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27/11/2007 | FRANCE | N°418

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre civile 1, 27 novembre 2007, 418


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE A

FV/IM

ARRET N 418

AFFAIRE N : 06/02552

Jugement du 14 Décembre 2004

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

no d'inscription au RG de première instance 03/01970

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2007

APPELANTE :

LA S.C.I. BEAUREGARD

Lieudit "Pavillon" - 49300 LE PUY SAINT BONNET

représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour

assistée de Me Hervé QUINIOU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIME ET INCIDEMMENT APPELANT :

Monsieur Bob Y.

..

...

représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour

assisté de Me Alain GAUVENT, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'a...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE A

FV/IM

ARRET N 418

AFFAIRE N : 06/02552

Jugement du 14 Décembre 2004

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

no d'inscription au RG de première instance 03/01970

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2007

APPELANTE :

LA S.C.I. BEAUREGARD

Lieudit "Pavillon" - 49300 LE PUY SAINT BONNET

représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour

assistée de Me Hervé QUINIOU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIME ET INCIDEMMENT APPELANT :

Monsieur Bob Y...

...

représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour

assisté de Me Alain GAUVENT, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2007 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 22 décembre 2006 pour exercer les fonctions de président, Madame VERDUN, conseiller ayant été entendu en son rapport, et Monsieur MARECHAL, conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 27 novembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La SCI BEAUREGARD et Bob Y... sont propriétaires de fonds contigus situés ... et ..., et qui proviennent de la division d'un ensemble immobilier unique.

Bob Y... a fait réaliser des travaux de rénovation qui auraient modifié les caractères des ouvertures existant dans la façade arrière de son habitation, ainsi que les conditions d'écoulement des eaux pluviales sur la propriété voisine.

La SCI BEAUREGARD déplorant une aggravation de la servitude d'écoulement des eaux et la création d'une servitude de jour ou de vue en infraction à l'intention manifestée par l'auteur commun, a fait assigner son voisin en suppression des ouvrages modifiés, avec remise des lieux dans leur état initial, ainsi qu'en dommages-intérêts.

Par un jugement du 14 décembre 2004, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance d'ANGERS a

- débouté la SCI de ses demandes relatives aux ouvertures, qu'il a qualifié de jours conformes aux dispositions légales puisqu'ouverts, à verre dormant et sur châssis fixe, dans un mur privatif, sans que la preuve soit apportée d'une volonté contraire de l'auteur commun,

- constaté l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux, et condamné Bob Y... à détruire le raccordement de sa gouttière à celle de la SCI et à remettre la descente d'eaux pluviales de la SCI dans son état initial, dans le mois suivant la signification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

La SCI BEAUREGARD a interjeté appel de cette décision le 8 décembre 2006. Bob Y... a formé un appel incident.

Les parties ayant conclu au fond, la clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2007.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SCI BEAUREGARD, aux termes de ses dernières conclusions, déposées le 8 octobre 2007, reprend devant la cour le moyen pris d'une servitude de non jour imposée par l'auteur commun des parties, lequel aurait obturé les ouvertures existantes dans le mur de façade arrière de l'habitation Y... par un bardage de tôles ondulées, dès 1930.

Elle estime rapporter la preuve d'une servitude de non jour par destination du père de famille, et demande donc la suppression, sous astreinte, des jours à verre dormant posés par leur voisin. Subsidiairement, elle sollicite la mise en œuvre d'une expertise.

Sur la servitude d'écoulement des eaux, elle réclame, outre la suppression du raccordement réalisé sur sa gouttière de descente, l'indemnisation des dommages provoqués par ce raccordement clandestin, qui a entraîné des inondations récurrentes du garage à vélos mis à la disposition des locataires des lieux. Elle sollicite, à ce titre, une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts.

La SCI invoque également une autre cause d'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux, par la modification de la pente de toit d'un autre bâtiment et demande qu'il soit enjoint à Bob Y... de procéder à l'installation de son propre réseau d'évacuation EP passant sur son fonds, du fait de l'impossibilité de procéder à une évacuation normale et non dommageable depuis le fonds de la SCI. Elle sollicite l'octroi d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Bob Y..., aux termes d'ultimes conclusions du 10 octobre 2007, demande la confirmation du jugement sur les servitudes de jour, en affirmant n'avoir pas aggravé la situation antérieure.

Il poursuit, en revanche, l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la suppression du raccordement de la gouttière sur le réseau d'évacuation des eaux de pluies de la SCI, raccordement créé par son auteur, M. A... en 1994, avec l'accord verbal du gérant de la SCI.

Il conteste l'existence d'une quelconque aggravation de la servitude d'égout des toits résultant de la configuration des lieux, que ni les travaux réalisés par son auteur, M. A..., ni ceux de restauration qu'incrimine la SCI, n'aurait modifiée.

Il conclut donc au rejet de l'ensemble des demandes de la SCI et sollicite l'octroi de deux indemnités de procédure de 2 000 euros chacune, l'une pour les frais irrépétibles de première instance, l'autre pour les frais d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur les jours ou vues ouvrant sur la cour de la SCI

Attendu que le procès-verbal de constat établi à la requête de la SCI le 11 mars 2002 révèle que les ouvertures litigieuses sont anciennes, très étroites et situées dans la partie haute du mur d'un bâtiment autrefois à usage de grenier, ce qui conforte le rôle d'aérateurs que leur a attribué l'huissier ; que ces ouvrages ont été obturés pendant une longue période par des plaques en tôles ondulées, retirées en 1994, lors de travaux de restauration réalisés par la SCI, propriétaire du fonds servant ;

Que celle-ci soutient que ce dispositif obturant, posé en 1930 par l'auteur commun des parties lors de la vente séparée de la partie de l'immeuble qui supporte les jours, serait révélateur d'une « servitude de non-vue ou de non-jour » par destination du père de famille, servitude passive dont elle serait recevable à demander le rétablissement par l'obturation définitive des ouvertures ;

Que, toutefois, cette analyse méconnaît la situation juridique découlant de l'état matériel des lieux ; qu'en effet, l'existence plus que trentenaire de ces ouvertures, libres de toute obturation puisque destinées à l'aération du grenier, était nécessairement constitutive d'une servitude de jour sur la cour contigue ; qu'il est constant que l'auteur commun des parties a entendu interdire l'exercice de cette servitude par la pose de tôles ondulées lors de la division de son fonds, en 1930 ; que, toutefois, cet ouvrage occultant étant aisément démontable, ne rendait pas l'exercice de la servitude définitivement impossible de sorte qu'il n'a pu entraîner son extinction par application de l'article 703 du Code civil ;

Que, dès lors, et à défaut de dispositions expresses, dans l'acte notarié de vente du 29 avril 1930, portant renonciation par l'auteur commun à la servitude de jour dont bénéficiait la partie du fonds qu'il conservait, la pose de ces tôles a eu pour seul effet de faire courir la prescription extinctive de l'article 706 du Code civil ;

Qu'en prenant l'initiative de procéder au démontage des tôles, plus de trente ans après leur installation, à l'occasion de travaux qu'elle a fait réaliser sur ses bâtiments en 1994, la SCI a renoncé sans équivoque à la prescription extinctive de la servitude de jour que le dégagement des ouvertures faisait nécessairement revivre ;

Qu'elle n'est donc pas fondée à opposer l'extinction de la servitude de jour auquel se trouve assujettie sa cour, de par l'état matériel des lieux ;

Attendu que, sur les caractères de ces jours, la cour ne peut qu'adopter les motifs pertinents desquels le premier juge a déduit qu'étant garnis d'un treillis métallique et d'un châssis fixe sur lequel est monté un matériau translucide mais opaque, ils répondaient aux exigences de l'article 676 du Code civil ; que ces caractères offrent au fonds servant des garanties de discrétion suffisante sans qu'il soit besoin de s'assurer de leur hauteur par rapport au plancher haut de l'immeuble qu'ils ne font qu'éclairer ;

Que le jugement peut donc être confirmé en ce qu'il a refusé d'ordonner l'obturation des ouvertures litigieuses, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ;

II) Sur l'écoulement des eaux de pluies

Attendu qu'il résulte de l'examen comparatif des différentes photographies produites que la gouttière, dont le tribunal a ordonné de supprimer le raccordement sur la descente d'eau pluviale de la SCI, est celle de l'ancien grenier dont les jours ouvrent sur la cour ; qu'il est constant que les eaux du toit de ce bâtiment se sont toujours déversées dans cette cour qui souffre donc d'une servitude d'égout des toits par destination du père de famille, et en toute hypothèse, plus que trentenaire ;

Attendu que Bob Y... produit en cause d'appel les attestations de son vendeur, Emile A..., et du charpentier couvreur qui, en 1994, a changé la gouttière en zinc de l'ancien grenier ; que tous deux témoignent d'abord de la préexistence du raccordement de cette gouttière sur la descente d'eaux pluviales de la SCI -et desservant principalement son bâtiment en surplomb-, ensuite de l'assentiment de son gérant, M. B..., à voir perdurer ce raccordement, qui présentait l'avantage d'éviter le ruissellement direct des eaux de pluie sur sa cour ; qu'il est ainsi démontré que le branchement litigieux existait avant 1994, ce que conforte encore les photographies de la cour pendant et après travaux (pièce no 16 de la SCI) lesquelles révèlent nettement la présence d'un chéneau en zinc traversant le toit du grenier jusqu'à une descente d'eau pluviale située dans l'angle formé par les deux bâtiments ; que les tâches sombres sur les enduits de chacun des immeubles témoignent de l'ancienneté de ce système de collection des eaux pluviales, qui n'a été modifié que par l'ajout d'une gouttière longeant le toit de l'ancien grenier ;

Qu'ainsi que l'a justement retenu le tribunal, cet ouvrage n'emporte pas aggravation de la servitude jusqu'alors supportée par le fonds de la SCI, la quantité d'eau recueillie n'ayant pas été modifiée ;

Qu'en outre, la SCI ne peut se plaindre des conditions dans lesquelles la descente d'eaux pluviales qui dessert principalement son propre immeuble, s'écoule librement sur le toit d'un appentis, servant de garage à vélos, puisqu'elle est l'auteur de cet ouvrage, sur lequel les propriétaires voisins se sont raccordés, avec son accord ;

Qu'hormis une unique photographie d'un jour de pluie où la gouttière débordait, ce qui n'est nullement révélateur d'une augmentation de la quantité d'eau que la cour aurait dû recueillir en l'absence de gouttière, la SCI ne produit aucune pièce justifiant d'un dommage qui excéderait celui qu'emporte nécessairement la servitude d'égout des toits grevant son fonds ; qu'elle ne démontre pas plus les dysfonctionnements qu'entraînerait le raccordement de la gouttière d'une des pentes du toit du voisin sur son réseau d'évacuation privé ;

Qu'ainsi, la preuve n'étant apportée ni du racccordement sauvage de la gouttière, originellement dénoncé, ni d'une quelconque aggravation de la servitude d'égout des toits grevant sa cour, la SCI ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné, sous astreinte, la suppression du raccordement de la gouttière du toit du fonds voisins ainsi que la remise en état de la descente d'eaux pluviales de la SCI ;

Attendu qu'il n'existe aucune considération d'équité qui permette de dispenser la SCI de contribuer aux frais irrépétibles que son adversaire a dû exposer pour défendre à son action injustifiée ; qu'il sera donc fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;

Le réformant,

DEBOUTE la SCI BEAUREGARD de sa demande de suppression du raccordement de la gouttière du toit de l'immeuble dépendant du fonds voisin et de ses demandes accessoires ;

La CONDAMNE à payer à Bob Y... la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF S. CHAUVEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 418
Date de la décision : 27/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers, 14 décembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2007-11-27;418 ?
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