COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE A
FV / IM
ARRET N 214
AFFAIRE N : 06 / 01193
Jugement du 19 Avril 2006
Tribunal de Grande Instance de LAVAL
no d'inscription au RG de première instance 05 / 02010
ARRET DU 5 JUIN 2007
APPELANT :
Monsieur Raymond X...
...-53200 GENNES SUR GLAIZE
(bénéficiant de l'aide juridictionnelle partielle (15 %) numéro 2006 / 004017 du 20 / 12 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)
représenté par Me VICART, avoué à la Cour
INTIMES ET INCIDEMMENT APPELANTS :
Monsieur Marcel Y...
...-53200 GENNES SUR GLAIZE
Madame Marie-Louise Z... épouse Y...
...-53200 GENNES SUR GLAIZE
représentés par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour
assistés de Me Bruno HERISSE, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Avril 2007 à 13 H 45, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 22 décembre 2006 pour exercer les fonctions de président, Madame BLOCK, conseiller, et Madame VERDUN, conseiller ayant été entendu en son rapport,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 5 juin 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte notarié du 5 octobre 1981, les époux Y... ont acquis des consorts B... un ensemble immobilier situé à GENNES SUR GLAIZE (Mayenne), route de Châtelain, comprenant notamment une maison d'habitation en partie restaurée et une « cour commune derrière avec garage et débarras », cadastrée « Le Bourg » section AB no 218 et 222.
Ce garage n'est actuellement accessible par véhicule, depuis la voie publique, qu'en traversant une cour dépendant de la parcelle AB no 460, anciennement AB no 220.
En 1993, Raymond X... a hérité de cette parcelle et revendiqué la propriété exclusive de la cour dont il a d'abord restreint l'accès au moyen d'une barrière, finissant par l'interdire totalement en faisant édifier, au mois de juillet 2000, un mur de parpaings sur l'assiette du passage jusqu'alors emprunté par ses voisins.
Après un référé possessoire, rejeté du fait d'une contestation sérieuse, les époux Y... ont, par acte d'huissier de justice du 22 octobre 2002, fait assigner Raymond X... devant le tribunal de grande instance de LAVAL en reconnaissance du caractère commun de la cour, et subsidiairement, d'une servitude de passage, légale ou conventionnelle, pour cause d'enclave du garage située sur la parcelle AB 222, sollicitant la destruction du mur.
Raymond X... a produit un écrit émanant de Marcel Y... qui l'autorisait à édifier le mur litigieux dont les époux Y... ont contesté la validité en saisissant le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile pour abus de faiblesse. Cette procédure pénale a suivi son cours et abouti, le 3 février 2005, à un jugement de condamnation de Raymond X....
L'instance civile, suspendue par un jugement de sursis à statuer, a été reprise devant le tribunal de grande instance de LAVAL lequel, par un jugement du 19 avril 2006, a reconnu le caractère commun de la cour, ordonné la suppression de tout obstacle à l'exercice par les époux Y... de leurs droits sur cette cour, dans les 15 jours de la signification de sa décision et sous astriente de 30 euros par jour de retard, et accordé aux époux Y... une indemnité de 1 500 euros en réparation de leur trouble de jouissance, le tout avec exécution provisoire.
Raymond X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 29 mai 2006. Les époux Y... ont formé un appel incident.
Les parties ont constitué avoué et conclu. La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 mars 2007.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions déposées par Raymond X... le 7 mars 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles il demande à la cour :
· d'infirmer le jugement entrepris,
· de constater la dénaturation des titres par le tribunal, la cour commune visée dans les titres respectifs correspondant manifestement à une autre parcelle que celle sur laquelle les époux Y... revendiquent des droits,
· de débouter ces derniers de leur demande subsidiaire en reconnaissance d'une servitude légale pour cause d'enclave, cette enclave résultant d'un fait volontaire à savoir la construction d'un garage sur une parcelle en nature de jardin,
· de condamner les époux Y... à lui verser une somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
· de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions déposées par les époux Y... le 10 janvier 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles ils sollicitent :
· le débouté de l'appel principal,
· l'infirmation du jugement entrepris sur leur appel incident,
· l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros en réparation de leur trouble de jouissance,
· l'octroi d'une nouvelle indemnité de procédure de 1 500 euros en cause d'appel,
· la condamnation de Raymond X... aux entiers dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que la cour commune, qui figure dans les titres respectifs des parties, y est décrite comme :
1. desservant un garage et un débarras depuis l'arrière de la partie de maison cadastrée AB 218 appartenant aux époux Y... (leur acte du 5 octobre 1981),
2. située à l'ouest et au sud d'une partie de maison anciennement cadastrée section E no 39 p et 59 p, acquise par l'auteur de Raymond X... selon acte notarié du 14 juin 1958,
3. et au nord de la remise, de l'étable et du jardin anciennement cadastrés E 38 p,40 p et 40 bis p, et objet du même acte notarié du 14 juin 1958 ;
Qu'il ressort clairement de ces indications et des documents cadastraux de l'époque que l'emprise de la cour commune se prolongeait depuis l'arrière de la partie de maison (actuellement) Y..., vers le nord-est, dans l'espace délimité :
4. au nord par la partie de maison (actuellement) X...-attenante à la partie LEROY-
5. et au sud par la remise et l'étable ;
Que l'examen comparé des extraits des plans cadastraux anciens et actuels révèlent que la remise et l'étable n'existent plus actuellement (pièce no 5 de Raymond X..., et no 1-2 / 2 des époux Y...), et que les parcelles morcellées sur lesquelles elles étaient édifiées ont été réunies au jardin qui les joignait au sud et à l'ouest, pour former une seule grande parcelle cadastrée AB 220 et actuellement AB 460, qui ne porte plus aucune trace d'une cour commune ;
Que, toutefois, ni les mentions du cadastre, qui ne valent qu'à titre de simples renseignements, ni les changements d'affectation des parcelles desservies, n'ont pu modifier le régime juridique de cette cour, institué par les titres et confirmé par l'usage partagé qu'en ont eu les propriétaires successifs jusqu'à un passé récent, ainsi qu'en attestent les nombreux témoignages produits par les époux Y..., qui évoquent une cour ou un passage commun à quatre maisons, voire une impasse (leurs pièces de première instance no 7 à 9, et d'appel no 9 à 12) ;
Qu'il s'ensuit que Raymond X... ne pouvait, sauf à racheter les droits indivis des autres propriétaires de la cour commune, se l'approprier en y installant une barrière, puis un mur ;
Que, pour ces motifs et ceux non contraires du tribunal, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a accueilli l'action en revendication des époux Y..., en constatant le caractère commun de la cour, et en ordonnant le destruction sous astreinte du mur que Raymond X... y a indûment implanté ;
Attendu que les époux Y... soutiennent, pour leur part, que l'indemnité de 1 500 euros ne réparerait pas l'intégralité du trouble de jouissance qu'ils ont subis du fait de l'appropriation indue par leur voisin de la cour commune ; qu'il est constant que le mur édifié par Raymond X... a interdit à ses voisins, nés respectivement en 1918 et 1923, d'accéder en voiture à leur garage, ce qui les a privés de l'usage normal de cette dépendance durant 5 ans ; qu'une telle voie de fait, commise au surplus dans un contexte d'abus de faiblesse pénalement sanctionné, justifie l'octroi d'une indemnité qui ne saurait être inférieure à 2 500 euros ;
Qu'enfin, il n'existe aucune considération d'équité qui permette de dispenser Raymond X... de contribuer aux frais irrépétibles que ses adversaires ont dû exposer pour défendre à son appel injustifié ; qu'il sera fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;
Le REFORMANT,
CONDAMNE Raymond X... à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros en réparation du trouble de jouissance provoqué par l'appropriation indue de la cour commune ;
Y ajoutant,
Le CONDAMNE à payer aux époux Y... une indemnité complémentaire de 1 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Le CONDAMNE aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. LEVEUF S. CHAUVEL