La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2008 | FRANCE | N°477/08

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 07 octobre 2008, 477/08


Chambre Sociale
ARRÊT N BA/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/02493.
type de la décision déférée à la Cour,juridiction d'origine,date de la décision déférée,numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceJugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Avril 2007, enregistrée sous le no 02/00719

ARRÊT DU 07 Octobre 2008

APPELANTE :
S.A.R.L. REGICOM SPIR COMMUNICATIONZI Les Milles - Europarc de Pichaury - Bât.D51330 avenue Guilibert de la Lau

zière13392 AIX EN PROVENCE CEDEX 3
représentée par Maître Sigmund BRIANT, substituant Maître Jo...

Chambre Sociale
ARRÊT N BA/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/02493.
type de la décision déférée à la Cour,juridiction d'origine,date de la décision déférée,numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceJugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Avril 2007, enregistrée sous le no 02/00719

ARRÊT DU 07 Octobre 2008

APPELANTE :
S.A.R.L. REGICOM SPIR COMMUNICATIONZI Les Milles - Europarc de Pichaury - Bât.D51330 avenue Guilibert de la Lauzière13392 AIX EN PROVENCE CEDEX 3
représentée par Maître Sigmund BRIANT, substituant Maître Joël COLBEAUX, avocat au barreau de PARIS,

INTIME :
Monsieur François Y......72000 LE MANS
représenté par Maître Christelle GODEAU, substituant Maître Bruno ROPARS, avocat au barreau d'ANGERS,

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Juin 2008, en audience publique, devant la cour, composée de :
Monsieur Philippe BOTHOREL, président, Monsieur Roland JEGOUC, assesseur,Madame Brigitte ANDRE, assesseur,
qui ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT :du 07 Octobre 2008 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

I / Exposé de la procédure, moyens et prétentions des parties

François Y... a été engagé le 3 décembre 2001, par la société REGICOM, en qualité d' attaché commercial pour le journal 49 à l'agence d'Angers, intégré à une équipe de cinq commerciaux placés sous l'autorité hiérarchique de Rémi D... occupant la fonction de Directeur Commercial Presse d'Angers.
Le 15 juillet 2002, un arrêt de travail lui a été prescrit le 19 juillet 2002 ; il a fait part à la direction de la société des faits de harcèlement moral dont il alléguait être victime de la part de Rémi D....
Un entretien s'est tenu le 27 août 2002 entre le salarié et le directeur régional de la société.
Le 16 septembre 2002, la société lui a proposé une mutation sur l'agence de Nantes.
Un désaccord existant sur les conditions d'indemnisation du déplacement, François Y... a refusé le poste proposé.
Il a été déclaré inapte à son emploi lors de la seconde visite de reprise, le 23 septembre 2002, sur son poste d'attaché commercial à l'agence d'Angers.
Après un entretien préalable, il a été licencié pour refus d'accepter le poste de reclassement situé à Nantes.
Il a saisi le conseil de prud'hommes, aux fins de faire juger le licenciement nul, en raison des faits de harcèlement dont il a fait l'objet, obtenir des dommages intérêts ; il a formé également une demande en paiement d'heures supplémentaires effectuées et non réglées, un rappel de commission, ainsi qu'une demande en nullité de la clause de non concurrence.
Par jugement du 19 avril 2007, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- déclaré que le licenciement, prononcé le 22 octobre 2002, à l'encontre de Monsieur Y..., est nul, en application de l'article L.122-49 du code du travail,
- condamné en conséquence la SARL REGICOM à lui verser :
outre les intérêts à compter de la demande, les sommes suivantes :l'indemnité compensatrice de préavis, soit un mois, 1382,96 €,l'incidence congés payés, soit 138,29 €,
outre des intérêts à compter du jugement,des dommages et intérêts pour licenciement nul, soit une indemnité forfaitaire de 13829,60 € .
- Dit la clause de non-concurrence nulle,
- Condamné en conséquence la SARL REGICOM à lui verser des dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par une clause de concurrence déclarée nulle, soit un montant forfaitaire de 10000 €,

- Débouté Monsieur Y... de sa demande de rappel supplémentaires et de l'incidence congés payés,
- Refusé la communication du registre unique du personnel demandé à la SARL REGICOM, la jugeant sans objet,
- Ordonné la rectification du certificat de travail au 23 octobre 2002 au lieu du 5 octobre 2002,
- Assortit les condamnations de l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,
- Condamné la société REGICOM à verser à Monsieur Y... la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la société REGICOM de toutes ses demandes,
- Refusé de condamner Monsieur Y... à verser à la société REGICOM 1524,49 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société REGICOM aux entiers dépens.

La société REGICOM a relevé appel de ce jugement, dont elle demande l'infirmation, sauf en ce qu'il a jugé que le salarié ne rapportait pas la preuve d'avoir exécuté des heures supplémentaires.
Elle fait valoir notamment que :
- La demande en nullité du licenciement et la demande en réparation qui en est la conséquence, est irrecevable du fait de la déclaration de maladie professionnelle,
- Subsidiairement, elle demande de constater que les conditions de travail de son salarié n'ont pas été dégradées de son fait,
- Son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;
Elle sollicite le débouté du salarié de sa demande tendant au paiement de la somme de 40 000 Euros, et subsidiairement, de limiter l'indemnisation du salarié à six mois de salaire à titre de dommages intérêts.
Elle conteste la nullité de la clause de non concurrence.
Elle réclame le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.
Ainsi que le paiement de la somme de 1524,49 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
François Y... demande la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le rejet de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.
Il soutient en préalable, que l'acte d'appel est nul, pour défaut de mention de la forme de la dénomination du siège social de la société REGICOM , de l'objet de l'appel.

Il expose que le licenciement est nul en raison des faits de harcèlement dont il a été victime.
Il réclame à ce titre :
1382,96 Euros au titre de l'indemnité de préavis et 138,29 Euros au titre des congés payés y afférents,
20 000 Euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,
15 245 Euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par une clause de non-concurrence nulle,
Il réclame outre cela les sommes de :
7999,35 Euros de rappel d'heures supplémentaires et 799,93 Euros d'incidence de congés payés,
Subsidiairement, il réclame la communication du Registre Unique du Personnel de la société REGICOM,
Subsidiairement il fait valoir que la société REGICOM a manqué à son obligation de reclassement ; il réclame 20000 Euros à titre de dommages intérêts il demande 2000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure il est renvoyé aux écritures des parties ainsi qu'au jugement critiqué,

II / Motifs de la décision
Sur l'acte d'appel
L'acte d'appel mentionne que l'appelant est la société Régicom, domaine de Collonge Saint Marc Jaumegarde à Aix en Provence, était joint à cette déclaration le jugement de première instance.
François Y... n'a pas pu se méprendre sur la qualité de celle qui faisait appel.
Dès lors, aucun grief ne lui a été causé du fait de l'absence de mention de la forme de la société.
De même, l 'acte d'appel mentionne "appel portant sur la totalité du jugement" et est conforme de ce fait aux exigences de l'article 58 du code de procédure civile.
L'appel est régulier.
Sur le licenciement
François Y... n'a pas fait de déclaration à la caisse, au titre de la maladie professionnelle.
Le formulaire rédigé par le médecin du travail a été destiné à l'inspection du travail à raison de la connaissance par le médecin du travail de deux cas similaires de harcèlement dans l'entreprise.

Ainsi donc les dispositions du code de la sécurité sociale concernant les salariés dont l'affection relève de la législation professionnelle, ne s'appliquent pas.
De plus, en cas de harcèlement moral avéré, le salarié est en droit de demander la nullité du licenciement intervenu pour inaptitude, des dommages intérêts du fait du licenciement nul, et des dommages intérêts pour réparer le préjudice ayant résulté de cette situation, sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Ainsi donc l'action initiée par le salarié est recevable.
Elle est également bien fondée.
En effet, il résulte des dispositions de l'article L122-49 du code du travail, qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.
Or, François Y... établit que dès lors qu'il a travaillé sous la responsabilité de Rémi D... à compter de novembre 2001, il a subi de sa part des sous entendus graveleux sur sa vie sexuelle supposée par son supérieur hiérarchique, mais également sur les mérites de ses succès professionnels.
Ces faits sont relatés avec précisions par Gaëlle E... dans son attestation du 7 novembre 2002, propos qu'elle a réitérés devant le conseil de prud'hommes ; elle décrit également la dégradation de l'état psychique de son collègue, et indique avoir démissionné de son emploi pour ces mêmes raisons.
Elle atteste des propos humiliants, agressifs, violents tenus par Rémi D... à l'encontre de François Y..., ainsi que des pressions pour effectuer des dépassements horaires.
Bruno F... atteste de la fatigue et de la déprime dans laquelle sombrait François Y....
Stéphane G... le décrit comme étant devenu sombre, anxieux et préoccupé par la situation dans son travail.
Le médecin du travail a constaté l'état psychologique délabré du salarié, et a d'une part, alerté l'inspection du travail après avoir joint téléphoniquement la direction de la société REGICOM, d'autre part, a émis un avis d'inaptitude à la fonction d'attachée commerciale sur le site d'Angers, c'est à dire en maintenant un lien avec Rémi D....
La société REGICOM a été alertée par le salarié et par le médecin du travail, cependant, aucune mesure n'a été prise pour préserver le salarié des agissements d'un autre salarié de la société qui était son supérieur hiérarchique, l'attestation à postériori établie par William H... sur les diligences accomplies par la société n'étant pas confortée par d'autres éléments, et notamment, des faits objectifs pour protéger le salarié des agissements de son supérieur, sauf à muter la victime des agissements de son supérieur loin de sa famille, et sans prendre en charge l'accroissement des frais qui découlaient de cette mesure.

Tous ces faits, ces attestations, les déclarations faites devant le conseil de prud'hommes établissent que François Y... a été victime d'agissement de harcèlement moral.
Dès lors, le salarié ne pouvait être licencié, en raison de ces agissements de harcèlement moral, et la rupture du contrat de travail est nulle.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il sera également confirmé sur la condamnation au paiement du préavis de un mois, ainsi que sur les dommages intérêts du fait de la rupture, le préjudice important subi par la salariée, matériel, moral et financier, du fait de la perte de son emploi, de la dépression qu'il a fait suite à ces événements, et du sentiment d'abandon justifie la somme allouée par les premiers juges.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il sera en revanche réformé sur le paiement des heures supplémentaires.
En effet, affaibli psychologiquement, il a pu décrire dans son courrier adressé à la société du 1er septembre 2002, que les demandes d'heures supplémentaires n'étaient pas demandées ouvertement mais que la pression faite par Rémi D... sur les chiffres était si importante que les salariés n'avaient pas le choix, les heures ont été effectuées ainsi à la connaissance de la société.
De même Gaëlle E... atteste que présente à son lieu de travail dès 8 heures et le quittant à 21 heures, François Y... était là avant elle et partait le soir aussi tardivement qu'elle.
De même, la nature des insultes établit également cette situation "je suis le meilleur commercial de l'agence, vous avez encore beaucoup de travail à fournir pour arriver à mon niveau, vous êtes un moins que rien, un nul ".
Ainsi donc François Y... rapporte la preuve de l'exécution d'heures supplémentaires.
Or la société n'a payé aucune de ces heures.
Le salarié percevra la somme de 7999,35 Euros, outre 799,93 Euros au titre des congés payés pour les 32,30 heures supplémentaires effectuées par semaine pendant 34 semaines de décembre 2002 à juin 2003 demande faite le 11 décembre 2002).
Le jugement sera confirmé sur la nullité de la clause de non concurrence, car si la clause de non concurrence doit comporter une contrepartie financière, celle-ci doit être proportionnelle au préjudice né de la clause, et nécessairement postérieure à la rupture.
En l'espèce, le salarié a perçu mensuellement 150 Euros pour une interdiction de travailler sur un secteur large, et toutes fonctions dans une société concurrente pendant un délai de deux ans.
La société ne l'a pas délié de son obligation, et le salarié s'exposait au paiement de dommages intérêts de 15245 Euros, et à la cessation des fonctions sous astreinte s'il ne respectait pas cette obligation.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Réforme le jugement sur les heures supplémentaires et les congés payés y afférents ;
Condamne la société REGICOM au paiement à François Y... des sommes de :
7999,35 Euros au titre des heures supplémentaires et 799,93 Euros au titre des congés payés y afférents,
1500 Euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ,
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt
Condamne la société REGICOM aux dépens de la procédure d'appel

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 477/08
Date de la décision : 07/10/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Angers, 19 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-10-07;477.08 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award