux dispositions de l'article 1er de la première directive TVA et donner lieu au remboursement sollicité, et qu'il n'y a pas lieu de saisir la C. J. C. E des questions préjudicielles suggérées par la SNC LACTALIS GESTION LAIT ;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que la société appelante sera condamnée à payer à la Caisse Nationale R. S. I, en cause d'appel, une indemnité de procédure de 2 000 € ; qu'elle conservera quant à elle la charge des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL en date du 10 janvier 2008 ;
Y ajoutant, condamne la SNC LACTALIS GESTION LAIT à payer à la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants, en cause d'appel, la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute la SNC LACTALIS GESTION LAIT de ce chef de prétention et la condamne au paiement du droit prévu à l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 617
Date de la décision : 09/12/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Laval, 10 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-12-09;617 ?
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