COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE (Renvoi après Cassation) IF/IL X... N 294 AFFAIRE N : 05/00691 Jugement du 06 Septembre 2001 Tribunal de Grande Instance de NANTES no d'inscription au RG de première instance : 99/06416 X... de la Cour d'Appel de RENNES du 21 janvier 2003 X... de la Cour de Cassation du 22 février 2005
X... DU 03 OCTOBRE 2006
APPELANTE : LA S.A.R.L. TECHNISYNTHESE 49110 SAINT PIERRE MONTLIMART représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoué à la Cour assistée de Christine MENAGE, avocat au barreau de PARIS INTIMEES : La Société SYSTEME U Centrale Régionale Ouest Moulin Boisseau 44470 CARQUEFOU La S.A. SYSTEME U Centrale Nationale 11 rue Georges Enesco 94000 CRETEIL représentées par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoué à la Cour assistées de Maître Geoffroy GAULTIER, avocat au barreau de PARIS La Société CELTON FRANCE 21 rue Béranger 75003 PARIS La Société CELTON LIMITED 1303 Kowloon Centre 29/43 Ashley Road HONG KONG (CHINE) représentées par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoué à la Cour assistées de Maître RENAUT substituant Maître Roland PEREZ, avocats au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2006 à 14 H 15 en audience publique, Madame FERRARI, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame FERRARI, Président de Chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Monsieur FAU, Conseiller
qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Monsieur Y... X... :
contradictoire
Prononcé publiquement le 03 octobre 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur Y..., Greffier. ]]
La société Technisynthèse fabrique et commercialise des vêtements et chaussures de sport.
Elle est titulaire de deux marques TBS :
1o - une marque nominative, calligraphiée en lettres majuscules épaisses inclinées vers la droite, déposée le 14 juin 1996 pour désigner les produits des classes 18, 25 et 28 notamment les vêtements, et enregistrée à l'INPI sous le no 96 629 948
2o - une marque semi-figurative, composée des mêmes lettres, calligraphiées pareillement, accompagnées, au-dessous, de 4 lignes parallèles de 5 points, déposée le 28 octobre 1983 pour désigner les produits des classes 18 et 25, notamment les vêtements et enregistrée à l'INPI sous le no 1 249 409
La société Technisynthèse s'est plainte de ce qu'un magasin à grande surface de Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlantique), à l'enseigne Super U, offrait à la vente des anoraks portant sur la poitrine le signe BST, calligraphié de manière analogue à ses marques.
Après avoir fait procéder à une saisie - contrefaçon le 26 novembre 1999 puis le 7 décembre 1999, elle a fait assigner en contrefaçon et en concurrence déloyale, le 9 décembre 1999 :
- la société Système U, centrale régionale ouest, fournisseur du magasin
- la société Système U, centrale nationale, vendeur intermédiaire
- et la société Celton France, importeur en France des anoraks en cause.
La société Celton limited, dont le siège est à Hong-Kong, est volontairement intervenue à l'instance en indiquant être le fabricant des articles.
Le Tribunal de grande instance de Nantes, par jugement du 6 septembre
2001, a débouté la société Technisynthèse de ses demandes aux motifs que le risque de confusion entre les signes, comme la concurrence déloyale, n'étaient pas établies.
La société Technisynthèse a relevé appel du jugement.
La cour d'appel de Rennes, le 21 janvier 2003, a confirmé le jugement. Elle a retenu que les ressemblances entre les signes n'étaient pas suffisantes pour provoquer un risque de confusion, au motif notamment que "la notoriété de la marque TBS fait que le consommateur l'identifie aisément et la distingue d'un trio de mêmes lettres, dont l'ordre différent à une incidence phonétique immédiatement perceptible".
La société Technisynthèse a formé un pourvoi.
La Cour de cassation, le 22 février 2005, a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions, pour violation de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, dès lors que "la notoriété de la marque est un facteur pertinent de l'appréciation du risque de confusion en ce qu'elle confère à cette marque un caractère distinctif particulier et lui ouvre une protection étendue, lesquels ne peuvent lui être déniées en raison de cette notoriété même".
L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel d'Angers.
La cour de renvoi a été saisie le 16 mars 2005, par la société Technisynthèse, appelante du jugement.
LA COUR,
Vu les dernières conclusions du 7 mars 2006, par lesquelles la société Technisynthèse, poursuivant la réformation du jugement en ses dispositions défavorables, demande à la cour, avec des mesures d'interdiction, suppression et de publication, de condamner in solidum les 4 sociétés intimées à lui payer deux indemnités de 75 000 ç, l'une au titre de la contrefaçon, l'autre au titre de la concurrence déloyale, outre 30 000 ç pour les frais de procédure ;
Vu les dernières conclusions du 19 janvier 2006, par lesquelles les sociétés Système U demandent à la cour de confirmer le débouté des demandes de l'appelante, leur allouer une indemnité de procédure, subsidiairement condamner in solidum les sociétés Celton France et Celton limited à les garantir des condamnations prononcées contre elles et à leur payer une indemnité de procédure ;
Vu les dernières conclusions du 7 mars 2006, par lesquelles les sociétés Celton France et Celton limited, demandent à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la société Technisynthèse à leur payer une indemnité de procédure ;
SUR CE,
Sur la contrefaçon
Attendu que la société Technisynthèse fonde sa demande sur les dispositions de l'article L. 713-3, b, du Code de la propriété intellectuelle qui interdit l'imitation d'une marque pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, s'il peut en résulter un risque de confusion ;
Que les parties s'opposent sur le risque de confusion avec les marques TBS qui découlerait de l'apposition du signe BST ;
Attendu que le signe BST incriminé, souligné par la dénomination "Boston sport" écrite en tout petit caractère, figure sur une étiquette rectangulaire apposée sur le devant des anoraks ;
Attendu que la société Celton limited dit exploiter la marque BST avec l'autorisation de la société Boston market qui en est propriétaire ;
Attendu que les intimées se prévalent de ce qu'il a déjà été jugé entre la société Technisynthèse, qui agissait en contrefaçon de sa marque semi-figurative no 1 249 409, et la société Boston market, titulaire de 3 marques complexes BST, qu'il n'existait pas de risque de confusion entre les lettres TBS et BST composant les marques
respectives des parties (arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 1997, devenu définitif par rejet du pourvoi le 18 mai 1999) ;
Qu'elles invoquent aussi l'arrêt qui a jugé qu'il n'y avait pas de risque de confusion entre la marque dénominative TBS no 96 629 948 et le signe BS (arrêt de la cour d'appel de Rennes du 3 octobre 2000, devenu définitif par rejet du pourvoi le 26 novembre 2003) ;
Attendu que les intimées soutiennent que, pour les motifs retenus par la première décision visée, tenant à l'inversion de la lettre T, qui entraîne une différence visuelle entre les signes ainsi qu'une différence phonétique sensible sur la lettre d'attaque, le risque de confusion pour un acheteur d'attention moyenne, n'ayant pas les deux signes en même temps sous les yeux, est exclu ;
Mais attendu que les signes aujourd'hui en conflit, qui sont distincts de ceux ayant fait l'objet des précédents judiciaires, servent à désigner des produits identiques, à savoir des vêtements sur lesquels ils sont apposés ;
Attendu que le signe TBS, totalement arbitraire pour désigner des vêtements, au graphisme particulier, possède une pouvoir distinctif certain ;
Que ce caractère distinctif est d'autant plus fort que la marque semi-figurative et dénominative TBS est notoire auprès du grand public dans le secteur des vêtements de sport, comme l'établit la société Technisynthèse qui justifie de l'importance, en nombre et renommée, des points de vente distribuant les produits marqués, de l'étendue en France et à l'étranger de leur diffusion, de la quantité des produits vendus dans le secteur de l'habillement, de l'importance des campagnes publicitaires et des articles de presse qui leur sont consacrés ;
Attendu que le sigle TBS comme le sigle BST est composé d'une suite
des trois mêmes lettres ;
Qu'il en résulte une similitude visuelle et phonétique ; que, même si la lettre T, en tête, est déplacée en finale et que, de ce fait, la prononciation mentale de l'attaque varie du "té" au "bé", le son BS demeure ;
Attendu que, pour chacun des signes, la calligraphie des lettres est identique, c'est-à-dire en majuscule, en caractère très gras, penchées sur la droite ;
Attendu qu'en raison de ces ressemblances l'impression d'ensemble produite crée un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen, d'autant plus grand que les marques TBS sont renommées, lequel consommateur n'est pas seulement conduit à associer les signes mais à leur attribuer une origine commune ;
Que les intimées invoquent les différences qui tiennent à : - l'inversion de la lettre T, - l'encadrement du sigle BST dans le rectangle de l'étiquette, - l'inscription accessoire "Boston sport" - l'absence des lignes de points
Que ces éléments passent cependant inaperçus aux yeux de l'acheteur potentiel qui n'a pas les deux signes en même temps sous les yeux et qui ne retient que la suite des 3 lettres très épaisses mises en relief, lesquelles accrochent le regard, sans prêter attention à la place du T et aux autres éléments non marquants des signes ;
Qu'en outre, les différences invoquées relativement aux boucles du B du signe BST ou à l'effilochure des lettres sur la gauche sont quant elles si insignifiantes qu'elle sont imperceptibles pour le public d'attention moyenne ;
Attendu que la contrefaçon par imitation des deux marques TBS est dès lors caractérisée ;
Sur la concurrence déloyale
Attendu qu'en outre, les intimées, en mettant sur le marché des
anoraks matelassés BST en taille enfant, présentant des similitudes avec les modèles pour adulte diffusés par la société Technisynthèse, dans la même gamme de couleurs, de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, profitant ainsi des efforts de la société appelante et de la notoriété de ses marques pour diffuser une production à un moindre coût, ont commis une faute caractérisant la concurrence parasitaire ;
Sur la réparation
Attendu que les actes de contrefaçon et de parasitisme commis par les intimées ont porté atteinte aux droits de la société Technisynthèse sur les marques dont elle est titulaire ; qu'ils banalisent ces marques, dont la valeur attractive, donc commerciale, est
Attendu que les actes de contrefaçon et de parasitisme commis par les intimées ont porté atteinte aux droits de la société Technisynthèse sur les marques dont elle est titulaire ; qu'ils banalisent ces marques, dont la valeur attractive, donc commerciale, est diminuée ; qu'ils ont entraîné en outre un préjudice commercial pour l'appelante ; qu'au regard du volume des livraisons effectuées par la société Celton France (17 700 pièces) et du faible prix de vente de la marchandise bas de gamme contrefaisante, mais aussi du fait que la société Technisynthèse ne commercialise pas de vêtements pour enfants, le préjudice ainsi subi par la société Technisynthèse sera réparé par l'allocation d'une indemnité limitée, toutes causes confondues, à 60 000 ç ;
Attendu que des mesures de publication et de suppression seront ordonnées à titre de dommages-intérêts complémentaires ; qu'il sera fait droit dans les termes du dispositif aux mesures d'interdiction demandées ;
Sur la demande en garantie
Attendu que les sociétés Celton France et Celton Limited n'opposent
aucun moyen en défense à la demande en garantie formée contre elles par les sociétés Système U, sur le fondement des conditions générales du contrat de vente qui lient deux d'entre elles, en date du 8 janvier 1999, et de l'engagement pris à leur égard par la société Celton Limited le 23 février 2000 ;
Que la demande sera dès lors accueillie ; ]]
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de remboursement présentées par l'appelante, concernant les sommes payées en vertu du jugement et de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, dès lors que l'arrêt de cassation et le présent arrêt d'infirmation valent titres de restitution ;
Attendu qu'en vertu de l'article 639 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel de renvoi doit statuer sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond ; que les intimées, qui succombent entièrement, seront condamnées in solidum aux dépens et supporteront les frais de procédure de l'appelante ; que les autres demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile seront écartées ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant sur renvoi après cassation, publiquement et par arrêt contradictoire,
Réformant le jugement déféré (Nantes, 6 septembre 2001), sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de la société Celton Limited,
Dit que les sociétés Système U centrale régionale Ouest, Système U centrale nationale, Celton France et Celton limited se sont rendues coupables de contrefaçon de marques au préjudice de la société Technisynthèse ;
Leur interdit tout usage de la dénomination BST contrefaisant les marques TBS no 96 629 948 et 1 249 409 appartenant à la société
Technisynthèse, sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt;
Dit que chaque infraction s'entend de la détention, l'offre à la vente et la vente de tout article vestimentaire sous la dénomination BST contrefaisant les marques TBS ;
Ordonne la suppression des étiquettes comportant la dénomination contrefaisante BST, en litige, sur les vêtements, sous astreinte provisoire de 500 ç par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification de l'arrêt ;
Condamne in solidum les sociétés Système U centrale régionale Ouest, Système U centrale nationale, Celton France et Celton limited à payer à la société Technisynthèse la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Autorise la société Technisynthèse à faire publier l'arrêt en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix -les éditions régionales d'un même titre ne comptant que pour une publication-, aux frais in solidum des sociétés Système U centrale régionale Ouest, Système U centrale nationale, Celton France et Celton limited, sans que le coût total des insertions ne puisse excéder 10 000 euros hors taxe ;
Condamne in solidum les sociétés Système U centrale régionale Ouest, Système U centrale nationale, Celton France et Celton limited à payer à la société Technisynthèse la somme de 10 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
Condamne in solidum les société Celton France et Celton limited à garantir les sociétés Système U centrale régionale Ouest et Système U centrale nationale de toutes les condamnations prononcées contre elles au profit de la société Technisynthèse ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne in solidum les sociétés Système U centrale régionale Ouest, Système U centrale nationale, Celton France et Celton limited aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des actes de saisie-contrefaçon et les dépens afférents à l'arrêt cassé ; Autorise le recouvrement des dépens exposés devant la cour d'appel d'Angers dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT D. Y...
I.FERRARI