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10/06/2008 | FRANCE | N°325/08

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 juin 2008, 325/08


Chambre Sociale

ARRÊT N PB / AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 03 / 00640.
type de la décision déférée à la Cour, juridiction d'origine, date de la décision déférée, numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes du MANS, décision attaquée en date du 08 Janvier 2003, enregistrée sous le no 02 / 00203

ARRÊT DU 10 JUIN 2008

APPELANT :

Monsieur Patrick X...... 72000 LE MANS

représenté par Maître Thierry PAVET, av

ocat au barreau du MANS,

INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE :

Madame Véronique Y......... 72100 LE MANS

prés...

Chambre Sociale

ARRÊT N PB / AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 03 / 00640.
type de la décision déférée à la Cour, juridiction d'origine, date de la décision déférée, numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes du MANS, décision attaquée en date du 08 Janvier 2003, enregistrée sous le no 02 / 00203

ARRÊT DU 10 JUIN 2008

APPELANT :

Monsieur Patrick X...... 72000 LE MANS

représenté par Maître Thierry PAVET, avocat au barreau du MANS,

INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE :

Madame Véronique Y......... 72100 LE MANS

présente, assistée de Maître Luc LALANNE, avocat au barreau du MANS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur BOTHOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président Monsieur JEGOUIC, conseiller Madame RAULINE, conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Annick TIJOU,
ARRÊT :
prononcé le 10 JUIN 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame Sylvie LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

EXPOSÉ DES FAITS. PROCÉDURE. OBJET DU RECOURS.

Les 29 janvier et 25 avril 2003, Patrick X... a formé appel de deux jugements rendus les 9 octobre 2002 et 12 mars 2003 par le conseil de prud'hommes du Mans, jugements dont le second réparait une omission de statuer affectant le premier, auxquels il est au besoin renvoyé pour un plus ample exposé des données du présent litige et dont les auteurs l'ont condamné à verser à son ancienne salariée, Véronique Y..., à titre de rappel d'heures supplémentaires et autres créances salariales, les sommes détaillées dans le dispositif du premier de ces jugements.
Après avoir obtenu, dans un premier temps (soit plus précisément par un précédent arrêt du 27 avril 2004), une décision de sursis à statuer, et ce par application de l'article 4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable, Patrick X... conclut finalement, au moins à titre principal, au rejet de toutes les prétentions de Véronique Y....
Véronique Y... a au contraire formé appel incident pour solliciter la condamnation de Patrick X... à lui verser les sommes supplémentaires détaillées cette fois- ci dans le dispositif de ses écritures d'appel, dont celle de 13. 103, 22 euros en application de l'article L 324-11-1 du code du travail.
MOYENS PROPOSÉS PAR LES PARTIES
Considérant qu'après avoir à nouveau- et notamment, rappelé, d'abord, quel est était l'objet social de l'entreprise individuelle qu'il exploitait alors au Mans (activité de " bar- billard " à l'enseigne du " Lord's " Bar), ensuite, que, pendant douze années d'activité, Véronique Y... ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail, et notamment du fait qu'elle effectuerait des heures supplémentaires non rémunérées, et, enfin que l'intéressée, qui a " toujours joui d'une très grande liberté dans l'organisation de son travail " (de sorte qu'elle ne peut prétendre actuellement avoir été astreinte à des horaires permanents), bénéficiait par ailleurs d'un certain nombre d'avantages en nature " de nature à compenser très largement les quelques dépassements d'horaires susceptibles d'intervenir ", Patrick X..., qui rappelle par ailleurs qu'entre- temps, deux des prétendus témoins de Véronique Y... ont été pénalement condamnés pour rédaction d'attestations faisant état de faits inexacts et approuve les premiers juges d'avoir estimé que les conditions d'application de l'article L 324-11-1 du code du travail n'étaient pas réunies en l'espèce, persiste par contre à soutenir à l'appui de son recours que, contrairement cette fois- ci à ce qui a pu être jugé en première instance, Véronique Y... n'apporte pas le moindre commencement de preuve plausible, ne serait- ce qu'a priori, du principe, et a fortiori du montant, des heures supplémentaires dont elle lui réclame actuellement paiement ;
Qu'il sollicite subsidiairement sur ce point la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction ;
Considérant que Véronique Y..., qui adopte au contraire pour l'essentiel les motifs de la décision déférée, estime pour sa part, en substance, d'une part, que les montants des sommes qui lui sont dues au titre de ses diverses créances salariales ont été sous- estimées par les premiers juges et, de l'autre, que Patrick X... a bien volontairement dissimulé une partie des ses horaires, au sens du texte précité ;
MOTIFS DE L'ARRÊT.
I. SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES ET AUTRES CRÉANCES SALARIALES DONT VÉRONIQUE Y... RÉCLAME PAIEMENT.
Considérant que s'il résulte de l'article L 212-1-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées par un salarié, la preuve de ces heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties, il n'en reste pas moins que, dès lors que ce salarié fournit préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande à ce titre, c'est à l'employeur qu'il incombe cette fois- ci de fournir des éléments de nature cette fois- ci à combattre les prétentions salariales du même salarié ;

Or, considérant que force est de constater tout d'abord en l'espèce qu'abstraction faite de généralités sans intérêt, Patrick X..., qui est incapable de produire aux débats le moindre document- ne serait- ce qu'approximatif- justifiant des horaires réels de son ancienne salariée, ne conteste, ni le fait que Véronique Y... était son unique salariée (engagée le 12 juillet 1989 pour un horaire mensuel de 186, 33 heures, " à ajuster " il est vrai en fonction des rédactions successives de l'article 21 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, avec pour seuls jours de repos le dimanche et le lundi matin- cf le contrat de travail de Véronique Y... en date du 12 juillet 1989 et faisant l'objet de sa pièce no1), ni que ses horaires d'ouverture étaient (en principe, c'est à dire habituellement) ceux allégués par Véronique Y... en page 2 de ses écritures d'appel ;

Considérant en second lieu que, même si l'on peut il est vrai regretter que Véronique Y... ait cru devoir faire témoigner deux témoins dont il a été entre- temps définitivement jugé qu'ils n'avaient pu connaître de l'amplitude de ses horaires, il n'en reste pas moins que de nombreux autres témoignages, pour la plupart confirmés au pénal dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Patrick X... (cf en particulier les témoignages A..., B..., C..., D..., E..., A..., F..., G......., sans même parler de la mère de Véronique Y...) démontrent à l'évidence que Véronique Y..., commençant régulièrement son travail à midi, pouvait travailler jusqu'à une heure, voire quatre heures du matin, avec une pause d'à peu près une heure ;
Que force est de constater d'ailleurs, non seulement que Patrick X... ne justifie d'aucun document, écrit ou non, de nature à contredire peu ou prou les actuelles allégations de son ancienne salariée- étant observé que le contrat de travail de Véronique Y... ne fait par exemple état d'aucun horaire de travail-, mais encore n'hésite pas à faire témoigner, en principe en sa faveur, un certain Z... qui atteste que, " restant jusqu'à la fermeture le samedi soir, (il avait) vu Patrick X... remettre de l'argent en espèces (à Véronique Y...) ", ajoutant que " Véronique Y... signait sur un cahier où les sommes d'argent figuraient, qu'il y avait 25 cahiers (qu'il affirme avoir vus), que les sommes d'argent qui figuraient sur (ces) cahiers étaient de 800 à 1. 000 francs chaque semaine (et qu') au bout de chaque somme, il y avait la signature de Véronique Y... ".... sans produire aux débats un seul de ces cahiers, ce qui ne peut être un hasard ;
Que, contrairement à ce que Patrick X... soutient actuellement, l'on doit admettre, avec les premiers juges, que Véronique Y... apporte bien la preuve du principe et, globalement, du montant des heures supplémentaires dont elle lui réclame actuellement paiement, étant par ailleurs observé que l'on voit mal comment Véronique Y... aurait pu bénéficier, en qualité de serveuse sous la surveillance directe de son ancien employeur, " d'une très grande liberté dans l'organisation de son travail " (sauf à en déduire qu'elle tenait parfois seule l'établissement de son ancien employeur, ce que laisse entendre l'un de ses témoins) ;
Considérant, cela étant, que c'est cette fois- ci à tort que les mêmes magistrats ont déduit de la somme réclamée à ce titre par Véronique Y... celles correspondant à " tous les lundis soir " et " tous les mercredis soir ", alors :
- d'une part, qu'il a déjà été précisé que les seuls jours contractuels de repos de Véronique Y... étaient le dimanche et le lundi matin ;
- de l'autre, que les propres témoins de Patrick X... (cf notamment les témoins Philippe, Le, Z.......) attestent seulement que Véronique Y... ne travaillait pas certains lundis soir, ce que Véronique Y... reconnaît elle- même, même si elle estime que ce fait était " extrêmement rare ", de sorte qu'elle n'en a plus le souvenir exact ;
- et, enfin, que les mêmes témoignages (et d'autres) ne contiennent aucune précision sur la (ou les) date (s) à laquelle (auxquelles) leurs auteurs auraient constaté que Véronique Y... n'était pas présente, toujours le mercredi soir, dans l'ancien établissement de Patrick X..., étant rappelé que la première reconnaît elle- même qu'elle n'a plus travaillé ces jours là, le soir, à compter du 8 décembre 1999 ;
Considérant par contre qu'il est établi par divers témoignages fournis à Patrick X... que Véronique Y... ne travaillait pas systématiquement jusqu'à une heure du matin (les lundis, mardis, mercredis, là encore jusqu'au 8 décembre 1999, et jeudis) et quatre heures du matin (les vendredis et samedis), puisque, faute de clientèle, il n'était pas rare que l'établissement de Patrick X... ferme avant son heure théorique de fermeture ;
Que, sur la base, toujours globale, des horaires retenus en première instance, mais compte de ces rectifications (et ou " incertitudes " qui subsistent), la somme à allouer à Véronique Y... à titre d'heures supplémentaires sera arbitrée, là encore globalement, à 50. 000 euros, outre incidence congés payés ;
Considérant par ailleurs que, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, et pour les motifs exposés par Véronique Y... en pages 15 et 16 de ses écritures d'appel, sa demande formée au titre de ses repos hebdomadaires ne fait pas " double emploi " avec celle formée à titre d'heures supplémentaires, de sorte qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 2. 000 euros ;
Considérant en outre que c'est à juste titre que Véronique Y... réclame, à titre de rappel de congés payés et sur la base de son salaire mensuel " rectifié ", la somme de 1. 489 euros ;
Que c'est également à juste titre que, dès lors notamment que son ancien employeur a expressément admis en première instance qu'elle ne prenait aucun repas dans l'établissement (ce qui est d'ailleurs confirmé par le témoignage de la mère de Véronique Y... et rend à soi seul sans intérêt les actuelles allégations de Patrick X... sur ce point), Véronique Y... soutient que le seul fait qu'elle ait consommé diverses boissons et cafés avec l'accord explicite de son employeur, ce qui n'est d'ailleurs pas inhabituel dans ce métier, ne pouvait (et ne peut) permettre à Patrick X... de " retenir les repas " dus à son ancienne salariée en vertu de la convention collective applicable en l'espèce, même à hauteur de 50 % ;
Qu'abstraction faite cette fois- ci de moyens de fait qui restent à l'état de simples allégations et / ou qui sont dès lors sans intérêt pour la solution du présent litige, il convient en conséquence de confirmer pour l'essentiel les deux décisions déférées, sans qu'il soit besoin de mettre en oeuvre une mesure d'instruction, mais dans ces limites ;
II. SUR LE TRAVAIL DISSIMULÉ.
Considérant que, contrairement à ce qui a pu être jugé en première instance, l'on doit admettre que, compte tenu de l'importance des heures supplémentaires qui n'ont ainsi pas été payées à Véronique Y... pendant cinq ans et des conditions de travail de l'intéressée (un employeur et un salarié dont les horaires pouvaient être contrôlées- par hypothèse- quotidiennement), c'est nécessairement de manière intentionnelle que Patrick X... a ainsi dissimulé l'existence de ces heures au sens des articles L 324-9 à L 324-11-1 du code du travail, surtout lorsque l'on rappelle l'existence des " cahiers " dont il a déjà été fait état et que l'on prend connaissance du témoignage de la mère de Véronique Y... (cf la pièce 17 de celle- ci dont la teneur a été là aussi été confirmée au pénal) qui affirme expressément que Patrick X... " lui a indiqué à plusieurs reprises qu'il regrettait bien d'avoir fait travailler (Véronique Y...) autant d'heures " ;
Qu'il sera donc fait droit à la demande correspondante de Véronique Y... ;
III. SUR LES PRÉTENTIONS ACCESSOIRES DE VÉRONIQUE Y.... Considérant qu'il serait inéquitable, compte tenu notamment cette fois- ci de la longueur de la présente procédure d'appel, de laisser à la charge de Véronique Y... les nouvelles sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;

Qu'il lui sera donc alloué à ce titre celle qu'elle réclame ;
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires ayant déterminé les premiers juges, qu'elle adopte,
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Réformant la première des décisions déférées et statuant à nouveau,
Condamne Patrick X... à verser à Véronique Y... les sommes de :
-55. 000 euros (congés payés inclus) à titre de rappel d'heures supplémentaires,
-2. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non- respect du repos hebdomadaire,
-1. 489 euros à titre de solde de congés payés,
-3. 083, 08 euros à titre de remboursement de repas indûment retenus,
- et 13. 103, 22 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
Confirme les mêmes décisions en leurs autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Patrick X... à verser à Véronique Y... la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne Patrick X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 325/08
Date de la décision : 10/06/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes du Mans, 08 janvier 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-06-10;325.08 ?
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