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11/10/2006 | FRANCE | N°4/06

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0123, 11 octobre 2006, 4/06


COUR D'APPEL D'ANGERS Procédure après détention RG N : 06/00175 Ordonnance N 4/06 du 11 Octobre 2006

ORDONNANCE

Le 11 octobre 2006, nous Elisabeth LINDEN , Premier Président de la cour d'appel d'Angers, assistée de Magali GOUBET, greffier, avons prononcé l'ordonnance suivante dans l'affaire :

Monsieur Roger X... ... Présent et assisté de Me Laure KONRAT (avocat au barreau d'ANGERS) Madame Thérèse Y... épouse X... Monsieur Christophe X... Mademoiselle Christelle X... Mademoiselle Patricia X... Madame Angèle Z... épouse X... Représentés par Me Laure KONRAT

(avocat au barreau d'ANGERS) DEMANDEURS Monsieur PROCUREUR GENERAL Près la Cour ...

COUR D'APPEL D'ANGERS Procédure après détention RG N : 06/00175 Ordonnance N 4/06 du 11 Octobre 2006

ORDONNANCE

Le 11 octobre 2006, nous Elisabeth LINDEN , Premier Président de la cour d'appel d'Angers, assistée de Magali GOUBET, greffier, avons prononcé l'ordonnance suivante dans l'affaire :

Monsieur Roger X... ... Présent et assisté de Me Laure KONRAT (avocat au barreau d'ANGERS) Madame Thérèse Y... épouse X... Monsieur Christophe X... Mademoiselle Christelle X... Mademoiselle Patricia X... Madame Angèle Z... épouse X... Représentés par Me Laure KONRAT (avocat au barreau d'ANGERS) DEMANDEURS Monsieur PROCUREUR GENERAL Près la Cour d'Appel 49000 ANGERS Présent Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR Ayant élu domicile chez Maître LE DALL Rue Joachim du Bellay 49000 ANGERS Représenté par Maître LE DALL

Après débats en chambre du conseil à la demande de Monsieur X... le 27 septembre 2006, audience au cours de laquelle nous étions assistée de Magali GOUBET, Greffier, il a été indiqué que la décision serait prononcée le 11 Octobre 2006.

I - FAITS ET PROCÉDURE

Mis en examen pour viols sur mineurs de 15 ans le 4 avril 2002 et placé sous mandat de dépôt le même jour, M. X... a été mis en liberté sous contrôle judiciaire le 11 décembre 2003.

Il a été acquitté par arrêt de la cour d'assises du Maine et Loire du 27 juillet 2005.

Par requête déposée le 20 janvier 2006, M. X... a demandé l'indemnisation du préjudice qu'il a subi tant sur le plan moral que sur le plan matériel à raison des pertes de revenus et de son licenciement suite à sa mise en détention.

Il demande en conséquence paiement de la somme de 609 545,83 euros ainsi détaillée: - 500 000 euros en réparation du préjudice moral, - 19 400 euros en réparation de la perte de sa rémunération pendant la détention, - 8 004 euros en réparation de la perte de revenus jusqu'à sa mise à la retraite, - 50 000 euros en raison de la perte d'une chance de trouver un emploi, - 23 000 euros en raison de l'incidence de la perte, puis de la diminution de ses revenus sur sa future pension de retraite, - 8 244,83 euros au titre des honoraires payés à son avocat. - 897 euros à titre d'indemnité de procédure.

Par ailleurs, invoquant le préjudice par ricochet qu'ils ont subi, sa femme et ses enfants ont demandé chacun 16 000 euros.

L'agent judiciaire du Trésor offre 25 000 euros au titre du préjudice moral, 19 400 euros au titre de la perte de salaire, 5 820 euros en réparation des conséquences de la mise en détention sur le licenciement intervenu et 897 euros à titre d'indemnité de procédure. Il s'oppose en revanche à la demande relative aux frais d'avocat qui sont sans lien avec la détention et conclut à l'irrecevabilité des demandes présentées par les proches de M. X....

Le Ministère public évalue le préjudice moral à 35 000 euros, le préjudice matériel à 19 400 euros pour les pertes de salaire, 7 000 euros pour les conséquences de l'incarcération sur sa retraite, 897 euros pour l'indemnité de procédure, soit un total de 62 297 euros.

Il conclut à l'irrecevabilité des autres demandes formées par M. X... et de celles des autres requérants.

II - MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Considérant que la requête a été établie dans les forme et délais légaux ;

Considérant que l'article 149 du code de procédure pénale énonce que la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement a droit à sa demande à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ; qu'il résulte des termes de l'article précité que seule la personne qui a subi cette détention a droit à l'indemnisation de son préjudice ; que la requête de Mme Y... épouse X..., de M. Christophe X..., et de Mmes Christelle X..., Patricia X..., Angèle Z... épouse X... est donc irrecevable;

SUR LE PRÉJUDICE MORAL

Considérant que M. X..., qui n'avait jusqu'alors jamais été incarcéré, a subi une détention de 20 mois et 7 jours à la Roche sur Yon et non à Angers où il résidait ; qu'il a été éloigné de sa famille et notamment de son épouse et de deux de ses enfants majeurs qui vivaient encore à son domicile ; que le soutien moral que sa famille pouvait lui apporter a nécessairement été altéré par cet éloignement ; que les très nombreuses lettres qu'il a écrites à son avocat pour lui demander de le "faire sortir", et lui faire part de son incompréhension face à son incarcération mettent en évidence le

désarroi moral dans lequel il est demeuré pendant sa détention ; qu'eu égard à ces éléments, à son âge de lors de l'incarcération (52 ans), aux conditions de vie difficiles qu'il a nécessairement connues en raison de la nature des faits qui lui étaient reprochés, et à la durée de la détention ( 20 mois et 7 jours ), le préjudice moral très important subi par M. X... sera réparé par la somme de 70 000 euros ;

SUR LE PRÉJUDICE MATÉRIEL

Considérant que M. X... était employé comme magasinier par la société CARREFOUR ; que du fait de la détention il n'a plus perçu sa rémunération ; que la perte de salaire de 19 400 euros n'est pas discutée ;

Considérant qu'en application de l'article 149 du code de procédure pénale, M. X... a droit à la réparation de l'intégralité du préjudice matériel qu'il a subi ; qu'il en résulte qu'indépendamment du recours pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il a exercé contre son employeur, et dès lors que le licenciement a été consécutif à la détention, M. X... dispose à l'encontre de l'Etat d'une action autonome en réparation de son préjudice; qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si la rupture du contrat de travail par l'employeur obligeait, par ailleurs, ce dernier à indemniser son ancien préposé ; qu'il est constant qu'à la suite de son arrestation et de son incarcération, M. X... a été licencié par son employeur

; que celui-ci a motivé la rupture par l' absence du salarié depuis l'arrestation, la prolongation de la détention pour une durée indéterminée et la désorganisation du rayon auquel M. X... était affecté; qu'il est ainsi établi que la mise en détention de M. X... est seule à l'origine du licenciement ;

Considérant qu'il ya donc lieu de prendre en compte les pertes de salaires subies par M. X... depuis son incarcération et, après sa libération, pendant la période nécessaire à la recherche d'un emploi, pour autant qu'il soit en mesure d'en trouver un ;

Considérant qu'il est constant que depuis son élargissement en 2003 M. X... est au chômage ; que né le 13 septembre 1949 il est aujourd'hui âgé de 57 ans ; que selon ses dernières écritures il pourra prétendre à la retraite le 21 septembre 2008 ; qu'il n'est pas contestable que compte tenu son âge, de son faible niveau de qualification il ne retrouvera pas d'emploi ; que la différence entre le montant du salaire mensuel qui était le sien et les indemnités de chômage qui seront perçues jusqu'à la retraite (58 mois ), s'élève à 8 004 euros ; qu'il n'y a pas lieu à une indemnisation complémentaire liée à l'absence d'activité professionnelle, M. X... ne pouvant obtenir un revenu de substitution supérieur à celui qui aurait été le sien s'il avait retrouvé un emploi ;

Considérant que M. X... percevra une retraite inférieure à celle qui lui aurait été versée s'il avait continué à cotiser sur son salaire et à la caisse de retraite complémentaire ; que ce préjudice sera justement réparé par la somme de 15 000 euros ;

Considérant que seuls les honoraires payés au titre des prestations directement liées à la détention peuvent donner lieu à indemnisation ; que M. X... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale pendant la durée de l'instruction ; que les honoraires qu'il a payés correspondent exclusivement à l'assistance que son avocat lui a

apportée devant la cour d'assises ; que ces honoraires ne sont pas liés à la détention mais à la mise en accusation ; que la demande ne peut donc qu'être rejetée ;

Considérant que l'agent judiciaire accepte d'indemniser M. X... à hauteur de 897 euros au titre de l'indemnité de procédure due dans le cadre de la présente instance ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement après débat s en chambre du conseil à la demande de M. X..., contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons irrecevables les demandes formées par Mme Thérèse Y... épouse X..., M. Christophe X..., et de Mesdames Christelle X..., Patricia X... , Angèle Z... épouse X....

Fixons l'indemnité due à M. X... par le Trésor public à la somme de 112 404 euros tous chefs de préjudice confondus et l'indemnité due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à 897 euros ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor public. LE GREFFIER,

LE PREMIER PRÉSIDENT, Magali GOUBET

Elisabeth LINDEN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0123
Numéro d'arrêt : 4/06
Date de la décision : 11/10/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Madame Linden, premier président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2006-10-11;4.06 ?
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