COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B GT/SM ARRÊT N 119 AFFAIRE N :
05/00519 Jugement Jaf du 27 Janvier 2005 Tribunal de Grande Instance du MANS no d'inscription au RG de première instance 03/03827
ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2006
APPELANTE : Madame Odette X... épouse Y... née le 24 Novembre 1928 à REQUEIL (72) 3 avenue de Tours 72500 CHATEAU DU LOIR représentée par Maîte VICART, avoué à la Cour assistée de Maître HERON, avocat au barreau du MANS. INTIMÉ : Monsieur Roger Y... né le 16 Mars 1927 à VOUVRAY SUR LOIR (72) Chez Madame Z... veuve A... 176 rue de Maillets 72000 LE MANS représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assisté de Maître BOUCHERON, avocat au barreau du MANS. COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2006 à 14 H 00, en audience en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur TRAVERS, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur DELÉTANG, président de chambre
Monsieur TRAVERS, conseiller
Monsieur B..., vice-président placé Greffier lors des débats : Madame PRIOU, ARRÊT : contradictoire
Prononcé publiquement le 13 février 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement
avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELETANG, président, et par Madame PRIOU, greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Roger Y... et Madame Odette X... se sont mariés le 14 septembre 1946 à REQUEIL (72), sans contrat préalable, et de leur union sont nés huit enfants qui sont tous majeurs.
Après ordonnance de non-conciliation en date du 18 décembre 2003, Monsieur Y... a fait assigner le 12 février 2004 son épouse en divorce pour rupture de la vie commune.
Par jugement du 27 janvier 2005, le juge aux affaires familiales du MANS a déclaré la demande en divorce recevable, prononcé le divorce des époux Y... - X... sur le fondement de l'article 237 du Code civil, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, débouté Madame Y... de sa demande de pension alimentaire, autorisé celle-ci à faire usage du nom de son mari après le prononcé du divorce, donné acte à l'intéressée de ce qu'elle se réserve de solliciter devant le juge de la liquidation du régime matrimonial l'application des articles 1442 et 262-1 du Code civil, condamné Monsieur Y... à lui payer la somme de 1 200 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Madame Y... a relevé appel de cette décision. Monsieur Y... a formé appel incident.
Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2005.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions de Madame Y... du 14 décembre 2005, aux termes desquelles, poursuivant l'infirmation du jugement déféré,
elle demande à la Cour :
- de déclarer Monsieur Y... non recevable en sa demande en divorce, ainsi qu'en ses autres demandes, fins et conclusions, faute de justifier de l'indication dans sa requête des moyens par lesquels il proposait d'exécuter ses obligations envers elle et, pour le cas où il aurait offert de lui verser une pension mensuelle de 10 ç, en raison du caractère purement symbolique de cette offre ;
- subsidiairement de l'y dire mal fondé, pour cause de conséquences d'une exceptionnelle dureté tant sur le plan matériel que moral et physique, étant âgée de 77 ans et mariée depuis 60 ans ;
- plus subsidiairement, de lui accorder à titre de pension alimentaire l'usufruit de l'intégralité des biens communs et de le liquider à la somme de 150 000 ç qui pourra être réglée lors de la liquidation du régime matrimonial ;
- de dire qu'elle conservera l'usage du nom patronymique de son époux ;
- de lui donner acte de ce qu'elle se réserve de solliciter devant le juge de la liquidation du régime matrimonial l'application des articles 1442 et 262-1 du Code civil ;
- de condamner Monsieur Y... à lui payer 2 000 ç au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de Monsieur Y... du 14 décembre 2005, aux termes desquelles, intimé, formant appel incident, il demande à la Cour :
- de débouter son adversaire de son appel et de l'ensemble de ses demandes ;
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de déclarer Madame Y... irrecevable, subsidiairement mal fondée, en sa demande d'usage du nom marital et de l'en débouter ainsi que de sa demande d'indemnité de procédure ;
- de la condamner à lui verser la somme de 3 000 ç par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
MOTIFS
A) Sur le divorce
- sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l'ancien article 239 du Code civil, applicable en la cause, l'époux qui demande le divorce pour rupture de la vie commune en supporte toutes les charges. Dans sa demande, il doit préciser les moyens par lesquels il exécutera ses obligations à l'égard notamment de son conjoint.
En l'espèce, il résulte de la requête initiale en divorce, jointe au dossier de la Cour, que Monsieur Y... avait proposé de verser à son épouse au titre du devoir de secours une somme de 10 ç par mois. Si ce montant est peu élevé, il ne peut néanmoins être tenu pour symbolique, dès lors que, suivant l'ordonnance de non-conciliation, Madame Y... elle-même a indiqué qu'ayant des ressources supérieures à celles de son mari, elle ne présentait aucune demande au titre du devoir de secours.
La demande de Monsieur Y... doit donc être déclarée recevable.
- sur son bien fondé
C... n'est pas contesté que les époux vivent séparés depuis 1994, soit depuis plus de six ans.
Madame Y... invoque toutefois les dispositions de l'ancien article 240 du Code civil, applicable à l'espèce, selon lequel le juge peut rejeter la demande si l'époux défendeur établit que le divorce aurait pour lui des conséquences matérielles ou morales d'une exceptionnelle dureté.
En ce qui concerne les conséquences matérielles, elle fait valoir que
l'essentiel de ses revenus est constitué par les revenus du patrimoine commun, qu'elle gère seule depuis plusieurs années, et qu'elle se trouverait à l'âge de 77 ans et après 59 ans de mariage dans une situation financière catastrophique si le divorce était prononcé, car elle ne serait pas en mesure de racheter quoi que ce soit à la communauté.
Cette déclaration toutefois est en contradiction avec ses déclarations de revenus, puisqu'il en ressort que les immeubles donnés en location ont généré en réalité un déficit de 5 920 ç en 2002, de 3 654 ç en 2003 et de 5 344 ç en 2004. Elle aura par ailleurs droit à la moitié de la communauté, dont elle évalue le seul usufruit, sans en justifier, à 150 000 ç.
En ce qui concerne les conséquences morales, elle fait valoir, en invoquant ses convictions religieuses, qu'elle est à ce point affectée par la demande en divorce qu'elle doit être médicalement suivie et a dû être hospitalisée du 9 au 19 avril 2005.
A l'appui de ses dires, elle produit des pièces médicales et des attestations, qui établissent qu'elle est très fragile sur le plan psychique et qu'elle vit douloureusement cette procédure, même si la séparation remonte à onze ans. Elle verse également aux débats des courriers de Monsieur Y..., qui participent, par leur caractère injurieux, à sa perturbation. Ces pièces en revanche ne démontrent pas que le prononcé du divorce est de nature à entraîner pour elle des souffrances dépassant la commune mesure de celles que le divorce entraîne habituellement. Notamment, le certificat médical du 6 février 2004, établi en termes généraux et au conditionnel, est insuffisant à rapporter cette preuve, alors que celui du 20 avril 2005 révèle qu'après dix jours d'hospitalisation, il n'a rien été noté de particulier au point de vue clinique.
C... convient en conséquence de rejeter l'exception soulevée par Madame
Y... et de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé le divorce des époux sur le fondement de l'ancien article 237 du Code civil.
B) Sur les conséquences du divorce
- sur la pension alimentaire
Madame Y... réclame à titre de pension alimentaire l'usufruit de l'intégralité des biens communs, qu'elle évalue à 150 000 ç. Monsieur Y... s'y oppose.
Selon les pièces versées aux débats, la situation des parties est la suivante :
- Monsieur Y... a déclaré en 2002 des pensions de 575 ç par mois et des revenus fonciers de 149 ç par mois, soit au total de 724 ç. C... règle un loyer résiduel de 228 ç et partage les charges de la vie courante avec sa concubine. C... présente des problèmes de santé.
- Madame Y... a déclaré quant à elle des pensions de 925 ç par mois en 2002 et de 957 ç par mois en 2004, ses revenus fonciers étant absorbés par ses charges. Elle supporte des frais d'assurances à hauteur d'une somme totale de l'ordre de 126 ç par mois, concernant pour partie des biens loués. Elle est elle-même de santé fragile.
C... résulte de ces éléments que la situation de Madame Y... est meilleure que celle de Monsieur Y... C... y a lieu en conséquence de la débouter de sa demande de pension alimentaire.
- sur l'usage du nom marital
Madame Y... a le droit de conserver l'usage du nom de son mari en application de l'ancien article 264 alinéa 2 du Code civil, dès lors que celui-ci a demandé le divorce pour rupture de la vie commune. Le jugement sera confirmé.
- sur la liquidation du régime matrimonial
Le jugement sera également confirmé sur ce point qui se limite à un
donné acte.
- sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité ne commande pas d'allouer une indemnité de procédure à Madame Y..., qui succombe sur l'essentiel.
C... n'y a pas lieu non plus à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Monsieur Y..., compte tenu du fondement du divorce et du rejet de sa demande afférente au nom.
Chacune des parties échouant partiellement en ses prétentions, il y a lieu de dire que chacune conservera la charge des dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la procédure d'appel. PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ; LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT D. PRIOU
B. DELÉTANG